SG/SM/9876

DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L’OCCASION DE LA CÉRÉMONIE DE REMISE DES DIPLÔMES À L’UNIVERSITÉ DE PENNSYLVANIE: UN AVENIR « DANS UNE LIBERTÉ PLUS GRANDE »

16/05/2005
Communiqué de presse
SG/SM/9876

DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L’OCCASION DE LA CÉRÉMONIE DE REMISE DES DIPLÔMES À L’UNIVERSITÉ DE PENNSYLVANIE: UN AVENIR « DANS UNE LIBERTÉ PLUS GRANDE »


On trouvera ci après le texte du discours prononcé aujourd’hui par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à l’occasion de la cérémonie de remise des diplômes à l’Université de Pennsylvanie: Un avenir « dans une liberté plus grande »:


Madame la Présidente, merci de vos paroles aimables, et merci au nom de tous ceux à qui vous avez remis un diplôme aujourd’hui.


Chers diplômés, mon épouse Nane et moi-même sommes très honorés d'être parmi vous et vos familles en cette heureuse journée.  Nous adressons à chacun de vous nos plus sincères félicitations.


Mais je dois avouer que j’ai une légère appréhension, car je sais que vous me regardez tous et que vous vous dites: « Aucune chance qu’il soit aussi bon que Bono! »  Et vous avez raison: il n'est pas aisé de passer après le chanteur de U2.


Vous avez eu une chance inestimable dans cette prestigieuse université.  Vous avez exploré le monde des idées –idées portant sur ce qui est vrai et ce qui est faux, ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui marche et ce qui ne marche pas.


Au moment où vous recevez votre diplôme, une nouvelle étape de votre vie commence.  Le temps est venu de mettre les idées en pratique.  À dire vrai, l’histoire de votre vie sera celle de votre lutte pour rester fidèle aux idées auxquelles vous croyez.


Il en va de même pour chaque nation et pour notre monde.


Comme Bono l’a déclaré l’année dernière, les États-Unis d’Amérique ne sont pas seulement un pays – ils sont une idée: L’idée décrite dans la Déclaration d’indépendance, que Benjamin Franklin et d’autres ont signée ici même à Philadelphie, l’idée que tous les hommes sont créés égaux, et doués de certains droits inaliénables.


L’ONU est une idée, elle aussi.  Il ne s’agit pas seulement d’un bâtiment, ou d’un mécanisme international.  Elle exprime la conviction qui anime les gens partout dans le monde: nous vivons sur une petite planète, et notre sécurité, notre prospérité, nos droits – en fait nos libertés – sont indivisibles.


La génération de vos grands-parents a appris cette leçon à ses dépens.  J’espère que certain d’entre eux sont parmi vous aujourd’hui pour partager ce moment de fierté.  Durant les années 20 et 30, nombreux étaient ceux dans ce pays qui pensaient que les problèmes de l’Europe devaient être réglés par les Européens, et que les dangers en Asie ne concernaient pas les États-Unis.  Pearl Harbour a montré qu’ils avaient tort en pratique, et les horreurs de l’Holocauste ont montré qu’ils avaient tort sur toute la ligne en ce qui concerne la responsabilité éthique.


Vous, la promotion de 2005, vous avez également appris cette leçon à votre façon. Vous avez vu comment un pays pauvre et mal gouverné – l’Afghanistan – est devenu le creuset du terrorisme, avec des conséquences catastrophiques ici aux États-Unis.  Vous avez également vu sur vos écrans de télévision certaines des horreurs infligées au genre humain par la guerre, le terrorisme, la tyrannie, l’injustice, la faim, la pauvreté, l’ignorance et la maladie.


Lorsqu’ils avaient à peu près votre âge, vos grands-parents, ainsi que leurs alliés dans de nombreux autres pays, ont fait de grands sacrifices pour défendre la liberté et rétablir la paix dans le monde.  Ils ont appelé leur alliance « les Nations Unies ».  Leur victoire en 1945 a conduit à la création de l’ONU en tant qu’organisation permanente chargée d’assurer la sécurité dans le monde.


La Charte des Nations Unies est un des documents déterminants dans l’histoire de la liberté humaine.  Il y est question de l’égalité de droits des hommes et des femmes, et des nations, grandes et petites, et d’un monde de progrès social et de meilleures conditions de vie « dans une liberté plus grande ».


Pour comprendre ce que signifient les mots « dans une liberté plus grande », il nous faut nous rappeler l'idéal du Président Franklin D. Roosevelt, qui a fait plus que tout autre pour donner naissance à l’ONU.  Il a parlé d'un monde dans lequel tous les êtres humains jouiraient de la liberté politique et religieuse et pourraient, selon ses propres termes, « vivre à l'abri du besoin et de la peur ».


Autrement dit, la démocratie, la paix et des conditions de vie décentes devraient être les droits innés de chaque personne.  Et par conséquent, les droits de l’homme, la sécurité et le développement, considérés ensemble, constituent l’idée d’une « liberté plus grande ».


Après tout, un jeune homme de votre âge qui a le sida, qui ne sait ni lire ni écrire et qui vit au bord de la famine n’est pas réellement libre, même s’il peut voter pour choisir ceux qui le gouverneront.  De la même façon, une jeune femme de votre âge qui vit quotidiennement à l’ombre de la guerre civile ou qui n’a pas son mot à dire sur la façon dont son pays est dirigé n’est pas vraiment libre, même si elle a suffisamment d’argent pour se nourrir et nourrir sa famille.


L’ONU existe pour aider à soulager ce type de souffrance et à s’attaquer à ses causes profondes.


