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ENV/DEV/856

FORUM DES NATIONS UNIES SUR LES FORÊTS: 2 À 3 MILLIONS D’HECTARES DE FORÊTS DISPARAISSENT CHAQUE ANNÉE EN ASIE

18/05/2005
Communiqué de presse
ENV/DEV/856

Forum des Nations Unies sur les forêts

Cinquième session

6e séance - matin


FORUM DES NATIONS UNIES SUR LES FORÊTS: DEUX À TROIS MILLIONS D’HECTARES

DE FORÊTS DISPARAISSENT CHAQUE ANNÉE EN ASIE


Région du monde la plus peuplée, avec 3,3 milliards d’habitants, la zone Asie-Pacifique est touchée au premier chef par la tendance alarmante au déboisement et à la dégradation des forêts.  Le Forum des Nations Unies sur les forêts (FNUF), qui a décidé, à chacune de ses sessions, de consacrer une demi-journée aux réalités régionales, dans le but de faciliter le partage d’informations et d’expériences en matière de gestion durable des forêts, s’est livrée ce matin à un état des lieux de la région Asie-Pacifique.


Si des pays sont parvenus à inverser cette tendance, d’autres subissent néanmoins une dégradation rapide de leurs forêts.  La nécessité de promouvoir et de mettre en œuvre une gestion durable des forêts n’a ainsi jamais été aussi grande dans une région appelée à devenir le moteur mondial de la croissance économique.


L’objectif du débat d’aujourd’hui était, selon les vœux de la modératrice Neria A. Andin, Directrice adjointe du Bureau de gestion des forêts au Département de l’environnement et des ressources naturelles des Philippines, d’aboutirà une meilleure compréhension des enjeux forestiers, de renforcer les partenariats et de promouvoir une participation de la région Asie-Pacifique aux processus intergouvernementaux liés à la gestion des forêts.


Chaque personne en Asie dispose en moyenne de seulement 14 hectares de forêts, ce qui place la région au quatrième rang mondial, a rappelé M. David Kaimowitz, Directeur général du Centre international de recherche forestière (CIFOR).  Toutefois, chaque année, deux à trois millions d’hectares de forêts disparaissent, une déforestation rapide due surtout à l’abattage et aux activités forestières illégales.  Faisant état de l’augmentation rapide des importations de bois chinoises et indiennes, il a également évoqué le remplacement de forêts naturelles par des plantations.  Il a par ailleurs mis l’accent sur les liens entre forêts et pauvreté.  En Chine, 80% des entités administratives les plus pauvres se trouvent sur des territoires couverts par des forêts, a-t-il précisé.  Les forêts sont, de même, le lieu privilégié de conflits armés, a-t-il observé, citant les exemples du Népal, du nord-est et du centre de l’Inde, du Jammu-et-Cachemire, de la province d’Aceh en Indonésie, de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, du nord du Myanmar et de Mindanao aux Philippines.


M. Freezailah Bin Che Yeom, Président du « Malaysian Timber Certification Council », a estimé, pour sa part, que seul l’engagement du secteur privé avait abouti à des résultats concrets en matière de gestion durable des forêts dans la région, notamment en ce qui concerne la délivrance des certifications.  Il a ainsi plaidé en faveur de l’établissement d’un mécanisme juridique crédible de certification des forêts auquel l’ensemble des parties prenantes devrait apporter sa contribution.  Lors de l’échange de vues qui a suivi les présentations des experts, le représentant de la Croatie a en effet regretté que seules 4% des forêts du monde, selon les chiffres du dernier rapport de la FAO, soient certifiées.


Le Sous-Secrétaire général pour le développement économique, M. Jono Kwame Sundaram, a évoqué la corruption et les conflits issus de l’accès aux ressources en bois, comme c’est le cas au Cambodge depuis le milieu des années 1980.  M. Sundaram a en outre souhaité que ce Forum soit l’occasion de permettre aux autres pays du Sud, en Afrique, en Amérique du Sud et dans le Pacifique-Sud, de tirer les leçons des échecs et succès de l’Asie du Sud-Est en matière de gestion et de conservation durable des forêts régionales.


