EN DÉPIT D’AVANCÉES REMARQUABLES EN AFRIQUE, IL N’Y A PAS LIEU DE FAIRE DE L’AUTOSATISFACTION, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
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EN DÉPIT D’AVANCÉES REMARQUABLES EN AFRIQUE, IL N’Y A PAS LIEU DE FAIRE DE L’AUTOSATISFACTION, DÉCLARE LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
Le « Partenariat mondial pour le développement » demeure un slogan plus qu’un fait, dit-il, citant pauvreté, insécurité alimentaire, prolifération des armes légères
(Publié le 6 novembre – retardé à la traduction)
On trouvera ci-après le texte du discours prononcé par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à l’Université Georgetown à Washington, hier dans le cadre de la Série de conférences Oliver Tambo:
Quel magnifique accueil! J’aurais dû venir plus souvent. Il ne faut point croire ce que les gens racontent, et l’on disait que le Secrétaire général n’a pas d’amis à Washington, regardez aujourd’hui!
Monsieur le Président (John DeGioia), membres du corps enseignant, messieurs les Ambassadeurs, chers amis, spécialement les jeunes,
C’est merveilleux de me retrouver ici aujourd’hui. Je tiens d’abord à dire à quel point je suis très ému et content de prononcer la conférence « Oliver Tambo » de cette année. Oliver Tambo incarnait les aspirations de tous les peuples à la liberté, à l’égalité et à la justice sociale. Et je me sens particulièrement honoré de recevoir un diplôme honoris causa de cette prestigieuse université.
Bien sûr, ce n’est pas moi seulement que vous honorez ce soir, à travers ma personne, vous rendez également hommage à l’Organisation des Nations Unies pour l’œuvre qu’elle accomplit à travers le monde en faveur de la paix, du développement et des droits de l’homme.
Nulle part dans le monde cette œuvre n’est appréciée plus qu’en Afrique.
Lorsque je suis devenu en 1997 le deuxième Secrétaire général africain, j’estimais que mon continent était le moins bien outillé pour s’attaquer aux trois grands défis de notre époque – la nécessité d’une sécurité plus grande, l’aspiration à un meilleur développement, les appels de plus en plus forts pour le respect des droits de l’homme et de l’État de droit.
L’Afrique a été marginalisée dans l’économie mondiale.
L’Afrique a également été le théâtre de quelques-uns des conflits les plus longs et les plus meurtriers.
Et beaucoup de gens sur le continent estimaient qu’ils étaient injustement condamnés à être exploités et opprimés, génération après génération, du fait que le pouvoir colonial avait été remplacé par un ordre mondial économique inéquitable et quelquefois par des dirigeants corrompus et des seigneurs de la guerre à l’échelon local.
Durant la décennie qui a suivi, les Africains ont engagé un combat remarquable pour relever ces trois défis planétaires. Avec une vigueur et une détermination jamais égalées, ils œuvrent à construire une Afrique nouvelle porteuse de plus d’espoirs.
En menant ce combat, mes frères africains se tournent et avec raison vers leurs alliés au sein de la communauté internationale pour qu’ils les soutiennent vigoureusement et de façon continue.
Mes amis, le développement reste le besoin primordial de l’Afrique, à la fois en tant que finalité et en tant que fondement de la sécurité. Et il y a eu des progrès encourageants qu’il y a lieu de signaler. Les économies africaines sont maintenant pour la plupart mieux gérées : l’inflation, qui se situe en moyenne à 8 % par an, est à son niveau le plus faible jamais enregistré dans de nombreux pays. L’année dernière, la croissance de l’économie africaine a été de presque 5 %, et devrait être encore plus forte cette année-ci et l’année prochaine.
Des progrès très satisfaisants ont été obtenus sur le plan de l’allégement de la dette et il y a eu des initiatives encourageantes concernant l’aide et l’investissement. Le monde a également reconnu que le VIH/sida était un défi majeur et un frein au développement, et a commencé à faire front à ce fléau. Je suis fier du rôle que l’Organisation des Nations Unies a joué dans la création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le développement et les objectifs du Millénaire pour le développement occupent désormais une place centrale dans toutes les activités que mène l’Organisation des Nations Unies.
