LE SOUDAN DÉFIE l’AUTORITÉ DU CONSEIL DE SÉCURITÉ, DÉCLARE LE PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
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Conseil de sécurité
5789e séance – matin
LE SOUDAN DÉFIE l’AUTORITÉ DU CONSEIL DE SÉCURITÉ, DÉCLARE LE PROCUREUR DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE
Luis Moreno-Ocampo réclame l’arrestation des deux Soudanais inculpés
par la CPI et dénonce une campagne délibérée contre les civils au Darfour
Le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Luis Moreno-Ocampo, a demandé, ce matin, au Conseil de sécurité de rappeler le Soudan à ses obligations, afin qu’il livre ses deux ressortissants visés par un mandat d’arrêt de la CPI. Il a également annoncé l’ouverture de deux nouvelles enquêtes concernant la situation au Darfour, premier et seul dossier à ce jour, que le Conseil de sécurité a déféré à la Cour, par sa résolution 1593 du 31 mars 2005.
La Chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a délivré deux mandats d’arrêt, le 27 avril dernier, à l’encontre de Ahmad Haroun, actuel Ministre d’État soudanais chargé des affaires humanitaires et Ali Kushayb, chef d’une milice janjaouite, poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. M. Moreno-Ocampo a déploré que depuis cette date, le Soudan n’ait rien fait, ni pour les traduire devant la justice nationale, ni pour les arrêter et les transférer à La Haye, au Pays-Bas, où siège la Cour. Il a constaté qu’au contraire, Ahmad Haroun avait bénéficié d’une promotion. « Le Gouvernement du Soudan défie l’autorité du Conseil de sécurité », a-t-il déclaré.
Le Procureur de la CPI a présenté M. Haroun comme l’acteur clef d’un projet criminel bien conçu, marqué, dans une première phase par le déplacement forcé, en 2003-2004, de 2,5 millions de personnes au Darfour et dans une deuxième phase, qui se déroule actuellement, par une « campagne délibérée » d’attaques contre les mêmes victimes, cette fois à l’intérieur des camps. « Voilà comment se réalise la lente destruction de communautés entières, au vu et au su de la communauté internationale », a-t-il affirmé, en annonçant l’ouverture de deux nouvelles enquêtes, l’une sur les attaques de responsables soudanais contre les civils, l’autre sur les attaques contre le personnel humanitaire et les troupes de maintien de la paix, impliquant également les rebelles.
M. Moreno-Ocampo a appelé le Conseil de sécurité à transmettre un message ferme et unanime au Gouvernement du Soudan. « Vous pouvez faire la différence », a-t-il lancé aux membres du Conseil, avant de conclure: « Ce qui est en jeu n’est rien moins que la vie ou la mort de 2,5 millions de personnes ». Lors du débat qui a suivi, plus de la moitié des membres -Panama, France, Royaume-Uni, Belgique, Slovaquie, Afrique du Sud, Pérou et Italie- ont souhaité un message de soutien clair du Conseil à la Cour pénale internationale, sous la forme d’une déclaration présidentielle, rappelant le Soudan à ses obligations. Le représentant de la Slovaquie a qualifié d’« inadmissible » l’attitude soudanaise, son homologue belge évoquant une « provocation » et un « mépris pour les victimes ». Le représentant du Panama a estimé que les autorités à Khartoum, en refusant de coopérer avec la CPI, agissaient en violation de la Charte des Nations Unies.
