ENDIGUER LA PROLIFÉRATION DES ARMES LÉGÈRES: ÉTATS ET ONG RÉFLÉCHISSENT À LA COLLECTE, À LA DESTRUCTION ET À LA GESTION DES STOCKS
Communiqué de presse CD/2978 |
Réunion d’examen du Programme d’action
sur le commerce illicite des armes légères
5e & 6e séances – matin & après-midi
ENDIGUER LA PROLIFÉRATION DES ARMES LÉGÈRES: ÉTATS ET ONG RÉFLÉCHISSENT À LA COLLECTE, À LA DESTRUCTION ET À LA GESTION DES STOCKS
La Réunion biennale des États chargée d’examiner l’application du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous leurs aspects, Programme adopté en 2001, a été le cadre, aujourd’hui, de plusieurs discussions. Les activités du Réseau d’action international contre les armes légères (IANSA) menées en collaboration avec les organisations non gouvernementales ont, notamment, été longuement débattues dans le cadre d’un échange thématique qui s’est tenu ce matin. Cet échange s’est concentré, entre autres, sur le coût humain des armes légères, l’impact de la violence armée sur le système de santé publique, la disponibilité des armes légères et le développement, la détention civile d’armes à feu, la régulation du courtage, ou encore les efforts de collecte des armes et de munitions.
Les participants principaux des régions africaine et sud-américaine ont ainsi reconnu que même lorsque la violence engendrée par l’usage des armes légères ne tuait pas, elle était à l’origine de traumatismes, de déplacements des personnes et de retard dans le processus de développement durable. En outre, ont noté les intervenants, en matière de santé publique la violence armée a un coût très important, et il regrettable que les ressources financières allouées aux soins médicaux et psychologiques des victimes des armes à feu ne soient pas plutôt consacrées, notamment en Afrique, à la lutte contre les grandes pandémies et la pauvreté.
Au plan de la relation entre la présence excessive d’armes légères et le développement, il a été dit que s’il est souvent déclaré que l’industrie des armes est créatrice d’emplois et de ressources, le développement ne peut en aucun cas se fonder sur une croissance forte de cette industrie. Par ailleurs, Mme Rebecca Peters, Directrice de l’IANSA, a indiqué, à propos de la détention civile d’armes à feu, que ce problème avait pris une telle ampleur que, cette année, 133 États avaient renforcé leurs mesures de criminalisation de ce type de détention.
Cet après-midi, les délégations ont été invitées à faire part de leurs observations dans le cadre d’un débat thématique qui a porté sur la collecte et la destruction des armes, la gestion des stocks et les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (programmes DDR). Il a été souligné à cette occasion que les incitations reposant sur le financement de projets de microdéveloppement étaient préférables, en particulier dans les pays en développement, à celle du rachat des armes contre une somme forfaitaire.
La plupart des orateurs ont en outre reconnu l’importance de procéder à la destruction immédiate des armes confisquées. Cette approche, ont-ils dit, permet d’éviter le vol et le détournement de ces arsenaux vers de nouvelles zones de conflit. Il a encore été demandé que soit accrue à cette fin l’aide financière et technique des États Membres, et ce, dans le but de soutenir l’effort de collecte engagée par les pays les plus pauvres. C’est de nouveau dans ce sens que les observations sur la gestion des stocks d’armes se sont concentrées sur le besoin d’affecter davantage de ressources financières à la sécurisation des infrastructures et des locaux prévus à cet effet. Un personnel formé, l’informatisation d’inventaires régulièrement mis à jour sont d’autres mesures à appliquer en vue d’empêcher l’accès des locaux de stockages et le détournement éventuel des armes conditionnées.
Les commentaires sur les programmes DDR ont concerné surtout le sort des groupes les plus vulnérables dans les pays sortant d’un conflit. Les femmes ex-combattantes et les enfants soldats doivent bénéficier de mesures de réinsertion et de protections spéciales, a-t-il été unanimement demandé. Les ex-combattantes doivent participer plus activement aux activités de désarmement. Elles sont des auxiliaires importantes dans la reconstruction des pays sortant d’un conflit, ont encore estimé plusieurs participants. Le leadership des femmes doit être encouragé, a déclaré de son côté la représentante de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), par leur intégration aux commissions locales de DDR.
