SG/SM/9823-ECO/82

NOUS AVONS UNE OCCASION EXCEPTIONNELLE DE RENDRE NOTRE MONDE PLUS LIBRE, PLUS JUSTE ET PLUS SÛR, DÉCLARE KOFI ANNAN AUX RESPONSABLES DU MONDE DE LA FINANCE

05/05/2005
Communiqué de presse
SG/SM/9823
ECO/82


NOUS AVONS UNE OCCASION EXCEPTIONNELLE DE RENDRE NOTRE MONDE PLUS LIBRE, PLUS JUSTE ET PLUS SÛR, DÉCLARE KOFI ANNAN AUX RESPONSABLES DU MONDE DE LA FINANCE


Vous trouverez ci-après le texte des remarques présentées par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, au dîner de travail du Comité monétaire et financier du Fonds monétaire international (FMI) et du Comité de développement de la Banque mondiale à Washington DC, le samedi 16 avril:


Je tiens d’abord à vous dire combien je suis reconnaissant de l’occasion qui m’est offerte de m’entretenir avec vous.  J’ai toujours considéré, et j’espère que vous êtes de mon avis, que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international faisaient partie de la famille des Nations Unies.


Depuis que je suis devenu Secrétaire général, je collabore étroitement avec Jim Wolfensohn et son équipe –de même qu’avec Rodrigo de Rato et ses prédécesseurs– au sujet de nombreuses questions.


Bien sûr, je me réjouis à la perspective de travailler bientôt avec Paul Wolfowitz, qui est aussi des nôtres ce soir.  Je m’en voudrais cependant de ne pas profiter de cette occasion pour remercier Jim; sous sa direction, au cours des 10 dernières années, la Banque s’est distinguée à la fois par son militantisme contre la pauvreté et par son partenariat toujours plus étroit avec les Nations Unies.  Je me réjouis que Jim ait accepté de mettre désormais ses talents au service des enjeux économiques et sociaux du Moyen-Orient dans le cadre d’une nouvelle mission, qui sera par ailleurs pour nous l’occasion de poursuivre notre collaboration.  Ses qualités de chef, sa perspicacité et son inspiration seront très appréciées dans ses nouvelles fonctions.


Nous travaillons tous sur les mêmes grands dossiers –l’aide aux pays dans le besoin, la dette, le commerce, le développement– et grâce aux conférences des Nations Unies au cours des années 90, nous avons pu dégager une optique commune des priorités en matière de développement.  Ces trois dernières années, en particulier, soit depuis la Conférence de Monterrey, nous avons harmonisé nos approches autour des Objectifs du Millénaire pour le développement.


Il suffira pour s’en convaincre de comparer le rapport du Projet du Millénaire, paru en janvier, au rapport publié par vos deux organismes cette semaine.  Nous sommes véritablement sur la même longueur d’ondes.  Ce n’est guère étonnant: après tout, nombre des 250 experts qui ont collaboré au rapport du Projet du Millénaire, sont issus de la Banque ou du FMI, ou de bien des pays représentés ici ce soir.


À présent, il nous faut collaborer encore plus étroitement pour apporter un concours aux citoyens et aux pouvoirs publics dans chacun des pays en développement.  N’oublions pas que ces pays sont les véritables chantiers du développement.


Je sais bien que vous êtes déjà gagnés à cette cause et que je n’ai pas à vous y rallier.  Le seul fait que vous m’ayez invité ici ce soir témoigne de l’importance que vous accordez à vos liens avec les Nations Unies, à juste titre du reste, d’autant plus que ces liens vont revêtir encore plus d’importance cette année.


Les mois à venir seront pour nous l’occasion par excellence de changer véritablement le système international; de façon à rendre notre monde plus libre, plus juste et plus sûr pour tous ses habitants.


Les rencontres qui vous intéressent le plus directement sont les réunions que vos propres organismes ont prévues au printemps et à l’automne, bien sûr, ainsi que la réunion au sommet du Groupe des Huit en juillet et la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en décembre; mais aussi, je l’espère, votre réunion annuelle avec le Conseil économique et social lundi, la réunion de haut niveau sur le financement du développement en juin, et le débat de haut niveau du Conseil économique et social.