Le Pérou a salué le « professionnalisme » et l’« impartialité » du Procureur de la Cour, tandis que le Qatar l’appelait au contraire à se montrer plus « discret », en respectant la compétence de la justice nationale soudanaise. Le Congo et la Fédération de Russie ont souhaité que la Cour ne se limite pas aux crimes commis par les responsables gouvernementaux, mais enquête également sur les exactions commises par les rebelles. Rappelant que le Darfour se trouvait dans une phase politique délicate, avec les négociations de Syrte et le déploiement prochain de la Force hybride ONU-Union africaine, le représentant de la Fédération de Russie a appelé la CPI à la prudence. Son homologue du Ghana a mis en garde contre les effets déstabilisateurs de la lutte contre l’impunité. Le représentant de la Chine a, quant à lui, prôné l’adoption d’une approche globale, respectant un équilibre entre les aspects politique, sécuritaire, humanitaire et judiciaire de la crise du Darfour. De son côté, le délégué belge a souligné la complémentarité entre ces différents aspects. « Tous ces volets se renforcent mutuellement », a renchéri le représentant de l’Italie.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN
Exposé
M. LUIS MORENO-OCAMPO, Procureur de la Cour pénale internationale, a indiqué qu’après que le Conseil de sécurité eut référé la situation au Darfour à la CPI, le 31 mars 2005, il avait ouvert une première enquête le 1er juin 2005 et présenté ses preuves aux juges le 27 février 2007, après s’être assuré qu’aucune enquête au Soudan ne portait sur la même affaire. Le 27 avril 2007, a-t-il poursuivi, la Chambre préliminaire de la CPI, jugeant l’affaire recevable et relevant de la compétence de la Cour, a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de Ahmad Haroun, ancien Ministre d’État chargé de l’intérieur et Ali Kushayb, chef d’une milice janjaouite, les deux poursuivis pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour.
Il a indiqué que le Soudan, en tant qu’État Membre des Nations Unies, avait l’obligation juridique, aux termes de la résolution 1593, d’arrêter et de remettre à la Cour les deux inculpés. Il a déploré que le Soudan, alors qu’il connaît depuis 10 mois les charges qui pèsent sur Ahmad Haroun et Ali Kushayb, n’ait rien fait, soit pour les traduire devant la justice nationale, soit pour les arrêter et les transférer à La Haye. N’ayant reçu aucune information directe de la part des autorités, il s’en est remis à des déclarations publiques ou des articles de presse pour s’enquérir du sort des deux inculpés. Il a indiqué que Ali Kushayb, après avoir fait l’objet d’une enquête, avait été libéré le 30 septembre « faute de preuves ».
Concertant Ahmad Haroun, le Procureur a cité une déclaration du Ministre soudanais de l’intérieur expliquant que les éléments de preuve contre lui étaient sans fondement et qualifiant le Procureur de la CPI d’« intrus », n’ayant pas compétence en la matière. M. Moreno-Ocampo a déploré que M. Haroun ait conservé son poste de Ministre d’État chargé des affaires humanitaires, devenant même Ministre de plein exercice après le retrait du SPLM du Gouvernement du Soudan. Il a en outre été nommé membre du Groupe national chargé du mécanisme de surveillance de la force hybride ONU-Union africaine pour le Darfour (MINUAD). « Le Gouvernement du Soudan défie de manière répétée l’autorité du Conseil de sécurité», qui a donné compétence à la CPI sur cette question, a-t-il affirmé, avant d’appeler le Conseil à faire respecter sa résolution 1593.
Après avoir démontré, dans un premier dossier, comment Ahmad Haroun avait coordonné un système criminel en 2003-2004, le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé l’ouverture prochaine de deux nouvelles enquêtes sur les crimes en cours, d’une part sur les attaques perpétrées par des responsables soudanais contre des civils, notamment les 2,5 millions de personnes déplacées, d’autre part sur les attaques, de plus en plus nombreuses, contre le personnel humanitaire et les troupes de maintien de la paix, comme l’attaque perpétrée à Haskanita, par des membres de mouvements rebelles.
Concernant les attaques contre les civils, le Procureur de la CPI a évoqué une « campagne délibérée ». « Nous ne pouvons pas nier cette réalité », a-t-il déclaré, estimant que qualifier ces crimes de « violence sporadique » ou d’« affrontements tribaux » relevait de la dissimulation. Si la campagne de terreur a eu pour résultat le déplacement forcé de 2,5 millions de personnes, il reste encore quelques civils dans les rares villages qui n’ont pas été brûlés, a-t-il poursuivi, en déplorant qu’ils continuent, aujourd’hui encore, à être la cible d’attaques. Il a expliqué en outre que les 2,5 millions de personnes déplacées dans des camps étaient délibérément laissées dans une situation d’insécurité, entourées par des forces hostiles, menacées de réinstallation forcée en territoire hostile, « sans espoir pour le présent et sans perspectives d’avenir ». Il a notamment indiqué que le Gouvernement du Soudan, loin d’avoir désarmé les milices janjaouites, les a intégrées dans l’appareil de sécurité aux alentours des camps, où les viols de femmes sont systématiques. « En vertu du Statut de Rome, le viol est un crime », a-t-il rappelé. « Voilà comment se réalise la lente destruction de communautés entières, au vu et au su de la communauté internationale », a-t-il ajouté.
