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AG/10576

TABLE RONDE SUR L’AUTONOMISATION DE LA FEMME: ÉTABLISSEMENT D’UN LIEN ENTRE L’EFFICACITÉ DU MICROFINANCEMENT ET LA ROBUSTESSE DES POLITIQUES MACROÉCONOMIQUES

07/03/2007
Assemblée généraleAG/10576
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Assemblée générale

Soixante et unième session

Débat sur l’autonomisation de la femme                     

y compris le microfinancement - matin                                        


TABLE RONDE SUR L’AUTONOMISATION DE LA FEMME: ÉTABLISSEMENT D’UN LIEN ENTRE L’EFFICACITÉ DU MICROFINANCEMENT ET LA ROBUSTESSE DES POLITIQUES MACROÉCONOMIQUES


« L’investissement dans la cause des femmes ne contribue pas seulement au développement économique, il entraîne aussi de nombreux bénéfices sociaux. »  C’est par ces paroles que Sheikha Haya Rashed Al Khalifa, Présidente de l’Assemblée générale, a ouvert, ce matin, la table ronde sur le microfinancement qui se tenait dans le cadre du débat thématique informel de l’Assemblée générale sur la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. 


Si les avantages du microcrédit ont été illustrés par le Directeur du « Microcredit Summit Campaign » et une responsable de l’Association camerounaise pour le soutien et l’appui à la femme (ASAFE), un bémol a été apporté par un professeur de sociologie de l’Université d’Essex.  Après avoir souligné que l’efficacité du microcrédit dépend d’abord et avant tout de politiques macroéconomiques proactives, elle a estimé que pour certaines femmes, l’offre d’un emploi décent et d’une protection sociale semblaient être la meilleure solution.  Le représentant du Ministère des finances et de la privatisation du Maroc a décrit les bienfaits d’une « budgétisation genre » avant de céder la place à un échange de vues avec les États Membres. 


Dans sa déclaration liminaire, la Présidente de l’Assemblée générale a également souligné que lorsque les femmes ont l’opportunité d’augmenter leurs revenus et de réduire, ce faisant, leur dépendance aux hommes, les conditions de vie familiale et des communautés locales s’améliorent, ces revenus étant consacrés, pour une large part, à la santé, à l’alimentation et à l’éducation.  C’est en ce sens que la Présidente de l’Assemblée générale a estimé que le microfinancement constituait à la fois l’instrument économique de choix pour l’autonomisation des femmes et un droit fondamental pour leur développement humain.


Les participants à la table ronde ont assisté, en début de séance, à une présentation vidéo retraçant la vie d’une femme du Bangladesh qui a bénéficié d’un microcrédit.  Sam Daley-Harris, Directeur du « Microcredit Summit Campaign » est ensuite intervenu pour expliquer que cette femme avait reçu son premier prêt d’environ 10 dollars en 1980 et qu’elle avait réussi à améliorer considérablement ses conditions de vie.  Il a estimé que les efforts de cette femme et de la Banque Grameen, qui a consenti au prêt, étaient révolutionnaires. 


Malgré d’authentiques succès, Sam Daley-Harris a argué que les institutions bilatérales et multilatérales semblaient traîner les pieds pour devenir leaders dans ce domaine.  À titre d’exemple, il a expliqué que, l’année dernière, le Représentant permanent du Bangladesh auprès des Nations Unies avait proposé une résolution avalisant les objectifs du Sommet pour le microcrédit, consistant à fournir d’ici 2015, des services de microcrédit aux 175 millions de familles les plus pauvres dans le monde et sortir de la pauvreté extrême, 100 millions de familles qui vivent avec un dollar par jour. 


La résolution a été adoptée mais sans ces deux objectifs, a-t-il déploré.  Estimant que le microcrédit était une véritable révolution qui pouvait briser le cycle de la pauvreté intergénérationnelle, Daley-Harris s’est enfin demandé quand les institutions internationales et les États Membres se rendraient réellement compte de son importance. 


