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CS/8306

LE CONSEIL APPELLE LES PARTIES SOUDANAISES À N’ÉPARGNER AUCUN EFFORT POUR TIRER PARTI DE L’IMPACT POSITIF QUE L’ACCORD NORD-SUD DEVRAIT AVOIR SUR LE CONFLIT AU DARFOUR

08/02/2005
Communiqué de presse
CS/8306

LE CONSEIL APPELLE LES PARTIES SOUDANAISES À N’ÉPARGNER AUCUN EFFORT POUR TIRER PARTI DE L’IMPACT POSITIF QUE L’ACCORD NORD-SUD DEVRAIT AVOIR SUR LE CONFLIT AU DARFOUR


La signature, le 9 janvier 2005, de l’Accord de paix global entre le Nord et le Sud a été un moment historique pour le Soudan, lequel devrait avoir un impact positif sur le conflit au Darfour.  C’est ce qu’estiment les membres du Conseil de sécurité dans une déclaration présidentielle rendue publique, ce matin, en présence du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan; du Premier Vice-Président soudanais, Ali Othman Taha; du Président du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (SPLM/A), John Garang; du Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine au Soudan, Baba Gana Kingibe; et du Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, Jan Pronk.


Le Conseil, a poursuivi le Président du Conseil de sécurité pour le mois de février, Joël Adechi du Bénin, estime que tout devrait être mis en œuvre pour conserver la dynamique actuelle et appliquer l’Accord de paix global afin de parvenir à une véritable réconciliation nationale.  Le Conseil est d’ailleurs déterminé, a-t-il assuré au nom de ses homologues, à prendre des mesures afin d’encourager la communauté internationale à appuyer et à consolider le processus de paix et de lui permettre de jouer son rôle.  À ce propos, le Représentant béninois a annoncé l’élaboration d’un projet de résolution traitant en détail de tous les aspects de la situation au Soudan, et en particulier, des conditions de création d’une opération des Nations Unies à l’appui du processus de paix. 


Toujours dans la déclaration présidentielle, les membres du Conseil se disent préoccupés par la situation au Darfour et révoltés par les graves crimes commis en violation du droit international et décrits dans le rapport de la Commission d’enquête internationale.  Ils appuient sans réserve le rôle de l’Union africaine et se déclarent prêts à appuyer des mécanismes qui pourraient permettre à la Mission des Nations Unies de fournir à l’Union africaine l’appui logistique et administratif dont elle pourrait avoir besoin.  L’approche unifiée, qui sous-tendrait la Mission de l’ONU, a été saluée par le Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine comme « un élément vital » des relations de travail entre les Nations Unies et l’Union africaine. 


Baba Gana Kingibe a confirmé les discussions en cours sur les moyens de renforcer la coopération non seulement entre les missions des deux organisations mais aussi entre les organes de politique générale et tous les fonctionnaires « afin d’exploiter à fond leur complémentarité », grâce à des mécanismes de coordination.  Une coopération plus étroite entre l’Union africaine et les Nations Unies, pour le déploiement d’une véritable force tampon entre les combattants et les populations civiles, a été perçue par Jan Pronk comme la condition préalable à la conclusion d’un accord de paix.


Nommé chef de négociation à Abuja, le Vice-Président Taha a énuméré, à son tour, les aspects humanitaires, socioéconomiques, politiques et de sécurité d’un règlement pacifique du conflit au Darfour.  Il a aussi estimé que l’assainissement de la situation en matière de sécurité exige une augmentation des capacités de l’Union africaine, en subordonnant le désarmement des combattants à l’appui financier et technique de la communauté internationale.  Il a, par ailleurs, mis en garde contre l’impact négatif que pourrait avoir la suite donnée aux enquêtes sur les violations des droits de l’homme. 


Punir les responsables de crimes graves avant l’instauration de la paix reviendrait à « mettre la charrue avant les bœufs », a soutenu le Président du SPLM/A, avant de répondre à la demande du Conseil d’user de toute son influence au Darfour pour permettre aux discussions d’Abuja de progresser rapidement.  Ma contribution, a-t-il dit, peut prendre deux formes et comme l’a fait avant lui le Vice-Président soudanais, John Garang a expliqué ses suggestions sur la manière d’adapter l’Accord de paix global à la situation au Darfour. « La bonne nouvelle », s’est réjoui, dans ce contexte, le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, est la disposition du Gouvernement soudanais à négocier au Darfour selon les principes de partage des richesses et de fédéralisme qui ont prévalu dans l’Accord de paix global.


