LES EXPERTS DU CEDAW DRESSENT UN CONSTAT SÉVÈRE DE LA SITUATION DE LA FEMME AU PARAGUAY
Communiqué de presse FEM/1477 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
671e & 672e séances – matin & après-midi
LES EXPERTS DU CEDAW DRESSENT UN CONSTAT SÉVÈRE DE LA SITUATION DE LA FEMME AU PARAGUAY
La pauvreté et le poids des traditions ont été invoqués aujourd’hui à de nombreuses reprises pour expliquerles différents types dediscrimination dont sont victimes les femmes au Paraguay. Cet État, qui est partie à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes depuis 1986, présentait aux 23 experts du CEDAW* les mesures prises sur le plan législatif, administratif et autre pour garantir le respect des droits des Paraguayennes.
Les experts ont dressé un constat sévère à l’attention de la délégation dirigée par la Ministre et Secrétaire exécutive à la condition de la femme auprès de la Présidence du Paraguay, Mme Maria José Argana Mateu. Dans un premier temps, les experts ont regretté l’absence même d’une définition juridique de la discrimination fondée sur celle donnée par la Convention. De même,les politiques gouvernementales en matière d’égalité reposent sur le concept de l’équité et non pas de l’égalité des chances en raison de profondes résistances au changement, en particulier de la part des décideurs politiques.
L’insuffisance du processus de réforme législatifa également été un sujet de préoccupation des experts, notamment en matière de violence domestique. Au Paraguay en effet, il existe trois facteurs entrant dans la définition de ce phénomène: la violence doit être habituelle, physique et commise par le conjoint. Même si la nouvelle loi permet aux juges et aux centres de santé d’intervenir en cas de violence physique et en cas de violence morale, la violence domestique n’est passible que d’amendes, à l’exception de l’homicide. Dans ce dernier cas, son auteur peut être condamné à 25 ans d’emprisonnement.
En matière de santé, la délégation a reconnu que l’État avait un lourd passif à l’égard des femmes du pays. Le taux de mortalité infantile élevé se situe autour de 19 pour 1 000 naissances vivantes. L’avortement est illégal tandis que le taux de mortalité maternelle est de 168,7 décès pour 100 000 naissances vivantes. L’État partie a expliqué la mortalité maternelle était due en grande partie aux avortements illégaux. Il faut cesser de pénaliser les femmes qui ont recours à l’avortement et développer l’éducation sexuelle et la planification familiale, ont martelé les experts.
Il a également été question de la condition de la femme rurale et de son accès à la terre et à la propriété foncière mais aussi du travail informel des fillettes comme employées de maison. Le Comité a indiqué à la délégation que le Paraguay avait l’obligation d’agir contre cette forme odieuse de travail des enfants, compte tenu du fait que ce pays est partie à la Convention sur les droits de l’enfant. Même s’il n’y a pas de plaintes individuelles, il faut modifier la loi, a-t-il préconisé. Les membres du Comité ont également exprimé des préoccupations quant à la participation des femmes dans la vie politique et publique au Paraguay, qui ne dépasse pas les 8% à la Chambre des députés.
De nombreux objectifs ont été atteints et d’autres sont en voie de l’être et nous ne nous laisserons jamais gagner par le pessimisme et le découragement, a assuré Mme Argana Mateu précisant que son pays avait ratifié la Convention dans un contexte de dictature.
Le Comité se penchera mardi, 18 janvier à 10 heures, sur les deuxième et troisième rapports périodiques de la Croatie.
*Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.
