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AG/10589

UN DÉBAT THÉMATIQUE INFORMEL À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE POUR JETER LES BASES D’UN VÉRITABLE DIALOGUE ENTRE LES CULTURES ET LES RELIGIONS

10/05/2007
Assemblée généraleAG/10589
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale                                         

Débat thématique informel                                  

matin & après-midi


UN DÉBAT THÉMATIQUE INFORMEL À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE POUR JETER LES BASES D’UN VÉRITABLE DIALOGUE ENTRE LES CULTURES ET LES RELIGIONS


« La diversité est une vertu et non une menace », déclare le Secrétaire général


Vaincre les peurs à l’heure de la mondialisation.  Intitulé « Les civilisations et le défi de la paix: Obstacles et possibilités », le troisième débat thématique informel de la soixante et unième session de l’Assemblée générale, qui s’est ouvert aujourd’hui, est une manifestation de plus de la volonté de la communauté internationale d’établir un véritable dialogue entre les cultures et les religions, volonté qui s’exprime déjà dans le cadre de l’initiative des Nations Unies « Alliance des civilisations ».  « Nous devons réaffirmer cette vérité selon laquelle la diversité est une vertu et non une menace », a déclaré, à cette occasion, le Secrétaire général, Ban Ki-moon. 


Succédant à ceux sur le développement et sur la parité et l’autonomisation des femmes, ce débat thématique, qui s’achèvera demain, rassemble ministres, ambassadeurs, universitaires, représentants d’organisations non gouvernementales et de la société civile autour de plusieurs tables rondes.  Au menu des discussions de la journée: « le respect de la diversité des cultures » en tant que « condition nécessaire au dialogue » et la place de « la religion dans la société contemporaine ».


Ce débat thématique informel s’inscrit, pour la Présidente de l’Assemblée générale, dans le désir des États Membres de « comprendre les réalités » du monde d’aujourd’hui et d’« analyser les raisons qui sous-tendent les niveaux croissants de conflit, d’aliénation, d’extrémisme et de peur ».  En d’autres termes, a ajouté Sheikha Haya Rashed Al Khalifa, il vise à « jeter des bases solides pour établir un dialogue véritable entre les cultures et les religions ».


Pour la Présidente de l’Assemblée générale, qui ouvrait ces deux jours de discussions, « il est important de reconnaître que la culture n’est pas seulement un facteur de coexistence et de réconciliation, mais aussi un instrument pour le progrès et la prospérité ».  De même, est-il tout aussi impératif, à ses yeux, de « mettre un terme à l’utilisation abusive faite dans la société contemporaine de la religion et de rejeter les idéologies extrémistes qui menacent sévèrement la paix et la compréhension entre les nations et les peuples ».  Cette utilisation est « absurde et regrettable », alors que toutes les religions partagent un « message d’amour et de fraternité », a-t-elle estimé.


Ce débat thématique intervient « à un moment de recrudescence de l’intolérance et des tensions interculturelles », a affirmé de son côté Ban Ki-moon.  « Si nous ne cherchons pas à combler les fossés entre les communautés et les nations, ces divisions présentent le risque de saper la paix et la sécurité dans le monde », a-t-il expliqué, soulignant la « nécessité urgente de jeter des ponts et d’entamer un dialogue interculturel soutenu et constructif ».


Le Secrétaire général, rappelant le rôle positif que peuvent jouer, à cet égard, les médias et les religions, a jugé que ce débat pourrait être utile à l’« Alliance des civilisations », une initiative des Nations Unies lancée en 2005, avec l’appui des Gouvernements de la Turquie et de l’Espagne, et dont le projet, a-t-il précisé, répond à cette nécessité d’action de la part de la communauté internationale de combler les fossés et de promouvoir la compréhension.


Le débat thématique se poursuivra demain, à 10 heures, avec une table ronde intitulée: « La responsabilité des médias ».  L’après-midi, à 15 heures, aura lieu la quatrième et dernière table ronde, intitulée: « Les civilisations et le défi de la paix et de la sécurité mondiales ».