Le Forum sur les forêts des Nations Unies poursuivra ses travaux dans le cadre de groupes de travail jusqu’à mardi 24 mai inclus.  Il entamera mercredi 25 mai, à 10 heures, son débat ministériel de haut niveau.


TABLE RONDE SUR LES RÉALITÉS RÉGIONALES: JOURNÉE DE L’ASIE ET DU PACIFIQUE


Déclarations


M. JOMO KWAME SUNDARAM, Sous-Secrétaire général pour le développement économique, ouvrant la table ronde sur les réalités régionales « Journée de l’Asie et du Pacifique », a affirmé que cet événement était destiné à souligner le rôle des forêts et des arbres en tant que ressources écologiques, sociales et économiques essentielles du développement durable en Asie-Pacifique.  Cette région, a-t-il dit, représente les deux tiers de la population mondiale.  Les marchés de production y sont sans cesse croissants, a-t-il ajouté, précisant que la région allait sans doute se transformer en moteur de la croissance mondiale.  La gestion des forêts doit être un élément essentiel de ce processus de développement, a-t-il insisté.


Mme NERIA A. ANDIN, Directrice adjointe du Bureau de gestion des forêts au Département de l’environnement et des ressources naturelles des Philippines, a déclaré, en qualité de modératrice de la table ronde, que cette réunion avait pour but de faire partager les expériences de la région Asie-Pacifique en matière de gestion des forêts.  Son objectif premier est de confronter les informations des experts sur l’exploitation des ressources, les tendances et orientations futures en matière de gestion durable des forêts dans cette partie du monde.  Nous examinerons les situations locales et régionales, le résultat attendu étant d’arriver à une meilleure compréhension des enjeux à ces niveaux, de renforcer les partenariats et de promouvoir une participation de la région Asie-Pacifique aux  processus intergouvernementaux liés à la gestion des forêts.


M. DAVID KAIMOWITZ, Directeur général du Centre international de recherche forestière (CIFOR), dont le siège est à Biogor, en Indonésie, a développé les grandes tendances des ressources forestières en Asie.  Il a souligné que chaque personne en Asie disposait en moyenne de seulement 14 hectares de forêts, ce qui place cette région au quatrième rang mondial.  Chaque année, deux à trois millions d’hectares de forêts disparaissent, une déforestation rapide due surtout à l’abattage et aux activités forestières illégales.  Plus de la moitié de ces pertes ont lieu en Indonésie, a-t-il précisé.  M. Kaimowitz a mis l’accent sur les activités forestières illégales et la corruption.  L’Indonésie est, dans ce domaine, le pays le plus touché, avec des activités représentant des dizaines de millions de mètres cubes et des milliards de dollars.  Le Directeur général du CIFOR a en outre fait état de l’augmentation rapide des importations de bois chinoises et indiennes.  En Chine, le montant des importations est ainsi passé de 1997 à 2003 de 6,5 milliards de dollars à 13 milliards de dollars, tandis qu’en Inde, les importations ont progressé au cours de la même période de 700 millions de dollars à 1,2 milliard de dollars. 


M. Kaimowitz a par ailleurs souligné que l’Asie possédait 60% des plantations mondiales, soit, selon la FAO, 115 millions d’hectares, la plupart étant réparties en Chine, en Inde, au Japon, en Thaïlande, en Indonésie et en Malaisie.  Nombre de ces plantations ne sont pas à usage commercial.  Les plantations d’essences à croissance rapide comprennent en majorité des acacias, des eucalyptus, des peupliers et des pins.  Il a également affirmé que beaucoup des familles les plus pauvres de l’Asie dépendaient des forêts en ce qui concerne l’énergie, les plantes médicinales et pour satisfaire à leurs besoins de base.  En Chine, 80% des entités administratives les plus pauvres se trouvent sur des territoires couverts par des forêts.  On observe le même lien entre forêts et pauvreté au Viet Nam, au Népal et au Lao, a-t-il précisé.  Le Directeur du CIFOR a

enfin constaté que les conflits violents avaient souvent lieu dans des régions forestières, citant le Népal, le Nord-Est et le centre de l’Inde, le Jammu-et-Cachemire, la province d’Aceh en Indonésie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le nord du Myanmar et Mindanao (Philippines).


