LES EXPERTS DU CEDEF EXHORTENT L’INDE À ADHÉRER AU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION CONTRE LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Chambre A - 761e & 762e séances – matin & après-midi
LES EXPERTS DU CEDEF EXHORTENT L’INDE À ADHÉRER AU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION CONTRE LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Ils lui demandent aussi de mieux protéger les plus vulnérables
En examinant les deuxième et troisième rapports périodiques de l’Inde, combinés en un rapport unique*, les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) dont la trente-septième session se tient depuis lundi, ont vivement mis l’accent sur le besoin, pour cet État partie à la Convention sur la question d’adhérer au Protocole facultatif à ce traité international. Les experts ont aussi exhorté le Gouvernement de New Delhi à accorder une attention accrue au sort des femmes appartenant à des minorités ou à des castes jugées « inférieures », et à renforcer, malgré la distribution actuelle des pouvoirs, les prérogatives des autorités centrales pour leur permettre de mieux assurer la promotion des droits des femmes dans tous les États de l’Union indienne, qui est une fédération.
À cet égard, le Comité a émis beaucoup de réserves sur la manière dont le Gouvernement indien avait traité les graves incidents survenus dans l’État du Gujarat. En 2002, des femmes issues de minorités religieuses ou de couches défavorisées de cette partie du pays ont été victimes de viols et de violences sexuelles de toutes sortes et dans des cas extrêmes, brûlées vives. Selon les informations officielles, 23 000 personnes ont été arrêtées à la suite des émeutes du Gujarat, 2 135 plaintes ont été déposées, dont six, officiellement, concernaient des viols.
Des experts du Comité ont émis des doutes sur ces chiffres en relevant que les ONG et les organismes humanitaires avaient donné des nombres beaucoup plus élevés. De ce fait, et malgré le précepte constitutionnel évoqué par la délégation de l’État partie, selon lequel le Gouvernement de New Delhi ne peut directement intervenir dans la gestion des affaires des États fédérés, les experts ont estimé que l’autorité centrale devrait énoncer des directives administratives et légales s’appliquant à toutes les composantes du pays. Ces directives permettraient, entre autres, de réduire les mariages d’enfants, les unions forcées, et les violences faites aux femmes.
Indiquant que des efforts étaient entrepris au niveau central, la délégation a mis l’accent sur l’action de la Cour suprême qui, agissant de manière indépendante, a annulé ou suspendu plus de 2 000 jugements rendus par les tribunaux de Gujarat et d’autres États fédérés sur des affaires de viols, d’agressions sexuelles et de violences physiques. Au lendemain de ces annulations, la Cour a émis des avis qui assureront, à la réouverture de ces procès, la protection des plaignantes, des témoins et de leurs familles, a déclaré la Chef de la délégation et Secrétaire d’État au développement du statut de la femme et de l’enfance de l’Inde, Mme Deepa Jain Singh. L’Inde, qui est la plus grande démocratie au monde, compte plus d’un milliard d’habitants, a-t-elle rappelé aux experts du Comité pour les sensibiliser à l’ampleur des tâches à accomplir dans ce pays en matière d’éducation et de sensibilisation générale des populations à l’amélioration du statut des femmes, et en ce qui concerne l’initiation des femmes elles-mêmes à leurs droits et aux recours dont elles disposent pour les faire respecter. En réponse aux critiques des experts sur les réserves émises par son Gouvernement sur les dispositions du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la délégation a tenu à préciser que la législation nationale de l’Inde offrait aux femmes des recours analogues à ceux qui étaient prévus par le Protocole facultatif.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, vendredi 19 janvier, à 10 heures, en examinant, en Chambre A, le sixième rapport périodique du Pérou.
* Le rapport peut être consulté sur le site Internet à l’adresse suivante: www.un.org/womenwatch/daw/cedaw.
EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Rapport unique (valant deuxième et troisième rapports périodiques) (CEDAW/C/IND/2-3) présenté par l’État partie
Mme DEEPA JAIN SINGH, Secrétaire d’État au Ministère chargé du développement du statut de la femme et de l’enfance, et Chef de la délégation de l’Inde à la session du CEDEF, a présenté au Comité les deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Inde. L’Inde compte un milliard d’habitants, a rappelé Mme Singh. C’est la plus grande démocratie au monde. C’est un pays divers en matière de cultures, de traditions, de langues, de coutumes et de communautés. Le système parlementaire indien a fait ses preuves et l’Inde jouit d’un système judiciaire indépendant de l’exécutif. Les plans quinquennaux de développement élaborés par le Gouvernement donnent aux femmes une place importante, a dit la représentante. Elles sont traitées à égalité avec les hommes dans les programmes sociaux et de développement. Les femmes représentant 50% de la population indienne, les rédacteurs de la Constitution ont veillé à leur accorder autant de droits qu’aux hommes. L’égalité, le droit à la vie, et la protection par les lois, sont garantis aux femmes, et des amendements ont été apportés à la loi fondamentale pour l’adapter aux évolutions de notre temps, a indiqué Mme Singh.
Le droit de saisir la Cour suprême pour jouir de tous les droits fondamentaux est garanti aux femmes par l’article 32 de la Constitution, a poursuivi la Chef de la délégation en précisant que la Cour suprême avait plusieurs fois été saisie à cet égard par des femmes et qu’elle avait traité les questions qui lui étaient soumises de manière innovatrice. Des cas de viols ont ainsi été débattus et réglés de manière proactive, et la Cour peut aujourd’hui se saisir d’une affaire de viol sans que les accusations de la plaignante n’aient besoin d’être corroborées par un autre témoignage direct comme cela était le cas auparavant. La Cour a aussi rendu des avis qui renforcent la protection des femmes face aux mariages forcés, et elle a permis aux tribunaux de se prononcer sur les ruptures de fiançailles et les promesses de mariages non tenues qui peuvent porter atteinte à l’intégrité ou à la réputation d’une femme.