Gisèle Yitamben de l’Association camerounaise pour le soutien et à l’appui à la femme (ASAFE), a fait part des expériences menées par une Association fondée en 1987 pour renforcer le pouvoir d’action et du droit à la parole des femmes.  Nos programmes, a-t-elle expliqué, sont axés sur la formation en management car, au Cameroun, les femmes qui ont suivi une éducation formelle sont peu nombreuses. 


L’intervenante a souligné qu’offrir une telle formation aiderait les femmes qui sont déjà engagées dans la vie active à mieux gérer leurs affaires et à sélectionner les activités les plus rentables.  Pour celles qui n’occupent pas d’emplois, les formations professionnelles de courte durée sont destinées à susciter chez elles des vocations susceptibles de leur permettre de créer leurs propres microentreprises.


La représentante de l’Association a noté que les formations du type de celles dispensées par son organisation avaient du mal à trouver preneurs, les femmes visées étant souvent victimes des effets néfastes de la polygamie ainsi que de la violence familiale et sociale.  Elle a ajouté que le microcrédit était devenu l’instrument indiqué pour faire avancer les objectifs d’autonomisation tout en facilitant l’accès des femmes, qui subissent les contraintes sociales, à l’activité économique. 


L’intervenante a encore noté que les cas de réussite d’autonomisation des femmes démontraient que celles-ci développaient une plus grande capacité à la prise de décisions et de meilleures relations au sein des ménages et de la communauté d’appartenance.  Le microcrédit contribue à sortir les femmes de la marginalité et du secteur informel mais, désormais, il faut leur donner plus de moyens afin de leur permettre de développer des entreprises de plus grande taille.


Professeur de sociologie de l’Université d’Essex, Diane Elson, a estimé que l’autonomisation des femmes devait prendre en compte la macrofinance aussi bien que la microfinance.  Elle a expliqué que les politiques budgétaires, fiscales et monétaires étaient indispensables pour s’assurer de l’efficacité des services de microcrédit. 


Selon elle, une bonne politique macroéconomique doit juguler l’inflation sans entraver la demande et sans négliger l’emploi.  Les femmes ont besoin d’un marché en expansion pour pouvoir vendre leurs produits d’où l’importance de politiques macroéconomiques adéquates, a-t-elle poursuivi.  Elle a aussi fait valoir que le microcrédit n’était pas une solution unique pour améliorer les conditions de vie de toutes les femmes. 


Selon elle, les efforts pour fournir un emploi avec un revenu décent et une protection sociale sont plus appropriés pour certaines femmes.  Diane Elson a, par ailleurs, souligné qu’une politique de macrofinance exigeait un système international commercial et financier juste.  Elle a toutefois fait remarquer que ce système mettait l’accent sur la réduction des taxes au détriment des dépenses publiques. 


Cela se traduit notamment par une réduction des crédits octroyés au domaine de la santé, avec des conséquences importantes pour les femmes et à terme, pour les communautés locales.  Elle a estimé que pour que l’égalité entre les sexes soit intégrée à la microfinance, l’ONU devait se doter d’une entité opérationnelle forte qui s’engage envers la parité. 


Mohamed Chafiki, Directeur des études et des prévisions financières au Ministère des finances et de la privatisation du Maroc, a présenté le « budget genre » de son gouvernement.  Il a indiqué que ce budget tenait compte des rapports sociaux et des intérêts différenciés des femmes, des hommes, des filles et des garçons.


Celui-ci s’établit dans le contexte de transition démocratique du Maroc, marqué notamment par la modernisation du Code de la famille et une participation accrue des femmes à la vie politique, 30 femmes siégeant désormais au Parlement.  Le « budget genre » vise à assurer concrètement l’équité et à améliorer l’efficacité et la cohérence des politiques à travers une meilleure allocation budgétaire publique.