PRÉSENTATION DU DEUXIÈME, TROISIÈME, QUATRIÈME ET CINQUIÈME RAPPORTS PÉRIODIQUES DU PARAGUAY (CEDAW/C/PAR/3-4, CEDAW/C/PAR/5 et CEDAW/C/PAR/5/CORR.1)
Présentation par l’État partie
Mme MARIA JOSÉ ARGANA MATEU, Ministre et Secrétaire exécutive à la condition de la femme auprès de la Présidence paraguayenne, a rappelé que son pays a ratifié la Convention dans un contexte de dictature. Le Paraguay a ensuite ratifié le Protocole facultatif en 2001. De nombreux objectifs ont été atteints et d’autres sont en voie de l’être et nous ne nous laisserons jamais gagner par le pessimisme et le découragement, a assuré Mme Argana Mateu. La Constitution, qui est entrée en vigueur en 1992, garantit l’égalité des sexes. Dans le domaine législatif, les hommes et les femmes jouissent des mêmes droits. Le Code civil a été modifié afin de garantir l’égalité des droits et des obligations au sein du couple. Le Code pénal a été révisé et en 2000, une loi a été promulguée contre la violence domestique. Nous avons également ratifié la Convention interaméricaine de lutte contre la violence à l’égard des femmes.
En 2004, le Paraguay a adhéré au Protocole sur la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants qui est annexé à la Convention sur la lutte contre la criminalité transnationale organisée. En 2003, le Parlement a constitué une commission chargée de la parité entre les sexes. Nous disposons d’émissions de radio en faveur des femmes des zones rurales qui agissent comme des multiplicateurs de la diffusion des droits des femmes. Nous développons des politiques d’inclusion pour les femmes les plus démunies. Des avancées au niveau du pouvoir exécutif ont été enregistrées. Six femmes occupent des postes élevés au sein de divers ministères. La Direction générale des douanes est dirigée pour la première fois par une femme.
En vue d’assurer la réinsertion sociale des femmes détenues, le Secrétariat à la condition de la femme auprès de la Présidence de la République a examiné les conditions de vie des détenues. Dans ce cadre, une clinique de soins de santé a été créée. Le nombre de plaintes pour violence familiale ne cesse d’augmenter grâce à la mise en place d’un mécanisme unique de dépôt de plaintes au niveau national. Le Programme national de l’égalité des chances dans l’éducation a permis d’identifier des objectifs importants comme l’inclusion de la dimension sexospécifique dans le cadre des efforts de réforme des manuels scolaires.
Mme Argana Mateu a également indiqué que son gouvernement avait mis en place un programme d’alphabétisation pour les adultes, hommes et femmes, âgés de 15 ans et plus. Ce programme, a-t-elle dit, vise à fournir une éducation bilingue guarani espagnol de base aux jeunes et aux adultes, et s’inscrit dans le cadre d’un programme vaste d’éducation tout au long de la vie. S’agissant de l’accès et du maintien à l’école, elle a indiqué que l’écart entre les femmes et les hommes s’est constamment réduit et que la part de la population n’ayant aucune instruction était passée en dessous de 5%, sans distinction entre les sexes. À cet égard, elle a précisé que tous les établissements nationaux étaient désormais mixtes et avaient pour objectif de promouvoir l’égalité entre les sexes et l’égalité de chances par l’intégration transversale de la problématique égalité. La chef de la délégation a toutefois concédé que le défi le plus pressant en matière d’égalité dans l’enseignement était l’élimination du harcèlement sexuel, dont les filles sont victimes du fait du comportement de certains enseignants. Une loi est en cours de mise en œuvre pour remédier à ce problème, a-t-elle dit. Elle a par ailleurs signalé les efforts de son gouvernement dans le cadre plus général de la politique de population, notamment pour ce qui est de l’inclusion des problématiques pauvreté et parité entre les sexes dans les politiques de développement. Elle a notamment cité le cas de la politique de santé et tout particulièrement la politique en matière de santé reproductive et de prévention des décès pendant l’accouchement. À ce titre, elle a indiqué que par le biais des politiques mises en œuvre ces dernières années, l’utilisation de contraceptifs est passée de 38 à 73% et que l’on compte en moyenne trois enfants par femme. Elle a aussi signalé les programmes et initiatives mises en place pour répondre aux besoins des femmes et protéger leurs droits dans le cadre de la lutte contre le VIH/sida, la lutte contre la violence, y compris dans la violence domestique et la lutte contre la traite des êtres humains. Concluant, elle a insisté sur l’importance de l’application de la Convention pour le développement durable des pays.