DEBAT THÉMATIQUE INFORMEL SUR LE THÈME « LES CIVILISATIONS ET LE DÉFI DE LA PAIX: OBSTACLES ET POSSIBILITÉS »


Déclarations liminaires


SHEIKHA HAYA RASHED AL KHALIFA, Présidente de la soixante et unième session de l’Assemblée générale, a rappelé que le débat thématique d’aujourd’hui était le troisième du genre après ceux sur le développement et l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.  Ce débat est né de la volonté de comprendre les réalités dans lesquelles nous vivons et d’analyser les raisons qui sous-tendent les niveaux croissants de conflit, d’aliénation, d’extrémisme et de peur dans le monde.  Il vise, a-t-elle ajouté, à jeter des bases solides pour établir un dialogue véritable entre les cultures et les religions.  Il est nécessaire, a-t-elle dit, de se poser les questions suivantes: Comment affronter et surmonter les malentendus qui caractérisent le monde d’aujourd’hui? Comment protéger notre patrimoine si riche?  De l’avis de Sheikha Haya, il convient d’agir rapidement pour mettre fin aux idées préconçues et aux peurs réciproques.  Ce n’est qu’ainsi, a-t-elle précisé, que nous pourrons surmonter nos différences et édifier un meilleur avenir pour tous.


Selon la Présidente de l’Assemblée générale, il est important de reconnaître que la culture n’est pas seulement un facteur de coexistence et de réconciliation, mais aussi un instrument pour le progrès et la prospérité.  Elle a également mis l’accent sur la nécessité de mettre un terme à l’utilisation abusive dans la société contemporaine qui est faite de la religion et de rejeter les idéologies extrémistes qui menacent sévèrement la paix et la compréhension entre les nations et les peuples.  Nous devons nous poser la question de savoir comment il est possible qu’au nom de la religion, des guerres soient livrées et que certains souffrent d’injustice, a-t-elle déclaré.  Il est absurde et regrettable que la religion soit ainsi utilisée de façon abusive, a-t-elle poursuivi, précisant que cette situation devait changer, toutes les religions partageant, à ses yeux, le message d’amour et de fraternité.  Nous devons rester unis aujourd’hui plus que jamais, a-t-elle insisté. 


M. BAN KI-MOON, Secrétaire général des Nations Unies, a affirmé que ce débat intervenait à un moment de recrudescence de l’intolérance et des tensions interculturelles.  Si nous ne cherchons pas à combler les fossés entre les communautés et les nations, ces divisions présentent le risque de saper la paix et la sécurité dans le monde, a-t-il ajouté.  Il a souligné la nécessité urgente de jeter des ponts et d’entamer un dialogue interculturel soutenu et constructif, qui met l’accent sur les valeurs communes et les aspirations partagées.  Chacun de nous a tout d’abord besoin de mieux comprendre les questions qui affectent les relations interculturelles, a-t-il dit.


Le Secrétaire général a estimé que le fait de rassembler, en une seule salle, des représentants de tous les pays, représentait peut-être le forum le plus important pour un dialogue entre les nations et les civilisations.  Il a formé l’espoir que lors de ces deux jours, chacun explorera les moyens avec lesquels les gouvernements, les organes internationaux, la société civile et les groupes religieux peuvent se rassembler sur cette question.  À l’heure de la télévision par satellite et des voyages rapides, les distances se sont réduites, mais malheureusement pas les divisions, a fait remarquer M. Ban.  Notre proximité n’a fait que renforcer la méfiance de l’autre, de l’autre religion, de l’autre ethnie, de l’autre nationalité, a-t-il souligné.  Pour réagir, nous devons réaffirmer cette vérité selon laquelle la diversité est une vertu et non une menace.  Selon le Secrétaire général, les médias peuvent jouer un rôle crucial pour promouvoir cette perspective.  Ils peuvent éduquer, informer, démystifier, a-t-il observé.  De même, a-t-il ajouté, la religion peut avoir une influence extrêmement positive.  Les gens de foi peuvent par exemple appeler les croyants à traiter les autres comme ils aimeraient eux-mêmes être traités, a-t-il expliqué.  Le résultat de ces discussions, a conclu le Secrétaire général, pourra être utile à l’Alliance des civilisations, une initiative des Nations Unies lancée en 2005, avec l’appui des Gouvernements de la Turquie et de l’Espagne, dont le projet répond à cette nécessité d’action de la part de la communauté internationale de combler les fossés et de promouvoir la compréhension.


