MALGRÉ L’ÉLECTION D’UNE FEMME À LA PRÉSIDENCE, LE CHILI DOIT ACCROÎTRE LA PARTICIPATION DES FEMMES EN POLITIQUE, AFFIRMENT LES EXPERTS
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Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
Chambre A - 749e & 750e séances – matin & après-midi
MALGRÉ L’ÉLECTION D’UNE FEMME À LA PRÉSIDENCE, LE CHILI DOIT ACCROÎTRE LA PARTICIPATION DES FEMMES EN POLITIQUE, AFFIRMENT LES EXPERTS
Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a salué aujourd’hui la récente élection d’une femme en tant que Présidente du Chili, espérant que celle-ci parviendra à insuffler de larges avancés pour la promotion de la femme. Son passage ne doit pas être un miracle de courte durée a souhaité Mme GLENDA P. SIMMS, experte de la Jamaïque, appelant le pays à saisir cette opportunité pour faire progresser les droits des femmes rapidement.
Malgré l’élection à la présidence chilienne de Michelle Bachelet en janvier 2006, les expertes, qui évaluaient la mise en œuvre de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) au Chili, se sont inquiétées de la sous-représentation des femmes dans la vie politique de ce pays. La plupart d’entre elles ont ainsi souligné que le mode de scrutin binominal actuel au Chili constituait une entrave à la pleine participation des femmes dans le domaine public. De plus, elles ont fait part de leur préoccupation quant au taux de grossesse élevé chez les adolescentes et des effets de ces maternités précoces sur les conditions de vie des femmes.
Présentant le quatrième rapport périodique du Chili* depuis la ratification de la CEDEF par ce pays en 1989, Mme Laura Albornoz Pollman, Ministre du Service national des femmes au Chili et Chef de la délégation, a estimé que le modèle social adopté par son pays ces dernières années était de plus en plus inclusif et permettait davantage aux femmes de progresser. Elle a souligné la création, en 1991, du Service national des femmes, un organe public dont le Directeur ou la Directrice a le rang de Ministre. Cette instance met en place les outils nécessaires à l’intégration de la sexospécificité dans toutes les structures et politiques de l’État et coordonne les mesures pour la promotion des droits des femmes, a-t-elle précisé.
La Ministre a souligné que son pays avait mis en place, depuis 2000, un plan pour l’égalité des chances entre les sexes. Parmi les initiatives dans ce domaine, elle a évoqué celles visant la promotion de la femme à travers tous les aspects de l’éducation, notamment par la formation adéquate des enseignants et l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école. Notant que les grossesses des adolescentes constituaient une des causes majeures de l’abandon scolaire, Mme Pollman a déclaré que des politiques avaient été mises en place pour leur permettre de poursuivre leurs études.
S’agissant du secteur du travail, la Ministre a indiqué que son pays s’attachait à augmenter les capacités économiques des femmes en les intégrant mieux au marché du travail. L’égalité de salaire entre hommes et femmes et la non-discrimination ont été introduites dans le Code du travail. La Présidente du pays a promulgué un « code de bonnes pratiques et de non-discrimination » dans le secteur public afin d’assurer l’égalité des chances dans le fonctionnariat du pays et le secteur privé était encouragé à faire de même.
Elle a aussi souligné que le Chili s’était attaché à progresser dans le domaine de la justice, citant notamment la création d’unités spécialisées pour enquêter sur les délits sexuels et la violence dans les familles. Les investissements dans la justice ont été multipliés par trois, a-t-elle indiqué, en assurant que les femmes avaient désormais un meilleur accès pour dénoncer les actes de violence à leur égard, mais n’en avaient pas encore l’habitude. La modernisation de la justice permet de mieux protéger les femmes contre les actes de violence au sein de la famille et une nouvelle loi était entrée en vigueur en octobre dernier sur ce sujet.
Concluant son exposé, Mme Pollman a affirmé que la nouvelle Présidente du Chili considérait comme prioritaires les questions liées à la promotion de la femme. La participation des femmes est de plus en plus importante et leur apport est désormais reconnu, a-t-elle déclaré, avouant toutefois que certains espaces, comme les partis politiques, constituaient toujours des barrières à la progression des femmes.
Lors du dialogue qui a suivi avec la délégation, certaines expertes du Comité ont fait part de leur inquiétude quant au débat entourant la tentative de ratification du Protocole facultatif de la Convention, une ratification rejetée par le Sénat en 2002. Mme SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, s’est dite très préoccupée par la désinformation effectuée à cette occasion par les autorités religieuses. Ce Comité ne peut rien imposer à un pays et n’a jamais imposé l’interruption volontaire de grossesse (IVG) à un pays, a-t-elle déclaré, mais ce Comité s’inquiète des droits des femmes et des taux de mortalité élevés, alors que l’avortement est illégal.
S’agissant du statut de la CEDEF au Chili, Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, et Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, se sont interrogées sur l’existence de jurisprudence citant la Convention et les conflits possibles entre la législation nationale et les textes internationaux. À ce sujet, la délégation chilienne a indiqué qu’il existait en fait peu de jurisprudence faisant appel aux dispositions de la Convention. Mais de façon générale, on estime que ces traités ont force de loi, a précisé un membre de la délégation. Quant aux dispositions de la CEDEF, le Chili a obligation d’adapter son cadre juridique interne à la Convention et nous avançons sur ce point, a-t-il ajouté.
