KOFI ANNAN, DEVANT L’UNION AFRICAINE, PLAIDE POUR LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER, UN CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME ET ANNONCE LA CRÉATION D’UN FONDS POUR LA DÉMOCRATIE
Communiqué de presse SG/SM/9978 AFR/1205 |
KOFIANNAN, DEVANT L’UNION AFRICAINE, PLAIDE POUR LA RESPONSABILITÉ DE PROTÉGER, UN CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME ET ANNONCE LA CRÉATION D’UN FONDS POUR LA DÉMOCRATIE
On trouvera ci-après le texte du discours du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, au Sommet de l’Union africaine, tenu à Syrte en Jamahiriya arabe libyenne, le 4 juillet:
Vous trouverez ci-après le texte du discours du Secrétaire général au Sommet de l’Union africaine, tenu à Sirte, Libye, le 4 juillet:
Permettez-moi tout d’abord de remercier le colonel Kadhafi, ainsi que le Gouvernement et le peuple libyens, de l’hospitalité et de la générosité dont ils font preuve en accueillant cette importante réunion de l’Union africaine. Je tiens aussi à féliciter le Président Obasanjo et le Président Konaré pour la hauteur de vues avec laquelle ils ont dirigé l’Union africaine au cours de l’année écoulée.
L’Union africaine continue à faire son chemin dans sa quête pour devenir un instrument de progrès pour tous les peuples du continent africain.
Ses structures comprennent désormais un parlement panafricain.
Le Mécanisme d’évaluation intra-africaine commence à être bien implanté.
Quand l’ordre constitutionnel est menacé, vous réagissez promptement et avec intégrité.
L’opération de maintien de la paix et les efforts de médiation de l’Union africaine au Darfour améliorent les perspectives de paix, même si le reste de la communauté internationale a encore énormément à faire pour vous aider à mettre fin à la détresse des habitants de cette région.
Par ailleurs, dans certains pays d’Afrique, la croissance économique est relativement dynamique et soutenue.
La mise en œuvre du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique se poursuit, surtout dans les domaines clefs que sont l’infrastructure, l’intégration régionale et le développement du secteur privé.
Mais notre continent se trouve encore dans les affres de conflits meurtriers. Et nous sommes en retard sur le reste du monde en développement pour ce qui est de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.
Le soutien de la communauté internationale demeure de la première importance. Ces dernières semaines, les donateurs ont pris des engagements de poids en ce qui concerne l’allégement de la dette et l’aide financière. En outre, nous espérons que des progrès seront réalisés dans le domaine du commerce. Je tiens, par ailleurs, à saluer les qualités de chefs de file du Premier Ministre Tony Blair et du Chancelier de l’Echiquier Gordon Brown. L’engagement politique se raffermit lui aussi, grâce notamment aux rapports du projet Objectifs du Millénaire de la Commission pour l’Afrique et de mon groupe consultatif sur l’appui international au NEPAD.
Le fait que le G-8 mettra l’accent sur l’Afrique au sommet décisif qu’il tiendra cette semaine est une très bonne chose. Mais c’est le Sommet mondial qui se tiendra dans deux mois qui promet le plus.
Ce sommet devrait être le plus grand rassemblement de gouvernants que l’histoire ait jamais connu. Il me semble qu’il offrira aux pays du monde une occasion comme il s’en présente rarement de s’unir pour contrer des menaces graves qui pèsent sur tous et appellent des solutions collectives énergiques. Il offrira aussi l’occasion de revitaliser l’ONU elle-même. Il sera donc, en un mot, une occasion à saisir pour l’humanité tout entière.
Mais c’est en Afrique que les problèmes sur lesquels porteront le Sommet sont les plus graves. Notre continent, plus que tous les autres, souffre du fait que le système multilatéral ne donne pas toute sa mesure. Dans mon rapport intitulé « Dans une liberté plus grande » j’ai proposé toute une série de changements. Permettez-moi de mentionner ici certains de ceux qui, à mon sens, revêtent une importance particulière pour l’Afrique.
Premièrement, il y a ceux qui concernent le développement. Mon rapport fait une place de choix au développement, à la fois en tant que fin en soi et en tant que fondement de la sécurité. Ces dernières années, les objectifs du Millénaire pour le développement sont devenus un point de convergence mondiale comme il y en a peu. Il est aussi de plus en plus généralement admis que les pays en développement doivent se voir donner l’autonomie nécessaire pour mettre en œuvre des stratégies nationales assez ambitieuses pour permettre la réalisation de ces objectifs. Il faudrait que le Sommet de septembre débouche sur des progrès décisifs sur les plans de l’aide, de la dette et du commerce. Il faudrait aussi qu’il permette de mobiliser un appui accru pour les initiatives à effets « instantanés » dans des domaines comme la lutte contre le paludisme et l’éducation. L’Afrique pourra atteindre les objectifs du Millénaire d’ici à 2015 si le partenariat mondial promis depuis si longtemps se concrétise enfin. Il suffirait pour cela de donner effet aux engagements pris, sans faire aucune promesse nouvelle.
Le deuxième thème qui concerne plus particulièrement l’Afrique est celui de la sécurité. Environ la moitié des conflits armés, et environ 80 % des soldats de la paix des Nations Unies, sont en Afrique. J’applaudis l’Union africaine pour le rôle moteur qu’elle joue dans les efforts visant à régler les problèmes de sécurité du continent. Je continuerai d’engager la communauté internationale à lui offrir un soutien accru, notamment dans le cadre du plan de renforcement des capacités sur 10 ans, pour qu’elle puisse jouer un rôle accru dans ce domaine. Le Sommet de septembre doit aussi aboutir à un renforcement des capacités de maintien de la paix des Nations Unies, et aborder le problème de la consolidation de la paix, qui fait que bien trop de pays sont, au sortir d’un conflit, condamnés à replonger dans la violence parce que la communauté internationale ne finance pas comme il le faudrait les programmes de désarmement, de relèvement et de reconstruction. Je suis heureux que ma proposition de création d’une commission de la consolidation de la paix ait suscité des réactions positives chez beaucoup d’entre vous, et j’espère que vous ferez le nécessaire pour que ce nouvel organe voie le jour sans retard.
