LA RÉUNION SUR LA PALESTINE SE PENCHE SUR LE RÔLE DES PARLEMENTS ET DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL
Communiqué de presse GA/PAL/982 |
LA RÉUNION SUR LA PALESTINE SE PENCHE SUR LE RÔLE DES PARLEMENTS ET DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LE RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL
(Publié tel que reçu)
GENÈVE, 9 mars (Service d’information des Nations Unies) -- La réunion des Nations Unies sur la question de Palestine a examiné, cet après-midi, la question du rôle des parlements et de la société civile dans la promotion du respect du droit international, en entendant des experts qui ont fait des présentations sur la question. La réunion examine depuis hier les conséquences de l'avis consultatif de la Cour internationale de justice concernant la barrière de sécurité érigée par Israël dans le territoire palestinien occupé.
Les experts ont fait observer que les parlementaires et la société civile doivent exercer une véritable pression sur Israël, mais aussi sur les gouvernements, et en particulier le Gouvernement des États-Unis, afin d'imposer l'application du droit international à Israël.
Certains ont estimé qu'il conviendrait de renforcer les stratégies auprès des médias afin de mieux faire circuler l'information sur la situation au Moyen-Orient. Les organisations de la société civile doivent en outre saisir toutes les occasions de faire valoir l'avis consultatif de la Cour internationale de justice lorsqu'elles défendent leurs positions politiques devant leur propre gouvernement.
Un intervenant a pour sa part appelé de ses vœux une plus grande mobilisation des opinions africaines, évoquant «la campagne de charme menée par Israël en Afrique». Soulignant que les populations africaines sont spontanément acquises à la cause palestinienne, l'orateur a estimé qu'il est temps que l'Afrique se réveille à la solidarité internationale.
Les experts qui ont présenté des exposés cet après-midi sont: M. Daniel Vischer, membre du Conseil national du Parlement suisse (Groupe des Verts); Mme Julia Wickham, Coordonnatrice du Labour Middle-East Council; M. Jeff Handmaker, chercheur à l'Institut néerlandais des droits de l'homme; M. Bruce Gillette, Président du Comité de recherche de la paix de l'Église presbytérienne des États-Unis; M. Mark Lance, professeur de philosophie à l'Université de Georgetown et membre du Comité permanent de la Campagne des États-Unis visant à mettre un terme à l'occupation israélienne; Mme Anne Massagee, chargée de recherche en droit auprès de «Al-Haq»; ainsi que M. Alioune Tine, Professeur à l'Université de Dakar et Secrétaire général de Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme.
La séance de cet après-midi est immédiatement suivie de la séance de clôture de la réunion.
Aperçu de la discussion sur le rôle des parlements et de la société civile pour ce qui est de faire respecter le droit international
M. DANIEL VISCHER, membre du Conseil national du Parlement suisse (Groupe des Verts), a déclaré que le véritable objectif poursuivi par Ariel Sharon ressort très clairement de la logique qui a conduit à l'édification du mur. Pour le Premier Ministre israélien, il s'agissait moins de renforcer la sécurité que de procéder à une annexion contraire au droit international en pratiquant la politique du fait accompli favorisant les colonies de Cisjordanie. À la fin de l'année 2004, le mur était déjà long de plus de 200 kilomètres, a précisé M. Vischer. Une fois achevé, le mur devrait afficher une longueur totale de 832 km, c'est-à-dire le double de la ligne verte, a-t-il ajouté. Seuls 6% du mur, et c'est décisif du point de vue du droit international, sont construits le long de la ligne verte; la construction du mur entraîne donc, de facto, la confiscation par Israël de 47,6% du territoire palestinien. Ce sont au total 249 000 personnes, soit 10,5% de la population palestinienne de Cisjordanie, qui vivront entre le mur et la ligne verte dans un isolement complet, a souligné M. Vischer. La construction d'un tel mur enfreint le droit international et les droits de l'homme et constitue un affront à la dignité humaine, a-t-il poursuivi. Il a rappelé les conclusions de la Cour internationale de justice s'agissant de cette question telles qu'énoncées dans l'avis consultatif du 9 juillet 2004. La situation juridique, de ce fait, est claire; elle a été établie par le seul tribunal compétent en la matière et c'est désormais à la communauté internationale qu'il appartient d'en tirer les conclusions qui s'imposent. Le fait que la Cour constitutionnelle israélienne continue d'affirmer la légalité de la construction du mur en violation du droit international est de surcroît préoccupant du point de vue du droit constitutionnel.
