L’ASSEMBLÉE DÉBAT DU CONCEPT DE « SÉCURITÉ HUMAINE » ET DE LA PERTINENCE DE SON INTÉGRATION DANS LES TEXTES RELATIFS AU DÉVELOPPEMENT, À LA SÉCURITÉ ET AUX DROITS DE L’HOMME
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Assemblée générale
Soixante-deuxième session
99e séance plénière – matin & après-midi
L’ASSEMBLÉE DÉBAT DU CONCEPT DE « SÉCURITÉ HUMAINE » ET DE LA PERTINENCE DE SON INTÉGRATION DANS LES TEXTES RELATIFS AU DÉVELOPPEMENT, À LA SÉCURITÉ ET AUX DROITS DE L’HOMME
À l’heure des catastrophes humanitaires au Myanmar et en Chine, et d’une crise alimentaire qui se répand à grande vitesse dans le monde, le Président de l’Assemblée générale, Srgjan Kerim, et le Prince El-Hassan Bin Talal de la Jordanie ont tenté aujourd’hui de faire avancer le débat sur la définition du concept de « sécurité humaine » et sur la pertinence de son intégration dans les textes relatifs aux trois piliers du travail des Nations Unies que sont le développement, la sécurité et les droits de l’homme. Le Président de l’Assemblée a estimé d’emblée que ce concept doit être placé de toute urgence au centre d’une nouvelle culture des relations internationales.
Le travail de définition du concept de sécurité humaine avait été demandé par les Chefs d’État et de gouvernement qui, lors du Sommet mondial de 2005*, avaient posé pour postulat « le droit des êtes humains de vivre libres et dans la dignité, à l’abri de la pauvreté, du désespoir, de la peur et du besoin et d’avoir la possibilité de jouir de tous leurs droits et de développer pleinement leurs potentialités dans des conditions d’égalité ».
Si elles ont mené un débat contradictoire, les 41 délégations ayant pris part au débat se sont néanmoins mises d’accord sur le fait que la multitude des champs d’activités qu’implique le concept de « sécurité humaine » exigera l’adoption d’une approche intégrée, holistique et multisectorielle. Oui, mais quels domaines d’activités faut-il inclure? Comment partager les responsabilités entre les États et la communauté internationale?
Quelle est la valeur ajoutée qu’apporterait la sécurité humaine aux objectifs internationaux de développement, de sécurité et des droits de l’homme? Faut-il établir un lien avec la responsabilité de protéger**. Telles ont été les questions autour desquelles s’est articulé le débat sur la définition d’un concept qui, selon certaines délégations, « sous-tend déjà le préambule de la Charte des Nations Unies ».
Jusqu’ici, a tout de même rappelé le Président de l’Assemblée générale, l’absence de définition n’a pas empêché la prise d’initiatives. Le Fonds d’affectation spécial de la sécurité humaine, qui a été lancé en mars 1999, a déjà financé 175 projets, grâce, entre autres, à une contribution de 314 millions de dollars du Japon, pays qui d’ailleurs est à l’origine du concept.
Le Japon préside également avec le Mexique, le Groupe des Amis de la sécurité humaine, créé en octobre 2006. En dehors des Nations Unies, le Réseau de la sécurité humaine, créé en mai 1999, et présidé par la Grèce, réunit plusieurs pays pour défendre la valeur ajoutée qu’apporte le concept de « sécurité humaine » au travail de l’ONU et des autres organisations multilatérales.
Une bonne définition juridique de la sécurité humaine, a estimé le Prince El-Hassan Bin Talal de la Jordanie, exige d’abord une pleine compréhension des menaces qui pèsent sur l’humanité. Le Prince a énuméré huit sources d’insécurité humaine, à savoir les tendances qui se font jour dans les domaines de la démographie, de l’alimentation, des ressources naturelles, de l’environnement, de l’énergie, des politiques monétaires, de la culture et de la prévention des conflits.
Il faut d’ores et déjà, a-t-il averti, réfléchir aux solutions qu’il faudra apporter aux problèmes d’une planète qui comptera 9 milliards de personnes en 2050. Le Prince El-Hassan Bin-Talal s’est ensuite attardé sur le problème de l’insécurité alimentaire en pointant du doigt la raréfaction de l’eau et des terres cultivables, la hausse des prix des intrants, et la spoliation des terres arables. Les ressources naturelles continuent d’être utilisées sans souci d’économie, et leur répartition inéquitable continuera d’avoir un impact négatif sur la sécurité humaine, a-t-il aussi averti.
Il a également relevé l’impact négatif des changements climatiques qui créent des tensions sur l’accès à la terre et à l’eau, en exacerbant les problèmes territoriaux latents avec leurs corollaires, les violences sectaires ou anti-immigrés. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, une dépendance trop forte au pétrole étranger, conjuguée à une concurrence agressive pour s’accaparer les réserves mondiales, finira par créer des tensions, si elles n’en ont pas déjà été créées.
