KOFI ANNAN EXHORTE LES BAILLEURS DE FONDS À COMBLER LE DÉFICIT DE FINANCEMENT POUR 2005 EN VERSANT 2,6 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LE SOUDAN
Communiqué de presse SG/SM/9812 AFR/1137 |
KOFIANNAN EXHORTE LES BAILLEURS DE FONDS À COMBLER LE DÉFICIT DE FINANCEMENT POUR 2005 EN VERSANT 2,6 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LE SOUDAN
Vous trouverez ci-joint le texte de la déclaration faite aujourd’hui à la Conférence des bailleurs de fonds pour le Soudan, à Oslo, par le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan:
Permettez-moi, pour commencer, de souhaiter spécialement la bienvenue au Vice-Président, M. Ali Osman Taha, et à M. Garang, deux hommes qui ont négocié avec tant de détermination l’Accord de Naivasha, avec l’appui de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) et d’autres pays.
Nous nous réunissons à un moment où le peuple soudanais peut reprendre espoir. Nous pouvons redire aux parties, après tant d’années de conflit, qu’elles ne sont pas seules dans les efforts qu’elles déploient pour exécuter l’Accord général de paix.
Nous sommes ici pour montrer que la communauté internationale tient à accompagner le mouvement lancé par cet accord, dont nous espérons qu’il amènera la paix, la sécurité et la prospérité à tous les Soudanais. Nous sommes ici également pour féliciter les parties d’avoir fait ce pas en avant que l’on attendait depuis longtemps, mais leur rappeler en même temps les responsabilités qui, en dernier ressort, leur incombent à l’égard de leur peuple.
Nous ne devons pas non plus oublier le contexte historique tragique dans lequel s’inscrit notre conférence, ce tissu de promesses non tenues, de désespoirs et de vies interrompues, avec au moins 2 millions de morts et 4 millions de déracinés, dont plus de 600 000 obligés de fuir dans les pays voisins. Or, les espérances immédiates qu’avait fait naître la fin des conflits ailleurs dans le monde ont été trop souvent frustrées par la sourde fomentation de la haine, par l’opportunisme, les décisions prises à contrecœur, les bonnes intentions avortées.
C’est ainsi que dans les 30 dernières années, les conflits achevés ont dans un cas sur deux dégénéré en retour à la guerre moins de cinq ans après la signature de l’accord de paix qui les avait conclus.
Nous sommes réunis ici parce que nous savons que les obstacles auxquels le Soudan fait face exigent l’engagement de toutes les parties, sans réserve ni arrière-pensée, ainsi que l’appui soutenu de la communauté internationale sur les plans politique, moral et financier.
Notre gratitude et nos félicitations s’adressent aujourd’hui à l’Autorité gouvernementale du développement, dirigée par le Gouvernement kényan et le Médiateur en chef, le général Lazarus Sumbweiyo. Nous remercions les observateurs internationaux, en particulier la troïka. Permettez-moi aussi de remercier particulièrement la Norvège, qui nous accueille aujourd’hui.
En dernière analyse, cependant, cette paix a été réalisée par les parties elles-mêmes. L’Accord général est le produit de leur courage et de leur détermination à transiger plutôt que de résoudre leurs différends par la violence et par les armes. C’est à elles désormais que revient la suprême obligation d’instaurer un climat politique sans exclusive, où les voix de tous les Soudanais pourront se faire entendre et où seront équitablement réparties les dividendes de la paix.
Nous en appelons aux parties pour qu’elles collaborent sans réserve avec la nouvelle opération des Nations Unies au Soudan. Je dois ici insister sur l’importance que revêtent tous les aspects de cette entreprise, qu’il s’agisse des opérations militaires, de la police civile, des affaires civiles ou des droits de l’homme.
Cette obligation des parties s’inscrit dans le contre-jour de la situation au Darfour, toujours extrêmement grave : les populations civiles continuent d’être victimes d’abus et les agents humanitaires d’agressions. Le Conseil de sécurité a imposé des sanctions à l’encontre de ceux dont on sait qu’ils menacent la paix au Darfour, et a renvoyé les allégations d’atteintes aux droits de l’homme au Procureur de la Cour pénale internationale. Ces mesures ne visent pas les populations, ni leur gouvernement ni l’islam, au contraire de ce que certains voudraient faire croire, elles visent ceux qui se sont rendus coupables d’actes abominables que ne peuvent tolérer ni le peuple soudanais ni le reste du monde.
Le seul chemin qui mène à la paix au Darfour est celui du règlement politique. Il faut d’urgence faire avancer les choses à Abuja. L’Accord général de paix peut servir de base et de catalyseur à une paix durable au Darfour et dans le Soudan tout entier. J’engage le Gouvernement, le Mouvement de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l’égalité, soutenu par le Mouvement populaire de libération du Soudan, à reprendre d’urgence les négociations et à conclure un accord durable.
Il est tout aussi urgent que les dirigeants africains et la communauté des donateurs renforcent la Mission de l’Union africaine au Darfour. Je cherche d’autre part avec le Président Konaré et les États Membres ce qui pourrait être fait sur le plan pratique pour apporter à la situation sur le terrain des améliorations essentielles.
Il ne faut pas que le Darfour devienne l’alibi des hésitations de l’aide apportée au reste du pays pas plus qu’il ne faut que le maintien de la paix dans le Sud soit un alibi pour ne pas secourir la population du Darfour. Les enjeux sont trop importants pour laisser passer la chance qui s’offre. J’invite les États Membres à ne pas oublier les leçons du passé dans ce domaine.