Pourtant, les besoins de l’Afrique sont si immenses qu’il n’y a pas lieu de faire de l’autosatisfaction.
La vérité est que, pour l’Afrique, le « Partenariat mondial pour le développement » reste un slogan plus qu’un fait. Près de 50 % de tous les Africains n’ont jamais placé ni reçu un appel téléphonique. Il n’y a qu’une infime proportion d’Africains qui se connectent à Internet. La révolution verte a laissé les agriculteurs africains en rade et les rangs de ces derniers ont également été décimés par la pandémie du VIH/sida. Notre continent est le seul qui ne peut se nourrir lui-même, et encore moins assurer la sécurité alimentaire de ses populations. Et contrairement à l’évolution dans le monde, l’Afrique subsaharienne s’enfonce encore plus avant dans la pauvreté. De façon générale, le continent est loin derrière dans la course pour atteindre les objectifs du Millénaire à l’horizon 2015.
Par conséquent, nulle part il n’y a tâche plus importante que de faire en sorte que les avantages de la mondialisation soient partagés à tous les niveaux de la société.
L’Afrique a besoin d’une aide plus substantielle et plus efficace, elle a besoin d’un commerce plus équitable et elle a besoin d’une révolution verte qui lui permette d’améliorer la production agricole et de nourrir ses populations.
La sécurité constitue le deuxième défi que l’Afrique a à relever. Près de la moitié des conflits armés du monde ont pour théâtre l’Afrique et environ les trois quarts des soldats de la paix des Nations Unies se trouvent en Afrique.
Par rapport à la décennie précédente cependant, il y a moins de conflits inter-États et un bon nombre de guerres civiles ont pris fin.
Au Burundi, l’issue pacifique et démocratique du processus de transition a été un événement déterminant pour ce pays et on l’espère, pour la région des Grands Lacs. Les guerres ont pris fin en Angola, entre l’Éthiopie et l’Érythrée, au Libéria, au Mozambique, en Sierra Leone et au Sud-Soudan. La Guinée-Bissau, le Togo et Madagascar ont tous rétabli l’ordre constitutionnel par des voies pacifiques. La République démocratique du Congo a tenu hier seulement le deuxième tour d’élections démocratiques, les premières à être organisées en 40 ans.
Je suis fier de voir que les Nations Unies ont apporté leur concours dans tous ces processus. Et je suis fier de ce que mes frères africains ont accompli en mettant fin à un bon nombre des conflits qui ont ravagé notre continent.
Mais ici encore, nous ne devrions pas nous faire d’illusion.
Dans de nombreuses parties du continent, des gens sont toujours exposés à des conflits brutaux, menés avec des armes légères mais meurtrières.
Chaque jour, au Darfour, des hommes, des femmes et des enfants toujours plus nombreux sont chassés de leurs foyers en raison de meurtres, de viols et d’incendies qui consument leurs villages. Au-delà du Soudan, des conflits moins visibles mais non moins meurtriers – en Côte d’Ivoire, en Somalie et dans le nord de l’Ouganda – nécessitent, pour être résolus, la détermination des pays africains et l’attention de la communauté internationale.
La paix se propage à travers le continent, cependant un continent en paix
–objet de nos vœux à tous– reste une idée à traduire dans les faits. La plupart des Africains se rendent compte aujourd’hui qu’il leur faut travailler de concert pour pacifier le continent et je dis souvent qu’on n’investit pas dans un environnement défavorable. Et quand un continent est considéré par un grand nombre de personnes comme un continent en guerre, nous faisons fuir ces personnes, les Africains sont conscients de ce fait et font leur possible pour résoudre ces conflits, afin de pouvoir se consacrer à la tâche essentielle du développement économique et social.En dernière analyse, ce n’est pas l’absence de guerre qui fera de l’Afrique une Afrique en paix. La paix en Afrique n’est durable que si elle s’accompagne d’une transformation démocratique et d’une bonne gouvernance, troisième volet du progrès de l’Afrique.