C’est pourquoi, tous les jours, des hommes et des femmes courageux et résolus servent sous le drapeau bleu des Nations Unies, dans des zones en proie à la guerre, dans des situations d’urgence et dans les communautés défavorisées partout dans le monde.


Il y a, parmi eux, des diplomates qui négocient l’accès aux populations civiles ou des cessez-le-feu entre les factions en guerre.  Il y a des soldats et des policiers qui protègent des hommes, des femmes et des enfants ordinaires contre la violence et aident à mettre en œuvre des accords de paix.  Il y a des travailleurs humanitaires qui s’occupent de la distribution des vivres et de la protection des réfugiés; des experts en matière de droits de l’homme qui aident à renforcer la primauté du droit; des économistes et des agronomes qui conseillent les communautés sur les moyens de produire davantage de denrées alimentaires et de mieux distribuer celles-ci.


Ces hommes et ces femmes sont en première ligne pour défendre la liberté.  J’espère que certains d’entre vous se joindront à eux et que tous vous reconnaîtrez la grandeur de leur travail.


Ils s’emploient aujourd’hui à rendre espoir aux populations d’Haïti, du Kosovo, du Libéria, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, de la République démocratique du Congo, du Soudan et de bien d’autres pays.  Ils accompagnent la transition politique en Iraq, où l’ONU a aidé à élaborer le cadre juridique des élections de janvier dernier et à former des milliers de personnes en vue du scrutin.


Ils sont en Afghanistan, dans le territoire palestinien occupé et au Liban pour aider à la tenue des élections et promouvoir des institutions politiques stables et inclusives, ainsi qu’une paix durable.


Au Darfour, ils sauvent des êtres humains de la famine et de la maladie et collaborent avec l’Union africaine pour assurer la protection de la population contre les crimes odieux commis dans cette région et pour mettre au point un règlement politique durable du conflit.


Sur l’autre rivage de l’océan Indien, ils aident à relever les ruines et à reconstruire les zones dévastées de 10 pays qui ont été ravagés par le raz-de-marée en décembre dernier.


Ces hommes et ces femmes qui servent dans les rangs des Nations Unies exécutent les mandats que leur ont confiés les États souverains qui sont Membres de l’Organisation, que ce soit au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée générale.  Le travail qu’ils font, aucun pays à lui seul ne peut ou ne veut le faire.


Ils ne pourraient accomplir qu’une infime partie de ce travail sans l’énorme contribution diplomatique et financière des États-Unis.  Ils ne pourraient pas non plus venir à bout de la tâche sans les contributions de nombreux autres pays, en particulier ceux qui fournissent des contingents – près de 70 000 soldats – qui sont déployés dans 18 opérations de maintien de la paix dans quatre continents.


Mais je m’en voudrais de me laisser gagner par un excès d’optimisme en ce qui concerne l’ONU aujourd’hui.


Tout comme l’Amérique a dû lutter tout au long de son histoire pour se rapprocher toujours davantage des idéaux proclamés par les Pères fondateurs, l’ONU, elle aussi, est une organisation en marche.


Si nous entendons maintenir vivaces les idéaux qui lui ont donné naissance et les transmettre vigoureux et intacts à votre génération, nous devons faire en sorte d’avancer de pair avec notre temps.


C’est pourquoi j’ai présenté aux États Membres, pour décision, un plan intitulé « Dans une liberté plus grande » qui appelle à une véritable refonte de l’Organisation, pour lui permettre de relever les défis du XXIe siècle.


Les Nations Unies doivent être d’une intégrité irréprochable et faire preuve du sens le plus élevé de la responsabilité.  Je ferai tout pour qu’il en soit ainsi. 


Mais la décision finale en matière de réforme appartient aux États Membres.  La réforme passe par une lutte résolue contre le terrorisme, la mise en place d’un régime plus strict pour empêcher la prolifération des armes nucléaires, un soutien plus décidé aux démocraties et un renforcement des capacités de maintien de la paix et d’aide humanitaire.  Ce programme de réformes exige aussi que les pays riches consacrent sans retard des ressources plus importantes pour réduire la pauvreté dans le monde de moitié dans les 10 prochaines années, et que soit créé un nouvel organe de défense des droits de l’homme qui sera chargé de mettre l’accent au sein des organismes des Nations Unies sur le respect de tous les droits de l’homme dans tous les pays.


Bien entendu, ces réformes ne permettront pas de résoudre tous les problèmes du monde, ni ne rendront l’Organisation parfaite, mais elles la rendront plus efficace au service d’une liberté plus grande de par le monde.


Les dirigeants du monde entier doivent se réunir à New York dans quatre mois pour se saisir de ces propositions.  S’ils s’entendent et travaillent ensemble à réaliser de véritables réformes, ils pourront léguer à votre génération une Organisation des Nations Unies qui sache porter très haut les idéaux pour lesquels vos grands-parents ont consenti tant de sacrifices il y a 60 ans.


Je suis sûr que, venu le jour de prendre les commandes, vous aurez à cœur de parfaire ce que ma génération a entrepris.  Mais ne croyez pas que vous pourrez fermer les yeux sur l’injustice, la souffrance ou l’absence de liberté véritable qui sont le lot de tant de gens dans le monde d’aujourd’hui.  Votre avenir dépend de leur avenir.  Le combat pour une liberté plus grande doit être votre combat. Lorsque je vous regarde aujourd’hui, avec tous vos talents, votre diversité, votre engagement et votre optimisme, je sais que vous serez à la hauteur de la tâche.


Félicitations et bonne chance à tous.


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