Le Président du SPLM/A a d’ailleurs défendu l’autonomie comme le « tribut» qu’il faut payer pour la paix.  Décrivant la deuxième forme que pourrait prendre sa contribution, il a rappelé sa proposition de créer une force tripartite composée d’un effectif total de 30 000 personnes, soit 10 000 fournies par le Gouvernement actuel, 10 000 par son Mouvement et 10 000 par l’Union africaine. 



RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN, PRÉSENTÉ EN APPLICATION DES PARAGRAPHES 6, 13 ET 16 DE LA RÉSOLUTION 1556 (2004), DU PARAGRAPHE 15 DE LA RÉSOLUTION 1564 (2004) ET DU PARAGRAPHE 17 DE LA RÉSOLUTION 1574 (2004) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (S/2005/68)


Ce rapport analyse la façon dont le Gouvernement soudanais et les mouvements rebelles ont respecté leurs obligations et honoré leurs engagements concernant le Darfour pendant les six mois qui se sont écoulés depuis la signature, le 3 juillet 2004, du communiqué commun (S/2004/635, annexe) et depuis l’adoption de la résolution 1556 (2004).  Il dresse également un bilan de la situation humanitaire au Darfour.  Ainsi, le nombre total de personnes affectées par le conflit dont la communauté internationale a connaissance atteint désormais deux millions et demi environ.


Le Secrétaire général affirme que le Gouvernement soudanais a honoré ses engagements et obligations avec une diligence très inégale.  Si l’accès des organismes humanitaires aux populations du Darfour s’est très nettement amélioré grâce à la levée graduelle des restrictions qui pesaient sur la fourniture de l’aide humanitaire, les actions dans le domaine des droits de l’homme sont en revanche loin de correspondre à ce que le Gouvernement avait accepté de faire et à ce que le Conseil de sécurité avait exigé.  Le Gouvernement soudanais s’est montré disposé à progresser dans les pourparlers politiques sur le Darfour, ajoute-t-il, mais les combats se poursuivent sur le terrain et les responsables d’atrocités commises à une échelle massive n’ont toujours pas été punis.  Les milices continuent à se livrer à des attaques et le Gouvernement les a laissé faire, souligne également le Secrétaire général.


Les mouvements de rebelles sont devenus moins coopératifs dans les pourparlers, observe le Secrétaire général.  Certains groupes ont directement entravé les travaux des organismes humanitaires en pillant les véhicules et les camions et en faisant pression sur le personnel national des organisations humanitaires, ou même en enlevant certains de ses membres, des actes qui, bien souvent, ont gravement retardé l’acheminement des secours.  De l’avis du Secrétaire général, l’impossibilité pour les organismes humanitaires d’atteindre les civils qui ont besoin d’aide est due en grande partie à la poursuite des hostilités, mais aussi à la montée du banditisme et à l’ingérence des forces armées des deux parties.  Les travailleurs humanitaires sont de plus en plus victimes de menaces ou d’actes d’intimidation aux mains des forces du Gouvernement ou des forces rebelles, indépendamment des dangers auxquels ils sont exposés par suite des opérations militaires, du banditisme et des vols à main armée.


Si le déploiement de la mission de l’Union africaine a permis d’accorder une certaine protection aux habitants du Darfour, il n’a empêché ni les parties ni les milices de violer le cessez-le-feu et d’attaquer les civils.  Ces violations non seulement compromettent la sécurité des habitants du Darfour mais à maintes reprises elles ont également interrompu la progression des pourparlers politiques.  Le Secrétaire général a suggéré qu’à l’avenir les pourparlers d’Abuja dissocient les questions de sécurité et humanitaires des questions politiques, pour permettre aux parties de réfléchir à ce que seront les institutions chargées d’appliquer un accord.  L’application d’un accord global de paix créerait un ensemble de tâches

dont serait chargée l’opération* proposée des Nations Unies de soutien à la paix, estime le Secrétaire général qui, indique-t-il, en recommandera la création au Conseil.  Cette opération viserait à éliminer les causes profondes du conflit dans l’ensemble du Soudan et à faciliter, au nom de l’ensemble du système des Nations Unies, l’établissement dans tout le pays d’une paix durable.


Les synergies et les interactions entre l’application de l’Accord global de paix et la situation au Darfour font qu’une coordination effective entre les activités de l’Organisation des Nations Unies et de l’Union africaine au Soudan sont plus essentielles encore que jamais, constate le Secrétaire général, qui précise que son Représentant spécial, avec les dirigeants de l’Union africaine a commencé à travailler à une stratégie commune des deux organisations afin de rétablir la paix et la sécurité au Darfour.