La Réunion poursuivra son débat thématique jeudi 14 juillet, à 10 heures.
DEUXIÈME RÉUNION BIENNALE DES ÉTATS POUR L’EXAMEN DE LA MISE NE ŒUVRE DU PROGRAMME D’ACTION EN VUE DE PRÉVENIR, COMBATTRE ET ÉLIMINER LE COMMERCE ILLICITE DES ARMES LÉGÈRES SOUS TOUS SES ASPECTS
Examen de l’exécution du Programme d’action
Discussion avec les représentants de la communauté des chasseurs et des tireurs sportifs
M. CARLO PERONI, Président du Forum mondial sur l’avenir des activités de tir sportif (WFSA), a indiqué que le Forum, qui jouit du statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) représente quelque 10 millions de personnes dans le monde.
Prenant ensuite la parole, Mme SEZANEH SEYMOUR, représentante du Safari Club International, a déclaré que, selon le rapport 2005 du programme de recherche suisse « Small Arms Survey », 377 millions d’armes légères sont légalement détenues dans le monde. Ces civils sont des chasseurs et des tireurs sportifs dont les activités jouent clairement un rôle important dans la conservation à travers le monde. La chasse a un impact majeur sur les économies car elle génère des revenus substantiels. Par exemple, les autorités tanzaniennes ont fait savoir à l’occasion de l’African Wildlife Consultative Forum de 2004 que les revenus tirés de la chasse en 2003 s’étaient élevés à 8,8 millions de dollars des États-Unis. Les autorités namibiennes parlent de 32 millions de dollars générés par la chasse en 2003 et ceux d’Afrique du Sud de 41,4 millions pour la même période. Aux États-Unis, les dépenses annuelles de quelque 14 millions de chasseurs représentent 22,1 milliards de dollars. Poursuivant la représentante a estimé que l’utilité des activités de chasse était reconnue par les écologistes comme un mécanisme efficace de protection des écosystèmes. Au Kirghizistan, la chasse des moutons de montagne a ainsi permis de mobiliser des ressources dévolues à la restauration et à la protection des écosystèmes montagneux. L’habitat des espèces est ainsi entretenu et de ce fait, la population des moutons de montagne est aujourd’hui en expansion. La représentante a plaidé pour que la communauté internationale reconnaisse la communauté des chasseurs, des tireurs sportifs et la possession légale des armes à feu.
M. EDWARD ROWE, Manufacturers Advisory Group to the World Forum on Sport Shooting Activities, a insisté, de son côté, sur la nécessité de distinguer clairement les armes à feu automatiques des armes destinées au tir sportif. Il a félicité le Japon, la Chine et l'Union européenne pour leurs efforts en vue de définir strictement les armes légères, en tant que fabriquées dans un but de guerre. Les délégués doivent maintenant parvenir à un consensus sur le sujet.
Le représentant a encore estimé que toutes les armes devraient être marquées, par un numéro de série unique, le nom du fabriquant et le lieu de fabrication. Les registres rassemblant ces informations devraient être tenus au niveau national. En revanche, le marquage lors de l'importation des armes légères paraît superflu, dès lors que le marquage et l'archivage au moment de la fabrication sont correctement gérés. Les certificats délivrés aux utilisateurs finaux pourraient également constituer un moyen de traçage efficace. Le représentant a également indiqué que le marquage et le traçage des munitions n'étaient pas utiles.
M. RICHARD PATTERSON, Institut des fabricants d'armes de sport et de munitions, a, pour sa part, insisté sur l'importance de prendre en considération la sécurité des armes à feu, qui est une question cruciale, même si elle ne figure pas dans le Programme d'action. L'industrie des armes à feu veille, elle-même à ce que les armes et les munitions soient mieux utilisées et sensibilise le grand public et les utilisateurs à la thématique de la sécurité. En particulier, l'Association de fabricants d'armes à feu SAAMI fixe depuis 1926 des normes de fabrication pour l'industrie et est à l'origine de propositions de lois. Elle dispense également des cours de sensibilisation, notamment à destination des écoles et des utilisateurs.