Intervenant sur des plaintes relatives à des jugements rendus dans l’État de Gujarat, la Cour suprême a rendu, en 2003 et 2004, sur saisine de la Commission nationale des droits de l’homme, des avis qui ont provoqué l’annulation de plusieurs jugements. Ces jugements avaient tous innocenté des hommes accusés de viols et de violences sexuelles contre des femmes. La délégation indique que 2 000 cas de ce type ont été réouverts et la Cour suprême a renforcé les conditions de protection des témoins dans ces affaires pour mettre fin aux intimidations dont étaient victimes des femmes ou leurs proches. La Cour a aussi renforcé le statut et les droits des femmes musulmanes divorcées en leur garantissant un soutien matériel et financier de la part de leur ex-époux.
Les dispositions de l’article 142 de la Constitution donnent des pouvoirs élargis à la Cour suprême en ce qui concerne le traitement des cas de harcèlement sexuel. Dans ces affaires, la Cour rappelle au Gouvernement les obligations qu’il a en vertu des termes de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi qu’à l’égard de la Plateforme d’action de Beijing, a précisé Mme Singh. La protection des femmes contre le harcèlement dans leur milieu professionnel a ainsi été renforcée par de nouvelles lois. En outre, la Cour a, en appliquant les dispositions de la Convention, éliminé les pratiques discriminatoires dont souffraient les femmes en ce qui concerne le droit à la propriété.
En Inde, une nouvelle loi contre les violences domestiques, vient d’être promulguée, a poursuivi Mme Singh. Des mesures ont aussi été prises pour prendre en charge les femmes souffrant de violences au foyer, et la Loi sur la succession hindoue a été amendée pour assurer aux filles et aux veuves de confession hindouiste des droits de succession sur les terres ancestrales et les autres biens des parents disparus. Les 73ème et 74ème amendements à la Constitution ont permis l’autonomisation politique des femmes, qui peuvent désormais participer à la gestion des communes et des institutions communautaires. Le « Panchayati Raj » est un système d’autogouvernance qui vise à promouvoir l’émergence d’une démocratie participative au niveau local. Grâce à ce système, les femmes occupent aujourd’hui plus de 33% des postes de prises de décisions dans les institutions communales, a précisé Mme Singh. Le système a permis de mobiliser les femmes en milieu rural. L’Inde compte aujourd’hui plus d’un million de femmes participant à la gestion des communes et des autres institutions de gouvernance rurales. Des sièges sont réservés aux femmes appartenant aux diverses castes et groupes ethniques qui peuplent les zones rurales, et ce, à tous les niveaux de gouvernance en Inde, a indiqué Mme Singh.
Dialogue avec les experts
Engageant une série de questions sur les articles 1 à 6 de la Convention, Mme RUTH HALPERIN-KADDARI, experte d’Israël, a abordé la question des réserves à la Convention émises par l’Inde, relatives à la non-ingérence dans les affaires internes, estimant qu’elles pouvaient compromettre le cadre même de la Convention. Le Gouvernement de l’Inde s’est contenté de répéter qu’il envisageait de passer en revue tout ce qui concernait les droits de la personne, en particulier en matière de mariage et de divorce, avec la participation de toutes les parties prenantes dont les chefs de communauté et chefs spirituels. Le Comité a demandé que ce soit des femmes qui participent à cette discussion, a rappelé l’experte, or il semblerait que ces chefs de communauté ne soient que des hommes. De façon générale, elle a souhaité que l’État joue davantage un rôle de chef de file pour changer les attitudes et lui a lancé un appel pour que l’Inde retire ses réserves.
À son tour, M. CORNELIUS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a rappelé que l’Inde était en train de préparer la ratification du Protocole facultatif à la Convention et a demandé si un calendrier avait été fixé à cet effet. Il a voulu savoir si les femmes issues des minorités avaient recours à la justice et bénéficiaient de l’aide judiciaire. Nous savons que l’Inde est une fédération et il serait utile de connaître les mécanismes étatiques qui existent pour faire respecter la Convention à tous les niveaux, a-t-il suggéré. Enfin, il a constaté que les dispositions de la Convention n’étaient pas directement invocables par les citoyens et a demandé si les dispositions de la Constitution pouvaient être directement invoquées. Par ailleurs, l’expert a noté qu’il n’y avait pas de statut spécifique aux demandeurs d’asile et aux réfugiés et a demandé si l’Inde envisageait de ratifier les instruments pertinents.
Mme MARY SHANTHI DAIRIAM, experte de la Malaisie, a demandé des détails sur la loi concernant la violence. Elle a aussi demandé quelle était la protection des témoins lors des procès pour violences à l’égard des femmes. Notant que le Gouvernement a tenté de combler un certain nombre de lacunes entre la Convention et la Constitution, elle a demandé à la délégation d’expliquer ce qu’il restait à faire exactement. Est-ce que l’analphabétisme devient un obstacle à la participation des femmes à la vie politique, lors des élections par exemple? a-t-elle aussi demandé.
