CONFÉRENCE DPI/ONG: VIABILITÉ FINANCIÈRE ET ÉCOLOGIQUE, TECHNOLOGIE POUR L’ÉDUCATION, VIH/SIDA ET CONSOLIDATION DE LA PAIX ONT ÉTÉ AU CŒUR DES DISCUSSIONS
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
59ème Conférence annuelle DPI/ONG
matin et après-midi
CONFÉRENCE DPI/ONG: VIABILITÉ FINANCIÈRE ET ÉCOLOGIQUE, TECHNOLOGIE POUR L’ÉDUCATION, VIH/SIDA ET CONSOLIDATION DE LA PAIX ONT ÉTÉ AU CŒUR DES DISCUSSIONS
Pour sa deuxième journée, la 59ème Conférence annuelle du Département de l’information pour les organisations non gouvernementales (ONG) a organisé quatre tables rondes visant à mettre en lumière différents aspects de la sécurité humaine et du développement durable, thèmes principaux de cette rencontre. Les participants ont notamment pu entendre des interventions sur les manières pour la société civile de forger des partenariats efficaces afin d’œuvrer dans les domaines de la prévention des catastrophes, de la consolidation de la paix ou encore de l’usage de la technologie en faveur de l’éducation des pays en développement.
Dans la matinée, une première table ronde s’est tenue autour du thème « Parvenir à la viabilité financière et écologique ». Les cinq intervenants ont mis l’accent sur les moyens de parvenir à un développement responsable d’un point de vue social, soucieux de promouvoir les investissements qui incluent dans leurs perspectives la protection de l’environnement mais également celle des communautés locales ou celle des groupes les plus défavorisés, comme par exemple les femmes. Les panélistes se sont notamment félicités de la volonté croissante des consommateurs à payer plus pour des produits élaborés avec une responsabilité écologique et sociale ou encore de l’apparition de pratiques commerciales plus équitables.
Cet après-midi, les participants à la 59ème Conférence DPI/ONG ont pu assister à trois tables rondes respectivement intitulées: « Approches émergentes dans le domaine de la santé, y compris la perspective sexospécifique du VIH/sida »; « La science et la technologie en faveur de l’éducation »; et « Sécurité humaine: responsabilité de protéger et Commission de consolidation de la paix ».
Cette dernière a particulièrement souligné le rôle de la nouvelle Commission de consolidation de la paix, créée conformément au Document final du Sommet mondial de 2005. Rappelant qu’à cette occasion, le concept de la « responsabilité de protéger » avait été réaffirmé par les États Membres, Mme Carolyn McAskie, responsable du Secrétariat de cette Commission et Sous-Secrétaire générale pour la consolidation de la paix, a précisé le rôle de cette instance et notamment ses possibles liens avec la société civile. Les intervenants ont également appelé les ONG à demander des comptes à leurs gouvernements afin qu’ils respectent leur obligation de protection envers leurs populations. L’un des panélistes a appelé la société civile à se mobiliser et à se rassembler afin de faire avancer les causes qu’elle défend, pour donner une voix à ceux qui n’en ont pas et pour faire agir les États.
Enfin, la table ronde relative à la science et à la technologie en faveur de l’éducation a été l’occasion de faire part d’une série d’exemples concrets de pratiques éducatives inédites dans le monde. Les intervenants ont dégagé quelques grandes lignes et principes susceptibles de rassembler ces différentes initiatives dans une ligne de conduite. D’abord, le bon usage de la technologie peut venir en aide aux pays en développement pour que cet enseignement soit adapté, ont souligné les intervenants. Ils ont de plus noté que la technologie ne peut être pensée en matière scolaire comme une fin en soi, mais plutôt comme un moyen, rappelant qu’un des moyens les plus efficaces d’un bon enseignement consistait à « apprendre à apprendre », plutôt qu’à compiler les savoirs.
Avant de clore ses travaux demain après-midi, la 59ème Conférence tiendra une autre série de tables rondes demain, vendredi 8 septembre, à partir de 10 heures.
Table ronde sur le thème: « Parvenir à la viabilité financière et écologique »
Dans leurs exposés, les cinq intervenants de cette table ronde ont fait ressortir les moyens, inspirés de leurs activités respectives, de parvenir à un développement responsable du point de vue social. Outre la responsabilisation des entreprises elles-mêmes, ils ont souligné la nécessité d’investir dans des projets prenant en compte la protection de l’environnement mais aussi le rôle des communautés locales et des groupes les plus marginalisées, comme les femmes.