Ces dernières années, le continent a connu une renaissance démocratique dans la mesure où les États africains, pour la plupart – plus que jamais auparavant –, ont maintenant des gouvernements démocratiquement élus. Ces gouvernements ont, à travers le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique, explicitement convenu de respecter les droits de l’homme et d’assurer la démocratie, de lutter contre la corruption et de promouvoir la bonne gouvernance.
Aujourd’hui, Ellen Johnson Sirleaf, la Présidente du Libéria, est la première femme à être élue Présidente d’un État africain, ce qui témoigne plus éloquemment que ne le feraient des mots des progrès accomplis dans le domaine des droits des femmes. Un autre fait qui en témoigne est que dans les pays subsahariens, la proportion de femmes siégeant au Parlement est plus élevée que dans les pays en développement de l’Asie du Sud ou de l’Asie occidentale.
À travers toute l’Afrique, les citoyens ordinaires sont engagés plus que jamais auparavant. Qu’il s’agisse de l’éducation, du VIH/sida, de la bonne gouvernance et des droits de l’homme, un mouvement dynamique de plus en plus important de la société civile a permis de donner plus de dynamisme au programme de développement africain. Les Africains se battent pour leurs droits et les revendiquent – et ils les connaissent ces droits – et les gouvernements commencent à écouter. De fait, en exigeant que les dirigeants soient honnêtes et comptables de leurs actes, les acteurs de la société civile se révèlent un important mécanisme d’équilibre sur la scène africaine marquée malheureusement par la mauvaise gouvernance.
La gouvernance de l’Afrique est importante et les progrès en matière de gouvernance auxquels je fais allusion sont bien réels, mais sont peu solides au regard des gigantesques défis à relever. Des élections ont eu lieu et les dirigeants sont meilleurs, mais il demeure des cas où la situation laisse toujours à désirer. Que dis-je, des gouvernements continuent d’interdire les partis d’opposition et de fermer les yeux sur les pratiques de corruption à grande échelle s’ils n’y sont pas mêlés eux-mêmes. Dans bien des cas, l’exploitation des ressources naturelles continue de ne profiter qu’à un petit nombre.
Si la démocratie africaine n’est peut-être pas parfaite, elle est cependant porteuse de promesses. Plus les gouvernements seront tenus responsables, plus il y a de chances qu’ils répondent aux besoins de leurs peuples, qu’il s’agisse de prévenir la famine, de lutter contre la pauvreté ou d’arrêter la propagation du VIH/sida.
L’Afrique a besoin d’autres Mandela et d’autres Oliver Tambo. Mais le fait important est qu’il y a une génération naissante de dirigeants africains responsables et élus, des dirigeants déterminés et qui tiennent leurs promesses. Ils reconnaissent que les droits de l’homme sont aussi des droits des Africains et que sans une bonne gouvernance, aucune aide, quel que soit son montant, aucune initiative diplomatique, quelle que soit son envergure, des opérations de maintien de la paix, quel qu’en soit le nombre, ne pourront, à elles seules, extirper l’Afrique de la pauvreté, arrêter la propagation de la maladie ou mettre fin à un conflit meurtrier.
Maintenant que les temps changent et que les Africains demandent des comptes à leurs dirigeants, nous avons une réelle chance d’aider les Africains à s’aider eux-mêmes.
Il y a de cela une décennie, Oliver Tambo a parlé de la « responsabilité de démanteler les barrières de la division » et de créer une Afrique du Sud juste et prospère « où il n’y aurait ni Blancs ni Noirs mais seulement des Sud-Africains libres et unis dans leur diversité ». S’il était en vie aujourd’hui, je sais qu’il nous aurait tous exhortés, avec autant de force, à nous unir pour démanteler les barrières qui isolent l’Afrique de la prospérité mondiale.
Au moment où les Africains s’activent à édifier la paix, s’efforcent d’installer la démocratie pour de bon et œuvrent à consolider l’État de droit, nous devons agir de concert avec eux et investir en eux afin de construire l’avenir meilleur qui peut et doit être le leur.
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