TSUNAMI: CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT À LA COORDINATION DES AFFAIRES HUMANITAIRES, JAN EGELAND, 1er JANVIER 2005
Communiqué de presse Conférence de presse |
CONFÉRENCE DE PRESSE DE JAN EGELAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL ADJOINT AUX AFFAIRES HUMANITAIRES, SUR SON VOYAGE AU SOUDAN
« 2005 est l’année du Soudan », a déclaré cet après-midi Jan Egeland, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, au cours d’une conférence de presse au Siège des Nations Unies à New York. Rentré la veille d’un voyage de quatre jours à Khartoum, au Darfour et dans le sud du pays, il a estimé que le Soudan était l’un des endroits au monde où le plus grand nombre de vies humaines était en jeu, avec six millions de déplacés, « cinq fois plus qu’après le tsunami de l’océan Indien », a-t-il précisé. « En 2005, ça passe ou ça casse », a lancé M. Egeland en référence à la mise en œuvre de l’Accord de paix Nord-Sud et au conflit du Darfour (dans la région ouest).
Le Secrétaire général adjoint a tenu à en finir avec un mythe qui a la vie dure; celui de l’inaction de la communauté internationale au Darfour. « C’est faux », a-t-il déclaré, en citant les 10 000 travailleurs humanitaires présents sur place, représentants d’ONG, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et du système des Nations Unies, qui risquent leur vie chaque jour. Il a indiqué qu’à la différence du Rwanda où, en 1994, la communauté internationale s’était lâchement retirée, la communauté humanitaire est présente au Darfour, ainsi que les soldats de l’Union africaine, même s’ils sont arrivés plus tardivement. Passant en revue sa visite au camp de réfugiés de Kalma, dans la province du Sud-Darfour, autrefois considéré comme le symbole de la négligence internationale, et qui regroupe aujourd’hui plus de 100 000 personnes, il a précisé que, grâce au travail remarquable des travailleurs humanitaires, la situation en matière de sécurité y était désormais sous contrôle et que la situation alimentaire et sanitaire et le secteur de l’éducation s’étaient considérablement améliorés. En revanche, les violences se poursuivent à l’extérieur des camps, a-t-il nuancé, en citant notamment le rapport publié il y a deux jours par l’ONG Médecins sans frontières sur les viols au Darfour.
M. Egeland a voulu « tordre le cou » à un autre mythe, celui de l’inefficacité de la mission de l’Union africaine. « C’est un énorme succès là où elle est déployée », a-t-il affirmé, déplorant que seules 2 000 troupes aient été déployées, alors qu’il en faudrait 10 000, « au moins autant que les travailleurs humanitaires ». Il a estimé que si l’on parvenait à déployer une force africaine conséquente, la diminution de la violence serait immédiate.
« Les perspectives sont très sombres pour le Darfour », a admis le Secrétaire général adjoint, ajoutant que le conflit paralysait les éleveurs nomades ainsi que les cultivateurs, ce qui pourrait se traduire par une grave crise alimentaire. Au lieu des deux millions de déplacés actuels, on pourrait avoir trois à quatre millions de personnes à nourrir dans les mois à venir, a-t-il précisé.
Il a estimé que la situation était très différente au Sud-Soudan où, après la signature d’un accord de paix historique, grâce à une diplomatie énergique, le problème de la sécurité était relativement réglé. En revanche, a-t-il ajouté, la région ne bénéficie pas des sommes d’argent investies au Darfour. Un tiers de l’argent nécessaire pour le Darfour a été reçu –soit 261 millions de dollars sur 691 millions, essentiellement pour des besoins alimentaires et versés principalement par les États-Unis-, contre 5% seulement pour le Sud-Soudan sur un total de 563 millions de dollars. Les donateurs ne prennent pas de décision, et cela revient à jouer au poker avec la paix, a-t-il déploré, ajoutant que, sans argent, on ne pourrait assurer le retour des centaines de milliers de déplacés, ni mener à bien la réinsertion de dizaines de milliers d’anciens combattants et d’enfants soldats, qui seront alors tentés de reprendre les armes. « Je rentre du Sud-Soudan porteur d’espoir, mais la fenêtre d’opportunités est en train de se refermer », a-t-il prévenu en annonçant le début de la saison des pluies, pendant les mois de mai et juin, qui empêchera toute circulation dans la région. « Un dollar versé aujourd’hui vaut deux fois plus qu’un dollar versé en juin », a-t-il plaidé.
Interrogé sur le blocage des discussions au Conseil de sécurité sur la Cour pénale internationale et sur les sanctions, M. Egeland a défendu le rôle du Conseil, estimant que c’est grâce à sa résolution que l’accès de l’aide humanitaire à la région avait été garanti l’année dernière. Il a espéré que le Conseil maintiendra la pression sur le Gouvernement soudanais, aussi bien que sur les rebelles. Il s’est prononcé en faveur de sanctions, tout en indiquant qu’il n’était pas qualifié pour en préciser la nature. Il a estimé que l’impunité ne devait plus être autorisée au Darfour en 2005.
Répondant à une question sur le mandat de l’Union africaine, M. Egeland a estimé que les soldats de l’Union africaine prenaient souvent plus de risques que ceux de l’ONU, n’hésitant pas à se déployer dans les zones les plus dangereuses. Leur mandat, bien que limité, les autorise à avoir recours à la force pour se défendre et également, selon lui, pour défendre les civils. Il a estimé que les États-Unis et l’Union européenne avaient jusqu’à présent fait trop peu et agi trop tard pour aider au déploiement de la force de l’Union africaine. Il a parallèlement lancé un appel aux pays africains pour qu’ils fournissent davantage de troupes à la mission dans les plus brefs délais, estimant que l’Afrique ne manquait pas de soldats capables. Déplorant l’improvisation dans le déploiement de la force, il a estimé qu’on avait besoin maintenant, et pas dans six mois, de 10 000 hommes pour rétablir la sécurité, patrouiller le long des routes, et accompagner les femmes quand elles vont chercher du bois.
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