M. SÁLVANO BRICEÑO, Directeur de la Stratégie internationale de prévention des catastrophes des Nations Unies (UN/ISDR), a expliqué que cette Stratégie cherchait à faire évoluer les mentalités afin que le monde ne se limite pas à se préparer aux catastrophes naturelles mais aussi à en réduire les risques. Il a ainsi regretté que sur les 6 milliards de dollars d’assistance humanitaire, seul 1% soit consacré à la réduction des risques. C’est pourquoi, il a plaidé pour des approches systématiques de préparation et de prévention intégrées aux politiques de développement des pays. À cet égard, il s’est félicité de l’établissement du Cadre d’action de Hyogo pour 2005-2015 qui vise justement à intégrer la prévention dans les politiques de développement et à aider les pays à renforcer leurs capacités et à élaborer des approches systématiques face aux risques de catastrophes.
M. WILLIAM FOOTE, Fondateur et Directeur exécutif de « EcoLogic Finance », a quant à lui mis en lumière les activités de son organisation qui prête à de petits commerces ruraux axés sur la protection de l’environnement et le développement économique communautaire en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Il a estimé que la pauvreté à grande échelle était une des menaces les plus importantes au développement durable car elle contribuait, entre autres, à la détérioration de terres cultivables et à la dégradation des ressources naturelles. Il a indiqué que son organisation, créée en 1999, avait octroyé quelques 250 prêts à plus de 100 entreprises dans 19 pays représentant 100 000 personnes et que le taux de remboursement s’élevait à plus de 90%. De plus, il s’est félicité de la volonté croissante des consommateurs à payer plus pour des produits élaborés avec une responsabilité écologique et sociale.
Pour sa part, M. HAAKON FOTTLAND, Directeur du Centre pour l’environnement et les études en développement de l’Université Tromso (Norvège), a constaté que la recherche et l’éducation supérieure n’avaient pas été pleinement pris en compte comme moyens de parvenir aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Il a affirmé que l’Université de Tromso s’employait à faire ce lien, notamment par ses activités avec le Programme norvégien pour le développement, la recherche et l’éducation supérieure. Parmi les projets mis en place dans ce cadre, il a notamment souligné celui concernant le renforcement des compétences des Mayas au Guatemala ou encore celui visant à promouvoir l’accès des « Bushmen » -broussards- à l’éducation au Botswana.
Se penchant sur la question de l’investissement responsable, Mme RACHEL KYTE, Directrice du Département de l’environnement et du développement social de « International Finance Corporation » (IFC), a indiqué que ce concept était mieux compris aujourd’hui et que des sommes importantes étaient maintenant investies dans des projets socialement responsables. Elle a par exemple constaté que les entreprises qui avaient des bonnes approches de gestion des risques environnementaux connaissaient de meilleurs résultats à long terme. Par ailleurs, elle a souligné les différences qui existaient à travers le monde en matière de responsabilité sociale des entreprises.
Dans un dernier exposé, Mme VANESSA TOBIN, Directrice adjointe de la Division des programmes de l’UNICEF, s’est intéressée à l’accès à l’eau et à l’assainissement. Elle a rappelé que 11 millions d’enfants à travers le monde mourraient avant l’âge de cinq ans en raison de maladies causées par la consommation d’eau non potable. Elle a plaidé pour des investissements plus importants dans le secteur de l’éducation sanitaire, en insistant particulièrement sur l’éducation des femmes. En outre, elle a aussi estimé que la manière dont les sommes étaient allouées devait être améliorée et qu’il était essentiel d’appuyer les activités des ONG et des autorités locales dans ces domaines.
Dans l’échange interactif faisant suite à ces interventions, M. Foote a noté que la traçabilité et la transparence avaient considérablement contribué à garantir et évaluer la production responsable des entreprises. Il a noté que de plus en plus de produits étaient certifiés par des parties tierces afin de garantir leur mode d’élaboration. Il a aussi fait remarquer que des grandes compagnies comme Kraft ou Hershey reconnaissaient maintenant que la traçabilité et la transparence étaient des moyens d’assurer de meilleurs profits.