Bien que la Suisse entretienne de bonnes relations avec Israël au niveau économique, culturel mais aussi militaire - ce dernier point étant de plus en plus critiqué, notamment de la part des parlementaires - la diplomatie helvétique n'a jamais remis en cause son refus de reconnaître les territoires occupés en 1967 comme faisant partie d'Israël, et cela vaut aussi pour Jérusalem-Est, a rappelé M. Vischer. La position de la Suisse étant on ne peut plus claire par rapport au droit international, il ne fait aucun doute que le tracé du mur et les conséquences de son édification seront toujours considérés par les autorités helvétiques comme contraires au droit international. Quant à ce qu'il est convenu d'appeler la société civile, elle se montre en Suisse de plus en plus favorable à l'Initiative de Genève qui s'oppose à l'édification du mur, a précisé M. Vischer. Pour autant, bien que la situation juridique ait été formellement établie et que les intentions politiques d'Israël contreviennent manifestement à toutes les résolutions de l'ONU sur ce sujet, force est de constater que les gouvernements - et malheureusement aussi parmi les pays de l'Union européenne - n'ont pas pris suffisamment de mesures pour lutter contre le projet israélien, a souligné M. Vischer. Il s'est dit convaincu que les opposants à l'édification du mur sont chaque jour plus nombreux, en Suisse mais aussi dans tous les pays de l'Union européenne. Cela dit, il est vrai que la plupart des médias suisses adoptent une attitude extrêmement réservée sur cette question, a-t-il fait observer. Il faut que la communauté internationale réussisse à exercer une véritable pression sur Israël, mais aussi sur l'administration américaine afin que celle-ci impose l'application du droit international à Israël. Comme Yasser Arafat l'avait justement souligné à plusieurs reprises, le peuple palestinien ne doit pas subir les conséquences d'une tragédie - l'Holocauste - dont il n'est en rien responsable, a déclaré M. Vischer. Il appartient aux parlements nationaux de faire entendre leurs voix et c'est à eux qu'il incombe de renforcer la pression sur des gouvernements hésitants, a-t-il insisté. Tout en se disant optimiste, il a dit avoir conscience qu'Israël, l'administration américaine et aussi, malheureusement, quelques États européens, ont des attentes irréalistes concernant les questions du territoire, de Jérusalem-Est et surtout du droit au retour.
MME JULIA WICKHAM, Coordonnatrice du Labour Middle-East Council du Royaume-Uni, a indiqué qu'elle avait fait partie, l'an dernier, de l'équipe d'observateurs des élections palestiniennes, composée de quatre parlementaires britanniques et qu'à cette occasion, elle a pu prendre connaissance des réalités induites par l'édification du mur. Si les déclarations du Gouvernement britannique concernant Israël et la Palestine sont souvent conformes au droit international, en dénonçant notamment les assassinats extrajudiciaires et l'expansion des colonies, les mots, malheureusement, ne se sont pas traduits par des actions diplomatiques et politiques significatives dans ce domaine, a fait observer Mme Wickham.
Mme Wickham a indiqué que dans les deux chambres parlementaires du Royaume-Uni, des appels de plus en plus consensuels sont fréquemment adressés au Gouvernement afin qu'il agisse face aux transgressions du droit international dont témoigne le traitement réservé par Israël aux Palestiniens. Elle a indiqué avoir décelé des thèmes populaires et d'autres impopulaires en termes de lobbying auprès des parlementaires. À cet égard, on peut notamment comparer le large soutien quasiment sans équivoque que recueille l'avis de la CIJ avec l'ambivalence voire la réticence qui entourent des questions presque taboues telles que celles des réfugiés palestiniens et du droit au retour. Pourtant, la question du retour des réfugiés palestiniens reste la clef du conflit, a-t-elle souligné. Elle a plaidé en faveur de la promotion d'alliances entre les partis politiques tant au niveau interne que dans le contexte de réseaux informels avec d'autres parlements nationaux, afin de faire pression sur les gouvernements. Il conviendrait en outre de renforcer les stratégies auprès des médias afin de mieux faire circuler l'information, a déclaré Mme Wickham.