Table ronde 1: Le respect de la diversité des cultures est une condition nécessaire au dialogue


Mme RÉGINE BOUCARD, du Programme du Musée de l’Afrique de l’Ouest, qui animait ce débat, a affirmé que le concept de la diversité, de la préservation culturelle et de l’unité sociale constituait un moyen précieux et fragile dans le monde tourmenté d’aujourd’hui, lequel nécessitait des efforts déterminés de la part des mondes de la politique et des affaires, des milieux universitaires, de la culture, des médias, de la religion et de la société civile.  Elle a souligné la nécessité d’entreprendre des actions pour le développement du multiculturalisme.  La mondialisation, a-t-elle dit, est comme un train qui déraille et n’est pas prometteuse pour les générations à venir.  Selon elle, les sociétés doivent donc se tenir prêtes pour le jour où les tendances positives de la mondialisation l’emporteront.


M. GHASSAN SALAMÉ, Professeur de relations internationales à l’Institut de sciences politiques de Paris et ancien Ministre de la culture du Liban, a affirmé que le respect demeurait la première étape visant à rompre le cercle vicieux du rejet de l’autre.  L’autre existe avec son identité et chacun a droit à son identité, a-t-il notamment souligné.  Autre étape nécessaire, la tolérance, qui constitue un équilibre des pouvoirs entre des cultures inégales.  Si elle représente une condition préalable au dialogue, elle n’est pas, en revanche, suffisante, a-t-il précisé.  M. Salamé a développé son argumentation en expliquant pourquoi le respect de la diversité culturelle était une condition préalable au dialogue, avec qui et de quelle façon celui-ci devait être mené.  Par ailleurs, s’il s’est félicité de l’initiative des Nations Unies en faveur d’une Alliance des civilisations, il a en revanche estimé que cette expression était peu appropriée.  De l’avis de M. Salamé, en effet, les civilisations ne s’affrontent pas, pas plus qu’elles dialoguent ou qu’elles constituent une alliance et, ce, pour une raison simple: les civilisations, en tant qu’acteurs, n’existent pas.


M. CANON TROND BAKKEVIG, Pasteur de l’Église luthérienne de Norvège, a estimé que dans tout dialogue, l’autre devait être autorisé à se présenter comme il le souhaite.  La condition essentielle préalable au dialogue est la reconnaissance de la dignité humaine de l’autre, a-t-il dit.  Le dialogue, c’est la parole et l’écoute, a-t-il précisé, notant que la volonté d’engager un dialogue était également un message adressé aux partenaires.  Le dialogue est le contraire du recours à la force, a-t-il ajouté.  La force ou la violence peuvent amener des peuples ou des nations à agir comme le souhaite le partenaire le plus fort mais n’entraîneront aucun changement d’attitude ou de mentalités, a-t-il expliqué à cet égard.  Selon lui, la volonté de dialoguer doit aller de pair avec le respect des contestataires ou des contradicteurs de ceux qui sont d’un autre avis ou ont d’autres croyances.  Les gouvernements et les Nations Unies doivent s’efforcer d’intégrer des conseils sur la meilleure façon de tenir compte de la religion dans la politique nationale et internationale, a-t-il souligné.  Le dialogue exige du temps, a-t-il également observé, du temps pour apprendre à connaître une autre culture, pour avoir des relations pacifiques et constructives avec elle.  Ce n’est qu’en apprenant à nous voir avec le regard de l’autre que nous pourrons être considérés comme des voyageurs vers un monde où règnent la paix et la justice, a-t-il conclu.