M. Moreno-Ocampo a déclaré qu’en tant que Ministre d’État chargé des affaires humanitaires, Ahmad Haroun, inculpé par la CPI, était officiellement en charge de la sécurité et du bien-être des personnes déplacées, alors qu’en réalité, il participait à leur harcèlement permanent. Tous les indices montrent que les prétendues éruptions de violence dans les camps relèvent d’une stratégie bien conçue, a-t-il poursuivi, en expliquant qu’après les déplacements forcés au cours de la période 2003-2004, ces attaques contre les mêmes victimes à l’intérieur des camps constituaient la deuxième phase du projet criminel coordonné par Ahmad Haroun. « Ahmad Haroun est un acteur clef, mais il n’est pas seul », a-t-il affirmé. Cette deuxième enquête doit permettre de déterminer qui porte la principale responsabilité, qui maintient M. Haroun à son poste et qui lui donne des instructions.
M. Moreno-Ocampo a ensuite présenté la troisième enquête qu’il compte ouvrir, concernant les attaques contre le personnel humanitaire et les troupes de maintien de la paix. Il a notamment cité l’attaque du 29 octobre contre une base de la MUAS à Haskanita, qui a coûté la vie à 10 soldats de l’Union africaine, attribuée à des forces rebelles. Il a indiqué que ce type d’attaques pouvait constituer un crime de guerre en vertu du Statut de Rome. Il a constaté que le Soudan n’avait pris aucune mesure pour protéger les effectifs de la force internationale. Il a demandé à tous les États Membres de lui fournir toutes les informations utiles et de l’assister dans la conduite de ces deux nouvelles enquêtes.
Le Procureur de la Cour pénale internationale a appelé le Conseil de sécurité à transmettre un message ferme et unanime au Gouvernement du Soudan, demandant le respect de la résolution 1593 et l’exécution des mandats d’arrêt. Il a estimé que maintenir à son poste Ahmad Haroun, dont il a rappelé qu’il était poursuivi pour 50 chefs d’inculpation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, était une menace directe pour des millions de victimes, ainsi que pour les travailleurs humanitaires et les soldats de la paix qui sont censés les protéger. « Combien de femmes, de jeunes filles devront être violées, combien de personnes tuées, combien de communautés détruites avant qu’Haroun ne soit arrêté? » s’est-il interrogé. « Vous pouvez faire la différence », a-t-il lancé aux membres du Conseil, avant de conclure: « Ce qui est en jeu n’est rien moins que la vie ou la mort de 2,5 millions de personnes ».
Déclarations
M. RICARDO ALBERTO ARIAS (Panama) a rappelé que les délits de génocide et les crimes contre l’humanité dont le monde a été témoin à la fin du siècle dernier avaient abouti à la création des Tribunaux spéciaux internationaux pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie, puis à un tribunal universel chargé de juger ce type de crimes. Le représentant a affirmé que jusqu’à présent le Gouvernement du Soudan avait ignoré les mandats d’arrêt délivrés par la CPI, ce qui constitue, a-t-il ajouté, une entrave au fonctionnement de la Cour. Il s’agit, selon lui, d’un acte délibéré de la part du Soudan de défier l’autorité du Conseil de sécurité. Ce non-respect est une violation des principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies, a-t-il déclaré, précisant que si le Conseil ne réagissait pas, cela ouvrirait la voie à d’autres violations du droit. Le représentant s’est dit préoccupé par le fait que la population civile était toujours la victime d’attaques délibérées et de violations des droits de l’homme. Il convient d’appuyer la CPI pour la poursuite de ses enquêtes sur ces affaires, a-t-il conclu.
