SG/SM/10548-AFR/1403

KOFI ANNAN APPELLE LES DIRIGEANTS AFRICAINS À CONTINUER À PROGRESSER, EN DONNANT UNE IMPORTANCE ÉGALE AU DÉVELOPPEMENT, À LA SÉCURITÉ ET AUX DROITS DE L’HOMME

3 juillet 2006
Secrétaire généralSG/SM/10548
AFR/1403
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

KOFI ANNAN APPELLE LES DIRIGEANTS AFRICAINS À CONTINUER À PROGRESSER, EN DONNANT UNE IMPORTANCE ÉGALE AU DÉVELOPPEMENT, À LA SÉCURITÉ ET AUX DROITS DE L’HOMME


On trouvera ci-après le discours prononcé par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au Sommet de l’Union africaine, à Banjul, le 1er juillet 2006:


Je tiens tout d’abord à remercier nos hôtes, le Président Yahyah Jammeh et le peuple gambien, pour leur accueil chaleureux et leur généreuse hospitalité, ainsi qu’à exprimer ma gratitude au Président de l’Union, le Président Denis Sassou Nguesso, et au Président de la Commission, Alpha Oumar Konare, pour le rôle de premier plan qu’ils ont joué pendant cette année aussi difficile que cruciale pour l’Union.


Aujourd’hui, je voudrais me pencher non sur l’année qui vient de s’écouler, mais sur les 10 dernières années de la vie de ce continent et sur l’avenir.  C’est, vous l’aurez deviné, parce que mes 10 années à la tête de l’ONU touchent à leur fin et que je m’adresse à vous pour la dernière fois en ma qualité de Secrétaire général de cette organisation.


Chers amis, j’ai un souvenir très vif du jour où j’ai pour la première fois pris la parole devant les dirigeants africains.  C’était à Harare, à ce qui était alors l’Organisation de l’Unité africaine.  J’étais à la fois très fier et très nerveux.  Aujourd’hui, je suis un peu moins nerveux, mais encore plus fier : fier de ce que nous avons accompli ensemble et fier d’être, comme vous tous, Africain.


Ce jour-là, le 2 juin 1997, j’ai dit que l’Afrique s’était, en 50 ans, complètement transformée. 


Il y avait eu d’abord la décolonisation, la lutte contre l’apartheid et les premiers efforts d’édification de nations. 


Puis il y avait eu la deuxième vague, décevante, marquée pour beaucoup de pays par la guerre civile et la tyrannie de régimes militaires ou de partis uniques, ainsi que par la corruption, l’impéritie, le manque de réglementation, les pillages sanctionnés par l’État, les interférences externes débridées et, résultat, la stagnation économique.


Après cela devait venir, selon moi, une troisième vague qui signalerait le début d’une ère nouvelle pour l’Afrique. 


J’ai engagé les Africains à faire de cette troisième vague celle du développement durable, de la paix et du respect des droits de l’homme. 


Au cours des presque 10 ans qui se sont écoulés depuis, j’ai eu le privilège de voir se déployer cette troisième vague.  Pas toujours avec toute la force que nous aurions voulu lui voir, ni toute la régularité.  Mais inexorablement et irrésistiblement, sur tout ce continent riche, vaste et divers. 


L’Union africaine elle-même est, par bien des côtés, la meilleure incarnation des progrès accomplis sur le plan du développement, de la sécurité et des droits de l’homme, les trois piliers interdépendants sur lesquels doit reposer l’avenir de l’humanité.


En six ans seulement, elle s’est imposée et a acquis une voix déterminante dans chacun de ces domaines.  Le continent africain lui-même a de nombreuses réalisations à son actif dans les trois. 


Prenez le domaine du développement, par exemple.  Il y a 10 ans, personne n’avait jamais entendu parler des objectifs du Millénaire pour le développement et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique n’avait pas encore vu le jour. 