Pour sa part, Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, a souhaité des précisions sur la teneur du plan d’action en faveur des femmes et sur sa date d’adoption. L’experte a également demandé des détails sur la Commission nationale, notamment sa composition, son mandat, son fonctionnement et la nature des plaintes qui lui sont présentées. Mme VIOLETA NEUBAUER, experte de la Slovénie, a noté que les droits des femmes consacrés dans la Constitution indienne étaient seuls mentionnés dans la loi indienne, sans qu’il soit fait directement mention des dispositions des instruments internationaux. Elle a demandé les résultats des enquêtes sur les violations des droits des femmes menées par la Commission nationale. Que se passe-t-il une fois que les plaintes ont été déposées et lorsqu’il est établi que les droits de la femme ont été violés? En outre, elle a relevé que la coopération entre la Commission nationale et la Commission d’État était apparemment loin d’être systématique et a demandé s’il elle pouvait être plus régulière. Tout en félicitant le Gouvernement indien pour l’adoption de la Loi sur les violences domestiques, Mme SILVIA PIMENTEL, experte du Brésil, a suggéré que soient mis en place des plans concertés selon une approche globale, afin que la nouvelle législation et les lois futures permettent réellement d’améliorer les droits des femmes. Le Gouvernement indien est sensible aux atrocités commises à l’encontre des femmes de certaines tribus et au phénomène de la chasse aux sorcières, a-t-elle constaté. Mais quelles seront les mesures prises pour améliorer le système judiciaire à l’égard de ces femmes vulnérables et pour aller au-delà des préjugés?
Répondant aux questions des experts sur le mariage, la délégation a dit que certains États de la Fédération indienne avaient sur cette question leur propre législation. La Cour suprême a cependant demandé au Gouvernement central d’émettre des directives nationales sur l’enregistrement des mariages. Ces mesures pourraient permettre de mettre fin aux mariages d’enfants et d’adolescentes. Le Gouvernement élaborera ces directives après avoir recueilli des informations détaillées au niveau des communautés. Concernant les réserves émises par l’Inde sur le Protocole facultatif, la délégation a indiqué que son Gouvernement ne voyait pas la nécessité de se joindre à cet instrument. L’Inde dispose, au niveau national, de recours juridiques qui peuvent jouer le rôle des prérogatives que le Protocole facultatif accorde aux femmes ou à des groupes les représentant, a dit la délégation. L’Inde tient également à souligner que ce Protocole est « facultatif » comme l’indique son nom, et ne fait nullement obligation aux États de l’adopter, a-t-elle fait remarquer.
Parlant de la situation de vulnérabilité des femmes en milieu rural, la délégation a indiqué que le Gouvernement et les États de la Fédération indienne avaient mis en place des mesures d’aide d’urgence en leur faveur. Le Gouvernement encourage par ailleurs la création d’organismes de microfinancement. Il encourage aussi fortement les individus et les groupes communautaires à lancer des initiatives locales dans ce domaine. De nombreuses institutions communautaires de microcrédit, créées et gérées par des groupes de femmes, existent déjà, ce qui favorise leur autonomisation. Concernant les violences familiales, les viols et les abus, la Commission nationale de la femme a les pouvoirs nécessaires pour saisir la police et la faire intervenir quand des femmes victimes de violences n’ont pas elles-mêmes le courage d’exercer un recours, a indiqué la délégation.
Passant à la question des atrocités commises contre des femmes, la délégation a expliqué que la Commission nationale de la femme est dotée des pouvoirs nécessaires pour y faire face. La Commission agit sans tenir compte de la caste ou de l’appartenance sociale ou ethnique des victimes. Le Gouvernement central incite les gouvernements des États fédérés à être plus sensibles à ces questions, car leurs actions n’ont pas été à la hauteur des besoins, a néanmoins reconnu la délégation.
L’Inde est un pays laïc, comme l’affirme sa Constitution, a rappelé la délégation. L’unité et la diversité de l’Inde sont des acquis non négociables, mais le respect de la diversité n’a pas empêché la Cour suprême de légiférer sur des questions qui ont à la fois des aspects légaux et religieux, a-t-elle fait remarquer. La Cour a ainsi décidé que les femmes indiennes musulmanes avaient droit à une pension alimentaire après un divorce, ce qui n’était pas évident, au vu de la tradition religieuse. Il appartient à ces femmes de réclamer désormais ce droit quand elles se trouvent dans cette situation.
Concernant le statut de réfugiés et l’asile qui pourraient être offerts aux femmes déplacées, le Gouvernement indien attend que la Cour suprême lui indique la direction à prendre sur le plan légal, en respectant les conventions internationales en la matière, a indiqué la délégation. Pour ce qui est de la lutte contre l’analphabétisme, le Gouvernement indien est conscient que seule l’éducation permettra aux femmes de jouir pleinement de leurs droits. Des campagnes d’alphabétisation ont été lancées à cet égard il y a quelques années, et se poursuivent, a-t-elle ajouté. Elle a cependant rappelé aux experts qu’en Inde, le nombre de personnes devant être alphabétisées était extrêmement élevé, et que les ressources du Gouvernement central et des institutions régionales étaient limitées.
Concernant le dixième plan quinquennal qui devrait prendre fin au mois de mars cette année, nous n’avons encore aucun résultat d’évaluation, a précisé la délégation. Mais nous disposons d’une évaluation à mi-parcours qui a permis certains ajustements qui sont reflétés dans le nouveau plan. Un des thèmes principaux du onzième plan est l’épanouissement des femmes et des enfants. Pour l’élaboration de ce plan, notre Ministère a coordonné ses travaux avec d’autres ministères, notamment celui du logement, a indiqué la délégation. En outre, de vastes consultations avaient été menées avec des membres de la société civile. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes est largement diffusée et traduite dans les langues en vigueur dans le pays. Nous essayons aussi de travailler sur le changement des mentalités. L’application des mesures prises pose un problème, étant donné la taille du pays. En outre, les problèmes que rencontrent les femmes sont très différents selon les régions dans lesquelles elles vivent et nous devons organiser de nombreuses activités de formation en la matière.