Le Secrétaire général rappelle par ailleurs que la Commission internationale d’enquête** établie par la résolution 1564 (2004), du 18 septembre 2004, a commencé son travail le 25 octobre.  Après un peu plus de trois mois, son rapport a été présenté aux Nations Unies et au Gouvernement soudanais avant sa publication intégrale.  Ses conclusions, dit-il, ont de graves conséquences quant à la responsabilité des hauts fonctionnaires du Gouvernement soudanais, et ses recommandations devront être examinées avec soin par le Conseil au moment où il déterminera ce qu’il faut faire pour venir enfin à bout des exactions commises au Darfour et de l’impunité de leurs auteurs.  Certaines de ses recommandations aux autorités soudanaises peuvent et doivent être appliquées immédiatement, et notamment l’accès libre du Comité international de la Croix-Rouge et des observateurs des droits de l’homme des Nations Unies à toutes les personnes détenues en rapport avec la situation au Darfour.


* Rapport (S/2005/57), voir Communiqué CS/8305 en date du 4 février 2005


** Lettre du 31 janvier adressée par le Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité, transmettant le rapport de la Commission internationale d’enquête pour le Darfour (S/2005/68)


Déclaration présidentielle


Nous sommes honorés de la présence du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies à cette importante réunion publique sur la situation au Soudan.  Votre présence parmi nous, Monsieur le Secrétaire général, témoigne une nouvelle fois de votre sincère volonté de parvenir à un règlement du conflit au Soudan. Je voudrais ajouter que cette réunion est due à votre initiative, et nous vous en remercions.


Au nom du Conseil de sécurité, je remercie le Vice-Président Taha et M. John Garang, nos invités, acteurs clefs de la situation complexe qui prévaut en République du Soudan à cette phase critique de son développement, d’avoir accepté de venir à New York afin de participer à une discussion franche et directe sur cette question, et je leur souhaite chaleureusement la bienvenue.


Je remercie également de sa présence l’Ambassadeur Baba Gana Kingbe, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine au Soudan.


Tout d’abord, je voudrais insister sur le respect absolu par le Conseil de la souveraineté, de l’unité, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale du Soudan.  Aucun effort ne doit être épargné pour que le peuple soudanais soit favorable à l’unité.


La signature, le 9 janvier, de l’Accord de paix global entre le nord et le sud a été un moment historique pour le Soudan.  Vice-Président Taha et Monsieur Garang, nous apprécions à sa juste valeur le rôle inestimable que vous avez joué pour permettre cet accord.  Nous félicitons toutes les parties qui ont contribué ainsi à l’aboutissement du processus de négociation de Naivasha, en particulier l’Autorité intergouvernementale pour le développement pour sa médiation constructive.  Le Conseil estime que tout devrait être mis en œuvre pour conserver la dynamique actuelle et appliquer l’Accord de paix global afin de parvenir à une véritable réconciliation nationale.  Nous accueillons avec satisfaction la ratification rapide de l’Accord par le Parlement soudanais.


Le moment est particulièrement propice et l’ensemble de la population du Soudan devrait saisir l’occasion qui se présente pour engager le pays sur un chemin débouchant sur une paix solide et durable.  Il est indispensable que toutes les parties soient déterminées à appliquer de bonne foi cet accord de paix global, et il importe qu’elles agissent de telle façon que la responsabilité du processus de paix soit véritablement assumée par le pays.


Le Conseil se félicite de la volonté d’appropriation dont les parties soudanaises ont fait preuve en parvenant à l’Accord de paix global.  Il espère qu’elles montreront la même volonté d’appropriation dans l’application de l’Accord.


D’autre part, le Conseil est pleinement conscient de la responsabilité considérable de la communauté internationale, qui doit aider les parties soudanaises à rester sur le chemin sur lequel elles se sont engagées.  Il est déterminé à prendre des mesures afin d’encourager la communauté internationale à appuyer et à consolider le processus de paix, et de lui permettre de jouer son rôle.


Le Conseil a déjà lancé un appel en faveur d’une assistance à la reconstruction et au développement, et notamment a fait sienne l’initiative du Gouvernement norvégien d’organiser à Oslo une conférence de donateurs consacrée à la mobilisation de ressources, sous réserve que les parties s’acquittent de l’ensemble de leurs engagements.


De même, les membres du Conseil ont commencé à rédiger une résolution afin de traiter en détail tous les aspects de la situation au Soudan, et en particulier de déterminer les conditions de création d’une opération des Nations Unies à l’appui du processus de paix afin de contribuer à l’application de l’Accord de paix global.


