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SG/SM/10861-AFR/1493

« UNISSONS-NOUS POUR DONNER LE MEILLEUR DE NOUS-MÊMES À L’AFRIQUE, BERCEAU DE L’HUMANITÉ », DÉCLARE BAN KI-MOON AU SOMMET DE L’UNION AFRICAINE

29 janvier 2007
Secrétaire généralSG/SM/10861
AFR/1493
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

« UNISSONS-NOUS POUR DONNER LE MEILLEUR DE NOUS-MÊMES À L’AFRIQUE, BERCEAU DE L’HUMANITÉ », DÉCLARE BAN KI-MOON AU SOMMET DE L’UNION AFRICAINE


On trouvera ci-après le texte intégral du discours prononcé, aujourd’hui, par le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, au Sommet de l’Union africaine, à Addis-Abeba:


Je suis très ému par votre chaleureux accueil, auquel je suis très sensible.  Permettez-moi d’exprimer mes remerciements au Président de l’Union, le Président Denis Sassou Nguesso, et au Président de la Commission, Alpha Oumar Konare, pour leur action à la tête de l’Union et pour l’engagement qu’ils ont pris de coopérer étroitement avec l’Organisation des Nations Unies et avec moi-même personnellement.


Je suis profondément honoré de prendre la parole devant vous aujourd’hui.  Après avoir été dirigée pendant 15 ans par des Africains, l’Organisation des Nations Unies a à sa tête un non-Africain.  Mais comme tous les êtres humains, j’ai mes racines dans ce berceau de l’humanité qu’est l’Afrique, et j’en suis fier.


Permettez-moi, tout d’abord, de rendre hommage à mon prédécesseur, Kofi Annan –un grand Africain et un grand Secrétaire général.  Il a dirigé l’Organisation des Nations Unies avec courage et hauteur de vue et a su la faire entrer sans hésiter dans le XXI siècle.  Il a aidé à forger un nouveau partenariat entre l’Organisation et l’Afrique.  Je suis résolu à poursuivre sur sa lancée.  Dans cette entreprise, comme dans tous les travaux qui attendent l’Organisation des Nations Unies, j’aurai à mes côtés en qualité de Vice-Secrétaire générale –et je m’en réjouis– une Africaine aux qualités de dirigeante singulières, Asha-Rose Migiro, que vous avez tous connue lorsqu’elle était Ministre tanzanienne des affaires étrangères.


Mesdames et Messieurs, un grand nombre d’entre vous ont appuyé ma candidature au poste de secrétaire général et je leur en suis reconnaissant.  Il y a quatre semaines seulement que j’ai pris mes fonctions, mais j’ai le sentiment que certains d’entre vous sont déjà devenus des amis et des alliés.  J’attends avec impatience de nouer des liens étroits avec vous tous dans les années à venir.


Réuni avec vous aujourd’hui, j’ai sous les yeux une illustration vivante de la communauté de vues qui caractérise le continent africain lorsqu’il donne le meilleur de lui-même.  C’est cette communauté de vues qui a guidé vos pays dans leur quête de l’indépendance, qui a permis de jeter les fondations de votre Union et qui conditionnera les progrès de l’Afrique au cours des prochaines années.


C’est elle également qui fonde le partenariat de l’Afrique avec l’Organisation des Nations Unies, dans le cadre duquel l’une et l’autre tentent de résoudre ensemble le large éventail de problèmes communs auxquels elles sont confrontées.


Cette communauté de vues trouve une illustration concrète dans bon nombre de nos entreprises communes, telles que l’accord de coopération entre nos deux institutions que mon prédécesseur a signé ici, à Addis, en novembre dernier.


C’est elle qui guide l’action que nous menons ensemble pour faire triompher la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance, à l’aide notamment du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique.


C’est elle également qui fonde notre action collective en faveur de la paix et de la sécurité –notamment l’initiative prise par l’ONU d’accroître les moyens dont l’Union africaine dispose pour planifier, lancer et conduire des opérations de maintien de la paix.