Un autre membre de la délégation a abordé la nouvelle législation de 2005 sur la violence communautaire. Cette loi n’établit pas de distinction entre les hommes et les femmes, a-t-il précisé. En outre, une autre loi pénale est en cours d’élaboration pour mieux protéger les victimes et les témoins. Le but principal de la loi de 2005 est de disposer d’une procédure pour porter en justice ces cas de violence, avec notamment la possibilité de perquisition pour trouver des armes au domicile des suspects. Un autre objectif est de renforcer les peines en cas de violence communautaire, la peine maximale étant le double de la peine habituelle pour les mêmes violences commises dans un cadre ordinaire. L’identité des témoins pourra être gardée secrète au cours de la procédure. En outre, l’intimidation et les menaces aux témoins sont des délits qui sont punis plus lourdement dans un procès pour violence domestique.
Pour ce qui est des mesures administratives de mise en œuvre de la Convention, le représentant a assuré qu’il existait un dialogue continu entre les gouvernements locaux et le Gouvernement central. Une conférence annuelle de la police examine la question des violences à l’égard des femmes et les moyens d’y remédier. En outre, des mesures sont envisagées pour augmenter le nombre de femmes dans la police, a indiqué la délégation.
Poursuivant, elle a indiqué que la Commission nationale de la femme était composée uniquement de femmes. Parmi les mesures prises pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés, la délégation a évoqué les campagnes de sensibilisation qui sont organisées et le rôle fondamental des médias en la matière. Un Comité interministériel se réunit régulièrement pour assurer le respect des dispositions de la Convention et nous souhaitons mettre en place ce genre de comité dans les différents États, a-t-elle expliqué.
Concernant l’application de l’article 6 de la Convention, Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a estimé que l’Inde devrait renforcer ses législations destinées à lutter contre les viols et les violences sexuelles. La notion de viol doit aller au-delà d’une définition physique trop restrictive. Le viol ne devrait pas seulement être défini comme un acte de pénétration sexuelle forcée, a estimé Heisoo Shin. La législation indienne devrait reconnaître que le viol peut aussi être simplement psychologique, et elle devrait aussi reconnaître la notion du viol qui peut se produire entre époux. En outre, la notion de viol pourrait être étendue à la situation des filles mineures qui sont mariées contre leur volonté. L’Inde devrait promulguer des législations plus sévères contre les « crimes d’honneur », les lynchages contre les femmes et les traditions qui permettent à une famille ou à un homme de brûler vive une veuve. L’experte a ensuite demandé que l’État partie fournisse plus d’informations au Comité sur la situation qui règne dans l’État de Gujarat où les femmes sont victimes de beaucoup d’abus.
Tout en reprochant à l’Inde de n’avoir pas adopté le Protocole facultatif à la Convention, Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, a réclamé plus d’informations sur la situation des droits des femmes dans l’État de Gujarat. D’après des sources indépendantes, de nombreuses femmes ont été tuées ou victimes d’agressions sexuelles dans cet État. Les chiffres fournis par le Gouvernement indien sont curieusement identiques à ceux donnés par les autorités du Gujarat, mais sont très inférieurs à ceux que donnent des organisations humanitaires et la presse, s’est étonnée l’experte. La Constitution indienne ne donne-t-elle pas au Gouvernement central le droit d’intervenir directement au Gujarat et dans les autres États de la Fédération? Le Gouvernement reconnaît-il que plus de 5 000 familles musulmanes vivent dans des camps de réfugiés au Gujarat? Que fait-il pour améliorer le sort de cette population? Les rapports indiquent que la Cour suprême a rouvert certaines affaires, et que les jugements rendus concernant 2 000 affaires ont été annulés. Où en sont ces procédures? a demandé l’experte. Quel est le statut des membres de la communauté musulmane victimes d’agressions par des membres de la majorité hindoue au Gujarat? L’État s’occupe-t-il de leur réinsertion?
Répondant à ces questions, la délégation a indiqué que son pays procédait actuellement à l’amendement de la législation pour assurer une meilleure protection aux veuves et mettre fin à la pratique de leur immolation par le feu. Les lois contre le viol sont, elles aussi, en cours de révision, et le Gouvernement compte interdire l’identification du sexe des fœtus pour mettre fin aux avortements de fœtus féminins. Le problème ne réside cependant pas dans le manque présumé de lois, mais plutôt dans la difficulté de faire appliquer les textes existants, a indiqué la délégation. La solution de nombreux problèmes devrait venir d’un changement de mentalité et d’une évolution culturelle, a reconnu la délégation.
Répondant aux remarques sur la définition du viol, la délégation a indiqué à l’experte de la République de Corée que le Gouvernement travaillait avec la société civile, les ONG et les avocats sur la modification des textes existants en la matière. Quant aux évènements qui se sont produits au Gujarat, tout le monde en Inde en a eu honte, a dit la délégation. Les médias ont cependant été à la hauteur de ces évènements en informant l’opinion publique et les autorités des violations graves faites aux droits des femmes durant cette période. C’est la lumière faite sur ces incidents qui a permis de saisir la Cour suprême, qui a annulé les jugements rendus par les tribunaux du Gujarat et du Marashtrat. La Cour a recommandé que 2 000 dossiers soient réexaminés, a rappelé la délégation. Ces évènements ont montré la liberté et l’étendue des pouvoirs de la Cour suprême en Inde, a estimé la délégation. La Cour a demandé que les nouveaux jugements se tiennent en dehors de l’État du Gujarat. Aux termes de la Constitution, il est difficile au Gouvernement central d’intervenir systématiquement dans les affaires des États fédérés si ceux-ci ne font pas eux-mêmes appel à New Delhi, a rappelé la délégation.
Revenant sur la question du viol, la délégation a précisé que le onzième plan quinquennal prévoyait des programmes de réinsertion de femmes violées.
