LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL APPELLE À OUVRIR EN AFGHANISTAN LA VOIE À L’ÉTAT DE DROIT ET À L’ÈRE DE LA CITOYENNETÉ
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LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL APPELLE À OUVRIR EN AFGHANISTAN LA VOIE À L’ÉTAT DE DROIT ET À L’ÈRE DE LA CITOYENNETÉ
On trouvera, ci-après, le texte de l’allocation que le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a prononcée lors de la Conférence sur la justice et l’état de droit en Afghanistan, à Rome, le 3 juillet:
Permettez-moi tout d’abord de remercier mon ami Massimo D’Alema, Ministre des affaires étrangères, et le Gouvernement italien d’avoir organisé cette conférence. C’est la deuxième fois que je me rends à Rome en ma qualité de Secrétaire général et une fois de plus, je suis confondu par l’accueil chaleureux qui m’y est réservé. Je sais que cet accueil témoigne de la ferme volonté qu’a l’Italie de voir cette conférence porter ses fruits, et de permettre à l’Afghanistan de connaître la paix et la prospérité.
Lorsque je me suis rendu à Kaboul la semaine dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Président Karzaï et des membres de son gouvernement. J’ai été encouragé et ému par leur dévouement et leur courage, mais je partage également leur profonde préoccupation devant les défis que le pays doit continuer d’affronter. Je suis heureux de voir le Président Karzaï parmi nous aujourd’hui au moment où nous nous rassemblons pour renouveler et renforcer notre partenariat international en vue de reconstruire l’Afghanistan.
Il y a cinq ans, après la Conférence de Bonn, l’Italie a accepté de prendre la tête du processus visant à promouvoir l’état de droit en Afghanistan. Des décennies de conflit avaient cruellement marqué ce pays. Ses institutions avaient été détruites, l’autorité y était dépourvue de toute légitimité et l’état de droit ne découlait quasiment que de la force. Je sais gré à votre gouvernement d’avoir hardiment accepté d’aider l’Afghanistan à s’écarter du bord du gouffre, et je le remercie du travail qu’il a accompli depuis lors pour jeter les bases de l’ordre public.
L’Italie a pris la tête des opérations, mais elle n’œuvre pas seule. En effet, cette conférence témoigne de l’extraordinaire partenariat international qui s’est instauré pour donner à l’Afghanistan les moyens de réaliser son potentiel dans la communauté des nations. Je compte bien que nous progresserons encore au cours des deux prochains jours, et j’espère en particulier que nous parviendrons à adopter une stratégie sectorielle globale en faveur de l’état de droit, ainsi qu’un accord visant à établir un mécanisme de financement spécifique.
La présente conférence a de gros enjeux. Si nous parvenons à définir des lois couvrant des questions nationales, pénales, foncières, fiscales, contractuelles et commerciales, nous contribuerons à modeler la société afghane pour les décennies à venir. Ces codes seront un facteur de justice dans un pays dont elle a trop longtemps été absente.
La longue période d’injustice qu’a connue l’Afghanistan touche à sa fin. Nous devons désormais ouvrir la voie à l’état de droit et à l’ère de la citoyenneté afghane.
Trois éléments essentiels doivent être réunis pour que cette ère nouvelle puisse être pérennisée :
Tout d’abord, les travaux engagés par la communauté internationale doivent être harmonisés avec le projet que l’Afghanistan a pour lui-même, et avec ses traditions. Nous devons faire confiance à nos partenaires afghans tandis qu’ils s’efforcent de faire coexister leur culture et le droit positif. Parallèlement, nous ne devons jamais hésiter à donner des avis justifiés, s’il y a lieu. La présente conférence offre une preuve éclatante de notre unité et de notre coopération en réunissant le Président Karzaï, le Secrétaire général de l’OTAN, M. De Hoop Scheffer, la Commissaire Ferrero-Waldner et d’autres représentants de haut niveau de la communauté internationale.
Ensuite, les efforts déployés par l’Afghanistan pour favoriser l’état de droit doivent être orchestrés par des institutions crédibles. En définitive, c’est à elles qu’il incombe d’élaborer le droit et de le faire valoir. Elles ont besoin pour ce faire de disposer de ressources et de bénéficier de formations. En outre, la population doit être convaincue que le droit est de son côté, qu’il est impartial et qu’il ne peut être corrompu.
Enfin, les dirigeants afghans doivent mobiliser la volonté politique à l’appui de l’état de droit, qui a été délaissé des décennies durant. À cette fin, il faudra peut-être contraindre certains à renoncer au pouvoir, ou mettre en cause des positions fermement marquées. L’établissement de l’état de droit signifie que tout le monde ne peut être gagnant, mais cela suppose aussi que le jeu soit juste et l’arbitre impartial.