S’il n’y avait qu’une leçon à tirer du passé, ce serait que le redressement d’un pays qui sort d’un conflit exige des investissements immédiats et concrets, soigneusement préparés et visant le long terme. Comment les Soudanais pourraient-ils être des partenaires de la paix quand leurs enfants ont 25 % de chances de mourir avant 5 ans, quand ces mêmes enfants n’ont que 25 % de chances d’arriver à 65 ans, quand 80 % d’entre eux ne vont pas à l’école?
Et que dire des Soudanais du nord, marginalisés, frappés par l’indigence et l’aliénation? Leur sort n’est pas moins dur, la paix ne leur est pas moins nécessaire.
Le Cadre pour le maintien de la paix, le développement et la lutte contre la pauvreté dont vous êtes aujourd’hui saisis dresse un tableau très clair de ce qu’il faut faire. Avant toute chose cependant, nous devons nous assurer que nos plans s’articulent parfaitement avec l’exécution de l’Accord de paix.
La Mission commune d’évaluation, sur les conclusions de laquelle s’appuie ce cadre, a été un modèle de collaboration entre les parties et de coopération avec la communauté internationale. Nous avons déterminé ensemble qu’il fallait prévoir pour deux ans et demi, au début de la période intérimaire, un soutien extérieur de 2,6 milliards de dollars. Et comme nous l’avons entendu dire par le Premier Ministre, ceux qui en ont les moyens doivent donner – et donner généreusement. En fait, il a parlé d’annoncer des contributions. Annoncer des contributions généreuses. Annoncer des contributions, c’est bien, mais les verser, c’est encore mieux. Nous devons ensemble passer à la phase suivante et donner aux parties ce dont elles ont besoin pour aider les collectivités à se relever et à consolider la paix.
Or il convient de noter que la réponse à l’appel des Nations Unies pour cette année, lancé il y a bientôt cinq mois, reste très nettement insuffisante. Nous avons encore besoin d’environ un milliard de dollars, rien que pour répondre aux besoins immédiats, et avec la saison des pluies imminente, le temps presse. Sur quoi voulons-nous que les populations du Darfour et de l’Est fondent des espoirs de paix et de développement si leur survie même est menacée au quotidien?
Le retard mis à répondre à notre appel affecte déjà des millions de personnes qui dépendent de notre aide. Au Darfour, les rations alimentaires de centaines de milliers de personnes déplacées sont en train d’être réduites. Dans le Sud, nos stocks d’aide alimentaire pour deux millions de personnes seront épuisés dans quelques semaines. La situation est encore plus critique dans d’autres secteurs primordiaux comme l’eau et la santé. Et les capacités sont nettement insuffisantes pour donner à ceux qui retournent dans le Sud le strict minimum nécessaire pour survivre.
Je vous exhorte à combler dès maintenant le déficit de financement pour 2005, en prenant des engagements fermes et en versant des fonds, et non pas seulement en annonçant de contributions qui ne seraient peut-être pas honorées avant qu’il ne soit trop tard pour sauver des vies humaines. C’est plus que jamais le moment, pour les donateurs, d’arrêter de tergiverser et d’agir.
Or, le financement du programme de travail de 2005 accuse un déficit énorme, qu’il faudra combler pour que les organismes humanitaires puissent assister des millions de Soudanais et aider des populations entières à rentrer dans leurs foyers. En effet, les Soudanais sont des millions à avoir souffert des terribles conséquences de la guerre, à avoir fui vers d’autres régions et d’autres pays, à avoir imposé ainsi une charge énorme à leurs voisins. Ils ont tous besoin d’une aide massive et soutenue. Pour le reste de l’année 2005, sur le milliard et demi prévu pour le programme de travail, il nous manque encore presque un milliard de dollars.
Nous avons reçu trop peu d’aide pour édifier la paix, réintégrer les réfugiés, les déplacés et les ex-combattants dans les premiers mois de cette année. Il faut que les donateurs redoublent de générosité maintenant, avant la saison des pluies.
Il arrive trop souvent que les conflits reprennent parce que les soldats n’ont pas déposé les armes et qu’on ne leur a pas offert d’autres moyens de subsister. L’expérience nous enseigne constamment qu’il faut engager une action déterminée pour réinsérer les anciens combattants dans la société et reconnaître que tout être humain a fondamentalement besoin de dignité et de respect de soi. Cette action doit aussi comporter un soutien immédiat pour les combattants qui ont déposé leurs armes, et des mesures concrètes leur offrant des moyens de subsistance et un avenir.
C’est d’un même point de vue global qu’il faut aborder la réforme du secteur de la sécurité. L’objectif est ici de mettre sur pied une armée et une police viables, des institutions judiciaires servant le peuple selon les normes internationales. Les succès des efforts de relèvement après un conflit restent fragiles si ces préalables ne sont pas réunis, comme l’expérience l’a prouvé maintes fois.
J’exhorte les États Membres qui ont fidèlement soutenu les négociations pendant des années à investir généreusement dans le désarmement, la démobilisation et la réinsertion et dans une véritable réforme du secteur de la sécurité, et à prendre la tête du mouvement dans les autres domaines. Comme je le disais dans mon récent rapport « Dans une liberté plus grande », si le combat n’est pas mené en même temps sur les trois fronts de la sécurité, du développement et des droits de l’homme, aucune victoire n’est possible.
Je me félicite que le programme dont vous êtes saisis s’appuie sur un partenariat véritable entre le Gouvernement et le Mouvement populaire de libération du Soudan, qui coopèrent entre eux et avec leurs partenaires internationaux.
J’attends de vous que vous donniez à la paix, qui fait ses premiers pas dans certaines régions du Soudan, la force de gagner bientôt le pays tout entier.
Tous les Soudanais veulent de l’eau potable, de quoi nourrir leur famille, des écoles pour leurs enfants, des soins médicaux et la possibilité de se développer. Ils ont mérité la paix, nous ne pouvons pas leur faire défaut.
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