Aujourd’hui, les objectifs du Millénaire pour le développement galvanisent les gouvernements de tous les pays d’Afrique.  Le présent sommet est centré sur l’intégration régionale, ce qui est une excellente chose, et le fait que des stratégies nationales doivent être élaborées à partir des OMD est largement reconnu.  Je suis heureux de pouvoir dire que l’ONU aide l’Afrique sur ces deux fronts. 


L’Union africaine a compris que le partenariat de l’Afrique avec le reste du monde doit reposer sur des réalisations solides et que tant l’action des donateurs que celle des bénéficiaires doivent faire l’objet d’un suivi.  Elle sait que pour que l’Afrique se développe, les responsabilités doivent être partagées et la confiance mutuelle. 


Dans le monde développé aussi, ce principe commence à s’imposer.  Depuis le Sommet que le G-8 a tenu l’an dernier, la dette de 14 pays africains a été intégralement annulée et celle de 8 autres a été considérablement allégée.  Le Nigéria, le pays d’Afrique le plus lourdement endetté, a racheté l’intégralité de sa dette.  Globalement, l’aide publique au développement a atteint un record l’année dernière, dépassant les 106 milliards de dollars. 


À Saint-Pétersbourg, où se tiendra dans deux semaines le prochain Sommet du G-8, j’engagerai les dirigeants à continuer de donner suite aux engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de l’Afrique.  Au chapitre du commerce, je leur demanderai de prendre des décisions courageuses pour que les négociations de Doha aboutissent et servent vraiment les intérêts des pays de notre continent.


Il reste énormément à faire pour que l’Afrique dans son ensemble atteigne tous les objectifs du Millénaire pour le développement.  Mais les progrès accomplis par rapport à certains de ces objectifs sont très encourageants. 


Prenez par exemple l’objectif qui consiste à ce que tous les enfants fréquentent l’école primaire.  Ces cinq dernières années, les taux d’inscription ont augmenté de plus de 15 points de pourcentage dans plus de 10 pays d’Afrique.  Et dans plusieurs cas, c’est grâce à une hausse du taux d’inscription des filles que le taux global a augmenté.


Considérez la lutte contre le sida.  Aujourd’hui, la prévalence diminue dans plusieurs pays d’Afrique car les jeunes utilisent davantage le préservatif, ont moins de partenaires et attendent d’être plus âgés avant d’avoir des rapports sexuels. 


En ce qui concerne la réduction de la mortalité maternelle, plusieurs pays d’Afrique sont en bonne voie pour atteindre l’objectif, et la plupart font des progrès.


En ce qui concerne l’accès à l’eau potable, six pays ont déjà atteint l’objectif et plus de la moitié devraient l’atteindre dans les temps.


Tous les progrès ne présentent pas la même difficulté.  Rien qu’en installant des moustiquaires sur les lits ou en rendant disponibles des semences de meilleure qualité, on peut faire beaucoup, à peu de frais, pour combattre le paludisme ou autonomiser les agriculteurs.


Pensez que 27 pays d’Afrique devraient enregistrer l’an prochain une croissance de plus de 5 % de leur PIB.


Ou que les investissements étrangers directs dans des pays d’Afrique ont augmenté de plus de 200 % ces cinq dernières années.


Ou encore qu’à la bourse de Johannesburg, il y a plus de 30 000 transactions chaque jour, contre 5 000 il y a 10 ans, et la valeur totale des sociétés cotées est plus élevée que sur les places de Sao Paulo, Shanghai, Singapour et Mexico.


L’Afrique du Sud est, après le Royaume-Uni et la Chine, le pays dont les investissements sur le continent africain augmentent le plus vite.  Elle mise sur l’avenir de l’Afrique, et j’encourage les autres pays, africains ou non, à faire de même.