Au titre des autres sources d’insécurité humaine, le Prince s’est aussi attardé sur l’instabilité macroéconomique. Compte tenu de la situation monétaire actuelle, les producteurs de pétrole, par exemple, pourraient se laisser tenter par l’idée de convertir leurs réserves de dollars en une autre devise, conduisant ainsi les États-Unis à réévaluer leur monnaie, a-t-il prévenu. L’impact d’une telle situation serait désastreux, a souligné le Prince El-Hassan Bin Talal, en évoquant les craintes relatives à l’instabilité des taux de change et des flux de capitaux ou encore à un retour au protectionnisme.
Trop ignorées, l’incompréhension entre les cultures et l’absence d’un véritable échange culturel est une réelle source d’insécurité humaine, a d’autre part estimé le membre de la famille royale de Jordanie. La perception d’une évolution trop rapide encouragée par la mondialisation et l’émigration fait naître des tensions entre personnes et entre États, a-t-il relevé. Il faut une démarche pratique qui fasse de la culture une composante essentielle du dialogue politique. Nous devons, a insisté le Prince, faire revivre l’art de la conversation et de l’échange culturel. Il a conclu en déplorant les lacunes qui existent encore trop en ce qui concerne la prévention des conflits qui sont pourtant la plus grande source d’insécurité humaine.
Quand on parle de sécurité humaine, on parle de traumatisme et de peur, celle des millions d’enfants traumatisés par un aspect ou l’autre de leur vie. Que l’on parle de sécurité humaine, de solidarité humaine, d’éthique de la solidarité ou d’un nouvel ordre humanitaire, nous parlons des moyens d’atténuer chez les plus vulnérables d’entre nous, les effets des catastrophes, des pandémies et des conflits, a-t-il souligné.
Les propos du Prince El-Hassan Bin Talal ont été diversement commentés. Le représentant du Chili a jugé prudent de ne pas élargir le concept de sécurité humaine à une trop large gamme d’activités. Par pragmatisme, entendons-nous d’abord sur quelques éléments, quitte à en inclure d’autres plus tard, a préconisé le représentant. Son homologue de l’Inde a aussi mis en garde contre un élargissement trop grand du concept. Il faut se méfier de cette tendance qui consiste à accoler le mot « sécurité » à tous les domaines d’activités, au risque de priver le concept de son potentiel opérationnel, a-t-il prévenu. Si ce concept inclut tout, alors il n’inclut plus rien, a tranché le représentant.
Dans le même temps, il a reconnu le danger de limiter le concept à la violence entre groupes armés ou à celle qu’emploient des dictatures, en particulier dans ce climat de mauvaise gouvernance des structures économiques et politiques internationales. Une telle position serait tellement contestée qu’aucun consensus ne sera possible. Peut-être, a dit le représentant sur un ton résigné, que la définition s’imposera d’elle-même quand le multilatéralisme aura triomphé, rendant impossible la manipulation des structures internationales. Une des percées que l’on peut déjà saluer à ce jour est la justice et la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves, ce qui est une contribution énorme à la sécurité humaine, a rappelé le représentant du Liechtenstein, marquant un certain désaccord avec son homologue indien.
À ce stade, a tempéré le représentant de Cuba, nous devons surtout nous garder d’agiter des idées ambigües, pas clairement définies, que certains ne manqueront pas d’invoquer pour s’immiscer dans les affaires intérieures des États et écorner leur souveraineté. Recherchons donc, a conseillé le représentant, un accord consensuel sur les composantes, la portée et le rôle de ce concept. Cette position a été soutenue par de nombreuses délégations qui ont posé comme premier principe la reconnaissance de la responsabilité première de l’État dans la garantie de la sécurité humaine. Nous devons, a insisté le représentant de la Turquie, déterminer en termes clairs les prérogatives uniques des États.
Si la sécurité humaine est un bien public mondial, a nuancé le représentant du Chili, on ne peut voir de dichotomie entre souveraineté nationale et efforts collectifs. Des appels aux partenariats ont en effet été lancés par de nombreuses responsables, dont les tenants de la prééminence de l’État qui ont tout de même tenu à souligner le « rôle strictement complémentaire » que peuvent jouer les partenaires. En revanche, de nombreuses délégations ont rejeté le lien que le Président de l’Assemblée générale a voulu établir entre « sécurité humaine » et « responsabilité de protéger », autre notion en attente d’une définition.
Une distinction claire, a par exemple prévenu le représentant du Maroc, appuyé par ceux de l’Égypte et du Soudan, doit être établie entre ces deux concepts si l’on veut éviter des situations de confusion et une politisation inutile, et si l’on vise à garantir toutes les chances de succès à la définition de la sécurité humaine. À ce jour, l’absence d’une définition n’a pas compromis la collaboration entre États, s’est réjoui le représentant du Japon et Coprésident du Groupe des Amis de la sécurité humaine.