L’intervenant a souligné que ce budget était aligné sur les budgets marocains d’appui aux priorités et engagements internationaux en matière d’égalité des sexes et d’habilitation des femmes.  Il a, par ailleurs, expliqué que le « rapport genre », un document préparé annuellement, favorisait la réforme des pratiques de planification, de programmation et d’exécution des politiques publiques comportant un volet sexospécifique. 


La budgétisation sensible au genre a permis le renforcement des capacités institutionnelles des différents ministères dans le développement d’indicateurs ainsi que l’affinement de l’appareil statistique pour obtenir des données ventilées par sexe.  Mohamed Chafiki a également salué l’impact favorable du « budget genre » au niveau de l’échange de bonnes pratiques et du partage des expériences au plan international.


ÉCHANGE DE VUES


Entamant une discussion interactive, la représentante du Pakistan a souligné que maintenant que le rôle du microcrédit en faveur de l’allègement de la pauvreté était reconnu, le défi était désormais de s’adresser aux pays qui ne possèdent pas encore ces services.  En outre, elle a estimé, comme Mohamed Chafiki, qu’il fallait combler l’espace entre microcrédit et institutions bancaires traditionnelles.  Par ailleurs, cette représentante ainsi que celle de l’Égypte ont insisté sur l’importance de ventiler les statistiques afin d’avoir une planification budgétaire qui tienne réellement compte des besoins des femmes. 


Leurs propos ont été appuyés par Gisèle Yitamben.  La représentante du Mexique a, à cet égard, indiqué que dans son pays, en plus de programmes spécifiques envers les femmes et le microfinancement, le budget national comprenait des sommes allouées à l’élaboration de statistiques fiables et désagrégées.  Pourquoi n’entendons-nous pas parler du droit au développement? a en outre demandé cette dernière.  Elle a souligné que les instruments pertinents en matière d’autonomisation de la femme, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), devaient être mis en œuvre afin que les femmes connaissent leurs droits.  La représentante de l’Égypte a fait remarquer que, depuis cinq ans, son pays axait aussi son budget sur le renforcement du rôle des femmes et des services sociaux.  La représentante du Venezuela a elle aussi mis en avant l’exemple de son pays qui a adopté une approche révolutionnaire à l’égard de l’autonomisation des femmes.  Elle a indiqué que le Venezuela avait créé, il y a six ans, une banque pour les femmes qui prête aux petites entreprises et au monde associatif.


Répondant à une question soulevée par la représentante d’Israël sur les échecs du microcrédit, Diane Elson a affirmé que ce type de prêts ne convenait pas toujours à ceux qui se trouvent dans une situation extrêmement précaire.  Dans ces cas, elle a estimé qu’une politique d’emploi garanti, comme celle mise en place en Inde, pouvait être plus appropriée.  Sam Daley-Harris a rappelé que 90% des clients du microcrédit se trouvaient en Asie et a fait valoir que l’ONU avait un rôle à jouer pour répandre l’information dans ce domaine et pour dispenser les bonnes pratiques. 


Gisèle Yitamben a insisté sur le rôle de la société civile pour s’assurer que les moyens de soutien fournis aux femmes aillent effectivement à celles-ci.  Enfin, Mohamed Chafiki a constaté l’essor du microcrédit en notant qu’il comptait 12 millions de bénéficiaires dans le monde dont plus de 70% étaient des femmes.  Il a toutefois argué que cet essor serait confronté à un problème de rentabilité.


Le coût du microcrédit va augmenter alors qu’on tente de donner accès à ces services aux plus pauvres qui résident dans les zones les plus enclavées, a-t-il affirmé.  Il a précisé qu’il était notamment de la responsabilité des États d’appuyer les associations de microcrédit dans cette démarche.