C’est elle encore qui fonde l’action que nous menons pour instaurer une paix durable dans les pays qui se remettent d’un conflit.  Elle s’est traduite de façon remarquable dans deux de ces pays, le Burundi et la Sierra Leone, où, après s’être acquittée avec succès de mandats de maintien de la paix, l’ONU aide à édifier un avenir meilleur grâce aux travaux de la Commission de consolidation de la paix des Nations Unies.  La semaine dernière, j’ai décidé qu’un montant de 35 millions de dollars serait prélevé sur le Fonds pour la consolidation de la paix pour le financement de volets prioritaires du programme de consolidation de la paix au Burundi.  La procédure d’allocation de fonds à la Sierra Leone est pratiquement terminée.


Deux tiers des Casques bleus déployés dans des opérations de maintien de la paix le sont en Afrique.  J’arrive tout juste de la République démocratique du Congo, où j’ai pu constater par moi-même comment, dans ce pays, nos efforts communs procèdent de notre communauté de vues.  L’an dernier, l’ONU s’est employée, en collaboration avec l’Union africaine et d’autres partenaires, à aider le peuple congolais à tenir ses premières élections libres depuis plus de 40 ans.  Cette entreprise a constitué une remarquable opération de maintien de la paix et la plus grande opération d’appui électoral dans l’histoire de l’ONU; mais, elle a surtout témoigné du courage et de la détermination sans faille du peuple congolais, dont les électeurs ont à 70% déposé leur bulletin de vote dans les urnes pendant un scrutin qui a été calme et pacifique.


Ce qui s’est passé au Libéria montre aussi avec éclat ce que notre volonté collective de paix et de sécurité en Afrique peut nous permettre de faire.  Utilisons donc notre communauté de vues pour résoudre ces crises inextricables qui saignent comme des plaies ouvertes sur la face du continent.  Utilisons-la pour faire triompher l’action que nous menons pour apporter la paix en Somalie et en Côte d’Ivoire.


Mais surtout, utilisons-la pour mettre un terme à la tragédie du Darfour.  Il nous faut ouvrir un chapitre nouveau et différent dans cette histoire d’espoir brisé.  Je rends hommage à la vaillance dont la force de l’Union africaine fait preuve au Darfour.  Mais le coût de la crise demeure inacceptable; de plus, il empêche le Soudan dans son ensemble de concrétiser la possibilité qu’il a de devenir un pays pacifique, prospère et démocratique – et risque, de ce fait, d’hypothéquer l’avenir de la sous-région tout entière.


Depuis que j’ai pris mes fonctions de Secrétaire général, j’ai fait du Darfour ma toute première priorité.  Je continuerai à le faire quels que soient les problèmes qui se poseront et j’attends avec intérêt de pouvoir m’entretenir de façon constructive avec un grand nombre d’entre vous durant ce sommet.  Le partenariat qui unit l’Union africaine et l’ONU est d’une importance déterminante quant à la façon dont nous devons affronter ce qui est la plus grande crise humanitaire du monde.  Ensemble, nous devons mettre un terme à la politique de violence et de terre brûlée qu’ont adoptée diverses parties, dont les milices, ainsi qu’aux bombardements, qui continuent de semer la terreur au Darfour.  Nous devons prendre en compte les dimensions régionales de la crise.  Il faut que les activités humanitaires qui permettent de sauver des vies puissent reprendre et que la société civile du Darfour ait son mot à dire dans le processus de paix.  Il faut aussi que nous persuadions les non-signataires de l’accord de paix de se joindre à ceux qui l’ont signé, tout en dégageant le consensus nécessaire pour qu’une force commune ONU-Union africaine soit déployée d’urgence sur le terrain.  J’espère sincèrement que nous pourrons nous accorder sur cette question d’importance vitale au cours des entretiens que nous aurons en marge de ce sommet.


Dans de nombreuses autres parties de l’Afrique, des progrès remarquables ont été enregistrés pour ce qui est de mettre fin aux conflits armés.  Cela est non seulement une question de survie et de sécurité pour ceux dont la vie a été directement touchée, mais aussi une condition indispensable pour assurer une meilleure vie sur le long terme à tous les Africains, en les plaçant résolument sur la voie du développement.  Je sais, depuis mon enfance passée en Corée, comment la guerre prive l’homme de la possibilité de se bâtir une vie décente, et des sociétés tout entières de la possibilité d’espérer – bien au-delà des limites de la zone de guerre, bien après que les canons se sont tus.  J’ai vu la détresse et la faim, la dégradation et la maladie qui accompagnent les guerres prolongées.  Des femmes âgées qui récupèrent des déchets, des bébés qui souffrent de malnutrition et sont privés d’eau potable, des bâtiments mis à sac, des champs de maïs qui pourrissent, des infrastructures à bout de souffle; voilà ce que j’ai connu enfant, et ces images continuent de me hanter à ce jour.