Mme FATEMEH KESHAVARZ-KARAMUSTAFA, Professeur de littérature perse et comparée à l’Université de Washington, a affirmé qu’on ne pouvait pas dissocier la connaissance du respect.  Ce sont des éléments interdépendants, a-t-elle ajouté.  Selon elle, on ne peut pas en effet connaître une autre culture sans la respecter ou sans s’en rapprocher suffisamment.  En tant qu’universitaire, elle a souligné la nécessité de sortir des salles de classe et s’adresser au public.  Ceci, a-t-elle précisé, ne pourra être fait que si les gouvernements ou les sociétés en fournissent l’occasion.  Elle a conclu son intervention en demandant aux États Membres de ne jamais cesser de s’occuper de la diversité culturelle et à faire en sorte que celle-ci soit contenue dans les programmes scolaires.


Lors des discussions interactives qui ont suivi les exposés des experts, SHAIKH MOHAMMED BIN MUBARAK AL-KHALIFA, Vice-Premier Ministre du Bahreïn, a estimé que ce débat thématique constituait le point culminant de la Déclaration des Nations Unies pour le Millénaire, adoptée en 2000, et selon laquelle la tolérance est une des valeurs fondamentales essentielles aux relations internationales au XXIe siècle et un élément encourageant pour l’établissement d’une culture basée sur le dialogue et la paix entre les civilisations.  Le Vice-Premier Ministre a mis l’accent sur le rôle des médias, lesquels, a-t-il dit, peuvent contribuer à encourager le dialogue et à combattre les disparités culturelles.  Les médias assument une responsabilité pour favoriser une perception exacte de la réalité, a-t-il souligné, notant également leur rôle négatif, parfois, dans la propagation de la haine, de la violence, du racisme et du fanatisme.  Les médias continuent de renforcer les stéréotypes, a-t-il ainsi expliqué.  Cela nécessite, selon lui, que l’on veille à ce que les médias projettent une image plus exacte du monde.  Ainsi, les médias peuvent devenir une force constructive en nourrissant les relations entre les peuples, dans les domaines politique, culturel, économique et scientifique, plutôt qu’en devenant un outil pour lancer des attaques psychologiques qui sapent les relations entre les peuples, ainsi que leurs intérêts collectifs.  Il faut, selon lui, surmonter les défis de la mondialisation pour répandre une culture de paix et de pardon, où le droit à la diversité est compris, le dialogue entre les cultures et les religions est encouragé, les droits et les identités culturelles des minorités sont respectés et le patrimoine humain est célébré.


De son côté, le représentant de l’Ukraine a souligné l’importance de se souvenir du passé afin d’en tirer des leçons et éviter qu’il ne se répète.  Ainsi, a-t-il ajouté, il convient de reconnaître les crimes contre l’humanité et d’honorer la mémoire de leurs victimes afin de renforcer la confiance et la compréhension entre les peuples et permettre aux nouvelles générations de progresser vers l’harmonie et le dialogue.  Le représentant a, à cet égard, demandé aux Nations Unies de contribuer à la commémoration du 75ème anniversaire de la grande famine de 1932-1933, notamment par l’adoption d’un document idoine.  La représentante de la Chine a mis en exergue l’aspiration de son pays à un monde harmonieux.  La coexistence harmonieuse entre les différentes cultures a un effet sur la paix et la sécurité internationales, et donc pour le développement.  Comment tirer parti au mieux des Nations Unies, à travers des plates-formes, pour promouvoir le dialogue entre les cultures ainsi qu’un plus grand respect de la diversité culturelle? a-t-elle notamment demandé.  La représentante de l’Union africaine a rappelé qu’en Afrique, berceau de la civilisation millénaire, la diversité culturelle demeurait une réalité qui ne changerait pas avec la mondialisation.  Elle s’est interrogée sur les moyens de faire en sorte que le dialogue soit institutionnalisé, qu’il constitue un outil privilégié, non seulement pour le maintien de la paix, mais aussi pour la prévention des conflits ou la consolidation de la paix?  Il faut, selon elle, restaurer la confiance mutuelle et installer la communication à tous les niveaux entre les États qui cohabitent, entre les communautés, entre le pouvoir et l’opposition, entre les différents partis. 