M. JEFF HANDMAKER, Chercheur à l'Institut néerlandais des droits de l'homme, a fait observer que si, du fait de l'avis de la Cour international de justice concernant le mur, l'importance du droit international a été réaffirmée, le refus affiché et continu d'Israël de s'y plier est apparu évident. C'est dans ce contexte de mépris du droit international que les pourparlers se sont engagés le mois dernier entre MM. Sharon et Abbas. La CIJ a dit clairement qu'une solution négociée devait être trouvée sur la base du droit international, a rappelé M. Handmaker. Aussi, l'idée qu'un règlement de paix est la condition du respect des droits de l'homme est en totale contradiction avec le droit international et toute initiative de paix future doit tenir compte de ces facteurs, a-t-il fait valoir.
Les organisations de la société civile doivent saisir toutes les occasions possibles de faire valoir l'avis consultatif de la Cour internationale de justice lorsqu'elles défendent leurs positions politiques devant leur propre gouvernement et dans le cadre de leurs efforts de sensibilisation auprès du public, a poursuivi M. Handmaker. Accroître la pression diplomatique reste un enjeu essentiel, a-t-il ajouté. Peu d'États ou d'organes officiels ont exercé une pression économique sur Israël, a-t-il poursuivi. Les États-Unis continuent de subventionner l'économie israélienne à raison de plusieurs milliards de dollars par an alors que l'Union européenne, en ce qui la concerne, reste le plus important partenaire économique d'Israël, a souligné M. Handmaker.
M. BRUCE GILLETTE, Président du Comité de recherche de la paix de l'Église presbytérienne des États-Unis, a souligné qu'il n'y a pas de paix sans justice. Il a rappelé que son Église est présente au Moyen-Orient depuis près de deux siècles. Depuis 1948, les assemblées générales presbytériennes se sont prononcées à plusieurs reprises sur la question du Moyen-Orient et leur position n'a pas changé: Israël a le droit d'exister, en tant qu'État souverain, dans des frontières sûres internationalement reconnues; et les Palestiniens ont le droit à l'autodétermination, ce qui implique notamment le droit de créer un État voisin souverain et indépendant, aux fins de l'établissement d'une paix juste et durable.
M. Gillette a par ailleurs indiqué que le 2 juillet 2004, la 216ème assemblée générale presbytérienne a adopté une résolution donnant pour instruction d'engager un processus de désinvestissement sélectif dans les multinationales qui mènent des activités en Israël.
M. MARK LANCE, Professeur de philosophie à l'Université de Georgetown et membre du Comité permanent de la Campagne des États-Unis visant à mettre un terme à l'occupation israélienne, a déclaré qu'en conséquence de la poursuite de l'édification du mur de l'apartheid - qui est lui-même le point culminant du processus de division et de colonisation des territoires occupés - la possibilité d'un véritable État palestinien s'éloigne rapidement. Les négociations en cours ne promettent aucun débat sérieux autour des questions essentielles de l'occupation, mais privilégient simplement la manière de parvenir à un «calme» dans lequel les États-Unis et Israël puissent continuer à institutionnaliser leurs occupations respectives, a poursuivi M. Lance. Israël détient actuellement toutes les cartes, économiques, militaires et politiques, et jouit du soutien absolu de la puissance mondiale dominante, a-t-il insisté. Pour parler franchement, je ne vois aucun signe indiquant que l'une ou l'autre, de l'Europe ou de l'ONU, trouvera le courage de se dresser devant les États-Unis, a-t-il affirmé. Qui pourrait-il alors rester pour faire appliquer le droit international, pour changer la dynamique politique ou modifier les relations de pouvoir qui font tenir en place le système d'oppression? Nul doute que le peuple palestinien continuera à résister; mais la résistance d'une population minoritaire n'aboutira pas si elle est seule. Ce qui nous laisse une seule réponse: la société civile. Stratégiquement parlant, le mouvement devrait s'inspirer de la solidarité anti-apartheid avec le peuple sud-africain, a estimé M. Lance.