L’intérêt que l’Afrique commence à susciter est le bienvenu.  Mais l’activité reste concentrée dans l’industrie minière et l’exploitation des ressources naturelles.  Il nous faut veiller à ce que la « ruée vers l’Afrique » profite aux femmes et aux hommes du continent, et que les accords signés avec des investisseurs étrangers soient justes, équitables et tenables.


Lors de la première « ruée vers l’Afrique », le but était de s’emparer de la terre, des territoires, des ressources naturelles et d’esclaves.  Les effets se font encore sentir aujourd’hui.  Il ne faut pas que l’histoire se répète.  Les générations futures ne nous le pardonneraient pas, et elles auraient bien raison.


Cela étant, une chose est bien claire pour tout le monde aujourd’hui : le développement de l’Afrique réfute l’idée aussi répandue que fausse selon laquelle notre continent n’est qu’un immense réservoir de pauvreté.


Il en va de même en ce qui concerne la sécurité.


Par rapport à ce qu’il était il y a 10 ans, le nombre de conflits violents a beaucoup diminué.  De plus en plus, les Africains prennent en main la paix et la sécurité. 


Grâce à l’Union africaine en particulier, l’Afrique apprend à mieux gérer les conflits, à les régler et, surtout, à les prévenir.


Le Conseil de paix et de sécurité s’est montré capable de jouer un rôle moteur. 


L’Union a renforcé ses capacités de maintien et de consolidation de la paix et a noué de solides partenariats avec l’ONU, ainsi qu’avec des organisations et structures régionales et sous-régionales.


Des contingents africains participent à toutes les opérations de maintien de la paix en cours sur le continent.  Et la création d’une force en attente susceptible d’être déployée rapidement pour maintenir ou rétablir la paix est en bonne voie.


La première Mission africaine de maintien de la paix s’est acquittée de son mandat au Burundi.  Et au Darfour, malgré d’énormes difficultés, 7 000 soldats et policiers courageux et compétents sont intervenus dans une des situations les plus horribles que le monde ait connue récemment. 


Il a trois semaines encore, le Président Obasanjo et le Président Biya ont donné toute la mesure de leur sagesse et de leurs qualités d’hommes d’État en parvenant à un accord de règlement du différend relatif à Bakassi, qui oppose leurs pays depuis 40 ans. 


Hélas, les décisions courageuses telles que celle-là font rarement la une dans la presse écrite et audiovisuelle qui informe le reste du monde. 


Enfin, l’Afrique a fait des progrès sur le plan des droits de l’homme.


Il y a neuf ans, j’ai dit que certains dirigeants africains considéraient les droits de l’homme comme un luxe de pays riche, pour lequel l’Afrique n’était pas prête, et que d’autres y voyaient une notion imposée par l’Occident, voire un complot du monde industrialisé.  J’ai dit que je trouvais ces idées humiliantes pour tous les Africains qui avaient soif de dignité.  Et j’ai engagé l’Afrique à mettre à l’index ceux qui renversaient des gouvernements élus pour prendre le pouvoir. 


Depuis, les Africains ont montré que les droits de l’homme sont des droits africains.  L’exclusion des auteurs de coups d’État est désormais un des principes fondamentaux de l’Union africaine.  Il me semble aussi que l’Afrique n’est pas loin d’adopter le principe selon lequel il n’est pas plus légitime de conserver le pouvoir par des moyens anticonstitutionnels que de le prendre de cette façon, principe avec lequel serait incompatible tout changement constitutionnel n’ayant d’autre objet que de prolonger le règne de tel ou tel dirigeant. 


Aujourd’hui, nous célébrons le fait que la plupart des États africains – un nombre record d’entre eux – ont un gouvernement élu démocratiquement.  D’après la Banque mondiale, en 2002, le pourcentage de pays d’Afrique subsaharienne dont le gouvernement est issu d’élections multipartites est supérieur à la moyenne des autres régions en développement. 


En République démocratique du Congo, nos frères et sœurs se préparent à tenir des élections libres et régulières pour la première fois depuis leur indépendance.  Quand aux Burundais et aux Libériens, ils se sont récemment rendus aux urnes après des années de conflit. 


