SG/SM/9698-AFR/1098

AU SOMMET D’ABUJA, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL INVITE L’AFRIQUE À SE MOBILISER POUR QUE 2005 SOIT UN TOURNANT POUR LE CONTINENT, L’ONU ET LE MONDE

31/1/2005
Communiqué de presse
SG/SM/9698
AFR/1098


AU SOMMET D’ABUJA, LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL INVITE L’AFRIQUE À SE MOBILISER POUR QUE 2005 SOIT UN TOURNANT POUR LE CONTINENT, L’ONU ET LE MONDE


Il suggère dès aujourd’hui l’application de mesures à effet instantané: distribution de moustiquaires, multiplication des cantines scolaires, gratuité de l’école primaire


Vous trouverez ci-après le texte du discours du Secrétaire général, M. Kofi Annan, au quatrième Sommet de l’Union africaine, tenu à Abuja, Nigéria, le 30 janvier 2005:


Je suis très heureux d’être parmi vous pour ce Sommet.  Je tiens à remercier le Président Obasanjo et tous les Nigérians pour leur généreuse hospitalité et le Président Konaré pour le dynamisme, l’esprit d’initiative et l’habileté avec lesquels il continue de diriger la Commission de l’Union africaine; merci aussi à vous tous pour l’occasion que vous me donnez de prendre la parole à cette importante réunion, et pour le soutien infaillible que vous nous apportez, à l’Organisation des Nations Unies et à moi-même.


En Afrique, aujourd’hui, les problèmes sont nombreux mais les possibilités considérables.  En septembre, tous les États Membres de l’ONU tiendront un sommet à New York pour faire le bilan des progrès accomplis en cinq ans, depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire.


Les gouvernements vont être mis à l’épreuve:


Pourront-ils investir intelligemment pour faire disparaître la misère et mettre des milliards d’êtres humains à l’abri de la faim et de la maladie?


Pourront-ils édifier un système de sécurité collective adapté aux défis du XXIe siècle?


Pourront-ils revitaliser et moderniser les institutions dont notre monde a besoin, notamment l’Organisation des Nations Unies?


Les réponses à toutes ces questions seront déterminantes pour l’avenir du continent africain.  L’Afrique a plus que sa part de pauvres.  Elle est en retard, par rapport à d’autres régions en développement, dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement.  Elle continue de subir les conséquences tragiques de conflits meurtriers et d’une mauvaise gouvernance.  L’ONU pourrait l’aider, par des moyens multiples, pourvu qu’elle soit elle-même renforcée et plus efficace.


L’Afrique doit se mobiliser pour que 2005 soit un tournant pour le continent, l’ONU et le monde.  Le sommet du mois de septembre vous offrira, à vous les dirigeants africains, une occasion unique.  Seuls quatre États d’Afrique –l’Afrique du Sud, alors sous gouvernement blanc, l’Égypte, l’Éthiopie et le Libéria– étaient représentés à San Francisco en 1945, quand l’ONU a été fondée.  Les autres étaient des colonies et n’avaient donc pas leur mot à dire.  Aujourd’hui, les enjeux sont probablement tout aussi grands, et nous devons prendre des mesures tout aussi ambitieuses pour adapter nos politiques et nos institutions, mais les 52 pays africains ont une voix qui compte.


Je me félicite que vous ayez décidé de vous concentrer sur le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau sur les menaces, les défis et le changement.  En vérité, l’Afrique est le continent où l’application des recommandations qu’il contient sauverait le plus grand nombre de vies.


Dans ce rapport, le Groupe affirme que la pauvreté et les maladies infectieuses telles que le sida, dont souffrent des dizaines de millions d’Africains, figurent parmi les facteurs qui menacent le plus la paix et la sécurité internationales.  Il affirme que tout effort visant à mettre en place un système de sécurité collective efficace doit faire une large place à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.  Et il affirme qu’il faudra davantage de mesures concertées pour que les Objectifs du Millénaire soient atteints.


Il propose des moyens de maîtriser la prolifération des armes légères et des armes de destruction massive.  Et il insiste sur la nécessité de renforcer les moyens dont dispose l’ONU pour prévenir et régler les conflits.


Quand la prévention échoue et qu’une guerre civile éclate, les soldats de la paix des Nations Unies, dont des Africains et des Africaines, apportent une aide précieuse pour aider à y mettre fin.  Mais la réserve mondiale de Casques bleus est dangereusement limitée.  Le Groupe de personnalités engage les pays développés à soutenir plus activement les opérations de maintien de la paix des Nations Unies et propose des moyens concrets de renforcer l’Union africaine et les organisations régionales et sous-régionales du continent.


Quand les guerres ont pris fin, les efforts de consolidation de la paix sont de la plus haute importance, comme peuvent en attester les Sierra-Léonais et les Libériens.  Mais leur financement est souvent problématique.  Le Groupe recommande la création d’un nouvel organe intergouvernemental –une commission de la consolidation de la paix– sous les auspices du Conseil de sécurité.  Cette commission, qui comblerait un vide institutionnel, aurait pour tâche de veiller à ce que les activités de consolidation de la paix soient efficaces et à ce que les ressources nécessaires pour les financer soient disponibles, même après le départ des Casques bleus.


