Conférence de presse

CONFÉRENCE DE PRESSE SUR LE RAPPORT DE LA COMMISSION POUR L’AFRIQUE

11/03/2005
Communiqué de presse
Conférence de presse


                                                            11 mars 2005


CONFÉRENCE DE PRESSE SUR LE RAPPORT DE LA COMMISSION POUR L’AFRIQUE


« Le rapport de la Commission pour l’Afrique, qui a été publié ce matin exprime sans détour les responsabilités des pays développés et de ceux en développement en ce qui concerne la situation de l’Afrique », a déclaré aujourd’hui la Baronne Valerie Amos, Leader de la Chambre des Lords et Représentante du Premier Ministre Tony Blair, en présentant aujourd’hui ce document au cours d’une conférence de presse au Siège des Nations Unies.  La Baronne Amos était à cette occasion entourée de MM. Emyr Jones Parry, Représentant permanent du Royaume-Uni, et William Kalema, Président du Conseil de la Société d’investissements de l’Ouganda.  


Mme Amos a indiqué que le rapport entrait dans un processus qui comprend aussi l’évaluation par l’ONU de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), la mise en œuvre des engagements pris à Monterrey pour le financement du développement et le déroulement des négociations commerciales du Cycle de Doha qui se déroulent à l’OMC.  À l’heure actuelle, a-t-elle fait remarquer, les études menées montrent que seule  l’Afrique sera incapable de réaliser les OMD sur le calendrier requis.  Aussi M. Tony Blair a-t-il décidé de centrer la Présidence britannique du G-8 et de l’Union européenne sur l’Afrique et sur la question des changements climatiques, a indiqué la Baronne Amos. 


M. Kalema a déclaré être encouragé par le ferme appui apporté au Rapport par Mark Malloch-Brown, l’Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement.  M. Kalema a par conséquent invité les médias à le lire attentivement.  En réponse à une question sur la paix et la sécurité, qui sont mentionnées dans le rapport, M. Kalema a répondu que la création de capacités de prévention et de gestion des conflits nécessitait des ressources et qu’il faudrait créer un panel permanent d’experts chargé d’examiner les liens qui existent entre les conflits et l’exploitation des ressources naturelles et l’impact qu’ont les sanctions.  Dans l’avenir, a-t-il poursuivi, il sera aussi nécessaire d’édicter des directives sur la gouvernance et la transparence des actions prises par les sociétés d’exploitation minière dans les pays et zones sensibles.  Les conflits, a-t-il estimé, résultent bien souvent de faiblesses dans la gouvernance.


Intervenant sur la manière de percevoir les différentes observations et recommandations contenues dans le rapport, la Baronne Amos a déclaré qu’il fallait les prendre comme un tout et non pas vouloir sélectivement en considérer certaines et en remettre d’autres en question.  Un correspondant de presse s’étant inquiété du montant d’aide supplémentaire à l’Afrique requis par les auteurs du rapport, M. Kalema a répondu que la question du montant de l’aide au développement n’avait à ce jour jamais été un facteur décidant du résultat d’une élection dans les pays développés.  Le développement de l’Afrique ne doit pas être perçu comme une œuvre de charité, a-t-il dit en notant que c’était plutôt une question d’intérêt commun.  Prenant l’exemple de la Chine, il a relevé que la prospérité de ce pays profitait aujourd’hui à toute la communauté internationale.  D’autre part, au vu de la masse de l’économie mondiale et des ressources financières qui y circulent, les 25 milliards de dollars d’aide supplémentaire proposé par les auteurs du rapport sont une « goutte dans la mer », a estimé M. Kalema.


La Baronne Amos a dit que le monde avait besoin en ce moment d’actes et de véritables solutions.  Le Gouvernement du Royaume-Uni, a-t-elle rappelé, a proposé la création de la Facilité financière internationale.  Les pays d’Europe membres du G-8 soutiennent cette initiative et la Suède s’y est jointe, a-t-elle précisé.  Il faut maintenant convaincre d’autres pays, a-t-elle ajouté.  D’autre part, a-t-elle encore dit en abordant la question de l’aide publique au développement, les pays scandinaves ont atteint le pourcentage de 0,7% de leur PNB.  Le Royaume-Uni s’efforce d’atteindre ce plafond.  Au rythme actuel il y parviendra en 2013, a-t-elle dit, en notant que les pays développés auraient besoin de mettre en place un certain nombre de mécanismes pour pouvoir verser en 2010 les 25 milliards proposés par les auteurs du rapport, et les 50 milliards de dollars prévus à l’horizon 2015. 