Lançant une série de questions sur les articles 7, 8 et 9 de la Convention, Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana, s’est réjouie des mesures concrètes prises par l’Inde, comme l’adoption des 73e et 74e amendements à la Constitution, qui ont permis d’augmenter le nombre de femmes siégeant dans les collectivités locales, mais a voulu savoir si un consensus émergeait sur le projet de loi sur la discrimination positive. Elle a par ailleurs demandé que soient communiqués les résultats de l’évaluation à mi-parcours du dixième plan quinquennal, avec la proportion de femmes par secteur et par groupe de population.
Pour répondre à l’experte du Ghana, la délégation a rappelé que le Gouvernement s’était engagé à adopter le principe de la discrimination positive et que son adoption n’était qu’une question de temps. En 2002 on a atteint 8,18% de femmes au Gouvernement et, au niveau des organes locaux, il y avait 26% de femmes, ces chiffres étant en constante augmentation, a-t-elle ensuite précisé. Elle a ajouté que la plus grande partie des 397 millions de travailleurs indiens étaient employés dans le secteur informel. Le taux de participation des femmes dans le monde du travail n’est pas très satisfaisant, a-t-il reconnu, mais il augmente régulièrement: 21% en 1983, 25% en 2000 et 27% en 2004.
Reprenant la parole, l’experte de l’Allemagne a noté que l’Inde ne présentait ses rapports qu’avec beaucoup de retard et s’est demandé s’il fallait envisager d’aider le pays à les présenter dans les délais. Reconnaissant les difficultés auxquelles pouvaient être confronté un État fédéral dans ce domaine, elle a cependant souligné la nécessité de le faire comme s’y astreignent les petits pays. S’agissant du Protocole facultatif, elle a assuré qu’il s’agit simplement d’un instrument facilitant la mise en œuvre de la Convention, et en aucun cas un moyen de s’ingérer dans les affaires internes. Poursuivant, l’expert des Pays-Bas a ajouté que cet instrument était un acquis important et il a espéré que l’Inde se joindrait bientôt aux États qui l’avaient déjà ratifié. L’expert a par ailleurs demandé des détails sur les poursuites pour violence exercée contre les femmes de la caste des Dalits. N’y a-t-il pas une culture d’impunité pour la violence à leur égard? a-t-il demandé.
L’experte de la Malaisie a demandé comment l’Inde conciliait le principe d’égalité hommes-femmes consacré dans sa Constitution avec les inégalités flagrantes qui subsistent. Dans le cas de l’État du Gujarat, elle a cité des informations selon lesquelles des preuves de viols de femmes avaient été détruites et elle a souhaité que le Gouvernement indien réexamine la définition du viol.
Est-ce que le onzième plan prévoit de favoriser les poursuites à l’encontre des agresseurs de femmes? a ensuite demandé l’experte de la République de Corée. S’agissant de la situation des femmes dans l’État du Gujarat, elle a souhaité savoir combien de femmes avaient été tuées ou agressées sexuellement. Par ailleurs, Mme GLENDA SIMMS, experte de la Jamaïque, a demandé si des mesures avaient été prises pour favoriser l’emploi des femmes au sein du Gouvernement, où les femmes devraient précisément être bien représentées. Elle a aussi demandé que les juges soient bien formés et sensibilisés à la question des violences à l’égard des femmes, tout en souhaitant que la magistrature comprenne également davantage de femmes juges.
Répondant aux questions posées par les experts sur la situation des droits des femmes dans l’État du Gujarat, la délégation a dit que son pays se proposait de créer des services d’assistance judiciaire dans chaque État fédéré ou région. Cette mesure vise notamment à venir en aide aux femmes de la caste des « Dalits » (intouchables) menacées par certaines traditions, notamment celle consistant à les brûler vives après la mort de leur conjoint. Mais il faut aussi faire savoir à ces femmes les droits qui sont les leurs et les convaincre qu’elles peuvent les exercer. Concernant le statut des femmes musulmanes en particulier, la délégation a démenti les informations selon lesquelles elles n’auraient pas accès aux institutions publiques d’éducation. La majorité des Indiennes de confession musulmane ne reçoivent pas seulement un enseignement basé sur leur religion, a-t-elle indiqué. Toutefois, a fait remarquer la délégation, les résistances aux efforts d’éducation en faveur des femmes viennent d’abord de certains groupes de femmes dans les communautés musulmanes. Parlant de la pratique judiciaire en Inde, la délégation a dit que son Gouvernement a mis en place des programmes de sensibilisation des professionnels de la justice aux droits des femmes. Les allégations selon lesquelles les juges indiens ne s’intéressent pas aux problèmes de la population féminine sont fausses, a affirmé la délégation. Sur les 2 000 dossiers pour lesquels la Cour suprême a demandé une révision de jugement, 1 800 sont actuellement réexaminés, et les procédures judicaires y afférentes devraient bientôt être ouvertes, a-t-elle précisé.
Abordant la troisième partie de la Convention et précisément la question de l’éducation des femmes (article 10 de la Convention), l’experte du Brésil a demandé quels étaient les résultats des programmes d’éducation en faveur des Dalits. Avez-vous des programmes pour améliorer la scolarisation au-delà de l’âge de scolarisation obligatoire, notamment pour les femmes musulmanes? a-t-elle aussi voulu savoir. Elle a également évoqué un amendement à la Constitution sur la scolarisation et demandé des précisions sur la promulgation de la loi qui doit en découler. L’experte de l’Allemagne a constaté qu’il subsistait des écarts importants entre l’éducation des filles et celle des garçons. L’éducation semble relever de la responsabilité des États, mais au vu de tels écarts, le gouvernement fédéral devrait avoir davantage de pouvoirs pour intervenir auprès des États qui ne parviennent pas à relever le niveau d’éducation, a-t-elle estimé. L’experte a noté par ailleurs que les 6% du PIB qui devraient être consacrés à l’éducation selon les termes de la Déclaration de Beijing, n’avaient pas été atteints et regretté le manque de chiffres pour évaluer la situation.
