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AG/PAL/1086

CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE

30/04/2008
Assemblée généraleAG/PAL/1086
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RÉFUGIÉS DE PALESTINE


Débat sur l’existence juridique d’un droit au retour et sur la nécessité d’un processus politique vu comme seul gage de solution


(Publié tel que reçu)


PARIS, 30 avril -- La seconde journée de la Conférence internationale sur les réfugiés de Palestine s’est ouverte ce matin sur la question du droit au retour en regard du droit international qui, a expliqué une juriste, ne constitue pas un droit collectif reconnu et qui doit par conséquent aussi être promu par un processus politique.  Face à l’intransigeance prêtée à Israël, un intervenant a fait valoir l’utilité de s’inspirer du boycottage international de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid pour faire pression sur l’État hébreu.


Par ailleurs, un Membre du Sénat de Jordanie d’origine palestinienne, a apporté son témoignage concret sur le rôle de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA) en soulignant le rôle irremplaçable de cette agence, notamment dans l’éducation des jeunes Palestiniens.  Comme d’autres intervenants, il s’est toutefois inquiété de la sévère austérité budgétaire qui limite de plus en plus l’action de l’UNRWA, alors que parallèlement le nombre de réfugiés s’accroît indéfiniment.


Sylviane de Wangen, juriste pour la Plateforme française des ONG pour la Palestine (Paris), a estimé que la majorité des réfugiés palestiniens d’aujourd’hui étaient nés dans un pays étranger et qu’ils « ne peuvent pas, au regard du droit international, se réclamer d’un droit individuel au retour dans un pays où ils ne sont pas nés, où ils n’ont jamais vécu, dont ils n’ont pas la nationalité et qui ne veut absolument pas d’eux ». Elle a ensuite expliqué le paradoxe selon lequel les juifs jouissaient à l’inverse d’un droit au retour pour la simple raison que l’État hébreu, créé à la suite d’une décision de l’ONU, a souverainement inscrit dans son droit une « loi du retour ».  La Palestine pourra donc faire de même à condition qu’elle ait un jour un État.


Pour la juriste française, la revendication palestinienne d’un droit au retour doit se régler de manière plus politique que juridique.  Elle a ainsi observé que des solutions avaient été ébauchées par les deux parties lors de négociations passées, en particulier à Taba en 2001.  Concrètement, un nombre très limité de réfugiés seraient admis à se réinstaller en Israël. Quant aux autres, ceux qui le souhaitent rentreraient dans l’éventuel État palestinien, la majorité restant probablement dans leur pays d’accueil actuel; enfin certains pourraient émigrer dans un pays tiers.


Lors du débat qui a suivi, M. Usama Halabi, avocat à Jérusalem, a exprimé sa crainte que la thèse de Mme de Wangen soit mal interprétée: « Non, a-t-il lancé, le droit n’a pas disparu en tant que tel! ».  Il avait souligné auparavant lors de son exposé qu’il existait suffisamment de textes et de résolution garantissant un droit au retour.  Le problème, a-t-il ajouté, est d’en « convaincre » la partie israélienne afin qu’elle mette fin à l’occupation pour permettre la création de l’État palestinien, condition sine qua non d’un éventuel retour.


PLÉNIÈRE II


MAZEN MASRI, Conférencier et doctorant, faculté de droit d’Osgoode Hall, Université York de Toronto, a évoqué les solutions envisageables pour contraindre Israël à accepter le retour des réfugiés, ceux de 1967 en particulier, notamment en examinant l’expérience tirée des mesures d’embargo prises par la communauté internationale pour l’abolition de l’apartheid.  Il a d’abord constaté que « le paradigme de deux États » perdait peu à peu de sa crédibilité, alors que le retour des réfugiés ne peut être réellement envisagé que dans le cadre d’un État palestinien.


S’appuyant sur un avis du rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, l’orateur a estimé que les pratiques israéliennes pouvaient s’apparenter à l’apartheid en vigueur jusqu’en 1994 en Afrique du Sud.