M. FREEZAILAH BIN CHE YEOM, Président du « Malaysian Timber Certification Council », a déclaré que la question des forêts revêtait une importance particulière dans la région Asie-Pacifique, la région la plus peuplée du monde.  Dans de nombreux pays, les problématiques liées à la question des forêts tropicales recouvrent celles du développement général, d’où l’importance de la dimension économique.  Nous pensons en effet que, en ces temps de vogue consumériste verte, le commerce du bois tropical peut jouer un rôle de catalyseur influant les politiques destinées à promouvoir la mise en œuvre du régime de gestion durable des forêts.  Dans ce cadre, une telle mise en œuvre doit tenir compte des conditions et réalités locales.  Les plans d’action en matière de forêts ne sont pas, dans la plupart des cas, appliqués.  Seul l’engagement du secteur privé a abouti à des résultats concrets dans le domaine de la gestion durable des forêts dans la région, notamment s’agissant de la délivrance des certifications.  Ces certifications soulignent ainsi la complexité et l’importance des coûts relatifs à la mise en œuvre de la gestion durable en Asie-Pacifique.


Concernant le régime de gestion durable dans le cas des forêts tropicales naturelles, de nombreux éléments font obstacle à des avancées significatives.  Par exemple, les ressources disponibles dans ces milieux particuliers sont de nature très complexe et d’une grande richesse biologique, ce qui rend leur conservation, leur exploitation et leur gestion durable très difficile d’un point de vue technique et financier.  C’est pourquoi, nous regrettons qu’à ce jour peu de résultats tangibles aient été accomplis dans ce domaine, cela en dépit de l’engagement des pays concernés, de la communauté internationale et des ONG.  Peut-être la solution se trouve-t-elle dans l’établissement d’un mécanisme juridique crédible de certification des forêts auquel l’ensemble des parties prenantes devrait apporter sa contribution.


Mme KANCHAN LAMA, Présidente de la Société des Partenaires pour le développement, a intitulé son intervention « Atteindre ou réaliser les Objectifs du Millénaire pour le développement ».  Chargée de la mise en œuvre d’un projet de promoteurs de groupes au Népal fondé par le FIDA, et lié à l’égalité entre les sexes, l’environnement et la réduction de la pauvreté, Mme Lama a souligné que le pouvoir des femmes continuait à être très faible dans le secteur de sylviculture.  La pauvreté est de plus en plus féminisée, a-t-elle affirmé, un processus observé surtout dans les zones rurales, en particulier dans les zones autochtones, et lié à la discrimination.  Elle a également mis l’accent sur le manque de droits indépendants des femmes.


Comme impact principal du projet, Mme Lama a cité le rôle de plus en plus important joué par les femmes dans la gestion des forêts.  Elle a également constaté un accroissement de la mobilité des femmes, une augmentation des revenus des familles et de la sécurité alimentaire, une réduction de la violence contre les femmes, et une intégration des femmes dans les forums locaux.  Parmi les leçons à tirer de cette expérience, elle a mentionné le fait que le manque de droits et de propriété conduisait souvent à la violence domestique et à l’exploitation des femmes.  La mobilisation sociale sur la parité tend également à favoriser l’autonomisation des femmes, a-t-elle observé.  Mme Lama a enfin prié le Forum des Nations Unies sur les forêts de mettre en œuvre des arrangements structurels plaçant davantage l’accent sur la parité entre les hommes et les femmes en matière de gestion des forêts.


M. HIROKI MIYAZONO, membre de l’Agence forestière depuis 1987, a déclaré que son pays était pleinement engagé en faveur de la gestion durable des forêts, essentiellement en raison du fait que cette question est considérée comme un préalable au développement économique social et culturel du Japon, et à la protection efficace de son environnement.  Le Japon importe 80% de son bois et, à ce titre, nous espérons pouvoir faire partager ici notre expérience en matière de politique forestière de conservation et d’exploitation rationnelle.