La communauté internationale doit contribuer à l’instauration de ces conditions. Nous devons nous exprimer d’une seule voix en faveur de l’état de droit, de la paix et de la sécurité en Afghanistan. Et à l’appui de nos propos, nous devons mobiliser un appui financier solide et durable et faire preuve de compréhension et, par-dessus tout, de patience. Mettre en place des institutions nationales prend du temps, mais nous nous tiendrons aux côtés de nos partenaires afghans tout au long de cette entreprise.
Permettez-moi ici de faire mention en particulier des travaux de l’une des plus jeunes institutions de l’Afghanistan, la Commission indépendante des droits de l’homme. Établie par l’Accord de Bonn, cet organe, dont l’existence est inscrite dans la Constitution, est rapidement devenu la voix de la conscience afghane. En recensant les violations des droits de l’homme, la Commission veille à ce que les crimes passés ne soient pas oubliés. En promouvant les normes relatives aux droits de l’homme, elle nous rapproche sans cesse davantage du jour où le droit sera la seule et unique autorité en Afghanistan. Les donateurs qui continuent de l’appuyer méritent notre gratitude, et le courage et l’indépendance des commissaires valent à ces derniers notre profonde admiration.
La Commission indépendante des droits de l’homme a par ailleurs recensé des situations regrettables où l’intervention des forces internationales a fait des victimes civiles. Nous avons tous conscience que l’insurrection antigouvernementale qui se poursuit menace le fondement même des États afghans, et qu’elle doit être mise en échec. Mais en la combattant, les forces afghanes et les forces internationales doivent se conformer strictement au droit international humanitaire. Aussi difficile que cela s’avère face à un adversaire insaisissable et sans scrupule, nous ne pouvons tout simplement pas éluder le fait que lorsque l’on dénombre des victimes parmi les civils, même si cela est le fait d’un accident, nous voyons nos ennemis plus forts et nos efforts compromis.
Enfin, nous devons mieux prendre en considération le sort des femmes en Afghanistan, car elles sont affectées de manière disproportionnée par un système juridique défaillant. Je sais que les raisons d’une telle inégalité sont nombreuses et complexes. Mais refuser la justice aux femmes en Afghanistan, c’est refuser la justice à tout le peuple de l’Afghanistan.
Sur ce point crucial, la Constitution afghane ne saurait être plus claire : « Les citoyens afghans, hommes et femmes, ont des droits et des devoirs égaux devant la loi ». L’histoire du pays témoigne également du lourd tribut payé par les femmes durant la longue bataille engagée pour garder à l’Afghanistan son indépendance. Aujourd’hui, une nation indépendante doit rendre à ses femmes ce qui leur revient.
Ceux qui tuent ou dévalorisent les femmes simplement parce qu’elles osent dire ce qu’elles pensent, ou revendiquer leurs droits, ne doivent pas avoir leur place dans un Afghanistan juste et libre. Ceux qui prétendraient traiter les femmes comme des biens leur appartenant, ou considéreraient le mariage comme une transaction financière, doivent être traités sans complaisance par les autorités. Par-dessus tout, la société afghane doit affronter ceux qui déshonorent les femmes au nom de l’honneur.
Ce sont là de réels défis sans solutions immédiates – Rome, dit-on, ne s’est pas faite en un jour. Les solutions ne peuvent être immédiates, car elles doivent venir de l’Afghanistan lui-même. Elles doivent résulter d’un consensus afghan. L’Afghanistan est aujourd’hui à la fois une nation ancienne et un État jeune. Sa longue tradition d’indépendance a toujours reposé sur un équilibre entre ce qu’il y a de meilleur dans l’ancien et ce qu’il y a de meilleur dans le moderne. La Constitution afghane codifie cet équilibre. L’état de droit qui découle de cette constitution doit l’incarner.
La confiance que le peuple afghan a exprimée quant à notre action collective doit nous inciter à l’optimisme. Nous ne devons pas oublier que les millions d’Afghans qui ont participé au processus constitutionnel, et qui ont risqué leur vie pour voter à l’occasion de deux élections distinctes, manifestaient une aspiration à l’état de droit sans ambiguïté. En dépit des mécontentements, des griefs et de l’insurrection qui persiste, nous ne devrions jamais mettre en doute le soutien massif de la population afghane.
L’Afghanistan est sorti des ténèbres du désespoir, pour s’engager sur la voie de la paix et de la prospérité. Le chemin à parcourir est difficile. La voie à suivre est pénible. Et de rudes épreuves nous attendent encore certainement. Mais cette entreprise en vaut aussi la peine – pas seulement pour les Afghans, mais pour nous tous, et pour la communauté internationale que nous représentons.
Alors, mes chers amis, unissons-nous au Président Hamid Karzaï, à son gouvernement et à son peuple. Aidons-les à construire un Afghanistan qui soit véritablement le reflet des talents, des aspirations et du courage d’une grande nation, et d’un pays remarquable.
Je vous remercie.
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