Les résultats de ces initiatives sont particulièrement significatifs aux États-Unis, où les armes à feu sont aujourd'hui impliquées dans moins de 1% des accidents, et ce, alors même que les activités de tir sportif augmentent. Soulignant que les programmes de sécurité avaient fait leurs preuves, le représentant a demandé que les avantages de cette démarche soient reconnus dans le rapport final de la deuxième Réunion biennale sur les armes légères.
Dans sa déclaration, M. MARK BARNES, du FAIR Trade Group, a expliqué que son organisation se consacrait à l’exportation et à l’importation légales des armes à feu dans le monde. Notre groupe est préoccupé par le trafic illicite des armes légères et de petit calibre. Toutefois, nous sommes inquiets de voir que les mesures visant à combattre le courtage illicite ont des effets négatifs sur notre action. Dans ce cadre, il convient de rappeler qu’il ne fallait pas oublier que l’essentiel du commerce des armes était destiné aux activités de chasse et au tir sportif. Il a noté que la définition du courtage au niveau international n’est pas claire. On omet de signaler le rôle important des courtiers dans la sécurité mondiale, et ce, par le biais des relations qu’ils entretiennent avec les polices gouvernementales du monde entier. À nos yeux, la meilleure méthode pour limiter le trafic illicite des armes légères passe par le renforcement des contrôles d’exportations existants associé à une définition plus précise de la pratique du courtage.
En conclusion de cette brève discussion M. THOMAS MASON, du Secrétariat du Forum mondial sur l’avenir des activités de tir sportif, a demandé que soit reconnue la légitimité des activités de chasse et de tir sportif pratiquées dans un cadre légal. Il a finalement souhaité que, à l’avenir, les ONG qui sont intervenues dans le cadre de cette discussion, deviennent parties prenantes dans la mise en œuvre du Programme d’action.
Présentation des activités du réseau d’action international contre les armes légères (IANSA) et des organisations non gouvernementales
Mme LORETTA BONDI, John Hopkins University (États-Unis), a présenté les thèmes abordés par les représentants du réseau IANSA (Réseau d’action international contre les armes légères).
Au cours de cette table ronde, il a été tout d’abord indiqué que le coût humain des armes légères, qui se traduit en termes de morts, de blessures, de traumatismes, mais aussi de retard de développement, exigeait l’effort collectif de l’ensemble des États Membres. Il a été ainsi souligné que, même lorsque la violence générée par les armes légères ne tue pas directement, elle frappe la vie de milliers de personnes en étant la source de traumatismes, de déplacements et de retard de développement. Il a été souhaité que des instruments juridiquement contraignants soient négociés dans le but d’endiguer les transferts d’armes légères aux acteurs non étatiques, de règlementer leur commerce; de limiter la possession d’armes légères par les civils, et de contrôler les armes déjà en circulation dans les communautés.
Il a en outre été dit que 90% des victimes d'armes légères étaient des hommes, pour la plupart jeunes, pauvres et marginalisés, qui sont à la fois victimes et auteurs de la violence armée. Leur comportement est cependant généralement le fruit de problèmes de la société. Les femmes sont, elles aussi, victimes des armes légères, notamment lorsqu'elles font l'objet de mauvais traitement sexuel sous la menace d'une arme. Or les recherches montrent que les femmes sont facteurs de changement. Elles participent souvent à la collecte d'armes, à des campagnes de sensibilisation à destination de leur communauté ou des enfants, rejetant le machisme généralement lié aux armes. Elles restent cependant, la plupart du temps, exclues des organes politiques de régulation des armes à feu.
Certaines recommandations formulées par le Centre du Dialogue humanitaire ont été rappelées, en particulier celles stipulant que les États devraient respecter les normes internationales, se pencher sur le sort des jeunes, former les forces de l'ordre en les sensibilisant à la prévention de la violence sexiste et tenir compte les points de vue des hommes et des femmes dans les politiques de prévention. Le Centre du Dialogue humanitaire recommande également que les programmes de désarmement, de démobilisation et de réinsertion prennent en considération l'article 13 de la résolution 1325 du Conseil de sécurité.