Le Groupe n’a pas eu peur d’aborder des questions qui divisent depuis longtemps la communauté internationale et, par exemple, de présenter une définition du terrorisme et des directives pour le recours à la force.  Il s’agit là de questions primordiales tant pour les pays développés que pour les pays en développement.  Et il convient de souligner que le Groupe s’est appliqué à produire un rapport équilibré qui reflète les préoccupations de toutes les nations et bat en brèche l’idée selon laquelle la sécurité et le développement sont des thèmes distincts dont le premier est plus important que le second.  Au contraire, affirme-t-il, la sécurité et le développement sont inextricablement liés.  Il nous incombe, en tant qu’Africains, de le dire haut et fort, de le faire bien comprendre, et d’agir en conséquence.


Ceci m’amène au deuxième rapport que vous avez entre les mains, et qui est tout aussi important: celui du Projet Objectifs du Millénaire.


Ce rapport, également impressionnant par sa tenue intellectuelle, est lui aussi un appel à l’action.  Il engage la communauté internationale à renouer avec ses ambitions en matière de lutte contre la pauvreté, non pas en employant une rhétorique élevée ou en élaborant de grandes théories, mais en consentant des investissements concrets et en adoptant des politiques qui puissent s’appliquer au cours des 10 années à venir à suffisamment grande échelle pour qu’une différence se fasse sentir.


L’Afrique n’est pas en bonne voie pour atteindre les Objectifs du Millénaire.  Mais elle pourrait y arriver, d’ici à 2015, si le partenariat mondial promis depuis si longtemps se met véritablement en place.  De nouvelles promesses ne sont pas nécessaires : il faut seulement que celles qui ont été faites soient tenues.


Le rapport montre aussi que l’Afrique n’a pas besoin d’attendre les avancées technologiques de demain pour s’attaquer à ses problèmes actuels.  Des techniques simples disponibles aujourd’hui peuvent dès à présent l’y aider.


La plupart des recommandations qui figurent dans le rapport ont été formulées dans l’idée d’aider l’Afrique.  Les États africains sont invités à adopter des stratégies de développement suffisamment énergiques pour que les Objectifs du Millénaire puissent être atteints d’ici à 2015.  Les donateurs et les Africains eux-mêmes sont encouragés à recenser les « trous » dans le financement extérieur pour que ceux-ci puissent être comblés grâce à l’aide publique au développement et à un sérieux allégement de la dette.  Il propose qu’au moins une douzaine de pays qui progressent bien vers la réalisation des Objectifs du Millénaire soient sélectionnés pour bénéficier d’une augmentation rapide de l’APD et que d’autres pays obtiennent le même statut dès qu’ils seront prêts.  Il souligne que les négociations de Doha doivent absolument se débloquer.  Et il préconise l’adoption immédiate de mesures à effet instantané, par exemple la distribution gratuite, à grande échelle, de moustiquaires de lit pour lutter contre le paludisme, l’accroissement du nombre de cantines scolaires offrant des repas préparés à partir de produits locaux, et l’instauration de la gratuité de l’école primaire et des services de santé essentiels.


Certaines de ces recommandations appelleront des décisions des chefs d’État qui participeront au sommet du mois de septembre.  Mais beaucoup d’autres, en particulier les mesures à effet instantané, pourraient être appliquées dès aujourd’hui.


Une des clefs du succès sera l’instauration de relations encore plus étroites entre l’ONU et l’Union africaine.  Je suis déterminé à cultiver ces relations avec le plus grand soin.  L’ONU a désormais des rapports très étroits avec l’Union européenne, notamment dans le domaine du maintien de la paix.  Elle doit en avoir d’au moins aussi étroits avec l’Union africaine, et donc travailler activement pour les développer.


Nous avons déployé des efforts considérables pour favoriser la réalisation des objectifs du NEPAD.  Et nous sommes encouragés par le fait qu’en très peu de temps, l’Union africaine a fait de grands progrès en matière de gestion des conflits en Afrique.  C’est surtout manifeste au Soudan, dans la région du Darfour, où des forces de l’UA ont été déployées dans des conditions extrêmement difficiles et jouent un rôle important.  Il s’agit là d’une initiative cruciale et l’Organisation des Nations Unies continuera de l’appuyer politiquement et pratiquement.  L’Accord général de paix, signé ce mois-ci, est un grand succès pour les efforts de médiation africains, et il permet d’espérer que toutes les régions du pays pourront retrouver la voie de la stabilité et du développement.  La paix au Soudan est indivisible.


La communauté internationale et l’ONU, son principal instrument de progrès collectif, se trouvent à une étape décisive.  Les mois qui viennent offriront la possibilité de renforcer le multilatéralisme et de prendre des mesures déterminées pour réaliser l’idéal d’un monde libéré de la peur et du besoin décrit avec tant d’éloquence il y a cinq ans, dans la Déclaration du Millénaire.


Vous pouvez apporter à cette entreprise une compréhension profonde des espoirs et des aspirations non seulement de l’Afrique, mais de l’ensemble du monde en développement.  Vous savez combien le changement est important, et combien il serait dangereux de s’y opposer.  Vous savez, grâce à nos riches traditions africaines, que pour construire un avenir meilleur, il faut créer des liens.  J’espère que nous serons tous à la hauteur de la tâche et que nous pourrons faire de 2005 une année de renouveau pour l’Organisation des Nations Unies et d’espoir pour l’Afrique et le reste du monde.


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