Interrogée sur le rôle des femmes, Mme Tobin a souligné la nécessité non seulement de leur fournir des ressources mais aussi de les autonomiser dans le domaine agricole par exemple, et d’encourager les filles à rester à l’école. Quant à Mme Kyte, elle a noté que certaines barrières persistaient en ce qui concerne l’accès au crédit des femmes en Afrique et en Amérique centrale, notamment l’obligation d’obtenir la signature du mari.
En conclusion, Mme JANE PRATT, modératrice de cette table ronde et Présidente de « United Diversity Forum » a estimé qu’il ne fallait pas oublier qu’un petit groupe de gens pouvait changer les choses. Elle a noté que la discussion de ce matin avait mis l’accent sur la participation au marché des communautés rurales ainsi que sur le rôle de celles-ci pour parvenir aux OMD, grâce à des partenariats équitables. Enfin, elle a affirmé que tous les consommateurs devaient comprendre que les investissements doivent se traduire par des résultats équitables pour tous.
Table ronde sur le thème: « Science et technologie pour l’éducation »
M. RICHARD BERMAN, modérateur et Président de Manhattanville College, a ouvert cette table ronde en rappelant que la discussion serait axée sur deux des huit Objectifs du Millénaire pour le développement, à savoir la scolarisation universelle et l’égalité relative entre hommes et femmes. Le triptyque « qualité-accès-coût », dynamisé par une volonté politique sont autant de clefs pour la bonne marche d’une éducation de base.
Mme RINA LOPEZ BAUTISTA, Présidente de la Fondation du savoir et de la chaîne de la connaissance, a fait part d’une expérience inédite menée aux Philippines en matière d’éducation. Grâce à l’usage des outils de télécommunications, un système d’éducation original a pu connecter entre elles des milliers d’écoles publiques. Ce réseau de connaissances unique a, selon l’intervenante, démontré depuis quelque temps son efficacité au vu des résultats scolaires des élèves.
M. WILLIAM BOHNETT, membre de l’École de l’Île aux Bahamas, a présenté l’exemple d’une éducation originale fondée sur l’expérience combinant des matières classiques et des traditions locales. Cette éducation fondée sur des éléments concrets, pratiques et familiers aux élèves confère une certaine harmonie dans l’apprentissage et réserve sans doute des succès à venir.
Mme SANDRA RIVERO BORRELL, Présidente de la Fondation culturelle Baur, a affirmé qu’aujourd’hui, plus que jamais, l’éducation devait prétendre à une certaine profondeur. Il faudrait ouvrir une palette d’expériences didactiques aux jeunes sans oublier de garantir la souveraineté de cet enseignement afin de compenser les excès de la mondialisation. Ces défis, a-t-elle ajouté, s’adressent à la société civile et aux ONG. Dans le principe, il s’agit d’allier la philosophie ancienne aux exigences les plus modernes, ceci afin d’éduquer pour la paix, la tolérance et la pluralité.
M. HANS ROSLING, Professeur de santé internationale à l’Institut Karolinska en Suède, a créé un logiciel animé et intelligent, destiné à sonder les connaissances universelles dont les conclusions statistiques trahissent la primauté des idées reçues de par le monde.
Mme FRANZISKA SEEL, Coordonnatrice du Programme Objectifs du Millénaire pour le développement, a développé une théorie critique de l’éducation par la technologie. Trop souvent, a-t-elle déclaré, « nous pensons beaucoup trop à la technologie en tant que matière scolaire. Elle est davantage un outil qu’une matière même si notre société moderne, fondée sur le savoir, attribue à la technologie une grande importance ». Pour l’intervenante, il semblerait que l’avenir de l’éducation reposerait plutôt sur la véritable valeur de l’éducation. Ainsi, plutôt que d’apprendre tout court, il conviendrait mieux, a-t-elle dit, « d’apprendre à apprendre ». Elle a également fait allusion à tous les moyens possibles de parvenir à cette méthode, et notamment les moyens les plus ludiques comme Internet ou même des jouets.
Dans le débat interactif faisant suite à des interventions relatives aux perspectives de création de jouets éducatifs modernes, Mme Seel a précisé, pour ne pas semer d’équivoque, que lorsqu’elle avait suggéré de transformer des jeux vidéo en objets éducatifs, elle ne faisait pas allusion aux jeux vidéo de guerre, mais à des versions pacifistes. De même s’agissait-il dans son esprit d’utiliser Internet en identifiant au préalable quel usage éducatif on pouvait en faire.