Questions des experts et dialogue avec le Comité
Engageant une série de questions sur le cadre juridique et institutionnel (articles 1 à 6 de la Convention), l’experte de l’Égypte, NAELA MOHAMED GABR, s’est inquiétée du rôle prépondérant d’une entité consultative internationale dans la préparation du rapport. Elle a recommandé aux autorités paraguayennes de compter davantage sur les ressources nationales et la société civile à l’avenir. Elle a aussi souhaité savoir quelles étaient les mesures prises par les autorités pour que les femmes au Paraguay puissent jouir de leurs droits et à quel stade était l’adoption du projet de loi disposant que 50% des sièges des assemblées seraient réservés aux femmes. Pour sa part, l’experte des Philippines, ROSARIO MANALO, a souhaité engager le débat sur les différences entre les concepts d’équité et d’égalité ai souhaité connaître les cas où la Convention a été invoquée devant un tribunal. Dans ce contexte, elle a fait observer l’insuffisance du processus de réforme législatif, en particulier dans le domaine de la lutte contre la violence domestique. Des progrès ont été accomplis dans le domaine civil mais pas dans le domaine pénal, a–t-elle regretté. À cet égard, elle a demandé de préciser le calendrier établi pour le processus de réforme du Code pénal. Elle a aussi souhaité être informée des initiatives prises par les autorités pour éliminer les obstacles à la mise en œuvre concrète de la loi sur la violence domestique. Enfin, elle a demandé ce qui était fait pour évaluer la perception et la connaissance par les femmes de la Convention et pour remédier aux lacunes dans ce domaine.
L’experte du Brésil, SILVIA PIMENTEL, a rappelé que depuis 1992, le principe de la séparation de l’Église et de l’État était en vigueur et que, par conséquent, il conviendrait de dépasser les approches qui excluent les femmes des décisions sur les questions qui ont un impact sur leur condition et, ce, dans le souci de faire progresser le cadre politique et législatif. Elle a aussi ajouté qu’il fallait tenir compte du fait que selon la Constitution, tout devait être fait pour assurer la protection des droits des citoyens dans le cadre de l’État laïc et ce face aux limitations qui pouvaient découler de l’interprétation de ces droits par les autorités de l’Église. Intervenant à son tour, l’expert des Pays-Bas, CORNELIS FLINTERMAN, a souhaité savoir si la Convention avait le statut d’une loi ordinaire qui pouvait être modifiée par une loi ultérieure ou si elle primait sur toute autre loi en toute circonstance. Il a aussi souhaité avoir des précisions sur les mesures prises pour faire connaître le Protocole facultatif aux juristes.
L’experte du Bénin, HUGUETTE BOKPE GNACADJA, a, quant à elle, souhaité avoir des précisions sur la procédure de promulgation des lois au Paraguay. À cet égard, elle s’est étonnée du fait que la loi sur l’enfance et l’adolescence, adoptée en 2001, ne soit pas encore promulguée et a demandé des détails sur le domaine de compétences couvert par les dispositions de ladite loi. S’agissant de la loi sur la violence domestique, elle s’est dite préoccupée qu’en dépit de son adoption récente, elle comporte des lacunes du fait de la prise en compte du caractère habituel des actes de violences comme élément clef de la caractérisation d’actes de violence domestique et de la faiblesse des peines encourues, qui se limitent à une amende. Elle a souhaité savoir si une réflexion était engagée sur l’opportunité de la réviser. Poursuivant, l’experte de la Malaisie, MARY SHANTHI DAIRIAM, a demandé des détails sur les moyens utilisés pour évaluer les résultats atteints par les politiques et programmes mis en œuvre. Elle a aussi observé une absence de clarté sur le principe même de discrimination et l’adoption d’une méthode trop inefficace pour mettre en œuvre le principe de l’égalité. Elle a regretté de constater l’absence d’une définition juridique de la discrimination reposant sur la définition de la Convention. Enfin, elle a souhaité avoir des précisions sur les liens entre politique de promotion de la femme et stratégie d’élimination de la pauvreté.