Pour le délégué de la Turquie, pays, a-t-il dit, qui constitue un exemple vivant d’unité dans la diversité, la diversité culturelle n’est pas une source de faiblesse, mais un actif exceptionnel qui consolide les liens entre tous.  Il a, à cet égard, rappelé les orientations de l’Alliance des civilisations, initiative des Nations Unies que la Turquie coparraine avec l’Espagne, dont l’objectif est de jeter des ponts entre les diverses cultures et de faciliter la compréhension entre les grandes communautés mondiales et les religions.  L’initiative part de l‘hypothèse selon laquelle il faut désormais œuvrer de concert et activement pour arriver à surmonter les affrontements et les stéréotypes, a indiqué son homologue de l’Espagne.  Il est indispensable, à ses yeux, de rejeter l’idée selon laquelle les religions sont les grandes coupables de l’incompréhension, comme le prétendent les extrémismes de tout bord.  Il faut réagir aux perceptions d’injustice et de traitement sélectif, a-t-il ajouté. 


Table ronde 2: La religion dans la société contemporaine


Mme MARY ANN GLENDON, Professeur de droit à l’Université de Harvard, a estimé que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, avec son affirmation selon laquelle nous appartenons tous à une seule famille humaine, demeurait une marque d’inspiration pour quiconque croit en une collaboration entre cultures.  Elle a également rappelé que la religion avait souvent été exploitée à des fins politiques.  Mme Glendon, qui a prôné une compréhension religieuse axée sur le plan local, a souligné qu’une des tâches essentielles pour les dirigeants et les éducateurs était de trouver les ressources au sein de nos propres traditions pour promouvoir le respect et la tolérance et de se servir de cela pour transmettre ces traditions aux générations suivantes.


M. HUNE MARGULIES, Directeur de l’Institut Martin Buber, a expliqué que pour le philosophe et religieux anarchiste Martin Buber, la religion institutionnalisée gênait l’expression et l’esprit, et constituait un obstacle pour parvenir au dialogue entre l’être humain et Dieu.  Ce philosophe, a-t-il dit, a fait des propositions radicales, comme celle de la création d’un État binational, où tous les citoyens seraient égaux, pour régler le conflit au Moyen-Orient.  Si en tant que gens de foi, nous aimons Dieu, nous devons aimer tout ce que Dieu aime, c’est-à-dire les gens et la nature, a également souligné M. Margulies.


M. MANISH KASLIWAL, Président de Young Jains of India, a estimé que le terreau de la division dans le monde d’aujourd’hui était constitué de l’intégrisme religieux.  L’intégrisme, a-t-il dit, est une adhésion stricte et unilatérale à un certain nombre de croyances et promeut une vision absolutiste des choses.  Le fondamentalisme est dangereux dans un monde où des gens de couleurs, de races, d’ethnies, de religions, d’orientations sexuelles et d’idées personnelles différentes ont besoin de vivre harmonieusement.  Il convient, a-t-il ajouté, de détourner les gens de l’intégrisme et leur apprendre à avoir un esprit ouvert aux vues des autres.