On ne saurait parler de la sécurité et des conflits en Afrique sans mettre l’accent sur la question générale de la responsabilité de protéger. J’ai demandé aux États Membres de consacrer ce principe en septembre. Certains pays craignent qu’il ne puisse être utilisé pour cautionner des interventions injustifiées, mais je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que face à un génocide, des crimes de guerre, un nettoyage ethnique ou des crimes contre l’humanité, l’inaction est inacceptable. En fait, l’Acte constitutif de l’Union africaine prévoit des mesures d’intervention dans les situations de ce type. Vous conviendrez que l’organisation mondiale qu’est l’ONU se doit de placer la barre au moins aussi haut. Les êtres humains menacés par des crimes aussi terribles sont en droit d’attendre une protection, non seulement de la part des pays voisins, mais de la communauté internationale tout entière. Les manquements du passé ne doivent pas se reproduire.
Troisièmement, trop de gens dans le monde, et notamment en Afrique, ne jouissent pas encore de tous les droits de l’homme. Or, l’organe des Nations Unies principalement responsable dans ce domaine, la Commission des droits de l’homme, est en perte de crédibilité. Sa mission en souffre, de même que la réputation de l’Organisation en général. Une telle situation ne peut durer, c’est pourquoi j’ai proposé que la Commission soit transformée en un Conseil des droits de l’homme dont ne serait exclu aucun groupe régional ou autre groupement d’États. Ce conseil aurait pour mission de promouvoir le respect des droits de l’homme dans tous les pays, ceux du Nord comme ceux du Sud. Il veillerait à ce que la surveillance soit universelle, et la responsabilité de même. Les atouts de la Commission seraient préservés, mais les changements qui s’imposent pourraient être opérés. Ici encore, je suis heureux et encouragé de constater que les États Membres voient mon idée d’un bon oeil. J’espère que l’Afrique mettra son poids derrière cette proposition et participera aussi au renforcement du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Avec votre appui, les droits de l’homme peuvent retrouver la place que prévoient pour eux la Déclaration universelle et les instruments contraignants que pratiquement tous les États se sont engagés à respecter.
Les meilleurs garants du respect des droits de l’homme – et d’ailleurs du développement – sont les institutions politiques qui permettent aux citoyens de chaque pays de choisir librement leurs dirigeants. En un mot, la démocratie. Sur ce plan, l’Afrique peut être fière du chemin qu’elle a parcouru. Le nombre d’États africains qui ont des gouvernements démocratiquement élus est plus élevé que jamais. Les coups d’État militaires sont nettement moins fréquents qu’à une certaine époque, grâce notamment à la fermeté de l’Union. Partout sur le continent, des gens ordinaires s’organisent et se font entendre. Vous avez presque tous dit clairement que vous étiez attachés au processus démocratique et prêts à vous laisser guider par la volonté du peuple, exprimée par le biais d’élections régulières dans le cadre d’un système de gouvernance ouvert à la participation de tous.
Nous savons tous qu’il n’y a là rien de facile et qu’un ou deux scrutins ne feront pas tout, loin de là. Les minorités doivent avoir la garantie que la majorité ne bafouera pas leurs droits, et la majorité doit avoir la garantie que les minorités se rangeront à ses décisions légitimes. Nous savons aussi que l’intégration des institutions démocratiques dans le fonctionnement de la société peut représenter une lourde charge pour les pays pauvres. C’est pourquoi je suis heureux d’annoncer la création du Fonds des Nations Unies pour la démocratie, qui permettra d’aider les pays qui s’efforcent d’asseoir ou de consolider la démocratie. Plusieurs États Membres ont déjà fait savoir qu’ils avaient l’intention de l’alimenter. J’espère que d’autres suivront leur exemple.
Enfin, permettez-moi de souligner que l’Afrique doit pouvoir faire confiance à l’Organisation des Nations Unies. Cela suppose la responsabilisation des cadres du Secrétariat et le renforcement des équipes de pays. Et cela suppose une rationalisation des travaux des organes intergouvernementaux. J’ai fait, en outre, deux propositions de réforme du Conseil de sécurité. Je sais que vous en débattrez ici. Je vous engage instamment à saisir la précieuse occasion qui se présente.
Le principal argument de mon rapport est qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, ni de sécurité sans développement, et que ni l’un ni l’autre n’est possible si les droits de l’homme ne sont pas respectés. C’est aussi l’idée centrale du projet de texte qui a été présenté par M. Jean Ping, Président de l’Assemblée générale et personnalité de stature mondiale dont l’Afrique peut réellement être fière, en vue d’être soumis au Sommet.
Le travail assidu que M. Ping et vous-même avez accompli a mis à notre portée des accords sur la plupart des grandes questions. Mais il reste beaucoup de divergences à surmonter, et peu de temps pour le faire.
À l’approche du Sommet, je vous exhorte à participer pleinement au processus. J’espère que l’esprit de compromis l’emportera. Et j’espère que vous conviendrez tous que mieux l’Organisation des Nations Unies fonctionnera, mieux les populations s’en porteront, en Afrique et ailleurs.
Je me réjouis de vous voir à New York en septembre, prêts à l’action et disposés à prendre des décisions audacieuses.
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