La violence familiale touche de nombreux pays, a reconnu l’experte de l’Italie, TIZIANA MAOIOLO, tout en soulignant qu’il s’agissait d’un problème culturel. Elle a suggéré à l’État partie de réviser son Code pénal.
Répondant à cette série de questions, la délégation paraguayenne a expliqué qu’une consultante internationale avait été recrutée pour aider le Secrétariat à la femme à la Présidence de la République à mettre en œuvre la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et le Programme d’action national. Elle a aussi expliqué que les politiques gouvernementales en matière d’égalité reposent sur l’équité. Le Gouvernement est conscient de la nécessité d’œuvrer en faveur d’une véritable égalité des chances. La dichotomie entre politique et la question de la parité est due au fait que l’on ne tient pas toujours compte des besoins spécifiques des femmes. Il existe beaucoup de résistance au Parlement pour promouvoir les droits des femmes.
Au sujet de la violence conjugale, la délégation a précisé que d’un point de vue légal, il existe trois facteurs entrant dans la définition de ce phénomène: la violence doit être habituelle, elle doit être physique et se produire avec le conjoint. Nous travaillons à la modification des dispositions pertinentes du Code pénal en collaboration avec l’Association des juristes du Paraguay. La loi 1600 vient aujourd’hui combler les lacunes du Code pénal. Désormais, les juges et centres de santé sont en mesure d’intervenir non seulement en cas de violence physique mais également en cas de violence morale. En outre, la législation en vigueur prévoit un recours dès le premier acte de violence. Cependant, la violence domestique n’est passible que d’amendes, à l’exception de l’homicide. Dans ce dernier cas, l’auteur de violence peut être condamné à 25 ans d’emprisonnement.
La délégation a également fait part des efforts de son gouvernement pour diffuser le texte de la Convention et du Protocole facultatif par le biais de campagnes de sensibilisation. Répondant à une question de l’expert des Pays-Bas concernant la place de la Convention dans la législation nationale, la délégation a expliqué que la Constitution paraguayenne a la primauté dans la hiérarchie des normes juridiques. Elle est suivie par les instruments juridiques internationaux qui sont eux-mêmes suivis par les lois nationales. Le problème majeur est celui de leur mise en œuvre. Il y a également des résistances au sein du pouvoir judiciaire pour appliquer pleinement le texte de la Convention et le texte du Protocole facultatif qui leur a même été présenté en braille. Ce fut un acte symbolique pour lutter contre la « cécité du pouvoir judiciaire ». Pour ce qui est de la protection de l’enfance, la délégation a assuré les experts que le Code de l’enfant est en conformité avec la Convention des droits de l’enfant.
Le Plan national pour l’égalité des chances a été élaboré par une équipe technique comme une stratégie d’État qui reposera sur un réseau d’aide sociale, en particulier dans les domaines de l’enseignement et de la santé. Il y a quatre jours, les journaux à grand tirage paraguayens ont mentionné les troisième et quatrième rapports de notre pays.
L’experte de Cuba, MAGALYS AROCHA DOMINGUEZ, a rappelé la recommandation faite par les experts en 1996 concernant le renforcement politique et administratif du Secrétariat à la condition de la femme et a souhaité savoir comment les autorités du Paraguay ont réussi à conjuguer les différents changements de gouvernement et les renforcements et le suivi de l’action menée par le Secrétariat. Elle a souhaité avoir des précisions sur le rôle de la société civile dans l’élaboration du rapport. Axant son intervention sur la problématique de la violence conjugale, l’experte de la République de Corée, HEISOO SHIN, a axé son intervention sur la problématique de la violence conjugale. Elle a souligné l’importance de conjuguer sanctions punitives et mesures correctives afin de corriger le comportement violent des coupables. Elle a observé qu’il y avait deux lois sur les sanctions pénales tandis qu’une seule loi prévoyait des mesures de protection des victimes. À cet égard, elle a demandé quelles étaient les mesures prises en matière d’accueil des femmes, d’assistance médicale et juridique des victimes, de formation du personnel médical, judiciaire, de police et des médias et en matière de coopération avec les organisations féminines qui travaillent dans ce domaine. Pour sa part, l’experte du Portugal, MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, a engagé le débat sur la question de l’égalité et de l’équité. Elle a souligné la distinction à opérer entre égalité de droit et égalité de fait, la nécessité de prévoir des mécanismes visant à assurer pleinement l’égalité de jure et de facto, et à tenir compte des subtilités du débat sur l’équité, notion beaucoup plus subjective, liée à la justice sociale et qui fait l’objet de multiples interprétations. À cet égard, elle a mis en garde les autorités du Paraguay contre le risque de voir ce concept utilisé habilement par ceux qui ne veulent pas d’une véritable égalité. Elle a aussi dénoncé les insuffisances des peines prévues pour les auteurs de crimes de traite des personnes et d’abus sexuels.