Mais j’ai été témoin aussi de la façon dont mon pays, uni autour d’une même vision, a été en mesure de se transformer, la nation traumatisée privée d’économie digne de ce nom étant devenue une puissance économique régionale.  L’existence d’une vision commune a constitué une combinaison imbattable: l’assistance concertée et durable de la communauté internationale et le courage et la détermination du peuple coréen.


Faisons en sorte que la même communauté de vues produise ses effets en Afrique.  Il y a six mois, lorsque j’ai pris la parole devant l’Union pour présenter ma candidature au poste de Secrétaire général, j’ai dit que la réussite de l’ONU au cours des prochaines années dépendait en grande partie de ce continent.  Je me suis engagé à faire tout mon possible pour mobiliser la volonté politique –au niveau des dirigeants mondiaux et des autres parties prenantes– et à travailler avec les gouvernements africains à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.  Ces objectifs représentent notre vision commune –un partenariat entre les pays riches et les pays pauvres en vue de construire un avenir meilleur.  J’ai l’intention de tenir la promesse que je vous ai faite.  Je vous le dois, ainsi qu’à tous les autres Africains.


Nombre de vos pays ont fait des progrès remarquables vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.  Depuis la fin des années 90, plus d’une douzaine de pays africains ont enregistré des taux de croissance moyenne supérieurs à 5%.  De nombreux pays à faible revenu ont réussi à relever une forte proportion de leurs citoyens au-dessus du seuil de pauvreté.  Plusieurs devraient atteindre l’objectif consistant à réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2015.  Une quinzaine de pays africains sont déjà parvenus à assurer l’éducation primaire pour tous, ou sont bien partis pour y parvenir.  La plupart des pays d’Afrique australe sont en bonne voie pour assurer la parité dans l’enseignement primaire.


Ces progrès sont précieux et nous devons les reproduire et faire fond sur eux.  Cela signifie que nous devons bâtir un partenariat solide pour partager la science et la technologie, ce qui est à juste titre l’un des thèmes de ce sommet.  Pour cela, il faut renforcer les moyens d’action des femmes et des filles, grâce à l’éducation et à des outils créatifs tels que le microfinancement, qui s’est avéré être, dans nombre de pays, une arme fort utile pour briser le cercle vicieux de la pauvreté.


Pour atteindre les objectifs fixés pour 2015, nous devons mener une action concertée en 2007, année qui est à mi-parcours des efforts déployés pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement.  Au cours des prochains mois, je constituerai un groupe de travail sur l’Afrique et les Objectifs du Millénaire –une coalition qui réunira les principaux acteurs africains, des organisations internationales et des donateurs.  Nous nous efforcerons de nous réunir en mars, pour élaborer un plan d’action à l’appui d’initiatives concrètes visant à accélérer les progrès en 2007 et 2008.  Nous ferons en sorte que le plan soit prêt à temps pour le sommet du Groupe des Huit qui se tiendra en juin.


Disons les choses clairement: sur certains objectifs spécifiques, nous rencontrons d’énormes difficultés.  Prenons le septième objectif, qui porte sur le respect de l’environnement.  Vous qui êtes réunis ici savez que les effets des changements climatiques toucheront de façon disproportionnée certains des pays d’Afrique les plus pauvres.  Les chiffres des Nations Unies montrent que 30% des infrastructures côtières africaines pourraient être submergées sous l’effet de l’élévation du niveau des mers liée au réchauffement de la planète.  Plus du quart des espèces du continent africain pourraient perdre leur habitat d’ici à 2085.  Et les moyens d’existence de dizaines de millions de personnes pourraient être compromis.


Mesdames et Messieurs, en faisant de cette question l’un des thèmes principaux de votre sommet, vous avez décidé de vous attaquer de front aux conséquences qu’auront les changements climatiques sur l’Afrique.  Je dis « auront » parce que les changements climatiques et leurs conséquences sont désormais chose certaine.  Soyez en sûrs, la question des changements climatiques –notamment en Afrique– fera partie de mes priorités en tant que Secrétaire général.