Seize gouvernements et huit organisations internationales participent au Partenariat de la collaboration sur les forêts, et quatre déjà des seize plans d’action ont été mis en œuvre, en particulier l’établissement d’un accord important sur les forêts en Asie.  Ce qui représente une réussite cruciale pour le processus général et la crédibilité du Partenariat.  L’expérience du Japon visant à protéger durablement les forêts côtières est par ailleurs reconnue.  Le Japon est certes un petit pays, mais dont la ligne côtière nord-sud s’étire sur 35 000 kms.  Une partie de ces zones est protégée de façon très performante contre les brouillards dus aux fortes précipitations, les vents ainsi que les grandes vagues, ce qui nous incite à penser que nous pourrions aider techniquement à prévenir la survenue de tsunamis dans d’autres régions du monde encore mal équipées en la matière.


M. JONO KWAME SUNDARAM, Sous-secrétaire général adjoint pour le développement économique, a déclaré, concernant la question de l’abattage, les sites d’abattage en Asie du Sud-Est s’étaient déplacés vers les Philippines, la Thaïlande et la Malaisie.  Les interdictions dans ces pays ont été introduites aux fins de promouvoir l’industrie de traitement du bois.  Malgré cela, il n’existe pas vraiment d’industrie du bois productive et compétitive en Asie du Sud-Est.  En effet, les recettes gouvernementales tirées de ces activités restent faibles, ce qui freine les politiques de développement des pays.  En revanche, on assiste dans la région à l’émergence d’une sévère corruption et de conflits naissant autour de l’accès aux ressources en bois, comme c’est le cas au Cambodge depuis le milieu des années 1980.  En Asie du Nord, la situation est très différente, qui est caractérisée par l’importance croissante de la Chine en tant que grand consommateur de bois et produits dérivés de bois importés directement et dans des proportions massives d’Asie du Sud-Est.  Ce qui a pour effet d’entraîner un appauvrissement continu du secteur forestier en Asie du Sud-Est.  Nous souhaitons que ce Forum soit l’occasion de permettre aux autres pays du Sud, en Afrique, en Amérique du Sud et dans le Pacifique Sud, de tirer les leçons des échecs et le succès de l’Asie du Sud-Est en matière de gestion et de conservation durable des forêts régionales.


Débat interactif


Lors du débat ouvert qui a suivi les interventions des experts, le représentant de la Chine a jugé imprécises les informations apportées par M. Kaimowitz.  La Chine, en raison d’inondations, a interdit l’abattage dans des régions protégées.  Il a en outre contesté l’impact négatif qu’auraient les importations de bois chinoises et indiennes sur les forêts d’autres pays.  Selon lui, un abattage approprié peut être géré par le biais de législations nationales et permettre le renouvellement des forêts, une méthode qui, a-t-il précisé, n’entraîne pas une dégradation systématique des forêts.  La protection des forêts dépend de la force des procédures nationales et de la lutte contre la corruption, a-t-il expliqué, indiquant que les efforts de reboisement en Chine étaient les plus importants au monde.


En réponse, M. Kaimowitz a souligné qu’à aucun moment il n’avait voulu accuser la Chine d’être à l’origine des problèmes forestiers que rencontrent les pays voisins exportateurs de bois et principaux fournisseurs de la Chine.  De plus, a –t-il précisé, la question de l’interdiction de l’abattage illégale ne s’applique pas à l’ensemble du territoire chinois, comme a pu le laisser entendre la traduction, mais uniquement à certains provinces.


M. Kaimowitz a encore répondu à la représentante de la Nouvelle-Zélande qui contestait l’idée selon laquelle les plantations et l’exploitation rapide de jeunes pousses pratiquées dans certains pays de la région, risquaient d’aboutir au remplacement des forêts naturelles.  Ce fait est établi, a-t-il ainsi dit, et il incombe aux législations nationales de prendre leurs responsabilités pour limiter cette tendance.


En conclusion du débat, les experts ont reconnu la lenteur des progrès réalisés en matière de conservation et de gestion durable des forêts dans la région Asie-Pacifique.  Tous ont également admis la nécessité d’élaborer des stratégies communes pertinentes et un cadre de suivi des activités internationales sur la question des forêts.  


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