Pour sa part, l’expert des Pays-Bas s’est interrogé sur l’incidence de la privatisation d’une partie de l’éducation en Inde. À la suite des événements du Gujarat, a-t-il rappelé, la création d’un Comité pour étudier la situation socioéconomique et éducative des musulmans de la région met en évidence que le caractère conservateur de cette population n’était pas le seul facteur de manque de scolarisation. Concernant le taux d’alphabétisation des hommes et des femmes, il a noté que de grands progrès ont été réalisés dans les années 1990. Il a cependant souhaité des informations sur la situation actuelle. À son tour, Mme NAELA MOHAMED GABR, experte de l’Égypte, a demandé comment le Gouvernement envisageait l’intégration sociale et culturelle des femmes. Elle a jugé que les 3,5% du PIB consacrés à l’éducation n’étaient pas suffisants.
Invitée à répondre aux questions relatives à l’éducation, la délégation a précisé que le projet de loi en la matière avait été distribué à tous les États afin de susciter un processus de consultation. Il existe, au niveau du Gouvernement central, un programme « éducation pour tous » dont 75% du financement sont assurés au niveau central. Ses résultats sont d’ailleurs très encourageants puisque l’accès à l’éducation s’est nettement amélioré, a assuré la représentante, qui a cité les chiffres suivants pour 2003: 98% de la population rurale a maintenant accès à l’école primaire; 240 000 nouvelles écoles se sont ouvertes dans le pays; et on a recruté plus d’un million d’enseignants ces dernières années. L’Inde a également pu réduire le nombre d’enfants âgés entre six et 14 ans non scolarisés. Selon une étude indépendante, on constate en effet qu’il n’y en a plus que 7 millions en 2006, alors qu’ils étaient 44 millions en 2002. La ventilation par sexe montre que c’est le taux de filles qui a le plus augmenté.
La représentante de la délégation a aussi parlé des incitations à l’éducation, comme la fourniture de logements de type pensionnats pour les filles qui désirent poursuivre leurs études supérieures. En ce qui concerne le taux d’abandon scolaire, celui des filles baisse plus vite que celui des garçons, a-t-elle relevé. Sur l’engagement d’atteindre 6% du PIB consacrés à l’éducation, elle a assuré que cet objectif serait réalisé de façon progressive puisqu’on en était à 3,5%, sans compter les fonds perçus de la taxe d’éducation qui existe depuis peu et qui devrait faire augmenter ce pourcentage. Pour répondre à la question sur la privatisation de l’éducation, la délégation a fait valoir que 85% des inscriptions scolaires se faisaient dans des écoles publiques. Un nouveau programme scolaire a été dévoilé l’année dernière, a-t-elle ajouté, avec un objectif d’intégration sociale et de prise en compte des droits des femmes et des enfants.
Posant une série de questions sur l’application des articles 11, 12, 13 et 14 de la Convention, l’experte de la Malaisie a demandé à la délégation de lui indiquer l’impact du microcrédit sur les efforts de lutte contre la pauvreté, qui touche de plus en plus de femmes. Y a-t-il des politiques et des programmes d’accompagnement du microcrédit pour permettre aux femmes pauvres qui en sont bénéficiaires d’avoir plus de chances de réussite dans leur entreprenariat? Concernant le harcèlement sexuel, l’experte a demandé des précisions sur le contenu du projet de loi que le Gouvernement indien est en train d’élaborer contre ce phénomène. S’intéressant en particulier aux femmes des États du nord-est de l’Inde, elle a demandé si le Gouvernement les avait consultées avant de rédiger le projet de loi relatif à la lutte contre la pauvreté dans cette région. Enfin, quels sont les projets lancés par l’Inde pour lutter contre l’exploitation économique des enfants?
La délégation a répondu que la rédaction de la première mouture du projet de loi contre le harcèlement sexuel était achevée, et que ce texte allait être rendu public en vue de recueillir les recommandations des organisations ou des groupes de personnes intéressées avant la rédaction du texte final. Le projet de texte sera mis sur un site Internet, a précisé la délégation. Les procédures concernant des procès pour harcèlement sexuel devront cependant veiller à protéger l’identité des plaignants et des accusés tant que ces derniers ne sont pas jugés coupables. Le projet de loi devra contenir des mesures spécifiques à cet égard.
Parlant du microcrédit, la délégation a dit que les groupes chargés de l’attribution de ce type de crédit se réunissaient chaque mois afin de passer en revue les demandes soumises par des femmes ou des groupes de femmes désirant se lancer dans des activités de production. En ce qui concerne le développement de la région du nord-est, que le Gouvernement a identifié comme zone d’intervention spéciale du fait de ses besoins, des mesures de faveur ont été prises. Le Gouvernement mobilise ainsi, lui-même, les fonds nécessaires à la réalisation des projets économiques dans cette région sans exiger qu’elle fournisse d’abord elle-même un quota de financements comme cela est le cas pour les autres grandes régions de l’Union indienne. Les mesures prises en faveur du nord-est visent à y réduire la pauvreté, et elles profitent d’abord aux groupes les plus vulnérables, dont notamment les femmes.