M. JEAN-MAURICE RIPERT (France) a affirmé que le rapport présenté par le Procureur de la Cour pénale internationale, M. Luis Moreno-Ocampo, était parfaitement clair et précis. Il a fait observer que tout d’abord, les crimes relevant de la compétence de la CPI et entrant dans le champ de la résolution 1593 continuent d’être commis au Darfour, notamment contre les 2,5 millions de personnes déplacées de force dans des camps et contre des personnels humanitaires. Il a également retenu le caractère voulu, organisé des violences systématiques commises. Le Gouvernement du Soudan, a-t-il aussi fait remarquer, ne coopère pas avec la Cour et n’exécute pas les mandats d’arrêt qu’elle a délivrés contre Ahmad Haroun et Ali Kushayb. Bien plus, a-t-il ajouté, le Gouvernement du Soudan s’est opposé frontalement à la Cour en niant les crimes présumés et en nommant Ahmed Haroun à un poste qui lui donne un pouvoir de contrôle direct sur les personnes dont il a commandé le déplacement dans ses précédentes fonctions, et, comble d’ironie, en le chargeant des relations avec les Nations Unies. Quant à Ali Kushayb, sa liberté de mouvement et d’action au Soudan ne semble pas entravée, a-t-il noté. En dépit de l’enquête approfondie menée par le Procureur de la Cour, le Gouvernement du Soudan a choisi de nier l’existence des crimes commis par ces deux personnes et de les protéger. Le Gouvernement soudanais a manqué aux obligations juridiques qui sont les siennes en application de la résolution 1593, a-t-il dit. Le Conseil ne peut rester sans réagir devant cet état de fait et doit appuyer les efforts de la Cour pour accomplir la mission qui lui a été confiée, a-t-il estimé, ajoutant que ceci passait par l’exécution des mandats d’arrêt lancés contre Ahmad Haroun et Ali Kushayb. Le Gouvernement soudanais doit être rappelé à ses obligations et à ses responsabilités, a-t-il insisté. Le Conseil de sécurité doit, a souligné M. Ripert, manifester avec force son appui à la CPI dans l’accomplissement de sa mission. Il a, enfin, souhaité que le Conseil de sécurité adopte une déclaration rappelant très fermement au Soudan son obligation de coopération avec la Cour pénale internationale.
M. JOHN SAWERS (Royaume-Uni) a remercié le Procureur de la Cour pénale internationale pour son exposé franc et inquiétant. Il a exprimé sa vive préoccupation en constatant que les deux individus visés par des mandats d’arrêt restent en liberté et que le Soudan a cessé toute coopération avec la CPI. Il a déploré qu’ils continuent à bénéficier de protection, estimant qu’il s’agissait d’un défi lancé à la Cour et au Conseil de sécurité. Il s’est inquiété également de la poursuite des attaques contre les civils, les humanitaires et les forces de maintien de la paix. « Il ne saurait y avoir d’impunité pour les crimes atroces commis au Darfour », a-t-il déclaré, en souhaitant que le Conseil réagisse dès aujourd’hui à cette situation.
M. JOHAN VERBEKE (Belgique) a estimé, à la lecture du rapport, que non seulement le Gouvernement du Soudan ne coopérait pas avec le Procureur de la Cour pénale internationale comme le Conseil de sécurité l’y oblige, mais que depuis la délivrance par la Chambre préliminaire de la Cour des mandats d’arrêt à charge d’Ahmad Haroun et d’Ali Kushayb, les marques de soutien officiel à ces deux personnes s’étaient poursuivies. Ces provocations témoignent d’un grand mépris, à l’égard des victimes présumées de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, a-t-il affirmé, mais aussi du mépris à l’égard des décisions prises par le Conseil de sécurité. Le représentant s’est ainsi dit favorable à un rappel clair par le Conseil des termes de la résolution 1593 (2005) et des obligations qu’elle contient. L’exigence de justice est certes une exigence en soi, mais elle est aussi un facteur de paix et de stabilité s’inscrivant dans un processus plus large, a-t-il souligné. À travers l’action de la CPI au Soudan, ce n’est pas seulement la lutte contre l’impunité pour des crimes passés qui est en jeu, a-t-il noté. De l’avis de sa délégation, la recherche d’une solution globale au Darfour passe par une approche à quatre dimensions, a-t-il dit, citant les aspects politique, militaire (MINUAD), humanitaire et judiciaire. Les éléments de cette quadruple approche sont complémentaires, a-t-il précisé.