Cette opération de maintien de la paix, qui serait créée au titre du Chapitre VI de la Charte, serait composée de nombreux éléments différents intégrés de façon à répondre aux besoins actuels du Soudan.  Elle aurait un rôle vital à jouer en faveur de la réconciliation nationale.


Le Conseil de sécurité reste profondément préoccupé par la situation au Darfour.  Aucun effort ne devrait être épargné pour tirer au maximum parti de l’impact positif que l’Accord de paix entre le nord et le sud devrait avoir sur le conflit au Darfour.  Nous exhortons toutes les parties à rechercher un règlement politique global et durable, et notamment à adopter rapidement une déclaration de principes en vue de mettre fin aussi rapidement que possible au conflit.


Le Conseil exprime sa désapprobation à l’égard des violations du cessez-le-feu et de la poursuite des actes de violence au Darfour, en particulier des actes dont il a été fait état aux cours des dernières semaines.  Il renforce les engagements pris par les parties dans le cadre de l’Accord de cessez-le-feu de N’Djamena du 8 avril et des protocoles d’Abuja du 9 novembre.  La poursuite des violations de ces accords contraignants met sérieusement en doute la détermination des parties à parvenir à un règlement pacifique de la crise.


La poursuite des attaques contre les civils, le fait de prendre les travailleurs humanitaires pour cible et les attaques qui ont été lancées contre des observateurs de l’Union africaine sont totalement inacceptables.  Il est absolument essentiel d’y mettre fin et de veiller à ce qu’elles ne se reproduisent plus.  Nous exhortons les autorités soudanaises, à tous les niveaux, ainsi que tous les rebelles à respecter pleinement les exigences énoncées par le Conseil dans ses résolutions 1556 (2004), 1564 (2004) et 1574 (2004).


Les membres du Conseil sont révoltés par les graves crimes commis au Darfour en violation du droit international et décrits dans le rapport de la Commission d’enquête internationale.  Ils demandent à toutes les parties de mettre immédiatement fin à la violence et aux attaques contre des civils.  Le Conseil condamne sans réserve les graves violations des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et du droit international humanitaire commises au Darfour.  Il se déclare résolu à s’attaquer à l’impunité et à traduire en justice les auteurs de ces crimes.


Le Conseil insiste à nouveau sur le rôle essentiel que le personnel chargé de s’assurer du respect des droits de l’homme joue au Darfour.  Il est convaincu que des mesures doivent être prises pour en accroître rapidement le nombre et mettre en place un système permettant véritablement d’obtenir des preuves sur les violations commises et y faire face.  Compte tenu de la diversité d’organismes des Nations Unies participant aux activités de protection, le Conseil estime que le Représentant spécial du Secrétaire général doit assumer avec énergie la direction et la coordination des activités.


Le Conseil appuie sans réserve le rôle constructif et fondamental que continue de jouer l’Union africaine dans le cadre des efforts déployés par la communauté internationale pour mettre fin au terrible conflit du Darfour.  La mission de l’Union africaine au Darfour doit faire face à des situations très difficiles pour assurer son rôle de protection militaire et d’observation sur le terrain. La poursuite de sa participation et de son engagement, de même que le rôle politique qu’elle joue en facilitant les négociations à Abuja (Nigéria) sont essentiels. Nous continuons de lui offrir notre soutien sans réserve à cet égard.


Les membres du Conseil appuient la recommandation du Secrétaire général afin que la mission des Nations Unies envisagée coopère avec l’Union africaine, appuie ses efforts, et favorise et appuie le règlement des conflits actuels au Soudan, notamment au Darfour et, ce, en étroite collaboration avec l’Union africaine.  Elle devrait renforcer le rôle global de l’Union africaine au Soudan.


Nous encourageons les donateurs internationaux à appuyer davantage, selon qu’il convient, les efforts de l’Union africaine. Le Conseil est prêt à appuyer des mécanismes qui pourraient permettre à la Mission des Nations Unies de fournir à l’Union africaine l’appui logistique et administratif dont elle pourrait avoir besoin.  Le Conseil espère que la Mission des Nations Unies et la Mission de l’Union africaine au Darfour coordonneront étroitement leurs interventions. Les deux parties devraient s’efforcer d’instaurer entre elles une étroite coopération.


Je voudrais remercier M. Kingbe, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine au Soudan, et ses collaborateurs, de leur engagement et leur faire part de nos encouragements.  Nous les exhortons à faire tout leur possible pour assurer au mieux la coordination avec la Mission des Nations Unies sur le terrain.