L’heure est venue pour le reste du monde d’aider les pays d’Afrique à s’adapter au réchauffement de la planète et à ses conséquences, tout en renforçant les efforts déployés pour atténuer les changements du climat.  Nous devons appliquer le plan d’action concernant l’adaptation adopté à la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s’est tenue l’année dernière à Nairobi.  Et nous devons utiliser le Plan-cadre de Nairobi, lancé lors de cette conférence, pour accroître la participation de l’Afrique au mécanisme pour un développement propre.  Ce mécanisme novateur, issu du Protocole de Kyoto, permet de mobiliser des milliards de dollars d’investissements publics et privés au niveau mondial.  Et je continuerai à solliciter le secteur privé en préconisant des solutions reposant sur les lois du marché.


Dans le même temps, l’Organisation des Nations Unies mène avec un certain nombre de gouvernements africains des initiatives conjointes visant à faire en sorte que les plans nationaux de développement tiennent compte des changements climatiques.  Je m’engage à œuvrer auprès des gouvernements donateurs pour que toutes ces initiatives reçoivent la totalité du soutien dont elles ont besoin.  Et je militerai aussi auprès des pays industrialisés pour qu’ils prennent des engagements ambitieux en matière de réduction des émissions, car il est crucial, dans ce combat, qu’ils montrent l’exemple, de même qu’il est vital qu’ils apportent aux pays d’Afrique les plus touchés par les sécheresses et les inondations une aide généreuse et ciblée.


Les épidémies qui continuent de ravager le continent sont un autre défi de taille.  C’est de surcroît dans les pays qui ont le moins les moyens d’y faire face qu’elles font le plus de dégâts, sur le plan tant social qu’économique.  Elles menacent la paix et la sécurité de ces pays, en mettant à mal leurs capacités et leur gouvernance.  Le sida, la tuberculose et le paludisme font chaque année près de 4 millions de victimes en Afrique.


Il y a malgré tout de l’espoir.  En ce qui concerne le sida, des progrès ont été faits sur le plan des traitements.  La volonté politique s’est affirmée.  De nouvelles ressources ont été mobilisées.  Et de nouvelles initiatives prometteuses ont vu le jour, comme le projet Veille sida Afrique, mis en place par l’Union africaine en collaboration avec ONUSIDA, qui vise à donner une orientation aux politiques de lutte contre le sida et à définir les objectifs à atteindre en matière d’accès universel d’ici à 2010.  Nous devons continuer de militer en faveur de l’accès universel au traitement et à la prévention.


Nous devons aussi saisir l’occasion qui se présente de faire des progrès décisifs dans la lutte antipaludique d’ici à 2010.  Je serai à vos côtés dans cette entreprise, je vous le promets.

Mesdames et Messieurs, chers amis,


Que l’Afrique progresse dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement est vital pour des millions d’Africains.  Ces progrès seront aussi un moyen de mesurer la capacité de l’Organisation des Nations Unies à s’acquitter du mandat que ses membres lui ont confié.  L’une de mes priorités sera de m’assurer que nous soyons à la hauteur de ce mandat, et je prendrai des mesures pour renforcer l’Organisation en conséquence.


J’ai la conviction que si nous poursuivons une vision commune, il n’y a pas de limites à ce que nous pouvons accomplir.  Le partenariat entre l’Union africaine et les Nations Unies est un partenariat solide et ambitieux.  Faisons en sorte de le rendre encore plus solide et ambitieux dans les années à venir.


Je conclurai en rendant hommage à notre pays hôte et à l’Union africaine, en empruntant les mots de Tsegaye Gabre-Medhin.  Ce poète lauréat éthiopien, qui nous a quittés l’année dernière, a résumé bien mieux que je ne saurais le faire les aspirations de l’Afrique, par ces mots qui composent l’hymne de cette Union.  Comme l’écrivait Gabre-Medhin, donc, unissons-nous pour donner le meilleur de nous-mêmes à l’Afrique, berceau de l’humanité.  Faisons de l’Afrique l’arbre de vie.


Soyez assurés qu’aussi longtemps que je serai Secrétaire général, je ne ménagerai aucun effort pour faire de ce vœu une réalité.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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