LES EXPERTS ENCOURAGENT LE CAP-VERT À POURSUIVRE SES EFFORTS EN FAVEUR DES FEMMES, NOTAMMENT POUR ÉLIMINER LES STÉRÉOTYPES
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
753e & 754e séances – matin & après-midi
LES EXPERTS ENCOURAGENT LE CAP-VERT À POURSUIVRE SES EFFORTS EN FAVEUR DES FEMMES, NOTAMMENT POUR ÉLIMINER LES STÉRÉOTYPES
Les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont encouragé le Cap-Vert à poursuivre de manière encore plus active ses efforts qui, ont-t-ils constaté, se sont traduits par des avancées significatives, notamment en matière d’éducation. Ils ont souhaité que le mécanisme national pour la promotion de la femme, crée récemment, soit renforcé afin notamment de lutter contre la persistance de stéréotypes qui entravent l’accès des femmes aux postes d’élues ou leur pleine intégration à la vie économique.
Le Comité examinait pour la première fois aujourd’hui la situation des femmes dans cette île située au large des côtes sénégalaises. Ce pays n’avait en effet à ce jour pas encore remis de rapport périodique sur son application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), texte qu’il avait pourtant ratifié en 1980.
La délégation du Cap-Vert, avec à sa tête Mme MARIA CHRISTINA LIMA, Ministre en charge de la réforme de l’État et de la défense nationale, a ainsi présenté un rapport unique* sur les progrès accomplis dans son pays conformément aux dispositions de la CEDEF. Interrogée sur les raisons du retard de cette soumission par les experts du Comité, elle a expliqué que cette situation était entre autres due au processus de constitution et de structuration de l’État, ainsi qu’aux difficultés financières et techniques rencontrées au cours de l’élaboration de ce rapport.
Mme Lima a toutefois assuré, qu’en dépit de ce retard de soumission, le pays avait avancé considérablement en ce qui concerne le statut de la femme et était activement engagé envers la Convention. S’agissant spécifiquement de la situation des femmes, elle a observé que l’héritage socioculturel très clairement basé sur le patriarcat constituait toujours une des contraintes majeures à la promotion de leurs droits.
Elle a rappelé qu’après avoir obtenu son indépendance en 1975, le pays avait connu un système de parti unique jusqu’en 1990, puis s’était ouvert au multipartisme. Aujourd’hui, le Cap-Vert est une démocratie en phase de consolidation qui fait le pari de se transformer en pays moderne, intégré à l’économie mondiale et poursuivant un développement humain durable, a-t-elle déclaré. Elle s’est félicitée des résultats déjà obtenus, 30 ans seulement après l’indépendance. Le PIB par capita est passé de 200 dollars à presque 1 600 dollars et le taux d’accès à l’enseignement primaire est de presque 100%, a-t-elle notamment indiqué.
La Ministre a souligné la mise en œuvre d’un Plan national pour l’égalité et l’équité du genre (2005-2009). Ce document oriente actuellement toute la politique du Gouvernement en matière d’égalité du genre et fixe comme principaux défis à relever la lutte contre la violence à l’égard des femmes, la garantie d’égalité d’opportunités économiques et la représentation paritaire aux postes de décisions politiques, a-t-elle précisé.
Par ailleurs, elle a souligné la création en 1994 de l’Institut de la condition féminine (ICF), renommé depuis Institut cap-verdien pour l’égalité et l’équité du genre. Elle a affirmé que ce mécanisme national était chargé de la promotion de politiques publiques contribuant à l’égalité, à l’équité et à la parité du genre et veillait à la mise en œuvre de ces politiques. Cet Institut, a-t-elle ajouté, fonctionne souvent en partenariat avec la société civile sur des projets liés à la santé, l’éducation, la promotion de la famille ou encore la lutte contre la violence.
Des réalisations importantes ont ainsi été accomplies dans le domaine de l’éducation. Au niveau primaire, les taux de scolarisation sont de 95,9% pour les filles et 94,3% pour les garçons, s’est-elle félicitée, en ajoutant que si ces taux étaient plus bas pour le niveau secondaire, il y existait également une légère prédominance des filles.