Le Conseil demande à toutes les parties de coopérer pleinement avec la Mission de l’Union africaine, de lui permettre de se déplacer librement et d’assurer sa sécurité dans toutes les régions du Darfour.


En l’absence de progrès politique, la situation au Darfour ne pourra que se détériorer davantage encore. Une telle détérioration n’est dans l’intérêt de personne car elle est susceptible de porter atteinte à l’application de l’Accord de paix global et de constituer un grave danger pour l’avenir du pays. Nous exhortons toutes les parties à reprendre de bonne foi les négociations à Abuja.


Le Conseil se félicite de la décision du Gouvernement soudanais de vous charger, Vice-Président Taha, de diriger l’équipe de négociation à Abuja.  Nous vous exhortons à assumer cette nouvelle responsabilité avec la même détermination que celle dont vous avez fait preuve lors des négociations Nord-Sud.  Par ailleurs, nous vous demandons, Monsieur Garang, d’utiliser votre pouvoir et toute votre influence au Darfour pour permettre aux discussions d’Abuja de progresser rapidement et, à cet égard, de travailler en étroite coopération avec le Vice-Président.


Déclarations


M. ALI OTHMAN TAHA, Vice-Président du Soudan, a remercié le Conseil pour l’intérêt qu’il porte à la question du Soudan, qui l’a amené à organiser une réunion exceptionnelle à Nairobi l’année dernière.  Il a rappelé qu’il s’était engagé à cette occasion à signer un Accord de paix global avant la fin de l’année, ce qui a été fait le 9 janvier 2005.  Il a indiqué que l’Accord avait été ratifié par le Parlement soudanais et que sa mise en œuvre a débuté conformément au calendrier fixé.  Il a assuré le Conseil de la pleine coopération de son gouvernement pour discuter des détails de la mission de soutien à la paix que les Nations Unies envisagent de déployer au Soudan, pour appuyer la mise en œuvre de l’Accord de paix global.  Rappelant l’engagement pris par le Conseil d’aider le Soudan, y compris financièrement, une fois l’Accord de paix signé, il a salué l’initiative prise par le Gouvernement norvégien d’organiser une conférence de donateurs à Oslo.  M. Taha a souhaité que les bailleurs de fonds se montrent généreux à cette occasion.  Il a également demandé la levée des sanctions économiques et commerciales pesant sur son pays, ainsi que l’annulation de la dette extérieure multilatérale et bilatérale, afin de permettre à son gouvernement de consacrer davantage de ressources aux services sociaux et de mieux lutter contre la pauvreté.


Le Vice-Président a indiqué que l’Accord global traitait des causes profondes du conflit Nord-Sud, mais ne négligeait pas pour autant les autres régions du pays, en établissant un gouvernement démocratique, attaché à l’état de droit, à la justice et à la bonne gouvernance, reposant sur un système décentralisé et prévoyant une répartition équilibrée des recettes des ressources naturelles.  En assurant une répartition équitable des pouvoirs et des richesses, cet Accord permettra que la paix règne dans l’ensemble du pays, a-t-il ajouté, en décrétant l’année 2005, année de la paix pour tout le Soudan. 


Le Président du Soudan lui a confié personnellement le dossier Darfour, région qu’il vient tout juste de visiter, a indiqué M. Taha.  Il s’est dit convaincu de la nécessité de parvenir à une solution politique au conflit et a exposé ses propositions pour mettre fin à la violence.  Dans le domaine humanitaire, il a estimé que son gouvernement n’avait ménagé aucun effort, concluant des accords avec les Nations Unies, ainsi qu’avec les groupes armés, de manière à lever tous les obstacles à l’action humanitaire.  Il a toutefois reconnu que ces efforts avaient pu être temporairement entravés, du fait de la faiblesse des ressources, de mauvaises conditions météorologiques ou encore du non-respect du cessez-le-feu par les mouvements rebelles.


Concernant la sécurité, M. Taha a noté une amélioration au Darfour, mais a estimé que des progrès pouvaient encore être faits, à condition d’accroître les capacités de la force de l’Union africaine, de procéder au désarmement, avec l’appui de la communauté internationale, d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et de punir leurs auteurs.  Il a indiqué à cet égard qu’en signe de bonne volonté, une commission avait été mise en place par son gouvernement, dirigée par le Président de la Cour suprême.  Il a dit avoir pris bonne note du rapport de la Commission d’enquête internationale et a livré des observations dont il espère que le Conseil de sécurité tiendra compte.  Il a également estimé qu’il fallait libérer les détenus arrêtés au Darfour sans preuve.  M. Taha a souhaité que les auteurs de crimes rendent compte de leurs actes devant la justice mais, a-t-il prévenu, cela ne doit pas compromettre un règlement pacifique de la question.  Il a réaffirmé son attachement aux pourparlers de paix d’Abuja.