Il a été dit, en ce qui concerne l’impact de la violence armée sur le système de santé publique, que la présence d’armes légères avait une grave incidence sur la répartition des ressources. En effet, l’argent consacré aux soins des victimes des armes à feu pourrait être dévolu à la vaccination ou encore aux soins de grossesse. De même, la lutte contre le paludisme et l’épidémie de VIH/sida, en particulier en Afrique, serait renforcée par des ressources financières et techniques supplémentaires qui sont pour l’instant affectées aux soins des très nombreuses victimes d’armes à feu. Pour l’heure, ont dit les intervenants, les personnels de santé publique, en informant les gouvernements sur la gravité et les types de blessures physiques et morales que provoque l’usage massive des armes à feu, contribuent en aval à la définition des normes juridiques convenues pour combattre le commerce illicite des armes légères. Dans le cas précis de l’application du Programme d’action, ROBERT MTONGA (Zambie), du Réseau de santé publique de l’IANSA, a proposé que les responsables de santé publique soient intégrés dans les commissions nationales afin d’éclairer les politiques de lutte contre les armes légères.
Il a été rappelé que tous les travaux réalisés par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et les ONG établissaient un lien clair entre la disponibilité des armes légères et le développement. Les effets indirects de la prolifération des armes sont en effet évidents. Les pays d'Amérique latine dépensent aujourd'hui 14% de leur PIB pour lutter contre la violence armée et détournent ainsi ces ressources du développement de leur économie. On observe généralement que la pauvreté attise les conflits et que les conflits attisent la pauvreté.
Les armes légères sont également nocives dans les pays développés, en termes de pertes humaines et matérielles. Aucune population n'est réellement épargnée. Des travaux de l'ONU sur cette problématique ont commencé en 1987. Celle-ci est incluse dans les Objectifs du Millénaire pour le développement, aussi bien que dans le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande ». Si les propositions sont nombreuses, elles en restent au stade de la théorie. Alors que les progrès réalisés depuis la Conférence sur le commerce illicite des armes légères de 2001 sont faibles, il devient urgent que les États s'engagent sur des voies efficaces, telles que le renforcement des partenariats avec la société civile, les ONG et les instituts de recherche, visant à placer la sécurité humaine au cœur de la problématique du développement.
S'il est souvent dit que l'industrie des armes est créatrice d'emplois et de ressources, les États devraient également mettre dans la balance l'ensemble des impacts négatifs qu'elle génère, en termes de conflits, d'opérations de maintien de la paix et de programmes de DDR. La misère pousse en outre les jeunes à émigrer vers les pays producteurs et augmente parfois le nombre de candidats au terrorisme. Le développement ne peut se fonder sur la croissance de l'industrie de l'armement. Il est urgent de lutter contre la prolifération des armes légères, en appliquant tous les textes qui ont déjà été votés, mais aussi de lutter contre la pauvreté et de réfléchir à un traité sur le commerce des armes qui impose aux États de respecter certains critères.
S'agissant des mesures que les gouvernements pourraient prendre pour aider les victimes de la violence, Mme REBECCA PETERS (Australie), Directrice de l’IANSA, a mis l'accent sur la formation des policiers aux premiers secours, sur la nécessité de systèmes pénaux efficaces garantissant que les auteurs de ces violences ne restent pas impunis, ainsi que de programmes de réhabilitation à long terme visant à éviter que le cercle vicieux de la violence se perpétue. Elle a estimé que l'aide aux victimes devrait être incluse dans les réflexions sur les armes légères, tandis qu'un lien devrait être établi avec la Convention internationale sur le handicap.
