SG/SM/10209

LA DIVERSITÉ EST UN DON PRÉCIEUX, PAS UNE MENACE, DIT KOFI ANNAN DANS UN MESSAGE À LA CONFÉRENCE SUR « L’ISLAM DANS UN MONDE PLURIEL »

15/11/2005
Secrétaire généralSG/SM/10209
Department of Public Information • News and Media Division • New York

LA DIVERSIT É EST UN DON PR É CIEUX, PAS UNE MENACE, DIT KOFI ANNAN DANS UN MESSAGE À LA CONF ÉRENCE SUR « L’ISLAM DANS UN MONDE PLURIEL »


On trouvera ci-après le texte du message du Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, à la Conférence sur « l’islam dans un monde pluriel » à Vienne, le 14 novembre.  Ce message a été lu par M. Lakhdar Brahimi, Conseiller spécial du Secrétaire général:


C’est avec le plus vif plaisir que j’adresse mes chaleureuses salutations à tous les participants de cette conférence sur l’Islam dans un monde pluriel.  Je remercie le Président de la République, M. Fischer, et la Ministre des affaires étrangères, Mme Plassnik, de me donner cette occasion de réfléchir avec vous à un sujet d’une aussi grande actualité.  L’Organisation des Nations Unies a toujours vu dans le dialogue et la coopération entre les religions un outil important pour la paix.  Le besoin n’en a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui.


Le monde de l’islam est une mosaïque qui est trop souvent perçue comme un monolithe par ceux qui lui sont extérieurs.  La longue et fière tradition plurielle de l’islam compte des modernistes et des traditionalistes, des soufis attachés à faire la synthèse de courants de pensée variés et des puristes qui ne suivent que ce qu’ils pensent être le sens littéral de la parole de Dieu telle qu’elle est révélée dans le saint Coran.


Malheureusement, les fondements de l’islam sont fréquemment dénaturés et cités hors de leur contexte, comme lorsque certaines pratiques ou certains actes particuliers nous sont présentés comme représentatifs ou symboliques de l’ensemble d’une foi infiniment plus complexe qu’eux.  D’aucuns vont même jusqu’à prétendre que l’islam serait incompatible avec la démocratie ou irrévocablement hostile à la modernité et aux droits des femmes.  Certains stéréotypes décrivent les musulmans comme opposés à l’occident, malgré une histoire qui n’est pas faite que de conflits, mais aussi de commerce et de coopération, d’influences croisées et d’enrichissement réciproque dans les domaines artistique et scientifique.  La civilisation européenne n’aurait pas fait les progrès qu’on lui connaît si les clercs chrétiens n’avaient pas bénéficié de l’érudition et de la littérature islamiques, et notamment de la transmission des patrimoine grec et indien au Moyen Âge et plus tard.  Et il existe encore bien des endroits où les communautés occidentale et musulmane continuent de s’enrichir mutuellement, voire de faire partie intégrante l’une de l’autre.


Nous avons manifestement besoin de nous libérer de nos préjugés collectifs; d’encourager un dialogue permanent entre les grandes religions, un dialogue fondé sur la conviction que la diversité – des opinions, des croyances et des actions – est un don précieux et non une menace.  Nous devons apprendre, en tant qu’individus et en tant que sociétés, à dépasser les images stéréotypées de l’autre et à éviter les catégorisations simplistes qui exacerbent les malentendus et empêchent de s’attaquer aux vrais problèmes.


L’ONU, qui a pour vocation de rassembler tous les peuples du monde, doit nécessairement comprendre des hommes et des femmes de nombreuses religions, aussi bien que sans religion.  Son rôle n’est pas de nier ou de relativiser la contribution que chaque religion ou chaque tradition peut apporter au règlement des problèmes mondiaux; il n’est pas non plus de prétendre que toutes les religions sont identiques.  L’ONU encourage plutôt les fidèles de tous les cultes à apporter leur propre contribution chacun à sa façon et à chercher dans la contribution des autres non ce qui est étranger ou à rejeter, mais plutôt ce qui a valeur universelle et mérite une étude plus approfondie.