Il y a une décennie, 12 millions d’enfants travaillaient de manière illégale en Inde, dont plus d’un million dans des conditions dangereuses, a ensuite indiqué la délégation. Pour diminuer ces risques, le Gouvernement a revu les normes du travail en entreprise et dans les petits ateliers familiaux, et a créé des centres de formation à l’intention de ces enfants. L’objectif est de mettre fin au travail dangereux des enfants, et le Gouvernement le fait, secteur par secteur, en veillant à maintenir la productivité. Cinquante mille femmes ont pour leur part été formées ces dernières années, en vue de leur offrir de meilleures perspectives d’emplois et de meilleurs revenus.
Cinq millions d’emplois ont été créés en 2006 en Inde, dont 40% en faveur des femmes, a indiqué la délégation en estimant que ce fait était une preuve des efforts déployés en vue d’intégrer les Indiennes au monde du travail. L’État pense que le secteur public ne peut à lui seul résorber les besoins sociaux et professionnels des femmes. Au vu de l’importance des besoins et de la population élevée du pays, il fait donc appel à la société civile et au privé, a dit la délégation en précisant que le secteur public employait 3% de la population active de l’Inde.
Intervenant sur les questions de santé (articles 12 et 14 de la Convention), l’experte de la Malaisie a relevé que l’Inde avait le taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde. Il est indispensable de réduire ces chiffres, a recommandé l’experte. Elle a noté que les interruptions volontaires de grossesses pratiquées dans la clandestinité étaient la principale cause de décès de femmes enceintes. Elle a souhaité savoir si l’Inde dispose d’une politique visant à contrôler les naissances. Elle a également demandé à la délégation d’expliquer comment son Gouvernement applique les recommandations du Comité en matière de santé.
L’experte de la Jamaïque a rappelé que le VIH/sida était l’une des plus grandes menaces qui pesaient sur le monde moderne, qui constituaient aussi en Inde, une menace pour le développement. Le travail des enfants exploités sexuellement est d’ailleurs un des vecteurs de l’épidémie. En ce qui concerne les Dalits et les groupes tribaux, il faut aller plus loin, selon elle, car leur discrimination est ancrée dans l’histoire. Elle s’est insurgée contre le sort réservé aux femmes de cette caste et demandé que le Gouvernement de l’Inde ne se limite pas à sensibiliser les populations sur cette question mais s’attaque aussi aux causes, en adoptant une démarche véritablement « révolutionnaire ».
On parle de l’Inde comme le moteur du monde, et pourtant 70% des Indiennes vivent dans les zones rurales, a poursuivi l’experte de la République de Corée. Il faut donc s’occuper particulièrement de ces femmes, a-t-elle invité le Gouvernement. Depuis la réforme agraire, les femmes peuvent maintenant se faire enregistrer comme propriétaires de terres rurales, mais malheureusement ce ne sont pas des terres arables, a constaté l’experte. Qu’en est-il donc de ces femmes qui sont déplacées de ces terres pour rien? Passant à la question des projets de microcrédit en l’Inde, elle a constaté qu’ils étaient assez différents de ceux de la Gramen Bank, car ils visent seulement les femmes qui parviennent à épargner tous les mois et ce sont en fait les banques qui en profitent. Les femmes les plus pauvres ne peuvent donc pas bénéficier de ces programmes, a-t-elle regretté. Elle s’est aussi demandé si la situation des femmes dans ces groupes d’autosuffisance s’améliorait vraiment et a suggéré au Gouvernement d’agir plus concrètement pour améliorer l’autonomie des femmes.
Toujours sur la question de la pauvreté des femmes dans les zones rurales, l’experte du Ghana a noté que ces femmes faisaient l’objet de discriminations multiples. Elle a souhaité connaître des données ventilées par sexe et par caste. L’experte de l’Égypte a pour sa part expliqué que l’expérience de microcrédit dans son pays avait été très réussie, les femmes montrant qu’elles étaient enclines à rembourser les crédits plus rapidement que les hommes. Elle a donc souhaité qu’en Inde, autant de femmes que d’hommes puissent bénéficier de ces crédits.
La délégation a dit que le taux de mortalité maternelle avait baissé ces dernières années en Inde, par rapport à ce qu’il était au cours des années 1990. L’actuel plan quinquennal de développement stipule que les femmes doivent avoir gratuitement accès aux formations médicales publiques pour les soins de santé primaire et maternelle. Pour réduire la mortalité maternelle, le Gouvernement a décidé de s’attaquer à la malnutrition des mères et aux anémies. Il met aussi en place des mesures pour porter assistance aux femmes enceintes et aux mères handicapées. Concernant les femmes séropositives et celles ayant développé le sida, le Gouvernement facilite la création de réseaux de soutien communautaires et de groupes d’auto-assistance.
Des projets concernant la création d’un système d’assurance maladie contre les maladies chroniques et génétiques sont en ce moment discutés dans le cadre du 11ème plan national de développement, a indiqué la délégation. La pauvreté oblige de plus en plus de mères à occuper des emplois de serveuses ou d’aides domestiques, ce qui fragilise les familles sans pour autant assurer au foyer un revenu qui contribuerait à réduire leur misère, a déploré la délégation. Pour pallier ces développements négatifs, l’Inde va s’efforcer de favoriser l’éducation de ces femmes, afin de leur permettre de travailler dans des secteurs de production à l’exportation, étant donné que le pays a des atouts pour tirer bénéfice des échanges commerciaux de la mondialisation, a indiqué sa délégation.