Dans le domaine socioéconomique, le Vice-Président soudanais a estimé qu’on ne pourrait trouver une solution durable au conflit au Darfour sans une coexistence pacifique entre les habitants de la région.  Il a préconisé la réorganisation des liens tissés entre les populations en tenant compte de l’histoire et du patrimoine régional, le rapatriement des déplacés et la réhabilitation de l’infrastructure sociale et économique.  Il a enfin souhaité une réparation des dommages causés par le conflit.


Dans le domaine politique, M. Taha a rappelé les principes de base qui guident l’action de son gouvernement et qui ont présidé à la signature de l’Accord Nord-Sud.  Ces principes, a-t-il poursuivi, reposent sur le fédéralisme, chaque État fédéré disposant de sa propre constitution et de pouvoirs économiques accrus, d’institutions judiciaires et politiques démocratiques.  L’unité du Soudan doit se fonder sur la pluralité sociale et culturelle du pays, qui doit être vue comme un atout, a-t-il déclaré, en préconisant une répartition équitable des richesses entre les différents États et la mise en place d’une commission du développement et de la reconstruction, ayant une action à long terme. 


Cette intervention devant le Conseil de sécurité témoigne, a-t-il déclaré, de la volonté de son gouvernement de trouver une solution politique au conflit au Darfour, en respectant les principes démocratiques de décentralisation et de bonne gouvernance.  Il s’est félicité en conclusion des efforts de la communauté internationale, notamment de l’Union africaine et des Nations Unies.


M. JOHN GARANG DE MABIOR, Président du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (SPLM/A), a rappelé qu’il a fallu 10 ans aux parties pour s’entendre sur une Déclaration de principe, en 1994, qui a heureusement été suivie l’Accord de Machakos en 2002 et ensuite par les négociations intenses à Naivasha.  L’Accord de paix global, s’est-il réjoui, est un produit réellement soudanais facilité par un effort de médiation africaine et avec la participation de la communauté internationale dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège.  Il s’est dit ravi mais non surpris par l’appui de la population soudanaise comme en atteste la ratification unanime de l’Accord par le Parlement.  Se déclarant fier de cette appropriation nationale de l’Accord, M. Garang a rappelé que les parties ont convenu que la maîtrise nationale du processus de paix et le dialogue constant sont les éléments indispensables pour une paix durable.  Les parties doivent travailler ensemble pour respecter et appliquer le cessez-le-feu, a-t-il insisté. 


En préparant la mise en œuvre de l’Accord de paix global, le SPLM/A a créé plusieurs mécanismes pour transformer ses organes d’opposition armée en institutions de bonne gouvernance, a-t-il affirmé avant d’attirer l’attention sur les discussions en cours avec le Gouvernement soudanais concernant l’envoi de cellules du Mouvement dans les différentes régions désignées pour faciliter la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Ces deux entités évaluent les projets de leurs missions d’évaluation en prévision du document commun qui sera présenté prochainement à la conférence de donateurs prévue à Oslo le mois prochain.  Un premier projet de constitution, a-t-il aussi annoncé, est en cours d’élaboration et constituera l’instrument le plus important pour initier les activités du Gouvernement d’unité nationale.  Le Président du SPLM/A a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle apporte des contributions généreuses lors de la Conférence des donateurs.


L’Accord de paix qui s’accompagne de nombreux défis doit être traduit en avantages réels et tangibles, a-t-il poursuivi, en pointant du doigt le danger que représente le retour des réfugiés et des personnes déplacées avant la mise en place des services adéquats.  Le Président du Mouvement a donc demandé à la communauté internationale d’agir rapidement pour assister le pays à s’acquitter de la tâche énorme de retour et de réinsertion des personnes concernées.  Le Mouvement a besoin de beaucoup d’aide pour honorer ses engagements en vertu de l’Accord de paix, a-t-il dit, en appuyant le déploiement d’une mission des Nations Unies.  Dans ce contexte, il a demandé qu’un représentant du SPLM/A soit placé au Siège des Nations Unies pour discuter des détails de la mission, en particulier des questions liées aux effectifs, à la taille de la mission, à l’origine des pays contributeurs.  Le Président du SPLM/A a aussi souligné que le principe d’un pays, deux systèmes, consacré par l’Accord de paix est la meilleure manière de parvenir à la justice et l’égalité pour tous les Soudanais qu’ils soient d’ascendance arabe ou africaine ou de religion musulmane ou chrétienne.  Un tel système, a-t-il affirmé, exprime la volonté du peuple soudanais et le système des Nations Unies doit la respecter.