Il a exprimé la détermination de son Groupe à intégrer le concept de sécurité humaine dans les activités que mène l’ONU dans le domaine du changement climatique, des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), de la hausse des prix alimentaires, de la consolidation de la paix, de l’éducation aux droits de l’homme, de la violence sexuelle et de la protection de l’enfant dans les situations des conflits.
La valeur ajoutée qu’apporte le concept dans toutes ces questions, c’est sa dimension préventive, a souligné l’autre Coprésident et représentant du Mexique. Quelle valeur ajoutée? s’est étonné le représentant du Brésil, quelque peu dubitatif, après que son homologue mexicain ait demandé la mise au point d’un plan de sécurité alimentaire et le renforcement du contrôle du trafic d’armes légères et de petits calibres, grand ennemi de la sécurité humaine. Ne cherchons pas la nouveauté pour la nouveauté, a poursuivi le représentant brésilien. Quelle vision conceptuelle nous permettra de réunir tous les domaines d’activités de l’ONU sous la bannière de la sécurité humaine?
On pourrait répondre, s’est-il risqué, que ces domaines sont tous liés aux droits de l’homme. Mais alors, quelle valeur ajoutée le concept de sécurité humaine apporterait aux instruments actuels des droits de l’homme? a-t-il demandé. Comment peut-on parler de sécurité humaine devant le manque de progrès dans les questions de désarmement ou dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), s’est pour sa part interrogé le représentant du Soudan. Certains veulent déjà se saisir du concept pour exercer des pressions et pour poser des conditions aux autres, a-t-il ajouté d’un ton accusateur, en répondant au représentant du Canada qui a dénoncé la situation au Darfour et les retards observés dans le déploiement de l’opération hybride Union africaine-ONU dans la région soudanaise.
Commençons déjà par réaffirmer, a dit le représentant du Pakistan, que la sécurité du monde dépend d’abord, et avant tout, de la promotion de la prospérité pour tous, de la prévention des conflits et de la stricte application du droit international. La référence à la prospérité pour tous et donc au droit au développement a conduit le représentant de la Fédération de Russie à s’interroger sur la pertinence qu’il y a à confier la gestion du Fonds d’affectation spéciale de la sécurité humaine au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Je crois, a-t-il estimé, que cette gestion devrait revenir au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les propos du représentant russe n’ont pas fait l’unanimité. Des délégations ont en effet argué que l’aide humanitaire est un des piliers de la sécurité humaine.
Président du Réseau de la sécurité humaine, le représentant de la Grèce, applaudi par les petits États insulaires en développement, a annoncé que son réseau a procédé à une compilation de toutes les études sur l’impact structurel des changements climatiques dans les pays en développement, en particulier sur les femmes, les enfants et les « déplacés écologiques ». Le Réseau a, par la suite, élaboré trois documents politiques sur ces trois groupes vulnérables ainsi qu’un autre sur l’impact des changements climatiques sur la sécurité humaine, dans le cadre de la coopération internationale, a-t-il indiqué. Pour sa part, le représentant de la Suisse a rappelé l’adoption en juin 2006 de la Déclaration de Genève sur la violence armée et le développement qui, signée à ce jour par 92 États, vise une réduction quantifiable de la violence armée d’ici à 2015.
Répondant aux propos des délégations de l’Égypte, du Soudan et de l’Autorité palestinienne, le représentant d’Israël a dénoncé la politisation d’un débat essentiel. Il est difficile de comprendre comment la mention d’une région spécifique et d’un conflit particulier, en en oubliant d’autres, fera avancer le débat, a-t-il estimé. Il a, en revanche, déclaré que l’approche intégrée qu’impose le concept de sécurité humaine permettra de relever les lacunes des instruments et mécanismes internationaux pour les corriger et accélérer ainsi leur mise en œuvre.
De nombreuses délégations dont celles d’El Salvador ont appuyé l’idée de la délégation chilienne de créer un groupe de travail pour tenir un débat sur les différentes facettes de la question, dégager un consensus, et progresser dans la définition de ce nouveau paradigme. « La sécurité humaine c’est un enfant qui ne meurt pas, une maladie qui ne se propage pas, un emploi qui ne disparaît pas, une tension ethnique qui ne dégénère pas, et un opposant politique qui s’exprime » a proposé comme « première définition » le représentant de la Mongolie.
En conclusion, le Prince El-Hassan Bin Talal, de la Jordanie, a demandé aux Nations Unies de créer une instance de coordination afin d’exploiter tout le potentiel des initiatives qui sont prises chaque jour sur cette question dans le monde. Il a aussi prôné la création de centres au niveau des régions, en appelant, pour le Moyen-Orient, à la création d’une coalition de l’énergie et de l’eau.
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