Rina Lopez Bautista a expliqué quant à elle que cet usage éducatif des technologies modernes avait été conçu aux Philippines en tenant compte soigneusement des spécificités de classes d’âge et de connaissances des élèves.
Pour William Bohnett à qui l’on demandait quelle direction on pouvait donner au progrès technique, « s’il y a un attribut de la technologie moderne c’est bien qu’elle ne se répand pas à partir d’un nœud unique mais à partir d’une grande variété de foyers ». Difficile de pronostiquer sur ce développement de type organique qui caractérise si bien l’activité technologique, comme l’illustre à merveille l’Internet, et qui renferme toutes sortes de communautés de savoirs et de pratiques. Ainsi par exemple un autre intervenant dans la salle a développé une analyse pertinente expliquant comment la recherche semblait devenir en soi une forme d’apprentissage grâce à l’utilisation d’Internet.
Il a été également question des craintes de dérives de la technologie, notamment en terme de criminalité, laquelle risque de se jouer des frontières au moins autant qu’Internet.
Par ailleurs, le problème de l’usage de la technologie a été posé à M. William Bohnettdans les pays en voie de développement, lequel a répondu que l’usage éducatif était le plus évident, le plus attendu aussi. La réduction de l’écart numérique étant pour lui intimement liée à cette perspective. Il faut, dit-il, que l’accès aux technologies devienne dans le monde le plus large possible.
Pour Mme Sandra Rivero Borrel, la conscience, la pensée, le développement personnel importent avant tout, et la technologie ne doit pas être une fin en soi, mais plutôt un moyen de connaissance utilisée au mieux.
Pour Richard Berman, l’éducation demeure le seul moyen de sortir de la pauvreté et la technologie doit pouvoir lui venir en aide.
Table ronde sur le thème: « Approches émergentes dans le domaine de la santé, y compris la perspective sexospécifique du VIH/sida »
Alors que la pandémie du VIH/ sida se féminise, les panélistes de cette table ronde ont souligné les moyens de mieux prévenir mais aussi de prendre en charge les femmes atteintes de cette maladie. Parmi les idées soulevées, les intervenants ont notamment plaidé pour des campagnes de prévention novatrices et des programmes d’éducation sexuelle mieux ciblés ainsi que pour l’octroi de ressources adéquates à la lutte contre le VIH/sida et les ONG œuvrant dans ce domaine.
Mme ADRIENNE GERMAIN, Présidente de la Coalition internationale de la santé de la femme, a indiqué qu’il restait beaucoup à faire pour la prise en charge de la santé des femmes et des filles. Elle a notamment constaté qu’un tiers des femmes étaient abusées sexuellement ou physiquement et que la prévalence du VIH/sida augmentait plus rapidement chez les femmes que chez les hommes dans de nombreux pays. Dans ce contexte, elle a estimé qu’il était nécessaire de promouvoir des programmes pour la protection des droits des filles et des femmes, notamment à travers des projets éducatifs. Elle a appelé les États Membres à choisir le prochain Secrétaire général qui fera des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes une priorité.
Mme CARMEN BARROSO, Directrice de la Planification parentale internationale, a elle aussi mis l’accent sur les ravages du VIH/sida chez les femmes. Elle a notamment souligné que nombre d’entre elles ne recevaient pas de traitement adéquat, notamment en raison des stigmates associés à cette maladie. Elle a souligné le rôle essentiel des fournisseurs de soins qui, par leur position, peuvent identifier les femmes atteintes du VIH/sida et améliorer leur prise en charge. Par ailleurs, elle a appelé pour un engagement fort des Nations Unies afin de lutter contre les violations faites aux droits des femmes et pour intégrer une dimension sexospécifique dans ses activités.
M. TIMOTHY THOMAS, Directeur exécutif de « Staying Alive Foundation » de MTV Networks International, a expliqué que la campagne « Staying Alive » avait été lancée par la chaîne musicale MTV pour améliorer la connaissance et la prévention du VIH/sida. Ces publicités, offertes gratuitement aux ONG et aux diffuseurs, expliquaient de manière graphique les rapports sexuels avec ou sans risque, a-t-il précisé. Il a indiqué qu’après avoir visionné ces présentations, 77% des spectateurs affirmaient qu’ils auraient recours au préservatif. Selon lui, les ONG et les donateurs doivent reconsidérer les messages de prévention concernant le VIH/sida et utiliser toutes les technologies qui leur sont offertes.