M. ILYA ROGACHEV (Fédération de Russie) a rendu hommage aux efforts du bureau du Procureur dans la tâche qu’il a à accomplir. Il s’est dit déçu du fait que l’interaction entre la CPI et le Gouvernement du Soudan soit pratiquement interrompue, ce qui, a-t-il ajouté, ne sert pas les enquêtes. Il a jugé indispensable de redoubler d’efforts pour renouer les contacts entre les parties. De même, il a souligné l’importance de s’attacher aux enquêtes sur les crimes commis par les rebelles. Il a également mis l’accent sur la nécessité d’une pleine coopération du système judiciaire soudanais dans l’enquête sur les crimes commis. Le représentant a estimé important de se concentrer sur les situations qui ont un aspect criminel, comme les attaques contre la population civile ou contre les convois d’assistance. Il a, de même, regretté qu’une enquête n’ait pas pu être menée sur l’attaque lancée contre des soldats de la paix. Le Darfour est dans une nouvelle phase politique délicate, d’où la nécessité de faire preuve de prudence, a-t-il prévenu avant de conclure.
M. LIU ZHENMIN (Chine) s’est félicité des efforts de la Cour pénale internationale (CPI) pour lutter contre l’impunité au Darfour, tout en ajoutant que les causes de la crise au Soudan étaient complexes. Il a prôné un traitement global du conflit, respectant un équilibre entre les aspects politique, sécuritaire, humanitaire et judiciaire. La priorité absolue devrait être de stabiliser la situation, a-t-il estimé, grâce au déploiement de la force hybride ONU-Union africaine et à la poursuite des négociations politiques. Toute action sur d’autres aspects de la crise doit être menée en gardant à l’esprit cette priorité, a-t-il ajouté. Le représentant a encouragé le Gouvernement soudanais à rétablir un climat de confiance et à renforcer sa coopération avec la CPI. Il a souhaité que le travail de la CPI vienne compléter les actions sur les autres aspects. Mettre fin à l’impunité fait partie intégrante de la solution, mais se limiter à cet aspect ne contribuera pas à rétablir une relation de confiance avec le Gouvernement du Soudan, a-t-il affirmé, en invitant la CPI à jouer un rôle constructif pour parvenir à un règlement global.
M. PETER BURIAN (Slovaquie) s’est dit préoccupé par les crimes graves et les violations des droits de l’homme commis au Darfour. Le représentant a déploré vivement les attaques délibérées actuellement menées contre le personnel de l’ONU et celui de l’Union africaine. Il a souligné la responsabilité du Gouvernement du Soudan pour ce qui est de mettre un terme aux violences et à l’impunité. Il est, a-t-il estimé, difficile, voire impossible d’instaurer une paix durable au Darfour sans lutter contre l’impunité. Il a également souligné le fait que le Gouvernement du Soudan n’ait pas coopéré avec la CPI, ce qui est, a-t-il dit, inadmissible. En vertu de la résolution 1593, tous les États, y compris le Soudan, doivent coopérer pleinement et soutenir la CPI, a-t-il déclaré. Le représentant a souligné que le Conseil de sécurité devrait envoyer un message ferme et unanime à tous les auteurs de crimes. Le Conseil ne peut tolérer l’impunité, a-t-il dit, en indiquant que sa délégation appuyait l’idée d’adopter une déclaration présidentielle du Conseil de sécurité allant dans ce sens.
Tout en réaffirmant les réserves émises par son pays à l’égard de la Cour pénale internationale, M. JEFF DE LAURENTIS (États-Unis) a estimé que les auteurs d’atrocités au Darfour devaient rendre compte de leurs actes. Il s’est dit particulièrement préoccupé par le manque de coopération du Gouvernement du Soudan avec la Cour et la liberté de mouvement que ce dernier garantit aux deux individus visés par un mandat d’arrêt. Le représentant a indiqué que les États-Unis avaient pris des sanctions économiques ciblées, notamment contre une compagnie de transport ayant acheminé des armes aux milices janjaouites et à des sociétés contrôlées par les autorités soudanaises. Il a condamné les attaques perpétrées contre les civils, mais aussi contre le personnel humanitaire et les troupes de l’Union africaine. Il a par ailleurs lancé un appel à tous les acteurs du conflit au Darfour pour qu’ils rejoignent le processus de paix en cours.