En ce qui concerne l’action des forces d’État, il a été dit que, souvent, les polices nationales, au lieu d’assurer la sécurité de leur collectivité, abusent de leur uniforme. L’usage arbitraire de la force contre des suspects et le public, l’intimidation, les traitements abusifs sont souvent le fait de personnels non formés et connaissant mal les normes des droits de l’homme en vigueur dans le monde. Dans ce cadre, ont plaidé les intervenants, il convient de responsabiliser les États car, partout et dans tous les cas, le recours à la force doit être l’exception et non pas la règle. S’agissant des compagnies privées de sécurité, il a été dit que, dans de trop nombreux cas, leur fonctionnement n’était pas véritablement régulé et qu’en cas d’abus, les auteurs ne tombaient pas sous le coup des lois les plus strictes. De même, le mercenariat pose problème parce que ce sont souvent les gouvernements eux-mêmes qui emploient les mercenaires. Dans ce contexte, a proposé DENIS MIZNE (Brésil), Directeur de l’Instituto Sou da Paz, il faudrait convenir d’un traité visant à contrôler de plus près le fonctionnement de ces compagnies, au plan notamment des transferts et de l’acquisition des armes légères et des petites armes. De façon générale, il a été admis que la réglementation des titres de propriété des armes légères devait être revue et renforcée.
S’agissant de la question de la détention d’armes à feu par les civils, il a été indiqué que 60% des armes légères dans le monde étaient détenues par des civils, selon la « Small Arms Survey ». Les premières victimes sont donc les populations civiles, mais aussi ces populations sont elles les premiers auteurs de violences armées, a relevé Mme PETERS. Cette année, a-t-elle encore précisé, les rapports montrent qu’au moins 133 États ont pris des mesures nationales sur la criminalisation des détentions d’armes par les civils. Au Brésil, cette présence excessive des armes légères dans la population civile représente une source majeure de préoccupation. Les armes à feu sont à l’origine de 40 000 morts par an, ce qui fait de ce phénomène un véritable enjeu de santé publique. À cet égard, il a été estimé qu’une régulation plus stricte pouvait être efficace en vue de réduire rapidement le nombre de décès par armes à feu. Ainsi, le Canada et l’Australie, après avoir renforcé leurs lois sur les armes, ont vu leur taux d’homicide baisser respectivement de 15 et 40%, a-t-il été signalé.
S'agissant des pays qui sortent d'une période de conflit, il a été insisté sur la nécessité de faciliter la possibilité pour les civils de rendre les armes de manière facile et en bénéficiant d'une amnistie de quelques mois, pour éviter qu'ils jugent préférable de les conserver ou de s'en débarrasser dans des lieux inadéquats, où elles pourraient être récupérées par d'autres civils.
Il a par ailleurs été souligné que les programmes de DDR s'étaient révélés incomplets dans la pratique, si bien qu'ils ont favorisé finalement la circulation des armes d'une zone de conflit vers une autre. Il a été préconisé que ces programmes impliquent davantage la société civile, tant internationale que locale, qu'ils soient l'objet d'une harmonisation au niveau des régions, et qu'ils évitent de donner une prime aux auteurs de la violence, en prenant en compte la situation des victimes. Les initiatives « armes contre développement » devraient également être promues, tandis que les actions de réintégration devraient être prises en compte dès le début des opérations de désarmement, mais également inclure les enfants soldats.
Il a été souligné qu'une partie infime du commerce des armes faisait l'objet de trafics illicites. Sur la base du Programme d'action sur les armes légères de 2001, les États Membres devraient s'engager à agir au-delà des principes moraux, en se soumettant volontairement à des outils de régulation. Il ne s'agit pas d'interdire le commerce des armes, mais de définir des mécanismes de suivi des utilisateurs finaux, que l'arme soit détenue de manière légale ou illégale.
Un orateur a par ailleurs noté que la transparence représentait la première étape pour parvenir à un contrôle efficace du marché des armes. Dans cette perspective, les pays devraient rendre public, de manière détaillée, leurs achats et ventes d'armes. Les progrès enregistrés en la matière durant les années précédentes devraient donc être poursuivis.
M. LUIS ALBERTO CORDERO, Directeur de la Fondation Arias pour le Progrès humain, a, pour sa part, déclaré qu’un projet de Traité sur le commerce des armes avait été élaboré par le Centre de droit international de l'Université de Cambridge au Royaume-Uni et que celui-ci rassemblait les normes déjà existantes en la matière et ayant été adoptées par les États. Il a été estimé que les États devraient engager une discussion sincère sur le sujet, afin que le commerce et le transfert des armes reposent sur des principes de responsabilité, à travers le contrôle des utilisateurs finaux. L'objectif est d'éviter l'escalade des conflits et de ne pas encourager des crimes contre l'humanité. Le traité doit inclure toutes les armes conventionnelles.