M. Lance a par ailleurs rappelé que des décennies durant, la société Caterpillar a fourni à l'armée israélienne des bulldozers qui servent à démolir des habitations ainsi qu'à construire des colonies et plus récemment le mur de l'apartheid. M. Lance a donc préconisé un certain nombre d'actions telles que la signature de la pétition figurant sur le site internet www.bootcat.org. Chacun pourrait en outre exiger de ses institutions et autorités locales qu'elles boycottent les équipements vendus par la société Caterpillar dans tous leurs projets de construction.
MME ANNE MASSAGEE, chargée de recherche en droit auprès de «Al-Haq», a indiqué que la Palestine dispose d'une solide société civile qui dispose de quatre moyens pour promouvoir le respect du droit international: la collecte et la diffusion de l'information; la sensibilisation par le biais de campagnes; le lancement de procédures judiciaires; ainsi que la formation et l'éducation à l'intention de la société palestinienne.
La collecte et la diffusion de l'information concernant la situation sur le terrain reste l'une des principales contributions des organisations non gouvernementales palestiniennes, a précisé Mme Massagee. Elle a également souligné qu'un certain nombre d'ONG palestiniennes contribuent, directement ou indirectement, aux efforts visant à défier et contester sur le plan juridique les pratiques israéliennes qui enfreignent les normes juridiques internationales. Mme Massagee a estimé que pour favoriser le respect du droit international par Israël, les Palestiniens et la société civile internationale pourraient notamment s'assurer que les pays tiers s'abstiennent de toute action susceptible de contribuer à la construction du mur; surveiller les accords bilatéraux entre Israël et des pays tiers; ou encore envisager de convoquer une réunion des Hautes Parties contractantes aux conventions de Genève.
M. ALIOUNE TINE, professeur à l'Université de Dakar et Secrétaire général de Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme, a souligné que le mur viole le droit à l'autodétermination, modifie la composition démographique du territoire palestinien occupé, viole le droit international relatif aux droits de l'homme. Ce mur est une atteinte intolérable au droit international humanitaire, notamment les dispositions de la Convention de Genève de 1949, a-t-il ajouté. Ce mur de la honte doit être détruit et les populations palestiniennes indemnisées, a poursuivi M. Tine. La question palestinienne doit continuer à mobiliser l'opinion internationale et les opinions nationales pour que chacun comprenne bien que l'option de la primauté du droit sur la force est la seule possible pour asseoir durablement des mécanismes de régulation opérationnels et efficaces dans les relations sociales et humaines, a insisté M. Tine.
Il est vrai que la question du mur n'est pas perçue par les opinions africaines comme une priorité, a reconnu M. Tine qui a par ailleurs évoqué la campagne de charme menée par Israël en Afrique. Il faut donc demander au Sénégal de reprendre l'initiative au sein de l'Union africaine pour faire en sorte que cette question soit inscrite à l'ordre du jour du prochain sommet de l'Union. Ce travail peut être entrepris avec l'aide des parlements africains, y compris avec le Parlement panafricain. Les populations africaines sont spontanément acquises à la cause palestinienne, a souligné M. Tine. Il a dénoncé l'attitude des États-Unis qui paralysent l'action du Conseil de sécurité des Nations Unies. Si les États-Unis le décidaient, il est certain que le mur serait détruit. Pourquoi ne réussirions-nous pas avec la Palestine ce que nous avons réussi avec l'Afrique du Sud, contre l'apartheid, s'est interrogé M. Tine? Il est temps que l'Afrique se réveille à la solidarité internationale, a-t-il conclu.
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