M. MOHAMED ARKOUN, Professeur d’histoire de la pensée islamique à la Sorbonne, a estimé que nous ne savons presque rien des fonctions de ce que nous appelons la religion.  Nous nous battons encore pour tenter de trouver une définition opératoire sur la complexité du phénomène religieux, a-t-il dit, dénonçant une ignorance institutionnalisée, diffusée par des professeurs, maintenus dans des centres de recherche scientifiques.  L’histoire intellectuelle de la question religieuse a été monopolisée par les gestionnaires du sacré, a-t-il également expliqué en substance, citant le sociologue Max Weber.  Cette spécialisation demeure jusqu’à présent, a-t-il ajouté.  M. Arkoun a fustigé ce qu’il a qualifié de désordre sémantique, de désordre conceptuel total.  C’est dans ces conditions que l’on va tracer la carte géopolitique du monde, que des tonnes de livres vont être écrites sur l’islam fondamentaliste ne tenant pas compte des voix musulmanes qui expriment un minimum de raison critique, de réflexion.  Il a lancé un appel pour qu’à l’ONU, les débats qui aboutissent à des décisions politiques importantes soient précédés par ce qu’il a qualifié de porteurs de science critique.


À l’occasion de la discussion interactive qui a suivi, le représentant du Guatemala a estimé que l’ignorance de l’autre était la pire forme d’intolérance.  Le dialogue est un processus et non une panacée, a-t-il également souligné, notant que les Nations Unies évoluaient en fonction de deux paramètres contradictoires, l’un éthique et moral, l’autre lié à la realpolitik.  Son homologue de l’Allemagne a observé que la mondialisation remettait en cause, dans une certaine mesure, l’identité des groupes, notre tâche étant de préserver la diversité culturelle, tâche rendue possible, selon lui, par l’interaction et le dialogue.  La compréhension mutuelle et le respect doivent commencer au niveau local, a-t-il ajouté, reprenant l’idée soulevée par Mme Glendon.  Le représentant du Liban s’est interrogé, pour sa part, sur les moyens d’éviter que les intérêts politiques ne soient pas déguisés sous la forme d’antagonismes entre civilisations, ou entre le bien et le mal.  Il n’y a qu’une civilisation humaine, et non plusieurs, a insisté le délégué de la Syrie, qui a également plaidé en faveur d’une approche critique du présent, défendue par le professeur Arkoun.  Selon lui, le dialogue ne doit pas être établi entre les religions elles-mêmes, mais entre les êtres humains.


Le représentant du Kazakhstan, indiquant que son pays ne connaissait pas de conflits religieux et d’affrontements interethniques, a affirmé que le maintien d’une harmonie interreligieuse, la création d’un climat de dialogue et de compréhension mutuelle dans la société représentait un élément important de la paix civile et de la stabilité politique.  Citant également l’exemple de son pays, le délégué de l’Albanie a noté que la coexistence de trois religions différentes, tendance inhabituelle dans une région où les religions sont souvent liées aux guerres, était une réalité dans chaque village, dans chaque famille.  Il a souligné, à cet égard, l’important de la volonté politique de l’État et de la volonté de chacun.


Pour M. ARKOUN, le dialogue a véritablement commencé en 1965, sous Vatican II.  Le XIXe siècle a vécu sur une hiérarchie des idées et des civilisations, une idéologie coloniale soutenue et approuvée par une « scholarship » (en anglais dans le texte).  De même, selon lui, si la question du respect individuel va de soi et est sans discussion, le respect des systèmes de pensée comporte en revanche des connaissances fausses, des effets de vérité ou de sens qui n’ont rien à voir avec le sens.  M. KASLIWAL a relevé, pour sa part, que le dialogue serait incomplet si l’on n’y fait pas participer chacun des éléments qui composent la société.


Le représentant de la Tunisie a estimé que l’on ne pouvait plus se permettre de dire « je ne sais pas ».  Nous sommes appelés aujourd’hui à vivre avec les différences, à rencontrer des cultures, des religions que l’on ignorait autrefois.  Quelles chances ont le dialogue et la tolérance de trouver leur place dans un monde où les problèmes tels que la pauvreté ou les maladies, sont nombreux et font le terreau du terrorisme et de l’extrémisme? a-t-il demandé.  Le délégué a en outre évoqué le travail académique et intellectuel à effectuer envers les jeunes.  Son homologue du Maroc a considéré que jamais la perception de l’autre n’avait été autant source de malentendus et de violences.  Il importe de réhabiliter le multilatéralisme dans tous ses aspects, a-t-il notamment considéré.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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