Les réfugiés palestiniens, comme tous les autres réfugiés, devraient jouir des mêmes droits reconnus internationalement, a-t-il noté, notamment en matière d’aide, de protection ou de liberté de mouvement.  Concernant le retour, celui-ci est prévu par la Résolution 194, non mise en œuvre depuis 60 ans, a-t-il rappelé.  L’Assemblée générale des Nations Unies a voté par ailleurs un certain nombre de textes et créé des agences telles que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA).  Ces garanties n’ont pas empêché une certaine vulnérabilité et un manque de protection adéquat comme cela s’est vu avec la destruction du camp de Nahr El-Bared au Liban, ou avec la situation dramatique des Palestiniens fuyant l’Iraq, a noté l’orateur.


Les garanties offertes par la Charte de l’ONU en matière de droits de l’homme, de justice et de paix font des Nations Unies l’instance légitimement privilégiée pour la protection des réfugiés.  Pourtant aucun progrès n’a été accompli de manière durable.  Cela est dû, selon M. Masri, au refus d’Israël concernant cette question et à l’absence de pression des pays occidentaux sur ce pays.  L’expérience de la communauté internationale avec l’apartheid érigé en système en Afrique du Sud pourrait servir d’exemple.  L’Assemblée générale de l’ONU avait notamment demandé à ses membres de ne pas entretenir de liens avec des pays ayant institutionnalisé le racisme comme c’était le cas avec l’apartheid, a rappelé M. Masri.  L’Afrique du Sud s’était aussi vu refuser l’admission à un certain nombre d’organisations internationales.


LEX TAKKENBERG, Responsable des services juridiques et déontologue au Département des affaires juridiques de l’UNRWA à Jérusalem, a rappelé que cette agence avait débuté ses opérations en 1950.  Le mandat de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA) a évolué avec le temps, se concentrant d’abord sur la santé et sur l’éducation, puis sur la microfinance et enfin en s’orientant vers le concept du « développement humain ».  Mais il ne suffit pas d’être en bonne santé, d’avoir une instruction et des qualifications pour accéder à ce développement humain, a-t-il remarqué. 


L’orateur a ensuite examiné l’action de l’UNRWA en matière de santé, ainsi que des questions comme l’accès à l’eau potable dans les camps.  Les réfugiés les plus vulnérables reçoivent une attention particulière, a-t-il assuré.  Concernant le programme de microfinance de l’agence, 120 000 prêts ont été accordés pour un montant de 126 millions de dollars américains, afin de permettre aux bénéficiaires de développer une activité autonome.


Toutefois, a-t-il mis en garde, le sous-financement chronique de l’agence a entraîné une « érosion » des services fournis.  L’orateur a évoqué une « crise de qualité » dans la bande de Gaza, due non seulement à la situation de guerre larvée sur le terrain mais aussi aux ressources insuffisantes de l’UNRWA.  Celle-ci a entrepris un programme de rationalisation et de réforme pour améliorer son efficacité, programme qui a incité les donateurs à se montrer plus généreux.  Mais sans des contributions financières supplémentaires, l’agence devra faire des choix douloureux et plus tôt que prévu, a averti M. Takkenberg.


Evoquant l’évacuation totale du camp de Nahr El-Bared, il a souligné que sa reconstruction devait être le projet le plus important de l’UNRWA au Liban, une prochaine conférence des donateurs étant prévus à cette fin.  L’orateur a ensuite examiné la situation dans les territoires occupés, il a décrit une situation extrêmement difficile et évoqué l’impact « dévastateur » de la construction de la barrière de sécurité.  Les restrictions de déplacement perturbent non seulement la vie des habitants mais réduisent aussi l’accès des organisations humanitaires aux populations dans le besoin, a-t-il expliqué.


Au sujet de Gaza, il a rappelé que 80% de la population de ce territoire était constituée de réfugiés.  Il a déploré la « disproportion » des répliques militaires israéliennes.  Si la crise à Gaza est humanitaire dans ses effets, il est tout à fait clair que la solution se situe uniquement dans une action politique courageuse, a souligné Lex Takkenberg.


La réalisation du droit à l’autodétermination par la création d’un État de Palestine est au cœur de la quête palestinienne de justice, a-t-il conclu. Et une solution durable pour les réfugiés palestiniens exige que la responsabilité de leur sort soit admise et leurs droits reconnus.