La représentante de Bahreïn a fait savoir qu’à l’initiative de l’Égypte, une association de femmes arabes avait été créée pour accélérer l’autonomisation de ces dernières dans le monde arabe.  Présidée à tour de rôle par des pays de la région, cette association a notamment pour but de promouvoir l’égalité des sexes dans le monde universitaire et dans celui des entreprises.


Notant la multiplication des programmes de microfinance dans les pays arabes, la représentante a, par ailleurs, regretté que les enquêtes sur la condition des femmes restent préoccupantes.  Le microfinancement ne répond pas toujours aux besoins sociaux et humanitaires spécifiques des femmes désœuvrées notamment, a-t-elle dit, en souhaitant que les acteurs du développement tiennent compte de la structure du pouvoir dans les sociétés considérées.  


C’est également en ce sens que la représentante de l’Inde a plaidé pour l’application de programmes sociaux d’appui aux stratégies de microfinancement.  Il faut limiter les dérives qu’entraîne une trop grande flexibilité en permettant le passage progressif du microfinancement au macrofinancement, cela afin de renforcer les capacités nationales d’action.  La représentante de la Tunisie a, de son côté, relevé que le microcrédit était devenu un outil performant pour faire accéder les femmes au monde des entreprises, celles-ci étant considérées comme des débiteurs sûrs. 


Évoquant la situation dans son pays, elle a expliqué qu’en Tunisie le cadre constitutionnel était très développé, une banque nationale spécialisée encadrant les projets de microcrédit et une loi ayant été adoptée pour que les populations les plus éloignées aient accès au développement économique.  Elle a, à cet égard, salué le rôle de liaison fondamental des ONG dans ce processus et a ajouté que cette expérience avait notamment révélé qu’il était nécessaire d’accompagner la transformation des pratiques économiques dans un environnement doté des infrastructures et des services sociaux adéquats.


La représentante de l’Union africaine a abondé dans ce sens en suggérant en outre de réfléchir de manière approfondie à la notion de travail des femmes.  Les facteurs culturels continuent de peser dans l’accès des femmes à la vie économique, en Afrique subsaharienne, en particulier.  Dans cette région, les deux tiers des emplois agricoles sont occupés par des femmes qui les assument en plus des activités domestiques non rémunérées et, en conséquence, non comptabilisées dans les PIB des pays.


La représentante a mis l’accent sur les difficultés d’accès des femmes africaines les plus pauvres au crédit, les taux d’intérêt étant par trop élevés.  La peur de s’endetter et l’appréhension persistante envers le système financier continuent de décourager ces femmes, qui ont encore recours aux usuriers et éprouvent le poids des traditions familiales qui sapent leur développement. 


La représentante a ajouté que pour dépasser ces obstacles et diffuser une culture d’entreprise adaptée aux réalités sur place, des coopératives d’épargne, des banques de village et des caisses d’épargne des femmes étaient régulièrement mises en place.


Gisèle Yitamben a repris la parole pour déclarer que les initiatives de microfinance et les politiques de macrofinancement ne devaient pas s’exclure mutuellement.  Les deux institutions doivent coexister pour venir en aide efficacement aux plus démunies, notamment les moins qualifiées qui n’ont pas accédé aux institutions formelles.  Mohamed Chafiki est revenu sur l’intervention de l’Union africaine en réclamant plus de statistiques sur le temps réel d’occupation des femmes en Afrique, et cela afin de définir au mieux leurs besoins sociaux tout en tenant compte des spécificités de leurs conditions de vie.


Les ONG et les agences des Nations Unies doivent, dans ce cadre, jouer pleinement leur rôle de relais et de catalyseur.  Diane Elson a répété que pour parvenir à l’égalité des sexes dans l’ensemble des activités économiques, macrofinancement et microcrédit devaient être liés et intégrés aux stratégies de réduction de la pauvreté définies au niveau mondial.  Les gouvernements doivent comprendre la nécessité impérieuse d’établir des politiques spécialisées de lutte contre la pauvreté particulière à laquelle sont confrontées les femmes et les jeunes filles. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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