M. MARTY M. NATALEGAWA (Indonésie) a souligné que différents crimes de guerre avaient continué d’être commis par toutes les parties au Darfour. Il a affirmé que son pays appréciait les efforts du Procureur de la Cour pénale internationale en vue de poursuivre des contacts avec des pays voisins du Soudan, le Secrétariat des Nations Unies, l’Union africaine, la Ligue des États arabes, des groupes locaux, les organisations non gouvernementales et d’autres. Le représentant s’est dit profondément préoccupé par la poursuite du conflit au Darfour, qui entraîne une dégradation de la situation humanitaire. Le déplacement forcé de la population, les attaques délibérées contre des civils, le personnel humanitaire, ainsi que les affrontements tribaux ne peuvent que contribuer à créer des difficultés supplémentaires à l’établissement de la paix, a-t-il dit, rappelant, en ce sens, les propos de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, M. Jan Eliasson, devant le Conseil de sécurité, la semaine dernière. Il a indiqué que sa délégation condamnait les violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire au Darfour. Les auteurs de ces crimes, a-t-il déclaré, doivent être présentés devant la justice. La justice doit être assurée sans délai inutile, a-t-il ajouté. Il est essentiel, selon lui, que le Conseil de sécurité maintienne son unité et encourage les parties au Soudan à participer de manière constructive au processus de paix et l’accélère avec l’Opération hybride ONU-Union africaine.
M. DUMISANI KUMALO (Afrique du Sud) a estimé que la Cour pénale internationale était un élément clef pour mettre fin à l’impunité. Il s’est dit conscient des difficultés auxquelles doit faire face le Procureur, compte tenu de l’absence d’une police propre à la CPI, qui dépend donc entièrement de la coopération des États Membres pour l’exécution des mandats d’arrêt. Il a ainsi estimé qu’il était de la responsabilité du Conseil de sécurité d’exiger que les États Membres coopèrent avec la CPI, particulièrement en ce qui concerne les situations que le Conseil défère lui-même à la Cour. Rappelant que la résolution 1593 avait appelé tous les pays, y compris ceux qui ne sont pas parties au Statut de Rome, à coopérer, M. Kumalo a exhorté le Gouvernement du Soudan et les autres parties impliquées au Darfour à coopérer pleinement avec la CPI. Il a par ailleurs souhaité la poursuite d’un processus politique incluant toutes les parties et le déploiement de la MINUAD dans les plus brefs délais, pour mettre un terme au carnage en cours au Darfour. Il a enfin appuyé une déclaration du Conseil sur la coopération avec la CPI.
M. LESLIE KOJO CHRISTIAN (Ghana) a souligné l’effet déstabilisateur de l’impunité qui, a-t-il précisé, ne devrait pas être sous-estimé. Il s’est dit convaincu que la résolution 1593 avait une place spéciale dans le processus de paix au Darfour et devait être appliquée avec le soutien à la fois du Gouvernement du Soudan et de la CPI. Le représentant s’est également dit préoccupé de l’absence de progrès significatifs dans les procédures judiciaires en cours pour lesquels des mandats d’arrêt ont été lancés. Il a demandé au Gouvernement soudanais de ne pas prendre de mesures qui pourraient être considérées comme un affront pour le Conseil de sécurité. De l’avis de sa délégation, la persuasion et la pression déterminée de la communauté internationale doivent être maintenues.
M. NASSIR ABDULAZIZ (Qatar) a souligné la nécessité d’appliquer et de défendre l’état de droit, la responsabilité pénale et la justice, aussi bien au Darfour que dans d’autres conflits, y compris, a-t-il précisé, en sanctionnant les auteurs de violations du droit international humanitaire. Il a demandé au Gouvernement du Soudan de poursuivre en justice toutes les personnes reconnues coupables de crimes contre l’humanité au Darfour, conformément au droit pénal soudanais, au droit international humanitaire et aux conventions internationales pertinentes, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’impunité. Il a en outre demandé au Procureur de la CPI de prendre notamment en compte le fait que la juridiction de la Cour est complémentaire de la juridiction nationale. Il a ainsi invité la Cour à continuer d’accomplir son travail de façon discrète et professionnelle et de ne pas se livrer à des conclusions hâtives sur la nature des crimes commis ou des personnes accusées de les avoir commis avant d’avoir réalisé complètement et de manière impartiale les enquêtes et analysé soigneusement et objectivement les investigations et les procédures effectuées par la justice soudanaise.