Concluant sur la paix au Darfour et dans l’est du Soudan, M. Garang a rappelé sa déclaration selon laquelle la recherche de la victoire militaire s’avèrerait vaine.  Le SPLM/A, qui a conclu son propre accord de paix, est optimiste et pense que l’Accord de paix global renforce les chances d’un règlement pacifique dans ces parties du pays, a-t-il confié, en prônant un dialogue positif entre les parties et le respect de leurs engagements de mettre fin aux hostilités.  Les responsables de crimes graves, a-t-il néanmoins prévenu, doivent être punis mais seulement une fois que la paix sera instaurée.  Procéder autrement reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs, a-t-il estimé.  Faisant valoir l’obligation morale et politique de son Mouvement de contribuer à la réalisation de la paix, le Président du SPLM/A a indiqué que sa contribution peut prendre deux formes et d’abord la présentation de propositions sur la manière d’adapter l’Accord de paix global à la situation au Darfour et dans l’est du pays à s’engager à accepter l’Accord de paix global comme base d’un règlement et d’adopter un calendrier de négociations sur l’autonomie, le partage des ressources ou encore les arrangements en matière de sécurité. 


Le Président du Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan a, en effet, estimé que l’autonomie sera le tribut à payer pour la paix.  Quant à la deuxième forme que peut prendre sa contribution, il a rappelé sa proposition de créer une force tripartite composée de 10 000 personnes du Gouvernement actuel, de 10 000 personnes de son Mouvement et de 10 000 personnes de l’Union africaine.  Il a enfin rejeté la politique consistant à conditionner la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix global à la réalisation de la paix au Darfour.  Ce serait, a-t-il dit, punir et le sud du Soudan et le Darfour avec, pour conséquence, de les acculer à reprendre la guerre.  Ce qu’il faut faire, a-t-il préconisé, c’est mettre en œuvre l’Accord de paix et œuvrer parallèlement à la paix dans la région du Darfour.


M. JAN PRONK, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, présentant le rapport du Secrétaire général sur le Darfour, a fait remarquer qu’au cours des six derniers mois, le Gouvernement soudanais a honoré ses engagements de manière très inégale.  Il a ajouté que la situation humanitaire s’était améliorée mais qu’en ce qui concernait les droits de l’homme, les mesures de lutte contre l’impunité n’avaient pas produit les effets escomptés.  La violence a repris, les milices ont continué leurs attaques et les mouvements rebelles se sont montrés de moins en moins coopératifs, violant à plusieurs reprises le cessez-le-feu, a-t-il indiqué.


Regrettant de devoir dresser un tableau si sombre, M. Pronk s’est interrogé sur les raisons de l’impasse actuelle, se demandant si la communauté internationale était suffisamment intervenue.  Il a expliqué que le conflit au Darfour était bien plus complexe qu’une simple guerre civile et qu’il s’agissait d’une lutte pour la survie de modes de vie différents, africain et arabe, dans lequel entrent par ailleurs en jeu des questions d’accès à l’eau et de pression démographique.  Ce n’est pas un conflit nouveau, il remonte à plusieurs décennies et présente certains aspects d’un conflit de classe, a-t-il dit.  Ce n’est pas un conflit religieux mais il a été exacerbé par les dirigeants spirituels, a-t-il poursuivi, ajoutant que c’était également un conflit politique entre les tenants traditionnels du pouvoir et ceux qui ont été désignés par le Gouvernement pour moderniser les choses. 


Rappelant ses mises en garde contre une possible dérive vers l’anarchie, le Représentant spécial a indiqué que l’opération de sécurisation menée en décembre par le Gouvernement soudanais au Darfour avait fait capoter les négociations d’Abuja et avait laissé libre cours aux milices, que le Gouvernement n’a rien fait pour arrêter.  Il semble qu’une main invisible guide ces milices, a-t-il déclaré.  Il a noté que la Commission d’enquête internationale avait conclu qu’il n’y avait pas de génocide en cours au Darfour, mais a rappelé qu’elle avait fait état de violations massives des droits de l’homme, qui se produisent encore dans la région.  Présent il y a 10 jours au Darfour, M. Pronk a dit avoir été témoin des conséquences de la campagne de purification ethnique qui a touché, le mois dernier, des dizaines de villages, sans que le Gouvernement ne fasse rien pour mettre un terme à cette violence et pour traduire ses auteurs en justice.