L’experte de la France, FRANÇOISE GASPARD, s’est dite perplexe à la lecture des rapports écrits car il semble difficile d’y mesurer l’application par le Paraguay de la Convention. Leur lecture, a-t-elle ajouté, pourrait laisser penser que les autorités n’ont pas bien compris un certain nombre d’articles de la Convention. Elle a souligné le problème que revêt l’indisponibilité d’une administration dotée de moyens humains et financiers et ayant une capacité d’influence sur l’ensemble du système politique et administratif. À son tour, elle a mis l’accent sur les risques qu’engendrent une confusion entre les principes d’égalité et équité. Insistant sur les problèmes que pose la traite des personnes et leur exploitation sexuelle, l’experte de la Hongrie,KRISZTINA MORVAI, a qualifié ces phénomènes de version moderne de l’esclavage et du colonialisme, de résultat d’une érotisation du racisme et de la pauvreté, et de la marchandisation des femmes. Elle a souligné que le temps était venu d’établir les responsabilités, notamment du côté de ceux qui sont responsables de la demande de tels services, et en particulier dans les pays développés. À ce titre, elle a demandé quels engagements le Gouvernement du Paraguay avait pris en faveur de la lutte contre ces deux phénomènes interdépendants, quelle attitude il adoptait par rapport aux pays riches et s’il avait mis en place ou négociait des programmes de coordination avec les pays riches.
L’experte de la Croatie, DUBRAVKA SIMONOVIC, a demandé si les rapports sur la mise en œuvre de la Convention avaient été présentés au Parlement et si les autorités avaient l’intention de faire circuler les recommandations des experts. Elle a, à son tour, engagé le débat sur la définition de la discrimination à l’égard des femmes. Mme Simonovic a par ailleurs demandé des détails sur les cas de vente de filles de 10 à 13 ans. Elle a notamment souhaité connaître la fréquence de la pratique, les peines encourues, l’existence ou non de poursuites judiciaires, de programmes pour corriger le phénomène et l’état des connaissances sur les causes du phénomène et sur l’étude de l’attitude de la société et des parents face à ces cas.
L’experte du Ghana, DORCAS COKER-APPIAH, a demandé s’il existait des programmes pour soutenir les femmes victimes de la traite et des précisions sur la manière avec laquelle les institutions d’État chargées de la mise en œuvre de la loi contre la traite agissaient pour contrecarrer ce phénomène. Elle a aussi demandé où en était l’adoption du projet de loi de limitation de la publicité commerciale pour les activités sexuelles.
Répondant aux observations et questions formulées par les experts,laChef de la délégation a indiqué qu’un plan de modernisation institutionnelle a été mis en œuvre pour affirmer le rôle du Secrétariat à la condition féminine. Ce dernier a participé à la définition de politiques visant à intégrer la perspective genre dans les politiques de manière à la fois préventive, compensatoire, et inclusive. Le Secrétariat, a-t-elle dit, suit les progrès et les initiatives et depuis l’adoption du Plan 1954-04, récemment approuvé par décret, coordonne le plan national pour la promotion de la femme au niveau interministériel.