RASMI KHADER ALMALLAH, Membre du Sénat de Jordanie, a, en tant qu’ancien résident du camp d’Irbid, offert son témoignage de l’action de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés dans le Proche-Orient (UNRWA) en décrivant de manière concrète les services essentiels fournis par l’agence à 4,5 millions de personnes.  L’augmentation de la population de réfugiés entraîne une dégradation de ses conditions de vie.  À cela, s’ajoute le chômage et l’augmentation du prix des produits de base, a-t-il dit.


Si les réfugiés vivent désormais dans des logements en dur, et non plus dans des maisons en pisé ou dans des tentes comme au départ, ces habitations sont souvent insalubres et inadaptées.


En matière d’éducation, l’insuffisance d’établissements scolaires entraîne la « double vacation » dans 95% des établissements scolaires de l’UNRWA, la moitié des élèves ayant cours le matin, l’autre moitié l’après-midi.  En outre, les écoles sont surchargées avec une cinquantaine d’élèves par classe.


Concernant la santé, les dispensaires manquent de capacités et de moyens médicaux.  Un médecin traite en moyenne de 130 à 150 patients par jour. Quant aux services sociaux, si l’UNRWA offre une aide alimentaire, celle-ci a dû être réduite et réservée aux personnes en grande détresse, ces cas représentant environ 5% de la population des réfugiés.  Ces services destinés aux veuves, aux orphelins, aux personnes âgées ne sont fournis qu’une fois tous les trois mois et ne représentent que 10 dollars par individu.


L’UNRWA a donc cruellement besoin de l’appui matériel des pays donateurs, a souligné l’orateur qui a fait une longue énumération des améliorations nécessaires.  Par ailleurs, malgré le programme de réforme mis en œuvre par l’agence pour améliorer son fonctionnement, « les réfugiés n’ont pas le sentiment que des progrès notables aient été accomplis au regard de la qualité des prestations qui leur sont offertes », a souligné M. Khader Almallah.  Il a toutefois fait part de la gratitude des réfugiés qui apprécient « à leur juste valeur » les services fournis par l’agence.  Citant son propre exemple, il a expliqué que l’UNRWA avait permis à nombre de réfugiés d’entreprendre des études supérieures et d’obtenir des diplômes universitaires après avoir vécu dans les camps et fréquenté les établissements scolaires de l’Office ».


M. Khader a enfin évoqué le problème des réfugiés de Gaza venus en Jordanie et ne pouvant prétendre à la naturalisation, ainsi que ceux qui ont perdu la nationalité jordanienne après la rupture des liens entre les deux rives du Jourdain.  Leur situation devrait l’objet d’un plus grand intérêt, a-t-il conclu.


SYLVIANE DE WANGEN, juriste pour la Plateforme française des ONG pour la Palestine (Paris), qui s’exprimait en son nom personnel, a souligné dans son exposé que la question des réfugiés palestiniens, et particulièrement celle du droit au retour, était devenue d’une grande complexité sur le plan du droit, son règlement étant au moins autant d’ordre politique que juridique.  En outre, le droit ne règle pas tout et il convient de ne pas le confondre avec la justice et la morale, a-t-elle souligné avant d’ajouter qu’il ne fallait pas demander au droit ce qu’il ne pouvait donner: « Cet outil indispensable ne remplace pas la lutte politique et la négociation. »


Si le droit au retour est un des droits humains fondamentaux, celui-ci rencontre toutefois des limitations, a-t-elle noté. Il s’agit d’un droit individuel, attaché à la personne, et donc naturellement limité dans le temps.  Ainsi, une bonne partie des réfugiés d’aujourd’hui, descendants de Palestiniens nés sur la terre de l’actuel État d’Israël, sont néanmoins nés dans un pays étranger.  Ils « ne peuvent pas, au regard du droit international, se réclamer d’un droit individuel au retour dans un pays où ils ne sont pas nés, où ils n’ont jamais vécu, dont ils n’ont pas la nationalité et qui ne veut absolument pas d’eux », a souligné l’oratrice.  Ce qui signifie que d’un point de vue juridique, le droit au retour en Israël des réfugiés palestiniens concerne peu de personnes et que leur nombre va s’éteindre.