Mme FREDERICA P. PERERA, Directrice du Département des sciences environnementales de la Mailman School of Public Health de Columbia University, a mis en lumière les effets des polluants environnementaux sur la santé reproductive des femmes ainsi que sur la santé et le développement des enfants. Ainsi, elle a noté que ces polluants provenant entre autres de sous-produits de l’énergie fossile et des pesticides affectaient particulièrement les femmes vivant dans des communautés pauvres. Elle a plaidé pour une action multilatérale et des partenariats efficaces pour prévenir ces situations.
En réponse aux questions de représentants d’ONG qui assistaient à cette table ronde, Mme Germain a affirmé qu’il faudrait que les politiques de lutte contre le VIH/sida se traduisent par une amélioration des pratiques sur le terrain et donc de la vie des femmes. Mme Barroso a quant à elle regretté que de nombreuses ONG œuvrant pour la promotion des femmes ne bénéficient pas de ressources suffisantes. Elle a également souligné que les programmes d’éducation sexuelle connaissaient aussi un manque de financement alors que ceux-ci pouvaient permettre de changer les attitudes dans la société.
Table ronde sur le thème: « Sécurité humaine: responsabilité de protéger et Commission de consolidation de la paix »
Les intervenants de cette table ronde ont mis de l’avant le rôle de la Commission de la consolidation de la paix et les implications du concept de la responsabilité de protéger. La nécessité de demander des comptes aux gouvernements, le lien entre conflit et pauvreté, ou encore le rôle de la société civile pour prévenir les conflits ont été au cœur de cette discussion.
M. AUGUSTINE P. MAHIGA (République-Unie Tanzanie) a noté que la notion de sécurité, autrefois seule responsabilité des États, avait évolué graduellement et était désormais axée sur les personnes tout comme c’est le cas pour le développement. Il a affirmé que ce changement résultait en grande partie du travail des ONG qui demandent aux gouvernements de rendre des comptes. Il a rappelé que les gouvernements avaient la responsabilité première de protéger leurs populations, c’est-à-dire protéger leur vie et leur subsistance. Parfois, les gouvernements échouent dans cette tâche, a-t-il constaté, soit parce qu’ils ne peuvent pas le faire, soit parce qu’ils ne veulent pas le faire, et plus rarement parce qu’ils sont eux-mêmes responsables de la souffrance de leurs populations. M. Mahiga a déclaré qu’il était de la responsabilité des ONG et de la société civile de souligner avec courage les échecs de l’État comme les violations des droits de l’homme. Selon lui, les ONG sont souvent la seule voix organisée à laquelle ces personnes peuvent avoir recours. Les ONG doivent être des partenaires de l’État mais aussi agir comme des critiques afin de les sensibiliser à la responsabilité de protéger, a-t-il conclu.
Mme CAROLYN MCASKIE, Sous-Secrétaire générale pour la consolidation de la paix, Commission de consolidation de la paix (CCP) des Nations Unies, a rappelé que lors du Sommet de 2005, les États Membres avaient réaffirmé leur responsabilité de protéger les populations contre les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le nettoyage ethnique. Elle a argué que ce concept devait aussi prendre en compte la reconstruction post-conflit et que c’était là que la Commission de consolidation de la paix pouvait apporter son aide. Selon les statistiques, a-t-elle constaté, la moitié des pays sortant de conflits risque d’y retomber. Mme McAskie a indiqué que si la communauté
internationale avait développé des outils efficaces de maintien de la paix, une fois ces mécanismes enlevés, il restait un fossé important à combler. La Commission doit amener des ressources mais aussi une approche stratégique pour répondre à ce problème, a-t-elle avancé.
Par ailleurs, elle a affirmé que la Commission devait se développer comme un des outils essentiels pouvant aider les gouvernements à protéger leurs populations, particulièrement lorsque les pays n’ont pas les moyens de le faire parce qu’ils sortent d’un conflit. De plus, elle a souligné qu’il fallait également s’intéresser aux raisons profondes de ces incapacités du pays afin de les surmonter. Elle a noté que les acteurs de la société civile, de par leur position sur le terrain, pouvaient grandement aider la Commission dans cette tâche. De plus, elle a insisté sur leur rôle dans l’appropriation nationale et locale des efforts de consolidation de la paix et de réconciliation ainsi que pour aider les gouvernements à se développer en tant que nouvelles démocraties.