Des groupes de travail ont été constitués et ils travaillent sur les neuf sujets identifiés dans le Plan national pour l’égalité des chances. Nous disposons également d’une unité de coordination sur les questions liées notamment aux femmes autochtones et aux femmes rurales. Nous avions créé une nouvelle direction de la décentralisation pour travailler avec les femmes rurales. Le Secrétariat à la condition de la femme a défini un programme d’action national visant à garantir l’égalité des chances dans le domaine de l’emploi. Par ailleurs, le Code pénal prévoit des sanctions pour la traite des êtres humains et des enfants. Nous avons pris un engagement important pour mettre un terme à ce phénomène. Nous formons les juges et les magistrats à ce problème et nous lancerons prochainement une campagne de sensibilisation des enseignants, procureurs et des juges. Nous disposons d’un réseau de statistiques unifié sur les questions de violence et avons créé quatre centres pour les victimes de la violence. Nous avons formé tous les agents de police à intervenir dans des cas de situations d’urgence.
Abordant les questions des comportements socioculturels, de la prostitution, de la participation à la vie politique et publique du pays et à la nationalité (articles 5 à 9 de la Convention), l’experte de la Jamaïque, Glenda Simms, a rappelé que ce sont les femmes sans emploi, celles qui sont les plus pauvres et marginalisées qui sont victimes de la traite des êtres humains. Sur la question de la participation politique des femmes, elle a demandé quels étaient les engagements pris par les partis politiques pour que 50% de leurs élus soient des femmes. Les lois ne suffisent pas, a-t-elle convenu, mais il faut que les mentalités changent. L’experte de l’Algérie, MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, a relevé que les résistances aux changements se trouvent souvent dans des pays qui ont
connu soit le colonialisme, soit une extrême pauvreté, soit un retard dans l’évolution des sociétés et où la prévalence de la religion permet de placer la femme sous la coulpe des hommes. Elle a recommandé à l’État partie d’avoir recours à l’article 4 de la Convention sur les mesures temporaires spéciales comme l’imposition de quotas.
Pour sa part, l’experte du Japon, FUMIKO SAÏGA, a considéré que l’objectif de faire passer le quota de 20% de femmes en politique à 50% est très ambitieux et a donc invité la délégation à réaliser en premier lieu l’objectif de 20% de participation des femmes. On en est à peine à 8% de participation de femmes à la Chambre des députés, a-t-elle fait remarquer. Ces préoccupations ont également été exprimées par l’experte de la France,qui a suggéré l’alternance des femmes et des hommes sur les listes électorales. Nous sommes arrivées de cette manière en France à obtenir une participation de 50% de femmes dans les conseils municipaux. Il s’agit là d’une mesure de justice et d’égalité. L’experte de la Malaisie, MARY SHANTI DAIRIAM, a relevé à ce sujet que les groupes de femmes ne soutiennent pas les candidates. Comment pallier cette situation et réglementer les partis politiques?
Le Code électoral ne dit pas quelle doit être la place des femmes, a expliqué la délégation paraguayenne. Dans la pratique, les femmes sont placées en fin de liste. Il faut en effet envisager une reforme des institutions et encourager les partis politiques. Nous sortons de nombreuses années de dictature pendant lesquelles les droits des femmes n’étaient reconnus que sur papier. Aujourd’hui, il existe une véritable ouverture au sein de nos partis, a-t-elle assuré.
La délégation a expliqué que le Secrétariat à la condition de la femme a lancé une étude statistique pour la première fois, qui a permis de recenser la population de 400 communautés autochtones. Cette étude a également permis à ces communautés de revendiquer leur culture. Nous disposons donc de données actualisées sur ces populations. La Chambre des députés comporte une commission sur les populations autochtones.