S'agissant des embargos des Nations Unies sur les armes, qui sont destinés à l'origine à empêcher de telles dérives, les orateurs ont souligné qu’ils étaient régulièrement violés, dans la mesure où peu de pays intègrent dans leurs dispositifs pénaux, des sanctions en cas d'infraction. Il a été préconisé que cette lacune soit corrigée, mais aussi que les comités des sanctions de l'ONU disposent des moyens financiers et logistiques adéquats pour faire respecter ces embargos.
Si les gouvernements ont déjà élaboré des normes communes pour contrôler le commerce des armes légères, les orateurs ont pointé le fait qu’il existait, entre le lieu de production et l'utilisateur final, de nombreuses opportunités de détournement vers les zones de conflit ou vers le commerce illicite. Ce phénomène est encore aggravé par le rôle que jouent les courtiers. Les orateurs se sont réjouis que la réflexion sur la régulation du courtage mûrisse au niveau des États et que plusieurs accords régionaux incluent celle-ci dans leurs recommandations. L’interdiction complète du courtage n’est toutefois pas préconisée. Il s’agit essentiellement d’immatriculer les courtiers et que les informations pertinentes les concernant soient adressées à tous les États. En effet, le courtage illicite est d’autant plus aisé, en l’absence de mécanismes de régulation, qu’il suffit, pour effectuer une transaction, d'un téléphone et d'un fax ou d’un ordinateur.
De plus, les courtiers qui souhaitent vendre des armes de manière illicite opèrent, le plus souvent, à partir de pays tiers, où ils ne sont soumis à aucun contrôle. Or, comme l’indique le rapport « Biting the Bullet », parmi les 32 États qui ont mis en place des instruments de contrôle à l’égard des courtiers, peu ont prévu des dispositions extraterritoriales. M. NOËL STOT (Afrique du Sud), chercheur sur les armes légères à l’Institut sur les études de sécurité, a estimé que là réside le premier consensus auxquels les États doivent parvenir. Il a également déclaré que le traité sur le commerce des armes devrait inclure une réglementation sur l’activité des courtiers.
Mme PETERS a souligné qu’une convention modèle sur le courtage existait déjà et que le groupe d'experts gouvernementaux devrait s’en inspirer.
S’agissant du marquage et du traçage des armes légères, M. ILHAN BERKOL (Turquie), chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) de Bruxelles, a déclaré que l’instrument adopté par consensus par le Groupe de travail n’avait pas les mérites de prévention qu’il aurait dû présenter pour éviter leur détournement illicite. En effet, le traçage intervient uniquement lorsqu’une arme illicite a été retrouvée. De plus, les requêtes de traçage sont uniquement volontaires et s’inscrivent dans un cadre de relations bilatérales, alors que, dans un monde globalisé, l’efficacité aurait exigé qu’elles soient obligatoires et soient conduites de manière multilatérale. Enfin, l’orateur a souligné qu’alors que les munitions sont le seul lien qui existe entre l'arme et le crime, elles n’ont pas été prises en compte dans l’accord sur le marquage et le traçage. Il a ainsi estimé impératif qu’un éventuel Traité sur le transfert des armes comprenne un protocole contraignant sur le marquage et le traçage des munitions
Les efforts de collecte des armes et de munitions ont-il été suivis d’effets, ont demandé les participants à la discussion. En Amérique centrale, en Albanie et en Sierra Leone, a-t-il été dit, la collecte a fait l’objet d’initiatives reposant sur l’échange compensatoire d’armes contre des biens de consommation, en particulier la nourriture. Dans les régions les plus touchées par la présence excessive d’armes légères et de petit calibre, les programmes de collecte et de destruction sont appuyés par la tenue de débats publics et de cérémonies de destruction publiques d’armes et de munitions. En ce sens, il a été demandé que les populations participent davantage à l’éradication des armes légères illicites, cela devant passer par une sensibilisation accrue de ces populations aux dangers que représentent ces types d’armes.