J’espère que vous envisagez également ces réunions dans l’optique plus large de l’ordre du jour de la réunion au sommet des Nations Unies qui aura lieu en septembre qui sera l’occasion de dégager toute une série d’engagements essentiels, à faire entériner par les plus hautes autorités politiques.


En ce qui concerne le développement, nous savons de quel ordre doivent être ces engagements.


Tous les pays en développement doivent s’engager à appliquer des stratégies nationales viables, transparentes et responsables, qu’ils auront arrêtées eux-mêmes et qu’ils assumeront pleinement, en vue de jeter toutes leurs forces dans la lutte contre la pauvreté. 


Tous les pays qui auront pris de tels engagements devront recevoir, dans les meilleurs délais, une aide suffisante qui leur permettrait d’atteindre d’ici à 2015 les Objectifs du Millénaire pour le développement.


C’est dire que tous les pays donateurs doivent s’engager à atteindre dans les délais fixés l’objectif de 0,7 % à l’aide publique au développement.  Je me félicite de voir que de plus en plus de pays ont arrêté un calendrier dans ce sens.  J’espère que d’ici septembre, la plupart des pays de l’Union européenne en auront fait de même.


L’essentiel de cette aide nouvelle doit être débloqué dès le départ, grâce à un mécanisme de financement international ou autre dispositif qui permettra d’accroître véritablement les rentrées de fonds à temps pour produire l’effet escompté. 


Pour que cette manne nouvelle ne fonde pas rapidement, nous devons nous engager à trouver de nouvelles sources de financement à long terme ainsi que de nouveaux moyens de faire en sorte que les pays en développement ne ploient pas sous le fardeau de la dette.


Autre impératif à retenir: nous devons nous attacher à mener à terme le cycle de négociations de Doha, qui mettent l’accent sur le développement et sur l’accès –oh! combien crucial– aux marchés étrangers, sans quotas ni droits de douane, pour toutes les exportations provenant des pays en développement.


Il nous faut aussi des engagements mieux ciblés qui nous permettent de répondre aux besoins particuliers de l’Afrique, en nous inspirant des admirables recommandations du rapport de la commission Blair.


De plus, nous devons nous attacher à libérer les ressources nécessaires pour apporter une réponse d’envergure multiforme à la crise du VIH/sida, comme l’ont proposé le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida et ses partenaires; le financement intégral du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s’inscrit dans ce cadre.


Le dernier engagement qu’il nous faille obtenir, et non le moindre, c’est celui de réfléchir à tous les moyens possibles, aux points de vue technique et politique, d’atténuer les changements climatiques et leurs conséquences au cours des décennies à venir.

Je suis conscient qu’il s’agit là d’un programme très chargé.  Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je crois que ce programme aurait de meilleures chances d’aboutir si nous l’inscrivions dans le cadre encore plus large de la réunion au sommet qui aura lieu en septembre.


Comme je le disais dans mon rapport intitulé Dans une liberté plus grande, il n’y a pas de développement sans sécurité, il n’y a pas de sécurité sans développement, et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’homme et la primauté du droit ne sont pas respectés.


C’est pourquoi j’ai mis en avant une stratégie d’ensemble qui accorde une attention et un poids égaux à ces trois grands principes des Nations Unies, lesquels doivent avoir pour sous-bassement le respect de la légalité. 


Je vous rappelle le thème central de Dans une liberté plus grande : les menaces auxquelles nous faisons face aujourd’hui –de la pauvreté au changement climatique en passant par le terrorisme nucléaire et le génocide– sont l’affaire de tous également.  Or nous ne pourrons avancer vers une liberté plus grande que si les États agissent ensemble; et l’Organisation des Nations Unies ne peut intervenir que si elle se transforme en un instrument efficace au service des objectifs communs des États Membres.


Il va sans dire que le programme ambitieux dont je parle doit faire l’objet de négociations entre les États, et que ces négociations doivent être l’occasion de concessions mutuelles.  L’État qui a besoin du concours d’autres États pour atteindre ses propres objectifs doit également être disposé à aider ces États à réaliser les leurs.