Aperçu du Rapport de la Commission pour L’Afrique


« La pauvreté et la stagnation qui frappent l’Afrique sont la plus grande tragédie de notre temps.  Faire face à une pauvreté d’une telle ampleur exige une réponse ferme et appropriée.  L’Afrique, au niveau de ses pays, de ses régions et du contient tout entier, est en train de créer les bases plus solides qui permettraient de faire face à ses problèmes.  Les années qui viennent de s’écouler ont ainsi vu des améliorations dans la croissance économique et la gouvernance de l’Afrique qui doit cependant accomplir encore plus d’efforts si elle veut faire reculer la pauvreté.  La réalisation de ces objectifs requiert l’établissement d’un solide partenariat entre le continent africain et les pays développés, qui tienne pleinement compte de la diversité de l’Afrique et des spécificités de ses pays et régions ».  C’est par ces mots que la Commission pour l’Afrique*, chargée par la Présidence britannique du Groupe des 8 (G-8) d’examiner les maux qui minent le continent et les remèdes qui pourraient y être portés introduit le rapport intitulé « Notre intérêt commun ».  La Commission a été créée par M. Blair en février 2004 et comprend 17 membres dont la plupart sont Africains.  Son secrétariat est à Londres.


Renforcer les financements, éliminer la dette, instaurer la responsabilité partagée


Notant que l’Afrique doit accélérer le train des réformes qu’elle mène, les experts et personnalités composant la Commission pour l’Afrique appellent le monde développé à aider plus et mieux le continent africain en cette période critique.  Pour que les recommandations qui sont faites dans le rapport puissent être traduites en politiques et actions concrètes, les auteurs du rapport appellent les pays développés à verser 25 milliards de dollars d’aide supplémentaire à l’Afrique à partir de 2010.  « Chaque pays développé devrait s’engager le plus rapidement possible à verser sa part de cette aide.  Après une évaluation des progrès accomplis, une nouvelle augmentation de 25 milliards de dollars prendrait effet à partir de l’année 2015, ce qui porterait alors l’augmentation annuelle de l’aide à l’Afrique à 50 milliards de dollars », proposent les experts et personnalités. 


En ce qui concerne le cadre et les procédures de versement de cette aide, ils insistent sur la nécessité d’améliorer sa qualité: l’aide devra ainsi être essentiellement versée sous forme de dons; elle devra être prévisible et non liée, tout en étant débarrassée des contraintes que son versement et sa gestion imposent à des administrations africaines aux capacités et aux ressources déjà limitées.  Les changements à effectuer devront aussi s’opérer au sein des institutions financières multilatérales et régionales.  Ainsi, les auteurs du rapport recommandent un renforcement des structures, des missions et du rôle de la Banque africaine de développement et de la Commission économique pour l’Afrique. 


Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale devront quant à eux donner une plus grande priorité au développement de l’Afrique à qui ils devront aussi accorder plus de voix dans leurs procédures de décision.  Les changements à opérer au sein des institutions de Bretton Woods devront aussi les obliger à rendre compte de leurs politiques aux États qui sont leurs clients et à leurs actionnaires, soulignent les auteurs du rapport.  


En ce qui concerne l’aide publique au développement, ils rappellent aux pays développés l’engagement qu’ils avaient pris de verser 0,7% de leur produit national brut à l’APD et leur demandent de prendre les mesures qui leur permettraient de verser ces sommes à la Facilité financière internationale dont le Royaume-Uni a proposé la création.  Des formes novatrices de mobilisation de fonds sont possibles, indiquant les auteurs du rapport en proposant, entre autres, la création d’un petit surplus financier sur les billets d’avion.  Abordant la question essentielle de la dette, ils soutiennent l’annulation pure et simple le plus rapidement possible de la dette des pays d’Afrique subsaharienne.  Cette mesure doit être étendue à tous les pays, y compris ceux qui n’ont été élus à aucune initiative actuelle de réduction de dette, afin de leur permettre de réaliser des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), comme convenu à Monterrey et à Kananaskis, soulignent les auteurs du rapport de la Commission pour l’Afrique.  