Concernant la question de l’accès des femmes à la terre dans les zones tribales, la délégation a dit que certains États de la Fédération avaient des lois qui effectivement interdisaient la propriété de terres tribales par des femmes. Le Gouvernement central s’efforce cependant d’ouvrir un dialogue national sur cette question. En ce qui concerne le cas des femmes qui n’ont pu sortir du milieu traditionnel pour une raison ou une autre, et que l’on rencontre parfois en train de faire de la récupération dans les décharges d’ordures, le Gouvernement, appuyé par la Cour suprême, a l’intention de mettre en place des lois qui obligeront les pouvoirs publics et les entreprises à les aider, a dit la délégation. Dans le cadre de mesures de protection des femmes handicapées, l’Inde va signer la Convention des Nations Unies qui a été récemment adoptée par l’Assemblée générale. Elle compte aussi lancer un programme national d’assistance aux femmes âgées qui vivent parfois sans soutien familial, a indiqué la délégation. L’Inde n’a pas encore de statistiques nationales sur les avortements illégaux, mais elle compte bientôt chercher des solutions à ce problème, au vu de ses impacts sociaux, a assuré la délégation.
Questions sur l’article 16 de la Convention
Abordant la question du mariage (article 16 de la Convention), l’experte du Ghana s’est demandée comment l’Inde pouvait continuer à tolérer, par exemple, qu’une femme soit tuée parce qu’elle ne pouvait pas payer sa dot. Le mariage des mineures continue à se pratiquer dans bien des régions de l’Inde, a-t-elle constaté. Si le Gouvernement n’intervient pas dans ces cas, on peut craindre l’absence de changements véritables. L’experte a demandé que l’Inde reconsidère sa position quant aux réserves à la Convention CEDAW, en particulier quant aux articles 5 et 16.
Enfin, l’experte d’Israël a craint que, même le Code civil indien ne semble pas garantir l’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de patrimoine commun du couple marié et les femmes qui divorcent doivent donc compter sur la générosité des pensions alimentaires. Or, il est connu que le non-partage des biens acquis au cours du mariage est une cause de paupérisation des femmes. L’experte a constaté également que le viol conjugal n’était toujours pas inclus dans le droit indien. Elle s’est enfin interrogée sur la façon dont l’État contrôlait les mariages religieux contractés avant l’âge légal du mariage.
Un représentant de la délégation a expliqué qu’on ne pouvait pas pénaliser l’enfant marié illégalement. Il a indiqué que, s’agissant des biens partagés dans le cadre du mariage, les tribunaux de la famille jouaient un rôle de plus en plus dynamique en Inde. La Cour suprême a décidé que chaque État fédéré devait édicter ses propres règles en matière de mariage, a-t-il précisé. Chaque État fédéré a donc une approche différente, mais on doit pouvoir envisager un enregistrement obligatoire de ces mariages.
Revenant sur les problèmes liés à l’éducation, l’experte du Brésil a noté les progrès en matière de scolarisation. Elle a souhaité savoir si les femmes musulmanes et les femmes des groupes tribaux suivaient des études supérieures. L’expert des Pays-Bas a évoqué la loi spéciale sur les forces armées qui donne aux militaires des pouvoirs spéciaux en cas de violation des droits de la femme. Le Comité avait formulé des recommandations à l’Inde sur des modifications de cette loi et a demandé si elles avaient été suivies. L’experte de l’Allemagne a rappelé qu’il y avait un écart entre le droit à pratiquer une religion et le droit des femmes à jouir d’une égalité de droits avec les hommes. Pour sa part, l’experte de la République de Corée a demandé si l’État était disposé à entendre la voix des femmes tribales. Évoquant les 2% de femmes handicapées, elle s’est étonnée de ce faible pourcentage et en a déduit des insuffisances en terme de statistiques. Elle a enfin suggéré que des ONG de femmes indiennes soient associées à l’élaboration du prochain rapport et que soit organisé un forum avec les médias et les ONG pour faire connaître la Convention et les observations finales du Comité. Enfin, l’experte de la Malaisie a relevé que la perspective de l’enregistrement des mariages semblait plus prometteuse dans le rapport que dans la présentation faite aujourd’hui par la délégation.
En réponse, la délégation a assuré qu’elle fournirait au Comité toutes les statistiques à sa disposition. En ce qui concerne la loi sur les forces armées, des mesures ont été prises pour informer les forces armées et les forces de police de ce qu’elles peuvent et ne peuvent pas faire. La délégation a aussi indiqué qu’il y avait 37% parmi les musulmanes et 3% chez les filles tribales qui entraient dans l’enseignement supérieur. Dans le pays, 6,52% de filles indiennes accèdent à l’enseignement supérieur, tandis que la moyenne nationale, filles et garçons confondus, est de 8%. L’accent est porté sur l’enseignement primaire et secondaire, pour arriver dans un deuxième temps à ce que les filles parviennent à l’enseignement supérieur ou à des formations professionnelles. Enfin, sur la question de l’enregistrement des mariages, une autre représentante de la délégation a expliqué que la Cour suprême pouvait rendre des ordonnances pour exiger que justice soit rendue dans une affaire.
Composition de la délégation de l’État partie
Outre Mme Deepa Jain Singh, la délégation indienne était composée de MM. Nirupan Sen, Représentant permanent auprès des Nations Unies; G.E. Vahnavati, Solliciteur général du Gouvernement; Sandeep Khanna, Secrétaire du Ministère pour la justice sociale et l’autonomisation; S.K. Srivastava, Secrétaire conjoint des Ministères du travail et de l’emploi, et de l’intérieur; B.N. Reddy, Conseiller à la mission indienne auprès de l’ONU. Mmes Vrinda Swarup, Secrétaire conjointe des Ministères de l’enseignement primaire et de l’alphabétisation; Sumita Mukherjee, Directrice au Ministère de l’intérieur; R. Savithri, Directrice au Ministère du développement du statut de la femme et de l’enfance; Geeta Davis, de la Faculté nationale de droit; Rema Nanavaty; Jyto Gade et le Dr Shanta Mohan, faisaient également partie de la délégation indienne.
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