Comme il est dit dans le Document final du récent Sommet mondial, « nous reconnaissons que toutes les cultures et civilisations contribuent à l’enrichissement de l’humanité.  Nous considérons qu’il importe de comprendre et de respecter la diversité religieuse et culturelle dans le monde entier.  Afin de promouvoir la paix et la sécurité internationales, nous nous engageons à élargir partout le bien-être humain, la liberté et le progrès, et à encourager la tolérance, le respect, le dialogue et la coopération entre les différentes cultures, civilisations et populations ».


Nous devons également unir nos efforts face à l’extrémisme, dont, hélas, nous constatons la montée, pas seulement en Islam, mais aussi parmi les fidèles de nombreuses autres religions.  Alors qu’il y a dans toutes les grandes religions des traditions plurielles, les fidèles de ces religions sont de plus en plus nombreux à succomber à l’exclusivisme.  La tendance de l’extrémiste à diviser l’humanité en groupes ou en catégories mutuellement exclusifs et à considérer comme traître quiconque essaie de franchir les lignes de démarcation est une des plus grandes menaces qui pèsent sur le monde contemporain. L’islam est peut-être la religion qui en souffre le plus.  Les dogmes extrémistes gagnent du terrain, entravant le progrès et menaçant la sécurité des musulmans partout dans le monde.


Nous devons répondre aux extrémistes, mais par d’autres méthodes que les leurs.  Si nous devions répondre à la violence par la violence, à l’anathème par l’anathème et à l’exclusion par l’exclusion, nous accepterions la logique de ceux que nous voulons vaincre et, ce faisant, nous les aiderions à gagner de nouveaux adeptes.


Nous devons, au contraire, leur répondre avec notre logique à nous, celle de la paix, de la réconciliation, de l’intégration et du respect mutuel.  Nous devons montrer une plus grande volonté de construire des nations dans lesquelles des gens d’horizons différents peuvent vivre ensemble et bénéficier des mêmes droits.


Nous devons également bâtir un monde dans lequel aucune nation et aucune communauté ne sera frappée d’un châtiment collectif pour les crimes de certains de ses membres; un monde dans lequel aucune religion ne sera diabolisée pour les égarements d’une minorité; un monde où il n’y aura pas de « conflit des civilisations » parce que chacun s’attachera à découvrir le meilleur des traditions et de la culture de l’autre et à en tirer profit.


Au début de cette année, j’ai annoncé, à l’initiative des Premiers Ministres de l’Espagne et de la Turquie, le lancement d’une « Alliance des civilisations ».  Cette initiative répond à la nécessité d’une action résolue de la part de la communauté internationale – tant au niveau institutionnel qu’à celui de la société civile – pour réduire les fractures et venir à bout des préjugés, des idées fausses et des polarisations qui risquent de menacer la paix dans le monde.  L’Alliance des civilisations vise à faire face dès leurs apparitions aux menaces nées de ces perceptions hostiles qui engendrent la violence; elle vise aussi à renforcer la coopération entre tous ceux qui s’attachent à surmonter ces divisions.  L’Alliance s’appuie sur une initiative antérieure, le « Dialogue des civilisations », dont l’un des principaux promoteurs, le Président Khatami, est aujourd’hui parmi vous et a généreusement accepté de participer aux travaux du Groupe de haut niveau qui inspirera la nouvelle initiative.  J’espère qu’il continuera de travailler avec l’Alliance, qui tirerait le plus grand profit de ses connaissances et de son expérience.


Nous vivons tous dans le même monde.  Nous devons nous comprendre et nous respecter les uns les autres, vivre ensemble en paix et nous montrer dignes de ce que nos traditions respectives ont de meilleur.  Ce n’est pas toujours aussi simple que nous le voudrions.  Raison de plus pour redoubler d’efforts, avec tous nos moyens et toute notre volonté.


C’est dans cet esprit que je me réjouis de la tenue de rencontres telles que la vôtre.  Je vous souhaite plein un succès dans vos travaux.


Le Secrétaire général est profondément préoccupé par la résurgence de la violence en Afghanistan.  Il condamne fermement les attentats-suicide à la bombe perpétrés, à Kaboul aujourd’hui, contre la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS).  Le Secrétaire général présente ses condoléances aux familles des victimes, aux membres de la FIAS et à leurs gouvernements respectifs.


Le Secrétaire général lance un appel au Gouvernement d’Afghanistan, aux forces de la Coalition et à la FIAS pour qu’ils prennent les mesures nécessaires pour redresser la situation en matière de sécurité. 


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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