Mme de Wangen a ensuite expliqué pour quelle raison les juifs avaient le droit de retourner de la Palestine historique, alors que la majorité d’entre eux n’y avaient aucune attache directe.  Israël, État créé à la suite d’une décision de l’ONU et qui est le seul membre de l’Organisation à ne pas avoir défini ses frontières, a en effet inscrit dans son droit interne en 1950 la fameuse loi du retour.  L’oratrice a toutefois ajouté le commentaire suivant: « Si le droit international admettait le droit de s’installer à un endroit pour des raisons prétendument ‘historiques’, c’en serait fini de l’aspiration à la paix. »


En résumé, il n’y a donc pas de droit collectif au retour inscrit dans le droit international selon elle, ce qui signifie que la revendication palestinienne d’un droit au retour pour tout un peuple doit se régler de manière plus politique que juridique.  Elle a observé que des solutions avaient été ébauchées lors des négociations de Taba en 2001 et par l’Initiative de Genève.  Selon Sylviane de Wangen, « une combinaison des textes de Taba et de Genève pourrait être la base d’un règlement pour des millions d’êtres humains qui en ont assez d’attendre et veulent vivre ».  Selon cette hypothèse, un certain nombre de réfugiés seraient admis à aller en Israël, ceux qui le souhaitent rentreraient en Palestine, la plupart resteraient dans leur pays d’accueil et enfin certains pourraient demander à émigrer dans un pays tiers.


USAMA HALABI, avocat, chercheur en droit (Jérusalem), a d’abord expliqué qu’il classait comme territoires occupés la Cisjordanie, Jérusalem Est mais aussi la bande de Gaza en état de siège.  L’orateur a ensuite présenté les diverses définitions légales concernant le statut de « personne déplacée » par les guerres de 1948 et 1967, y compris la définition d’Israël qu’il a qualifiée de « minimaliste ».


Selon les estimations qu’il a présentées, quelque 430 000 personnes, soit un tiers de la population, ont été déplacées par la guerre des Six Jours en 1967, dont plus de 193 000 l’étaient pour la deuxième fois.  Les estimations israéliennes font état pour leur part d’environ 200 000 personnes déplacées en 1967.  En 2007, quarante ans plus tard, le nombre total de réfugiés de 1967 approchait le million (950 222).


L’orateur a ensuite fait état du nombre de logements détruits par l’occupant dans les territoires occupés - de l’ordre de 12 000, pour défaut de permis de construire - et évoqué les 6 500 personnes « déportées », en raison notamment de la construction de colonies juives et de la construction de la barrière de séparation.  Dans la région de Jérusalem, l’apparition de cette fortification entraîne le déplacement d’habitants arabes de la ville, titulaires d’un droit de résidence mais qui sont rattachés d’office à la Cisjordanie.


Concernant la question du regroupement familial, celui-ci est extrêmement difficile, voire impossible, du fait de la politique israélienne, les requêtes prenant au moins sept ans.  M. Halabi a aussi noté que les Palestiniens ayant obtenu des titres de séjour à l’étranger se voient alors privées du droit de résider dans leur région d’origine.  L’avocat a aussi cité le cas d’un client ne pouvant obtenir de permis de séjour à Jérusalem alors qu’il est marié avec une résidente de la ville et qu’il a des enfants avec elle.  S’il ne veut pas se séparer de sa famille, l’alternative serait que l’épouse et les enfants s’installent en Cisjordanie avec lui, ce qui annulerait alors le permis de séjour de cette dernière à Jérusalem.


Concernant le droit de retour des réfugiés sur leur terre, M. Halabi a souligné qu’il existait suffisamment de textes et de résolution garantissant un tel droit aux Palestiniens, le problème étant d’en « convaincre » la partie israélienne.  Si la chose est compliquée pour les réfugiés de 1948, elle l’est beaucoup moins pour ceux de 1967, a-t-il noté.  Le problème se complique toutefois du fait qu’à ce jour il n’existe aucun moyen de créer un État en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, certains responsables Israéliens se disant disposés à céder seulement 60% de ces territoires.  Si ce point, a conclu M. Usama Halabi, peut sembler éloigné du sujet de la conférence, il y a lieu néanmoins de considérer que le droit au retour est étroitement lié à la question de l’État à créer.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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