Mme OLGA PALINKASEV (Bosnie-Herzégovine), du Centre For Security Studies, a estimé que seule la destruction des armes légères était une méthode sûre et efficace pour combattre le trafic illicite d’armes légères. Elle a cité la version 2005 du Livre rouge qui estime que la destruction publique des armes collectées pouvait contribuer à restaurer la confiance entre les populations civiles et leur gouvernement. « Chaque arme détruite réduit la possibilité que survienne un décès », a-t-elle ajouté.
En conclusion, la Directrice de l’IANSA a formé le souhait qu’à l’occasion de la Conférence de révision de 2006, l’état de la mise en œuvre du Programme d’action soit plus avancé. Cette conférence constituera un moment crucial pour évaluer les progrès réalisés en la matière par les gouvernements, les organisations régionales et la communauté internationale, a-t-elle déclaré. D’ici là, l’accent doit être mis sur l’assistance d’urgence aux victimes de la violence armée, garantir la sécurité humaine pour tous et partout étant plus importante à nos yeux que les enjeux de sécurité nationale.
Débat thématique
En ce qui concerne la collecte et la destruction des armes, il a été souligné que les incitations passant par le financement de projets de développement étaient préférables, dans les pays en développement, à celles du rachat des armes contre une somme forfaitaire. Le représentant des États-Unis s'est, en particulier, déclaré sceptique quant à la pertinence du rachat des armes, dans la mesure où les individus sont susceptibles de ne rendre que les armes de moins bonne qualité et de conserver les plus performantes, voire d'en acheter de nouvelles avec l'argent reçu.
Les expériences de terrain rapportées par plusieurs délégations ont en outre démontré que les actions devaient être ciblées plutôt sur les collectivités que sur les individus. Il a, en particulier, été noté qu'une amnistie de plusieurs mois permettait souvent d'encourager les individus à rendre leurs armes et que les programmes de destruction devaient parfois être ciblés sur les zones frontalières, là où le risque de prolifération est le plus grand.
La plupart des intervenants se sont accordés sur l'importance de procéder à la destruction immédiate des armes collectées. Cette approche permet en effet non seulement d'éviter que les armes puissent être volées et détournées vers de nouvelles zones de conflit ou sur place, lorsque le processus de paix ne porte pas immédiatement ses fruits, mais elle a également l'avantage de contribuer à rétablir la confiance des populations quant à la sécurité, en particulier lorsque les destructions sont effectuées en public ou retransmises par les médias. Comme l'ont montré les exemples cités par les représentants de l'Argentine et de la Sierra Leone, la collecte peut en outre être facilitée par la mise en place de registres nationaux, alimentés au niveau local par des informations détaillées sur les armes et les conditions de leur reddition.
La plupart des orateurs ont en outre souligné que des campagnes de sensibilisation des populations et/ou des acteurs chargés de récolter les armes s'avéraient généralement utiles pour favoriser la mise en œuvre efficace de la collecte. Plus largement, il a été indiqué que la participation des populations concernées au processus pouvait permettre de mettre au jour les difficultés sous-jacentes sur le terrain et de trouver les solutions adaptées. Enfin, de nombreux orateurs en ont appelé à une assistance technique et financière des États Membres, afin de soutenir les efforts de collecte et de destruction d'armes légères déployés par les pays dont les moyens budgétaires sont limités.
S’agissant de la gestion des stocks d’armes, le représentant des Pays-Bas a estimé que la formation des personnels jouait un rôle crucial dans la réussite des programmes de gestion. Au Cambodge, par exemple, où les militaires ont reçu une formation adéquate, le programme a été couronné de succès. La réussite des programmes de gestion des stocks d’armes dépend également de la participation active des gouvernements nationaux, a-t-il noté. Il a en outre rappelé que la gestion en question concernait autant les stocks d’armes militaires que d’armes civiles et les stocks de munitions. Chaque cas mérite une attention spécifique et l’intervention d’experts spécialisés, a-t-il dit. L’un des problèmes les plus importants qui a été soulevé est le manque de moyens financiers et techniques pour protéger les stocks d’armes récoltées. Pour de nombreux intervenants, la mise en place rapide d’infrastructures adaptées et disponibles en permanence est nécessaire. Il convient également de pallier le manque de place pour stocker les armes. Le représentant de la République-Unie de Tanzanie a suggéré comme solution à ce problème, l’utilisation de containers mobiles telle que pratiquée dans son pays ou encore en Sierra Leone. Le contrôle des stocks d’armes sur certains territoires nationaux peut échoir à des groupes non étatiques ou à la légitimité autoproclamée, a-t-il été dit, ce qui rend extrêmement difficile la gestion de ces stocks de taille souvent importantes, comme c’est le cas par exemple en République de Moldova.