Le représentant a appelé le Gouvernement soudanais à coopérer pour sa part avec le Procureur de la CPI. Il a également appelé toutes les parties à tenir compte des procédures judiciaires nationales et internationales et à ne les influencer d’aucune façon. Il convient, a-t-il souligné, de comprendre la législation nationale et le système judiciaire du Soudan et de respecter la position du Soudan à l’égard du Statut de la Cour. De l’avis du représentant du Qatar, le droit du Gouvernement soudanais à contester la décision de la Chambre préliminaire de la Cour, conformément aux articles 19 et 82 du Statut de la CPI, est ignoré lorsque l’on se concentre uniquement sur l’arrestation des inculpés et leur transfert à la Cour. Le Conseil de sécurité doit ainsi faire preuve de prudence dans ce dossier. L’invitation lancée par le Procureur au Conseil et aux organisations régionales à exhorter le Gouvernement soudanais à coopérer avec la Cour ne doit pas être interprétée comme une demande faite au Conseil de sécurité de prendre des mesures contre le Soudan, a-t-il estimé. Cette question est à la fois de nature juridique et judiciaire et ne doit être en aucun cas politisée, a-t-il ajouté.
M. JORGE VOTO-BERNALES (Pérou) a estimé que l’exposé du Procureur de la Cour pénale internationale était une source d’inquiétude, notamment lorsqu’il affirme que les crimes commis au Darfour le sont en toute connaissance de cause. Rappelant que c’était le Conseil de sécurité qui avait déféré la situation au Darfour à la CPI, il a souligné qu’il incombait maintenant au Gouvernement du Soudan de coopérer avec la Cour, en application de la résolution 1593. Le fait que le Soudan ne soit pas partie au Statut de Rome n’est pas pertinent en la matière, a-t-il fait remarquer. Le représentant a exhorté le Soudan à procéder sans délai à l’arrestation de Ahmed Haroun et de Ali Kushayb. Il a souhaité que le Conseil adopte une déclaration présidentielle pour rappeler le Soudan à ses obligations. M. Voto-Bernales a salué en conclusion le professionnalisme et l’impartialité du Procureur de la CPI.
M. LUC JOSEPH OKIO (Congo) a déploré le manque de coopération de la part du Gouvernement soudanais avec la Cour pénale internationale. Toutes les personnes impliquées au Darfour doivent être déférées devant la CPI, a-t-il déclaré, insistant également sur la nécessité de poursuivre les personnes reconnues coupables dans les mouvements rebelles. C’est sur le plan de l’impartialité que seront jugés la Cour et le Conseil de sécurité, a-t-il ajouté, invitant la CPI à diligenter les enquêtes concernant tous les auteurs de crimes, quels qu’ils soient et où qu’ils se trouvent. C’est en agissant de cette manière que la justice constituera un facteur de paix et de sécurité, a-t-il affirmé, estimant que le Conseil devait apporter tout son soutien à l’action de la Cour.
M. MARCELLO SPATAFORA (Italie) a estimé que la lutte contre l’impunité devait être une priorité et un impératif pour la communauté internationale. Il s’est dit préoccupé par l’absence de coopération du Gouvernement du Soudan avec la Cour pénale internationale, en rappelant les autorités soudanaises à leurs obligations et en souhaitant l’exécution des mandats d’arrêt délivrés en avril dernier à l’encontre de deux ressortissants soudanais. Il a expliqué que la situation au Darfour revêtait plusieurs aspects, politique, sécuritaire, humanitaire ou encore judiciaire. « Tous ces volets se renforcent mutuellement, ce n’est pas un jeu à somme nulle », a-t-il dit, estimant par exemple qu’une accélération sur le volet politique ne devait pas se traduire par un ralentissement dans d’autres domaines. Il a fortement appuyé une déclaration du Conseil de sécurité, à la suite de l’exposé du Procureur de la CPI, en espérant que le Conseil pourrait envoyer un message ferme.
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