Il a dit espérer avec impatience une percée et a fait part de plusieurs bonnes nouvelles, à commencer par l’engagement du Gouvernement soudanais à négocier au Darfour selon les principes de l’Accord Nord-Sud, à savoir le partage des richesses et le fédéralisme.  Il s’est par ailleurs dit rassuré par le fait que les dirigeants rebelles semblent réellement préoccupés par le sort des populations qu’ils disent représenter.  Il a proposé, pour accroître l’efficacité des pourparlers d’Abuja, de dissocier le volet politique des volets humanitaire et cessez-le-feu.  Il s’est enfin félicité de l’excellent travail de la mission d’appui à la paix de l’Union africaine, composée de militaires dévoués qui n’hésitent pas à prendre des risques pour éviter une détérioration de la situation.  Il a cependant déploré la lenteur du déploiement de cette force, estimant qu’il était nécessaire d’établir une force robuste capable d’assurer la protection et le retour des 1,5 million de déplacés.  Si le calme revient au Darfour, c’est tout le pays qui en profitera, a déclaré M. Pronk, en souhaitant une coopération plus étroite entre l’Union africaine et les Nations Unies, afin de mettre en place une force robuste qui puisse jouer le rôle de tampon entre les combattants et les populations civiles.  Ce n’est qu’avec une telle force qu’un accord de paix pourra être conclu, a-t-il ajouté.  Il a fallu 10 ans pour négocier l’Accord de paix Nord-Sud, mais espérons qu’au Darfour, un tel accord puisse être signé en 10 mois, a conclu le Représentant spécial, en se donnant jusqu’à la fin de l’année 2005 pour mettre un terme au conflit.


M. BABA GANA KINGIBE, Représentant spécial du Président de la Commission de l’Union africaine au Soudan, a souligné le rôle crucial qu’auront à jouer le Vice-Président soudanais et le Président du SPLM/A pour l’avenir du pays.  L’Accord de paix global ouvre un nouveau chapitre au Soudan, a-t-il dit, en ajoutant que la séance du Conseil de sécurité doit signaler au peuple soudanais les attentes de la communauté internationale pour régler rapidement les questions en suspens.  Il a, en conséquence, noté avec satisfaction les recommandations qui figurent dans le rapport du Secrétaire général concernant la Mission d’appui des Nations Unies.  L’approche unifiée qui y est défendue est un élément vital pour les relations de travail entre les Nations Unies et l’Union africaine, a-t-il souligné.  Il a ainsi confirmé les discussions en cours visant à renforcer la coopération entre les missions des deux organisations mais aussi entre les organes de politique générale et tous les fonctionnaires pour exploiter à fond leur complémentarité, grâce à des mécanismes de coordination.  


Le Représentant spécial a aussi salué les deux autres derniers rapports du Secrétaire général qu’il a dit conformes aux conclusions de l’Union africaine.  Il a partagé les préoccupations quant aux violations de l’Accord de cessez-le-feu.  Il a indiqué que depuis l’arrivée de troupes supplémentaires, la situation s’est calmée avant de se féliciter de « l’engagement solennel » du Vice-Président à veiller à rétablir la paix le plus rapidement possible.  Donnant les détails du renforcement des capacités de l’Union africaine, le Représentant spécial a indiqué qu’avec le soutien des donateurs, l’Union africaine mettra tout en œuvre pour accélérer le déploiement de tous les effectifs prévus avant la fin avril 2005.  Néanmoins, a-t-il prévenu, seuls les Soudanais du Darfour peuvent mettre fin à la crise.  Il a regretté, en l’occurrence, le peu d’empressement des parties à trouver un règlement pacifique à la crise.  Il a demandé que les efforts de la communauté internationale en ce sens se poursuivent activement.


Nous ne pouvons ignorer qu’avant cette séance, le rapport de la Commission d’enquête internationale a été présenté récemment au Secrétaire général, a poursuivi le Représentant spécial qui s’est dit inquiet des propos tenus avant lui.  Quel que soit le nom que l’on donne aux crimes commis, ils sont odieux et ne peuvent jouir d’impunité, a-t-il tranché, en montrant du doigt le fait que les responsables puissent échapper à la justice, compte tenu des blocages sur la désignation des instances les plus appropriées pour les juger.  Il s’est félicité des mesures annoncées ce matin par le Gouvernement soudanais.  Les jours qui suivent seront critiques pour la recherche de la paix au Darfour et la mise en œuvre de l’Accord de paix global, a-t-il conclu, en saluant l’initiative de la Norvège d’organiser une Conférence des donateurs et en demandant à toute la communauté internationale de contribuer aux différents fonds qui seront créés.  


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