C’est pourquoi j’estime que c’est dans le cadre d’une nouvelle donne mondiale que ces objectifs de développement sont le plus susceptibles de se concrétiser. 


Certains gouvernements seront d’autant plus disposés à apporter leur pierre à l’entreprise de développement que la réforme de l’ONU leur réservera un plus grand rôle dans les questions de paix et de sécurité internationales, d’autres étant, sans doute, davantage animés du désir de voir l’Organisation défendre plus efficacement les droits de l’homme, prévenir la prolifération des armes nucléaires et le terrorisme, et consolider la paix dans les pays déchirés par la guerre.  C’est d’ailleurs là un autre domaine où la coopération entre nos organismes respectifs est essentielle.


De même, les pays en développement seront d’autant plus enclins à souscrire à ces objectifs essentiels en matière de sécurité et de droits de l’homme que les pays donateurs seront disposés à investir davantage d’efforts dans le développement et à mieux les écouter au sujet de la gouvernance économique mondiale.


La logique voudrait donc que ces négociations aboutissent.  Mais les négociateurs les plus chevronnés savent que la seule logique ne suffit pas.  Pour que des négociations aboutissent, il faut aussi une échéance et du sérieux.


Qu’il soit impérieux de s’attaquer à la pauvreté, mais aussi au terrorisme et à la prolifération des armes mortelles ainsi qu’aux maladies qui peuvent entraîner la mort, cela n’est plus à démontrer.  Mais j’espère aussi que tous soient pénétrés de la conviction que cette année nous offre une occasion singulière à saisir.


En matière de développement, il faudra changer de vitesse cette année; à défaut, nombre de pays ne pourront espérer atteindre d’ici à 2015 les Objectifs du Millénaire pour le développement.


Mais même sur les plans de la sécurité et des institutions, nous sommes de plus en plus nombreux à croire que « c’est le moment ou jamais ».  Le 11 septembre et la guerre d’Iraq, notamment, ont fait comprendre au plus grand nombre que le système de sécurité internationale doit être mis à niveau, de manière que nous puissions faire face aux nouvelles menaces selon une approche collective, au lieu d’agir en ordre dispersé, ce qui risquerait de rendre le monde plus dangereux et non plus sûr.


C’est pourquoi j’ai mis sur pied le Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement, qui a déposé son rapport en décembre.  On a pu dire de ce rapport qui contient des propositions concrètes, même sur des sujets longtemps controversés, tels que la réforme du Conseil de sécurité et la définition du terrorisme, qu’il autorise à penser que le moment était enfin venu de prendre des décisions qui feront date.


En permettant de faire le point sur les progrès accomplis depuis la Déclaration du Millénaire, la réunion au sommet du mois de septembre sera aussi l’occasion de prendre les décisions qui s’imposent.  Cette déclaration avait reçu l’aval  des plus hautes autorités de tous les États; elle énonçait des objectifs communs, expression de l’ensemble des préoccupations collectives.  La réunion au sommet constitue l’occasion idéale, le moment privilégié pour les chefs de tous les États de mettre en commun le fruit des efforts respectifs de leurs représentants dans diverses instances, et de marquer ces résultats de leur estampille. 


Bien sûr, il est des mesures concrètes qui s’offrent à nous, et même qui s’imposent, avant et après la réunion au sommet.  Cette semaine, déjà, l’Assemblée générale a adopté une convention internationale contre le terrorisme; c’est là la première des recommandations spécifiques contenues dans mon rapport, à laquelle nous ayons donné suite.  Je sais que certaines des décisions clefs relevant du cycle de Doha devront être reportées à l’an prochain.  Néanmoins, il nous faudra nous entendre dès septembre sur les principaux éléments de la donne mondiale.


C’est du moins là mon point de vue sur la question.  J’espère que vous le partagez, et j’ai bon espoir que vous inscrirez vos propres négociations et vos discussions dans l’échéancier que j’ai évoqué.  Le pari ne saurait être plus redoutable, mais je ne doute pas que nous sommes en mesure de le tenir.


La parole est à vous.  Vos observations et réflexions sont les bienvenues, et je vais tenter de répondre à toutes vos questions.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.