Entamant une série de questions sur la situation des femmes dans la vie économique et sociale et au sein de la famille (articles 10 à 14 de la Convention),l’experte de Singapour, ANAMAH TAN, a voulu savoir comment la réforme de l’enseignement allait profiter aux populations autochtones. L’expert des Pays-Bas, CORNELIS FLINTERMAN, a demandé si les écolières enceintes étaient expulsées de l’école. Notant qu’il n’existe pas d’information sur l’évaluation des programmes et politiques lancés dans le domaine de l’éducation, l’experte de la Roumanie, VICTORIA POPESCU SANDRU, a insisté sur la nécessité d’évaluer la réforme de l’éducation. Elle a également demandé quelles étaient les mesures prises pour éviter le phénomène du harcèlement et des sévices sexuels dans les écoles? Ce problème semble être lié à une culture sexiste et violente.
L’experte du Bangladesh,SALMA KHAN, a relevé que les femmes constituent une part importante de la main d’œuvre non qualifiée. La pauvreté est courante au Paraguay mais quelles sont les données relatives à la pauvreté des femmes? Il semble qu’un certain nombre de coopératives s’efforcent de régler la pauvreté de la femme. Le marché du travail est ségrégué et les femmes sont le plus souvent employées dans le secteur informel. L’experte a cependant rendu hommage aux efforts du Gouvernement en vue de réglementer le travail domestique. Pourquoi alors y a-t-il tant de femmes employées à des niveaux inférieurs au salaire minimal? L’experte de Cuba a demandé quels étaient les efforts déployés pour parvenir à établir l’égalité dans la distribution et la propriété de la terre. Est-ce que les femmes rurales ont accès au crédit? Elle a voulu également connaître la situation concrète des employées de maison, notamment celle des petites filles qui sont des employées domestiques et pourraient être victimes d’abus et de violences sexuelles. L’experte du Portugal a demandé pourquoi le travail domestique n’est pas traité avec la même dignité que les autres formes de travail.
Répondant aux questions des experts, la délégation paraguayenne, a expliqué que les mères célibataires sont protégées par la loi. Sur la question de l’alphabétisation des personnes autochtones, la délégation a expliqué qu’il existe environ 90 000 personnes appartenant à des dizaines de communautés autochtones différentes qui ont des niveaux d’alphabétisation divers. Nous avons mis en place un bureau de la supervision des communautés autochtones et depuis 2002, nous intégrons, dans le cadre du renforcement des programmes éducatifs, une composante adaptée à chaque ethnie. Nous assistons cependant à des résistances culturelles à l’éducation formelle. Nous étudions la possibilité de leur octroyer des bourses pour étudier à l’étranger. Depuis son entrée en fonctions, le nouveau Gouvernement paraguayen a mis en place en zone rurale un projet intitulé « voix de femmes » qui traite des droits des femmes et vise à promouvoir une culture de l’égalité. En 2005, ce projet sera étendu à tout le pays en mettant l’accent sur les travaux et les carrières non professionnelles tout en insistant sur le droit à la santé génésique de la femme.
Depuis 1995, a ajouté la délégation, le Code du travail a été modifié. Nous avons beaucoup dénoncé le recrutement des petites filles comme employées de maison mais il y a également eu des résistances à ce sujet. Le fait d’employer quelqu’un âgée de 14 ans ou moins peut donner lieu à des sanctions. Le recrutement de jeunes employées de maison est une tradition et n’est pas mal considéré dans la société. Nous devons aller à l’encontre d’une structure mentale et contre le poids des traditions.
L’experte de la Hongrie a indiqué que la délégation avait l’obligation d’agir contre cette forme odieuse de travail des enfants, compte tenu du fait que ce pays est partie à la Convention des droits de l’enfant. Même s’il n’y a pas de plaintes individuelles, il faut modifier la loi. L’experte a également dénoncé les discriminations qui s’exercent dans l’accès à la terre et a demandé comment le Gouvernement, dans le cadre de son programme de distribution des terres, entendait assurer une distribution égale des terres aux hommes et aux femmes.