Elle a indiqué que le Gouvernement s’employait à lutter contre la violence faite aux femmes qui se manifeste surtout à l’intérieur des foyers. Dans le code pénal récemment entré en vigueur, les mauvais traitements à l’égard d’un conjoint sont considérés comme un crime et donnent lieu à une mesure d’éloignement de l’agresseur, a-t-elle indiqué. De plus, le pays élabore actuellement une stratégie de réponse aux situations de violence présentant un caractère urgent en offrant une assistance de nature juridique, policière, médicale, sociale et psychologique aux victimes. Je suis convaincue que nous avons réalisé d’importants progrès, a-t-elle conclu, mais il reste encore beaucoup à faire.
Lors du dialogue qui a suivi avec la délégation capverdienne, les experts se sont interrogés sur la manière dont a été utilisée la CEDEF dans le pays. Mme Lima a noté que la Convention n’avait pas été invoquée pour l’instant. Mais, a-t-elle nuancé, la plupart des articles de la Convention sont déjà inscrits dans nos lois et en appliquant nos lois, on applique la Convention. Elle a partagé l’avis du Comité quant à l’importance de fournir des efforts afin de faire mieux connaître la Convention auprès du public, mais aussi auprès du personnel judiciaire, par le biais de formations.
De nombreux experts du Comité, dont M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, et Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, ont souhaité savoir pourquoi le pays n’avait pas accéder au Protocole facultatif de la Convention. La Ministre a affirmé que cette non-adhésion n’était qu’une question bureaucratique et qu’aucun problème politique n’expliquait cette situation. Nous sommes à jour avec la plupart des textes internationaux et je prends cet engagement devant vous, a-t-elle insisté, il n’y a aucun obstacle à ce que le Cap-Vert accède à ce Protocole.
En réponse à Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, qui souhaitait des détails supplémentaires sur l’Institut capverdien pour l’égalité et l’équité, sa Présidente, Mme CLAUDIA RODRIGUES, a noté que celui-ci disposait de neuf employés et que son budget était régulièrement en progression depuis sa création. De plus, l’Institut travaille étroitement avec les ONG en coordonnant les projets et en finançant leurs activités. Cette collaboration nous a valu beaucoup de succès, a-t-elle poursuivi, car les ONG travaillent au niveau local et vont là ou l’Institut ne peut être présent puisque nous travaillons au niveau des politiques.
Quel est le statut officiel de cet Institut et de quel pouvoir dispose-t-il pour intervenir dans les politiques gouvernementales? a poursuivi Mme ZOU XIAOQIAO, experte de la Chine. Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, et Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon, se sont quant à elles inquiétées du faible nombre d’employés de l’Institut et de ses ressources financières.
Mme MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, experte de Cuba a en effet soulevé les besoins financiers de l’Institut qu’elle préside, tout en notant l’assistance fournie dans ce domaine par le FNUAP, le PNUD ou encore la Banque mondiale. Elle a indiqué que l’Institut était un organe indépendant bien qu’il avait une liaison avec le Premier Ministre afin de s’assurer que les questions sexospécifiques soient les plus présentes possibles au Conseil des ministres. Elle a indiqué que malgré le nombre de ses employés, l’Institut parvenait à agir dans de nombreux domaines, notamment grâce à sa collaboration avec les ONG qu’il finance.
Les experts ont également souhaité savoir quelles étaient les mesures entreprises pour éliminer les stéréotypes dans le pays. Les manuels solaires ont-ils été révisés? a entre autres demandé Mme DORCAS COKER-APPIAH, experte du Ghana. Y a-t-il des programmes spécifiques visant les garçons et les hommes afin de changer leurs comportements? s’est pour sa part interrogée Mme Dominguez.
En réponse, Mme Lima a souligné l’existence d’un programme, lancé en 2002, visant à former les enseignants et les formateurs sur toutes les questions sexospécifiques. Elle a de plus indiqué qu’un projet pilote était en élaboration pour éliminer les stéréotypes à l’école primaire et secondaire. Il n’existe toutefois pas de programme spécifique pour les hommes et les garçons, a-t-elle reconnu. Notant que cette question des rôles sexuels était un des plus grands défis au Cap-Vert, la Ministre a fait valoir que le pays mettait l’accent sur la sensibilisation des enfants.