Plusieurs expertes ont également interrogées la délégation chilienne sur la possibilité d’instaurer des quotas afin de favoriser la représentation des femmes dans la vie politique. Rappelant qu’un projet de loi en ce sens avait été élaboré en 2003, l’experte de l’Allemagne a souhaité savoir ce qu’il en était aujourd’hui. Quant à Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, elle a noté la résistance des partis politiques, le plus souvent dominés par des hommes, face à la participation des femmes au domaine public. Cette dernière a aussi estimé que le système binominal actuellement en vigueur au Chili était discriminatoire pour les femmes et qu’il fallait donc une révision du mode de scrutin.
Ce système binominal est un héritage de la période de dictature, a expliqué Mme Pollman en réponse et il existe actuellement un débat important sur sa réforme. Elle a précisé que sans cette révision, il ne serait pas possible de faire passer une loi sur les quotas de femmes élues. Il faut changer le système électoral pour permettre l’adoption d’une loi sur les quotas, a-t-elle insisté. Notant que la Présidente était très engagée sur ces questions de représentation féminine, elle a rappelé que son Cabinet était paritaire et qu’elle avait encouragé l’ensemble de la fonction publique à suivre cet exemple. Par ailleurs, un autre membre de la délégation a indiqué que le Gouvernement avait proposé une réforme constitutionnelle afin de renforcer la participation des femmes par la loi, notamment en offrant un financement plus important aux partis politiques qui présentent des candidatures féminines. Cette réforme est difficile à faire accepter, a repris Mme Pollman, car nous demandons aux politiciens d’adopter des lois qui pourraient leur faire perdre leur place au Congrès.
Les expertes ont également fait part de leur préoccupation face au taux élevé de grossesse chez les adolescentes, particulièrement de 15 à 17 ans. Quelles sont les mesures adoptées pour les aider? a demandé Mme ZOU XIAOQIAO, experte de la Chine. L’experte de la France a elle souligné le lien entre ces grossesses précoces et l’abandon de la scolarité pour ces jeunes filles. Enfin, l’experte de la Jamaïque a voulu savoir si ces grossesses étaient le résultat de relations sexuelles forcées avec des hommes plus âgés et a plaidé pour l’établissement d’un âge minimum de consentement sexuel au Chili.
S’agissant de l’éducation sexuelle, la délégation chilienne a fait valoir que le Ministère de l’éducation avait une politique dans ce domaine depuis 1993, alors que rien n’avait été fait lors des années de dictature. Un membre de la délégation a mis en avant le Plan d’éducation en matière de sexualité qui s’étend jusqu’en 2010. Ce plan, a-t-elle poursuivi, bénéficie de ressources économiques plus importantes que par le passé et se concentre sur les problèmes de grossesses précoces et du VIH/sida.
La délégation a indiqué que le Chili comptait un taux de grossesse d’adolescentes de 14,5% actuellement et souhaitait réduire celui-ci à 8% d’ici à 2015. Elle a reconnu que les grossesses et la maternité constituaient les plus grandes causes d’abandon scolaire. Nous avons pris des dispositions pour permettre aux filles enceintes de rester à l’école, a-t-elle ajouté, en citant notamment la loi de 2004 qui permet aux étudiantes de dénoncer tout acte de discrimination dont elles seraient victimes à l’intérieur d’un établissement scolaire. Elle a également indiqué que le Ministère de l’éducation offrait, depuis 2005, des bourses aux jeunes filles enceintes afin de surmonter les problèmes liés aux soins de l’enfant.
Pour Mme HUGUETTE BOKPE GNACADJA, experte du Bénin, l’autorisation de contracter un mariage à 16 ans pour les filles et les garçons était une brèche qui favorisait la maternité précoce et les mariages arrangés. Elle a donc souhaité que le Chili relève l’âge du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons.
Quant à l’experte de la France, elle s’est inquiétée des graves conséquences sur la santé des femmes de la pénalisation de l’avortement. Cette interdiction n’empêche pas les avortements clandestins qui touchent d’abord les femmes les plus démunies, a-t-elle argué. Mme Pollman a déclaré que le Gouvernement continuait à mener une campagne centrée sur la prévention des grossesses non désirées, sur l’amélioration de l’éducation sexuelle et sur la planification familiale.
La délégation du Chili, est composée, outre Mme Pollman, de: M. Heraldo Munoz, Représentant du Chili auprès des Nations Unies; Mme Amira Esquivel, Directrice des droits de l’homme du Ministère des affaires étrangères du Chili; M. Patricio Reinoso Varas, Directeur du personnel du Service national pour les femmes du Chili (SERNAM); Mme Maria de la Luz Silva Donoso, Chef de la section des relations internationales et de la coopération du SERNAM; M. Marco Rendon, Chef de la section des amendements légaux du SERNAM; M. Rene Castro, Directeur du Programme pour les femmes du Ministère de la santé; Mme Regina Clark, Chef du département des relations internationales du Ministère du travail; Mme Debora Solis Martinez, Coordonatrice nationale pour l’éducation sexuelle du Ministère de l’éducation; Mme Paula Recabarren, Conseiller juridique du Ministère de la Justice; et Mme Belen Sapag Munoz de la Pena, deuxième Secrétaire de la mission permanente du Chili auprès des Nations Unies.
Le Comité poursuivra ses travaux demain, jeudi 17 août, à 10 heures.
* Le quatrième rapport périodique du Chili est publié sous la cote CEDAW/C/CHI/4
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