Il a été préconisé que le stockage des armes légères s’effectue dans un environnement sécurisé, sous la responsabilité d’un personnel bien formé. Cela suppose la mise en place de mesures de sécurité, notamment l’amélioration des infrastructures des locaux. La représentante des États-Unis a fait savoir, au plan de la coopération entre États, que son pays fournissait des compétences techniques aux gouvernements étrangers en matière de renforcement et de sécurisation des locaux de stockage. Les intervenants ont pointé l’importance des inventaires et de leur suivi en vue d’éviter que les armes stockées ne fassent l’objet d’un détournement illégal. Il est par ailleurs crucial de sanctionner les propriétaires et les officiers qui ne remplissent pas les obligations en vigueur au niveau national dans le domaine de la sécurité des locaux de stockage. À cette fin, a dit le représentant du Brésil, il est indispensable que armes et munitions soient parfaitement marquées.
Concernant les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), leur application doit tenir compte des intérêts de toutes les parties prenantes. Le cas des femmes et des enfants soldats a fait l’objet de commentaires, plusieurs intervenants ayant insisté sur la nécessité de porter une attention particulière à la réinsertion des ex-combattantes. Ces dernières doivent être impliquées plus que les autres dans les activités de désarmement. Elles sont des auxiliaires importantes dans la reconstruction des pays sortant d’un conflit, ont encore déclaré plusieurs orateurs.
En ce qui concerne les enfants soldats, qui sont le plus souvent recrutés de force, il faut s’assurer que leur protection est intégrée dans tous les accords de paix. S’agissant de leur libération, il a été souhaité que les leaders des communautés locales soient plus sollicités dans le cadre de négociations à cette fin. Dans ce contexte, les programmes de DDR doivent prendre en considération le sort des groupes les plus vulnérables et, en outre, être liés aux activités de redressement durable.
De son côté, la représentante de l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) a émis le souhait que davantage d’experts se spécialisent dans le domaine particulier de l’application des programmes de DDR. Le leadership des femmes doit être encouragé, par leur intégration éventuelle aux commissions nationales de DDR, a-t-elle dit. Il convient de créer un environnement où hommes et femmes participent conjointement au processus de décisions engageant le devenir des sociétés. Le représentant de la Sierra Leone s'est interrogé sur la séparation à établir entre programmes de réinsertion et projets de développement, les ONG critiquant le fait que les femmes sont généralement laissées de côté dans les processus de DDR. Si ceux-ci concernent a priori les combattants et donc les hommes, il apparaît important de se pencher sur le sort des femmes, mais aussi des enfants qui étaient au cœur de ces conflits, en considérant la problématique de la réinsertion de manière aussi globale que possible et aussi précocement que possible après le conflit. Le représentant du Mali a souligné que le processus de DDR ne pouvait pas être un succès si les parties belligérantes ne signaient pas au préalable un accord de paix dans la confiance. Il a indiqué en outre qu'il pouvait être utile de créer des patrouilles conjointes avec les combattants de toutes les parties, afin que celles-ci identifient et combattent les foyers de résistance au cessez-le-feu. Il a, enfin, déclaré qu'une fois les armes collectées, il était pertinent de demander aux anciens combattants, mais également aux femmes de leur communauté, d'exprimer leurs souhaits personnels en matière de réinsertion.
Le représentant du Sénégal a objecté que la réinsertion des anciens combattants ne consistait pas à imaginer de nouvelles opportunités d'emploi, mais devait tenir compte de la profession d'origine de ces derniers avant le conflit. De ce point de vue, les femmes sont concernées au même titre que les hommes.
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