Suite à une question de Mme ANAMAH TAN, experte de Singapour sur la légalité de la polygamie dans le pays, Mme Lima a assuré que cette pratique n’était pas permise au Cap-Vert. Toutefois, elle a reconnu qu’il existait un problème de polygamie de fait. Des hommes entretiennent d’autres foyers en ayant un foyer officiel, a-t-elle précisé. Elle a estimé que ceci s’inscrivait dans un problème plus large: celui de la structure de la famille dans le pays. Elle a par exemple indiqué qu’il était courant pour les femmes, à la recherche d’une stabilité émotionnelle ou financière, d’avoir des enfants avec plusieurs partenaires et que 70% des enfants au Cap-Vert naissaient hors du cadre du mariage ou d’une union de fait.
Nous nous attachons à travailler avec les jeunes pour abolir ces pratiques culturelles, a-t-elle déclaré. De plus, elle a affirmé que le pays s’employait à faire reconnaître par les pères leur responsabilité parentale. Notant qu’il existait des lois établissant des pensions alimentaires pour les enfants par exemple, elle a cependant souhaité que la structure judiciaire soit plus efficace dans ce domaine.
S’agissant de la violence domestique, Mme Lima a répondu à l’experte de la Chine qui demandait des détails sur les services offerts aux victimes, a expliqué que le système d’aide juridique était en effet gratuit et financé par l’État. Depuis 2005, une loi a établi que l’État fournira un avocat à tous les Cap-Verdiens qui ne peuvent le payer et cette disposition sert surtout aux victimes de violence, dont les femmes, a-t-elle précisé. Elle a aussi fait part de la création de bureaux pour les victimes dans les deux plus grands hôpitaux du pays. Cela permet aux victimes de porter plainte directement à l’hôpital puisqu’on y trouve un agent de police, généralement une femme, pour les accueillir, a-t-elle ajouté.
Dans le domaine de la représentation des femmes, de nombreux experts ont regretté le faible taux de femmes élues qui ne représentent que 15% des membres au Parlement. Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, a noté le nombre faible de femmes élues au niveau local ou encore le fait qu’il n’y ait qu’une seule femme maire sur les 17 municipalités du pays. Elle a ainsi estimé, tout comme Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, que le pays devrait introduire un système de quotas.
La Ministre s’est en effet dite elle-même préoccupée par la faible présence de femmes élues. Elle a indiqué que les femmes étaient pourtant présentes sur le terrain lors des campagnes électorales mais que celles-ci ne se retrouvaient pas sur les listes ou, quand elles l’étaient, les candidates n’étaient pas en bonne position. Elle a de plus affirmé que le pays réfléchissait à un système d’encouragement financier pour les partis qui présenteraient 25% de femmes sur leurs listes. L’introduction de quotas au niveau des partis et au niveau national est également une discussion que nous devons avoir, a-t-elle poursuivi.
La plupart des experts se sont félicités des bons résultats du Cap-Vert dans le domaine de l’éducation. Certains, comme Mme Simonovic, se sont toutefois inquiétés du sort des élèves enceintes qui subissent une mesure de suspension de l’école. Mme GLENDA P. SIMMS, experte de la Jamaïque, s’est-elle dite préoccupée de la situation des femmes qui étaient marginalisées en raison de leur pauvreté et de leur manque d’accès à l’éducation.
La délégation cap-verdienne a indiqué que le Gouvernement proposait des formations pour les femmes chefs de famille et qui n’ont pas accès à l’éducation. Il a fait valoir que cela visait à donner à ces femmes des compétences et des opportunités de travail. Dans ce contexte, la Ministre a insisté sur l’importance du microcrédit afin de fournir des revenus à ces femmes. Quant à la question de la suspension des élèves enceintes, elle a expliqué que cette mesure avait été prise pour leur permettre de revenir aux études après leur grossesse. Auparavant, elles abandonnaient tout simplement l’école, a-t-elle argué. Toutefois, elle a noté que l’impact de cette mesure de suspension était actuellement analysé.
La délégation du Cap-Vert est composée, outre Mme Lima, de: Mme Fatima Veiga, Représentante permanente du Cap-Vert auprès des Nations Unies; Mme Claudia Rodrigues, Présidente de l’Institut Capverdien pour l’égalité et l’équité du genre; et M. Antonio Pires, expert en matière de population et de développement au sein du Département de la planification.
* Le rapport unique du Cap-Vert, valant rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques, est publié sous la cote CEDAW/C/CPV/1-6
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