Améliorer la transparence, instaurer la paix, respecter les priorités


Ayant identifié l’amélioration de la gouvernance et le renforcement des capacités comme des secteurs prioritaires, les auteurs du rapport recommandent aux donateurs de faire des investissements majeurs dans le système d’éducation supérieur en mettant un accent sur les sciences et la technologie et de renforcer la qualité et le nombre des cadres compétents et opérationnels travaillant pour les gouvernements locaux et nationaux, et pour les organisations régionales et panafricaines dont notamment l’Union africaine et son programme de nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.  « Il est impératif que les donateurs changent leurs méthodes de coopération et qu’ils soutiennent en premier les priorités des gouvernements africains, au lieu de leur imposer leurs propres agendas et procédures qui généralement portent atteinte à l’édification des capacités nationales des pays africains », relève le rapport.  Le travail et la gestion des gouvernants  africains devant également faire l’objet d’un examen, et ces dirigeants devant rendre compte de leurs actions à leurs populations, la Commission pour l’Afrique recommande le renforcement des structures parlementaires, des pouvoirs dévolus aux autorités locales, des syndicats, dus système juridique et du rôle des médias.  « Plus de transparence permettrait de rendre la lutte contre la corruption plus efficace qui doit être menée à la fois en Afrique et dans les pays développés », stipule le rapport.  À cet égard ses auteurs recommandent que les pays riches obligent leurs organismes bancaires à mettre en place des procédures permettant d’identifier tout argent et biens frauduleusement acquis par des dirigeants corrompus et déposés dans les banques étrangères.  Ces sommes devraient être restituées aux populations africaines.  Des mesures similaires de transparence devraient être instaurées vis-à-vis des compagnies pétrolières ou exploitant d’autres ressources naturelles, qui devraient rendre public le niveau des royalties qu’elles versent aux États africains, recommande le rapport.


Les experts et personnalités de la Commission pur l’Afrique font ensuite des recommandations relatives à la paix et à la sécurité sans lesquelles l’Afrique ne pourra sortir de son état actuel.  « Investir dans le développement, c’est investir dans la paix », estiment-ils tout en recommandant  la création de capacités qui permettraient aux États et aux sociétés africaines de prévenir et de gérer les conflits.  La prévention des luttes armées et des conflits civils pourrait aussi se faire à travers une meilleure gestion des richesses gouvernementales provenant de l’exploitation des ressources naturelles et la conclusion d’accords internationaux sur la cause et les outils des conflits, notamment le commerce des armes légères, recommandent les auteurs du rapport.


La pauvreté ne se manifestant pas seulement de façon matérielle, mais aussi à travers le manque d’accès à l’éducation, aux services de santé et à la participation aux prises de décisions, le rapport recommande un certain nombre de mesures dans ces différents domaines.  « Investir pour une meilleure croissance économique passe aussi par des investissements dans les secteurs de la santé et de l’éducation qui sont en ce moment au bord de l’effondrement partout en Afrique », relève le rapport.  Ceci requiert des investissements lourds et une gestion orientée vers la prestation effective des services nécessaires et l’atteinte d’objectifs précis.  Pour parvenir à des succès dans ce domaine, les populations et les communautés locales doivent être parties à toutes les décisions qui les concernent.  Pour atteindre l’objectif de l’éducation pour tous, les donateurs doivent fourniture une contribution financière permettant de réaliser les promesses qu’ils ont faites, y compris des ressources permettant de couvrir la gratuité de l’enseignement primaire, recommandent les auteurs du rapport.


Concernant le secteur de la santé, ils mettent l’accent sur la nécessaire amélioration des services d’aide et de santé visant à lutter contre la pandémie du VIH/sida, qui fait plus de morts en Afrique que partout ailleurs dans le monde, et contre le paludisme et la tuberculose.  À ce sujet, les auteurs du rapport recommandent que la moitié du surplus de financements et d’aide à apporter à l’Afrique aille vers le secteur de la santé, de l’éducation et de la lutte contre le VIH/sida, et que des actions urgentes soient lancées pour résoudre les questions lancinantes de l’accès à l’eau potable et de l’assainissement. 


*     Les personnalités et experts membres de la « Commission pour l’Afrique » sont: M. Tony Blair, Premier Ministre du Royaume-Uni (Président); Benjamin Mkapa, Président de la République-Unie de Tanzanie; Meles Zenawi, Premier Ministre de l’Éthiopie; Trevor Manuel, Ministre des finances et de l’économie de l’Afrique du Sud; Gordon Brown, Chancelier de l’Échiquier du Royaume-Uni; Hilary Benn, Secrétaire d’État au développement international du Gouvernement du Royaume-Uni; Ji Peiding, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Chine; Nancy Kassebaum Baker, ancienne Sénatrice américaine; Michel Camdessus, ancien Directeur général du FMI, K.Y. Amoako, Secrétaire général de la Commission économique pour l’Afrique; Anna Tibaijuka, Directeur exécutif du Programme ONU-Habitat; Fola Adeola; Bob Geldof; Ralph Goodale; William Kalema; Linah Mohohlo et Tidjane Thiam.


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