La présence parmi nous de la Présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, en dit plus qu’un discours sur les progrès des droits des femmes.  Le fait que l’Afrique subsaharienne surpasse les pays en développement d’Asie du Sud et d’Asie de l’Ouest du point de vue du pourcentage de femmes parlementaires dans les chambres uniques ou basses en dit long également. 


Dans toute l’Afrique, le taux de participation aux élections continue d’augmenter.  De larges consultations sur des projets de réformes constitutionnelles ont lieu dans de nombreux pays.  Le Parlement panafricain vient de clore sa cinquième session.  La société civile est plus active que jamais.


Utilisé au mieux, de façon transparente, le Mécanisme d’évaluation intra-africaine pourrait être un outil véritablement africain de relèvement des normes de gouvernement, un outil dont bénéficieraient tous les habitants du continent.  Je ne suis pas peu fier d’annoncer que cette année, le Ghana a été le premier pays à parvenir au terme des cinq étapes qu’il prévoit. 


Tout cela étant dit, Mesdames et Messieurs, ne nous leurrons pas.  Le nombre d’Africains qui vivent dans la misère continue d’augmenter.  Le VIH/sida continue de gagner du terrain malgré les efforts déployés pour le combattre.  La sécurité alimentaire n’est pas encore acquise et l’environnement continue à se dégrader.  Le chômage des jeunes est toujours en hausse.


Au Darfour, en Côte d’Ivoire, en Somalie et dans le nord de l’Ouganda, les conflits ne sont pas réglés.  Même là où il y a eu des élections, de nombreux gouvernements continuent de réprimer les partis d’opposition et de museler la presse.  Beaucoup continuent d’interdire à certains groupes de participer à la vie publique.  Beaucoup continuent de pratiquer ou de tolérer la corruption à grande échelle.  Trop supportent que l’exploitation des ressources naturelles ne profitent qu’à un petit nombre.


Pour continuer à progresser, nous devons nous atteler bien plus activement à l’élaboration d’une stratégie d’avenir qui accorde une importance égale à chacun des trois piliers que sont le développement, la sécurité et les droits de l’homme.


Une stratégie qui tienne compte du fait que le développement, la sécurité et les droits de l’homme ne sont pas seulement des fins, mais aussi des moyens indispensables pour assurer le bien-être de tous.  Il n’y aura pas de sécurité sans développement, ni de développement sans sécurité, et il n’y aura, à long terme, ni développement ni sécurité si les droits de l’homme et la légalité ne sont pas respectés.  Les trois piliers se renforcent les uns les autres, et dépendent les uns des autres. 


C’est de cette stratégie que nous avons besoin pour faire déferler la troisième vague africaine, celle qui, j’espère, sera la bonne pour notre continent.


Cette troisième vague doit permettre aux Africains et aux Africaines de vivre à l’abri du besoin, d’échapper au couperet de la misère et des maladies infectieuses.


Elle doit leur permettre de vivre à l’abri de la peur, sans craindre que la violence et la guerre ne viennent bouleverser leur existence et réduire à néant leurs moyens de subsistance.     


Elle doit aussi leur permettre de vivre dans la dignité, sous le gouvernement de ceux qu’ils ont choisis légalement, dans une société où la liberté d’expression, de culte et d’association est reconnue à tous.


C’est à cela que doit nous mener la troisième vague. 


À une Afrique qui tire tout le parti possible de ses immenses ressources et sait que son capital le plus précieux, ce sont ses fils et ses filles.


Je ne serai plus le Secrétaire général de l’ONU, mais tant que je le pourrai, je serai avec vous sur la route qui mène à cette Afrique-là. 


Thank you very much.  Choukran jazeelan.  Muito obrigado.  Muchas gracias.  Asante Sana.  Meda mo ase paa paa paa.  Je vous remercie.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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