En matière de santé, l’experte du Ghana a relevé que le Gouvernement admet dans son rapport avoir un lourd passif à l’égard des femmes du pays. L’experte s’est dite préoccupée par l’incidence du sida sur les femmes et les pauvres et par le manque de fonds pour lutter contre cette pandémie. Elle a demandé au Gouvernement de prendre des mesures urgentes pour s’attaquer au sida. Le taux de mortalité maternelle est élevé, a déclaré l’experte du Bangladesh, qui a demandé dans quelle mesure la demande de planification familiale était satisfaite. Le Paraguay a un taux de mortalité des femmes en prison qui est trois fois plus élevé que le taux mondial de la population carcérale féminine. Quelles en sont les causes? A-t-elle demandé avant de faire observer que les femmes au Paraguay semblent recourir à l’avortement car elles n’ont pas accès à la planification
familiale. Tout comme SILVIA PIMENTEL, l’experte du Brésil, et l’experte de la République de Corée, celle du Bangladesh a demandé à l’État partie de revoir la question de la pénalisation des avortements. Il faut cesser de pénaliser les femmes qui ont recours à l’avortement et développer l’éducation sexuelle et la planification familiale. En raison de la loi, les femmes qui subissent un avortement illégal hésitent à se présenter dans un établissement hospitalier à la suite de complications, ce qui pose un risque sur la santé.
L’experte des Philippines, ROSARIO MANALO, a constaté que les taux d’abandon scolaire étaient élevés, notamment chez les populations autochtones. De nombreux garçons et filles quittent l’école pour des raisons économiques car l’école primaire n’est pas gratuite. Il semblerait que les femmes rurales n’aient pas accès aux soins médicaux. Il semble que votre programme en faveur de femmes rurales ne marche pas. Il semble aussi que la réforme agraire n’est pas appliquée. L’experte de la Chine, XIAOQIAO ZOU, quant à elle, a demandé quel type de politique et mesures avaient été pris pour améliorer la situation des femmes rurales et pour aider les familles monoparentales dirigées par une femme et qui comptent parmi les plus pauvres.
Pour sa part, l’experte du Bénin a relevé que la femme n’a pas le droit de recevoir une donation sans l’autorisation du mari. L’âge minimal du mariage est fixé à 16 ans pour les filles et pour les garçons mais les filles subissent cependant des discriminations dans ce domaine. Ainsi, la jeune femme interrompra certainement sa scolarité en raison d’une grossesse. C’est pourquoi, l’experte a demandé à la délégation que soit relevé l’âge minimum du mariage.
Répondant aux questions des experts, la délégation a indiqué l’intention du Paraguay d’accorder des titres de propriété aux familles rurales qui comptent de nombreux foyers monoparentaux dirigés par des femmes. Le nombre de femmes infectées par le virus du sida est passé de 0,6% à 2,4%. Nous avons mis en place un programme de maternité sûre pour pallier aux taux élevés de mortalité maternelle. La problématique des avortements illégaux est abordée sous l’angle de la prévention, a encore expliqué l’État partie. Par ailleurs, le Paraguay a enregistré un taux de 73% au niveau national pour l’utilisation de moyens contraceptifs. Mais ce taux tombe à 67% en zone rurale. Cinq pour cent des femmes de la capitale, Asuncion, et 23% de femmes de la zone nord du pays déclarent avoir besoin de planification familiale. Nous tentons d’aborder les problèmes de manière intégrée. La délégation a précisé au sujet du microcrédit que les institutions sont plus disposées à prêter aux femmes qu’aux hommes. On envisage de créer dans quatre provinces des services juridiques spécialisés dans les questions affectant les femmes, comme la violence. Ce projet pilote sera ensuite étendu à l’ensemble du pays. La délégation a reconnu que le Code pénal est encore très en retard.
Pour ce qui est de la transmission de la nationalité, nous avons essuyé un revers en 1996 quand les anciennes dispositions du Code civil ont été réintroduites pour laisser à l’homme la seule prérogative de transmettre sa nationalité. Nous ne disposons pas de code de la nationalité. L’une des sources de tensions est la problématique de l’équité et de l’égalité. Notre défi est de regarder les choses dans l’optique de l’égalité. Au sujet de la population carcérale féminine, la délégation a expliqué qu’il y avait moins de 500 femmes en prison et aucune d’entre elles ne l’est pour cause d’avortement illégal. Nous accordons une attention particulière à la santé reproductive de la femme.
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