M. JUAN MENDEZ, Conseiller spécial auprès du Secrétaire général sur la prévention du génocide, a noté que la formulation de la responsabilité de protéger, lors du Sommet de 2005, montrait que la communauté internationale s’accordait sur ce sujet. Toutefois, a-t-il ajouté, il reste beaucoup à faire pour traduire la responsabilité de protéger de manière concrète. Expliquant son mandat, il a indiqué que son Bureau s’employait entre autres à collecter des informations sur des violations du droit international qui peuvent mener au génocide et à mettre en place des mécanismes d’alerte précoce auprès du Secrétaire général. Il a de plus souligné qu’il était de sa responsabilité de vérifier et de s’assurer de la solidité des informations qu’il recevait mais qu’il n’avait pas le droit de qualifier ou non une situation de génocide. Mon rôle est préventif, a-t-il précisé, et je ne peux qu’attendre que tous les éléments définissant le génocide soient en place et si c’est le cas, cela veut dire que le génocide a déjà eu lieu. Enfin, il a insisté sur le rôle de la société civile pour son propre travail, notamment pour la collecte d’informations.
Mme EUGENIE MUKESHIMANA, survivante du génocide rwandais, a quant à elle fait part de son expérience en 1994 au Rwanda. Elle a estimé qu’un génocide nécessitait une grande planification et qu’il devrait donc être possible de saisir cette information afin de prévenir les massacres. Si nous nous préoccupions les uns des autres en tant qu’êtres humains, je pense que le Rwanda n’aurait pas connu cela, a-t-elle avancé. Elle a estimé qu’il était de la responsabilité de tous de protéger la vie humaine. De plus, elle a plaidé pour une prise en charge des survivants d’un conflit jugeant que si cela n’était pas fait, cela constituait encore une occasion manquée. Enfin, elle a mis l’accent sur la situation au Soudan, affirmant que trop peu avait été fait. Il est triste de voir qu’après le Rwanda, une situation comme le Soudan puisse se produire, a-t-elle ajouté en appelant à une action rapide.
M. EDWARD JOMBLA, Coordonnateur national du Réseau de collaboration pour la consolidation de la paix (Sierra Leone), a estimé que la pauvreté était une des menaces les plus importantes à la sécurité. Il a affirmé qu’il faudrait s’assurer que la communauté internationale s’acquitte de ses engagements internationaux afin de prévenir les conflits mais aussi d’assurer le développement des populations notamment par l’amélioration des responsabilités civiques et la réduction de la pauvreté. Selon lui, la responsabilité de protéger est à la fois l’affaire du gouvernement, de la société civile et de la communauté internationale. Enfin, il a indiqué que la société civile se félicitait des idées de la Commission de consolidation de la paix et voulait s’assurer qu’elle serait un partenaire des processus qui seront mis en place par ce biais.
Dans l’échange de vues qui a suivi, les panélistes ont insisté sur les moyens qui peuvent permettre aux ONG de sensibiliser davantage à la responsabilité de protéger. Ainsi, M. Mahiga a suggéré aux ONG de se rassembler en réseau selon des causes communes afin d’améliorer la connaissance des sujets qu’ils défendent. De plus, il a invité les ONG à demander des comptes à leurs gouvernements. Ces derniers, a-t-il affirmé, ont peur de la société civile et c’est pourquoi vous devez trouver des moyens de leur présenter vos exigences.
Mme McAskie a pour sa part indiqué que les ONG pouvaient aider à une évaluation sur le terrain qui permette de mieux comprendre un conflit et donc, à terme, de le régler. En outre, elle a mis l’accent sur la nécessité pour les ONG du Nord de collaborer plus efficacement avec celles du Sud, afin de les renforcer et de leur permettre de faire le travail elles-mêmes.
En conclusion, Mme SARAH SEWALL, modératrice de cette table ronde et Directrice du Centre Corr pour les politiques des droits de l’homme de la John F. Kennedy School of Government de l’Université Harvard, a relevé que la discussion avait mis l’accent sur l’importance de demander des comptes au gouvernements en ce qui concerne la responsabilité de protéger. C’est un moyen pour la société civile de faire agir l’État, a-t-elle estimé. Elle a déclaré que le rôle de la société civile visait en grande partie à donner une voix à ceux qui n’en ont pas.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel