LA TROISIÈME COMMISSION PREND CONNAISSANCE DE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU BURUNDI, AU SOUDAN, AU MYANMAR ET EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
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Troisième Commission
26e et 27e séances – matin et après-midi
LA TROISIÈME COMMISSION PREND CONNAISSANCE DE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU BURUNDI, AU SOUDAN, AU MYANMAR ET EN RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE
La Commission des affaires sociales, humanitaires et culturelles (Troisième Commission) a pris connaissance aujourd’hui de la situation des droits de l’homme au Burundi, au Soudan, au Myanmar et en République populaire démocratique de Corée, des pays où le droit à la vie et le droit au développement sont violés quotidiennement selon les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Deux autres présentations ont été faites par le Président du Groupe de travail sur le droit au développement de la Commission des droits de l’homme et par le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation.
L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Burundi, M. Akich Okola a informé les membres de la Commission que malgré quelques avancées, les violations des droits de l’homme étaient répandues dans le pays. Des éléments armés, y compris des militaires, seraient responsables de torture, de détention arbitraire, de viols et de déplacements massifs de personnes. Plus de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les prisons sont surpeuplées et 580 prisonniers sont en attente d’exécution. De plus, le pays compte 116 000 personnes déplacées, éparpillées sur 160 sites, dont près de la moitié ne souhaite pas rentrer chez elle.
Au Soudan, a expliqué Mme Sima Samar, Rapporteure Spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan, desdéveloppements positifs sont intervenus avec les négociations de paix en cours sur le Darfour, la promulgation d’une nouvelle constitution et l’entrée en fonctions du Gouvernement du Sud. Toutefois, les arrestations arbitraires, la torture, les mauvais traitements de civils et la violation des droits fondamentaux se poursuivent. Le droit à la vie est violé notamment au Darfour où les assassinats et les viols dans les camps de déplacés sont enregistrés au quotidien. La violence contre les femmes et les fillettes est commise en toute impunité.
Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, M. Paolo Sergio Pinheiro, a de son côté dressé un tableau sombre de la situation des droits de l’homme dans ce pays. Les exactions commises contre les communautés ethniques du Myanmar persistent et la justice, loin de protéger les droits des citoyens, sert à faire taire les voix dissonantes. Le travail forcé est courant tandis que le gouvernement procède à des déplacements de villages entiers pour juguler les activités des groupes armés. Les opposants politiques continuent de disparaître, parmi eux, des parlementaires, des journalistes et des enseignants, et la dirigeante de la Ligue nationale pour la démocratie, Aung San Suu Kyi, est toujours assignée à résidence.
De son côté, Vitit Muntarbhorn, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée, a conclu que malgré les évolutions positives au cours des dernières décennies, des transgressions avaient encore lieu. Il a engagé le Gouvernement à respecter le principe de la primauté du droit, notamment par la promotion d’un système judiciaire transparent et indépendant, â améliorer l’administration de la justice, à abolir le travail forcé et les châtiments corporels, à libérer les prisonniers politiques et à garantir la liberté de mouvement pour tous. Il a aussi demandé au Gouvernement de rendre au Japon ses citoyens enlevés par la RPDC.
Le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Jean Ziegler a rappelé que 100 000 personnes meurent de faim chaque jour et qu’un être humain sur six est gravement sous-alimenté. Or le rapport de la FAO indique que l’agriculture mondiale pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’être humains –la planète comptant actuellement 6,2 milliards d’habitants. Le Rapporteur spécial a cité en particulier le cas de l’Afrique sub-saharienne où le nombre de personnes sous-alimentées était passé de 88 millions à plus de 200 millions, ce qui constitue un exemple de la rupture de solidarité qui s’est opérée entre la communauté internationale et le continent africain.
Le Président du Groupe de travail sur le droit au développement de la Commission des droits de l’homme, M. Ibarahim Salama, a de son côté expliqué que la mondialisation avait obligé la communauté internationale à constater l’impact du commerce sur le développement, un phénomène qu’elle n’avait pas anticipé. Pour prouver la pertinence du droit au développement, il est essentiel de donner des preuves empiriques de l’impact des politiques sur les droits de l’homme, a –t-il dit.
Demain vendredi 27 octobre, la Commission entendra les présentations faites par le Représentant du secrétaire général sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants et le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967.
QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME
- QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME, Y COMPRIS LES DIVERS MOYENS DE MIEUX ASSURER L’EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES
- SITUATIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME ET RAPPORTS DES RAPPORTEURS ET REPRÉSENTANTS SPÉCIAUX
- RAPPORT DE LA HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME
Déclarations liminaires des Représentants et Rapporteurs spéciaux et dialogues
M. AKICH OKOLA, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Burundi, a rappelé qu’il tenait son mandat de la résolution 2005/75 de l’Assemblée générale, ce qui lui a permis de mener sa troisième mission au Burundi du 2 au 10 juillet 2005. Il a ainsi pu assister aux élections législatives du 4 juillet 2005, deuxième expérience démocratique du pays, et observer la manière dont le peuple est allé voter en grand nombre. Le rapport a été complété par la mission qu’il a effectuée du 4 au 15 octobre 2005. Celle-ci a été l’occasion d’établir des liens avec la nouvelle administration et de s’assurer de sa volonté de poursuivre les engagements pris lors des accords d’Arusha en matière de droits de l’homme. Ces visites sur place ont été l’occasion de constater plusieurs améliorations, en particulier sur les plans de la justice, de la sécurité et des droits de l’homme. La nouvelle Constitution a été promulguée le 22 mars 2005, à la suite d’un référendum qui a connu 92% de participation. Les discussions de l’Expert indépendant avec des Burundais ordinaires lui ont permis de comprendre que l’une des raisons principales qui les conduisaient à voter était que la Constitution était synonyme de paix et que chacun avait la conviction que le moment était venu pour le Burundi de mettre fin à la violence qui avait marqué les 40 dernières années de son histoire. Il s’est félicité qu’à cette occasion, de nombreuses femmes ont voté et se sont portées candidates et qu’un nombre non négligeable a été élu au Sénat et au Congrès national.
En dépit de ces progrès, l’Expert a cependant noté que des violations des droits de l’homme continuaient à être quotidiennement perpétrées dans le pays. Des éléments armés, y compris des militaires, seraient responsables de violations du droit à la vie, de tortures, de détentions arbitraires, de viols et de déplacements massifs de populations. La pauvreté affecte l’accès de la population aux soins et contribue à la transmission du VIH/sida. Plus de 50% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Le droit à la vie, les détentions arbitraires et les droits de l’homme restent des sujets particulièrement préoccupants pour les Burundais exilés qui rentrent au pays et qui, de surcroît, ne peuvent récupérer leurs terres. Les réformes judiciaires n’ont en outre eu qu’un impact limité. La commission Vérité et Réconciliation n’a pas encore été établie, alors qu’il était prévu qu’elle le soit par la nouvelle Constitution. Les prisons sont surpeuplées et aucun consensus ne s’est dégagé sur la définition à donner aux prisonniers politiques, dont certains sont enfermés depuis 10 ans, sans avoir ni été mis en accusation, ni jugés. 580 prisonniers sont par ailleurs en attente d’exécution.
D’autre part, a poursuivi l’Expert, si la sécurité s’est améliorée, le groupe rebelle du FNL n’a toujours pas rejoint la table des négociations et continue de commettre des actes de brutalité à l’encontre de la population civile. Le FLN opère pratiquement comme une organisation terroriste en blessant, tuant et volant des civils et, dans de nombreux cas, en leur imposant des impôts de guerre. Le banditisme a également fortement augmenté du fait de la prolifération des armes légères et de la pauvreté grandissante, phénomène accentué par le manque de discipline au sein de l’armée. Alors que le Gouvernement actuel s’efforce, avec un relatif succès, de créer une armée nationale en intégrant l’ancienne armée nationale et les troupes anciennement rebelles, des difficultés persistent, qui nécessiteraient notamment que soient mises en place des campagnes de sensibilisation aux droits de l’homme et au droit humanitaire international.
L’Expert a également déploré que la plupart des auteurs des crimes précédemment mentionnés n’aient pas été poursuivis, en particulier lorsqu’il s’agissait de militaires. Les rapports sont peu nombreux, par crainte des représailles et par manque de confiance dans le système judiciaire. Ainsi, alors qu’en août 2005, 160 réfugiés congolais ont été massacrés de sang froid à Gatumba, la Commission d’enquête mandatée par le Gouvernement burundais n’a toujours pas produit de rapport. Les violations des droits de l’homme sont le fait de toutes les parties, a précisé l’Expert. Il a en outre indiqué que le pays comptait 116 000 personnes déplacées, sur près de 160 sites, dont près de la moitié ne souhaitent pas rentrer chez elles. De surcroît, plus de 430 000 Burundais sont réfugiés à l’extérieur des frontières du pays, pour la plupart en Tanzanie. Les retours sont progressifs depuis 2002, mais les conditions d’accueil sont difficiles, en particulier pour ceux qui ont perdu leurs terres.
En conclusion, M. Okola a appelé les parties en conflit à cesser les hostilités et à retourner sans délai à la table des négociations, mais aussi à respecter les droits des populations civiles. Il a également appelé le Gouvernement à faire cesser l’impunité. Enfin, à l’adresse de la communauté internationale, il a demandé que les efforts soient maintenus en matière d’aide humanitaire et d’aide au développement et que les engagements pris lors des conférences de Genève et de Paris sur l’aide à la lutte contre le sida, aux programmes de développement et aux droits de l’homme soient mis en oeuvre. Il a également pressé la communauté internationale d’accroître son soutien au système judiciaire du Burundi, en particulier s’agissant de la commission Vérité et Réconciliation.
Le représentant du Burundi a souhaité faire une mise au point et apporter quelques commentaires au rapport présenté par l’Expert indépendant. Il a en particulier regretté que la lecture qu’il a faite de la situation des droits de l’homme dans son pays ne soit pas plus positive et ne tienne pas compte des évolutions intervenues depuis le début de la transition, le 28 août 2005 -le rapport se basant sur les faits intervenus avant le 10 juillet. Il a en outre déclaré que le rapport comportait certaines lacunes, voire des erreurs d’appréciation. Il a déploré, entre autres, que la mise en cause des forces armées et des militaires dans les violations du droit à la vie, commises durant le premier semestre 2005, résultait en un amalgame entre les différents groupes armés. Il a signalé en outre que si les excès de la justice populaire étaient un fait au Burundi, dans un pays où le système judiciaire commence à peine à fonctionner, ils diminuent sensiblement, aujourd'hui que les forces de l’ordre sont placées sous l’autorité de la nouvelle administration au pouvoir. Il a également considéré que le nombre de viols en série commis sur des mineurs par des groupes armés (notamment par des casques bleus, a-t-il précisé) avait été gonflé outre mesure. S’agissant du problème des prisonniers politiques, il a déclaré que leur définition ne posait pas de difficulté et que les problèmes venaient de politiciens qui souhaitaient semer la confusion et avaient fait de ce thème leur cheval de bataille.
M. OKOLA a reconnu que son rapport devait être complété par la présentation orale qu’il a faite devant la Troisième Commission, pour tenir compte des changements intervenus depuis l’arrivée au pouvoir de la nouvelle administration. Le rapport a dû être rendu dans des délais donnés pour permettre sa traduction avant l’ouverture des travaux, a-t-il tenu à préciser. Il a admis que la question des enfants soldats n’était plus un problème majeur au Burundi, et que le problème de l’absence de système judiciaire avait été résolu. D’autres progrès ont été accomplis, notamment en termes de représentation des femmes au Parlement. Il reste cependant des défis à relever, a-t-il insisté, sur lesquels il se devait d’attirer l’attention du Gouvernement burundais, notamment sur la question des viols.
Répondant ensuite aux questions des représentants du Chili et de l’Indonésie, M. Okola a estimé que la Commission Vérité et Réconciliation ne serait utile pour l’amélioration des droits de l’homme que si elle s’accompagnait d’une réelle volonté politique. Le peuple doit s’approprier ce processus, a-t-il souligné, ce qui suppose notamment de respecter certaines normes. Il a estimé que toutes les parties au Burundi étaient d’accord pour créer une telle commission, mais a constaté que le débat était toujours en cours sur ce qu’il convenait de faire de la vérité ainsi mise au jour. Le représentant de la Tanzanie a, pour sa part, déclaré que son pays ferait de son mieux pour aider le Burundi dans ses efforts de paix et soutenait les recommandations de l’Expert indépendant. S’interrogeant sur ce que devait faire la communauté internationale pour améliorer la situation des droits de l’homme actuelle, l’Expert indépendant lui a répondu que le FLN devait clairement être tenu pour responsable des problèmes actuels du Burundi et que la communauté internationale avait le devoir d’intervenir pour s’assurer que leurs représentants reprendront les négociations ou pour mettre fin aux nuisances qu’ils occasionnent. L’assistance au développement constitue également une des solutions, a-t-il estimé.
Mme SIMA SAMAR, Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme au Soudan, a indiqué qu’elle avait mené sa première mission au Soudan du 15 au 22 octobre 2005. Le Soudan s’est embarqué sur une voie difficile d’édification de la paix et de réconciliation. Des développements positifs sont intervenus avec les négociations de paix en cours sur le Darfour, la promulgation d’une nouvelle constitution et l’entrée en fonction du Gouvernement du Sud. Cependant, il existe des difficultés dans la mise en œuvre de l’Accord de paix tandis que le processus d’harmonisation de la législation nationale est retardé. Les lois d’urgence au Darfour sont toujours en vigueur et les arrestations arbitraires, la torture, les mauvais traitements de civils et la violation des droits fondamentaux se poursuivent aussi. Le droit à la vie est violé notamment au Darfour où les assassinats et les viols dans les camps de déplacés sont enregistrés quotidiennement. La violence contre les femmes et les fillettes est commise en toute impunité. Si le gouvernement reconnaît l’existence d’une violence sexuelle il n’en admet pas l’ampleur. Une paix durable et juste ne sera pas possible sans justice et il est essentiel de fixer les responsabilités des auteurs de crimes et de mettre fin à la culture de l’impunité comme le gouvernement s’est engagé à le faire. Malheureusement, cet engagement ne s’est pas traduit dans les faits.
Au sujet de la liberté d’expression, Mme Samar a relevé que le décret présidentiel du 4 août 2005 sur le travail des organisations humanitaires viole, selon ces organisations, les droits garantis par la Constitution nationale intérimaire. Mme Samar a demandé à toutes les parties au conflit de prendre place à la table des négociations et de respecter le droit humanitaire. Les autorités sont encouragées à entreprendre la mise en œuvre de l’Accord de paix et de la nouvelle Constitution nationale en mettant l’accent sur la promotion et la protection des droits de l’homme de tous les Soudanais. Elle a demandé au Gouvernement de déployer la police dans les zones vulnérables du Darfour, et de prendre des mesures concrètes pour empêcher les attaques contre les femmes,de lancer un programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR) et un programme de réforme des lois pour les rendre conformes aux instruments juridiques internationaux.
La Rapporteure spéciale a dit avoir reçu des informations contradictoires de la part de fonctionnaires sur la ratification éventuelle de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes. Elle demandé au Gouvernement de mettre fin à la culture de l’impunité et de traduire en justice les auteurs de crimes. Elle l’a également encouragé à ratifier le statut de la Cour pénale internationale, et demandé que la réinstallation des personnes déplacées au sein de leur propre pays soit faite dans le respect des droits de l’homme. Mme Samar a par ailleurs encouragé la communauté internationale à aider le gouvernement à mettre en œuvre l’Accord de paix global et à honorer les annonces de contributions faites lors de la Conférence d’Oslo. Elle a demandé à l’Union africaine de renforcer sa présence qui est encore insuffisante.
Le représentant du Royaume-Uni, au nom de l’Union européenne, a demandé si le gouvernement du Soudan avait pris des mesures pour mettre un terme à la culture de l’impunité et s’il coopérait avec le Tribunal pénal international pour traduire en justice les auteurs de crimes contre l’humanité. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour désarmer les milices janjaweed? Quelles sont les mesures prises pour mettre un terme à la torture qui est généralisée? Le représentant de la Jamahiriya arabe libyenne a mis en avant les développements positifs enregistrés au Soudan et notamment la ratification de l’Accord de paix global suivi de la formation d’un gouvernement élargi et de l’adoption de la nouvelle Constitution. Des avancées ont eu lieu au Darfour en raison des accords signés sous l’égide de l’Union africaine. Nous ne devons pas noircir le tableau de la situation des droits de l’homme au Soudan qui sortira de cette crise lorsqu’il y aura moins d’ingérence dans ses affaires intérieures. La représentante des États-Unis a demandé si les retards pris affectent aussi la Commission sur les non musulmans. Le représentant de la République islamique d’Iran a estimé que des progrès importants avaient été faits au Soudan. De son côté le représentant de la Chine a demandé comment l’Union africaine pourrait appuyer le gouvernement du Soudan dans ses efforts d’amélioration de ses capacités. Il s’est félicité de la manière ouverte dont le Gouvernement soudanais avait accueilli Mme Samar. La communauté internationale devrait reconnaître les efforts déployés par le Gouvernement soudanais. Pour juger la situation des droits de l’homme dans un pays, il faut tenir compte de facteurs historiques. Il a demandé quels étaient les défis que le Gouvernement soudanais devait relever et comment la communauté internationale pouvait l’aider. Le représentant de Cuba a convenu également qu’il fallait donner du temps à la paix. Il a demandé à savoir quelles étaient les sources de certaines informations. La représentante de l’Égypte a elle aussi loué les avancées faites au Soudan et la coopération des autorités soudanaises. Il est important de traiter les questions des droits de l’homme sur une base de coopération et d’aide mutuelle et non pas sur une base de confrontation. Il est aussi important de tenir compte de la situation économique et sociale qui est particulière au Soudan.
Le représentant du Soudan a réaffirmé l’engagement de son pays en faveur de la diplomatie multilatérale et du dialogue constructif. Le rapport comporte divers aspects positifs qui sont l’aboutissement des politiques adoptées par le Gouvernement afin de remédier à la situation des droits de l’homme, notamment au Darfour. La signature de l’Accord global de paix a été suivie par de nombreuses étapes pour parvenir à son application. La Constitution transitoire consacre un chapitre au renforcement des droits de l’homme. Des mesures juridiques ont également été adoptées et des consultations ont eu lieu pour la création de tribunaux constitutionnels. La paix favorise la protection des droits de l’homme, y compris les droits politiques, civils, culturels et économiques, et le droit au développement. Nous avons signé en 2005 la Charte africaine des droits de l’enfant et ses deux Protocoles facultatifs. À propos de la situation dans les trois provinces du Darfour, le représentant a précisé que le Gouvernement poursuit son action pour remédier aux causes du problème. Nous avons signé un mémorandum d’accord avec les Nations Unies sur l’autorisation de faire parvenir l’aide humanitaire sans entrave et nous avons signé avec les rebelles des protocoles humanitaires et sécuritaires. Nous avons permis le déploiement d’experts en matière des droits de l’homme. L’Union africaine a fait l’éloge des progrès réalisés lors de négociations entre les parties. La Cour criminelle spéciale à Darfour, pour juger les auteurs de violations des droits de l’homme, a été créée ainsi que des comités nationaux de vérification des faits. Compte tenu de tous ces éléments, le représentant s’est dissocié du rapport de Mme Samar qui ne met pas en avant selon lui les faits positifs s’étant produits dans le pays.
Répondant à cette série de questions, Mme SAMAR a assuré le représentant du Soudan que si son rapport comprend bien des éléments négatifs il comprend également beaucoup d’éléments positifs. Elle a par ailleurs expliqué que les attaques contre les civils se poursuivent car le processus de DDR n’est pas vraiment mis en place, et que les Nations Unies ne disposent pas de la capacité suffisante pour protéger les populations civiles, notamment au Darfour. Elle a aussi confirmé le maintien de la culture de l’impunité. Il existe bien une commission d’enquête sur le Darfour ainsi qu’une commission chargée de rassembler les plaintes ainsi qu’un tribunal spécial pour le Darfour. Toutefois, les personnes jugées l’ont été pour des vols mais pas pour des crimes contre l’humanité, a-t-elle précisé. La communauté internationale doit fournir une aide pour désarmer les milices janjaweed qui sont sous le contrôle du gouvernement et de toutes les autres milices. Les arrestations arbitraires sont le fait de la police et nous avons également pris connaissance de cas de torture qui n’ont pas été punis. Il est vrai que le Soudan a besoin de temps mais cela ne signifie pas que nous devons prendre du retard. La Rapporteure spéciale a par ailleurs estimé que l’économie est à la source des conflits entre les groupes ethniques.
M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a indiqué que son rapport portait sur trois grands sujets: la famine qui s’étend en Afrique, la problématique des peuples autochtones et du droit à l’alimentation, et les obligations internationales des États en matière de droit à l’alimentation. Il a rappelé que l’article 11 du premier Pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels stipulait que tout être humain a droit à un accès permanent et libre à une nourriture adéquate et suffisante et qui lui assure une vie satisfaisante et digne. Le fait que des personnes continuent à mourir de faim représente donc le plus important scandale de ce millénaire, a-t-il lancé. Le premier Objectif du Millénaire pour le développement est de réduire de moitié les victimes de la faim et de la malnutrition d’ici 2015. Une initiative a par ailleurs été prise par le Président brésilien visant à éliminer totalement la faim dans le monde, initiative à laquelle ont souscrit de nombreux États d’Amérique latine, mais aussi deux États européens, la France et l’Espagne. M. Ziegler a souligné que si ces deux objectifs étaient certes honorables, la réalité des chiffres leur oppose une vigoureuse contradiction. En 2003, le nombre de personnes régulièrement affamées a augmenté de 10 millions. 100 000 personnes meurent de faim chaque jour, un être humain sur six est gravement sous-alimenté. Or le rapport de la FAO indique que l’agriculture mondiale pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’être humains –la planète comptant actuellement 6,2 milliards d’habitants. M. Ziegler en a conclu qu’il n’existait aucune fatalité à ce drame quotidien. Un enfant meurt de faim toutes les cinq secondes, a-t-il ajouté, déclarant que l’ordre mondial est non seulement meurtrier, mais il est absurde, car ne reposant sur aucune justification objective.
M. Ziegler a ensuite évoqué les problèmes de la famine en Afrique. Il a indiqué avoir effectué une mission au Niger en juillet 2005, au moment où se déroulait une catastrophe sans précédent. Une grave famine s’est en effet étendue depuis le printemps sur les peuples d’Afrique australe, du fait de dysfonctionnement climatiques, dont ont également été victimes les populations du Sahel, qui ont, de surcroît, été affectées par l’invasion de milliards de criquets. Le Rapporteur spécial a également rappelé qu’en trois ans, en Afrique sub-saharienne, le nombre de personnes sous-alimentées était passé de 88 millions à plus de 200 millions. Au Niger, sur les 12 millions d’habitants, 3,6 millions sont menacés directement de mort du fait de la sous-alimentation. Ce cas est un exemple, a estimé M. Ziegler, de la rupture de solidarité qui s’est opérée entre la communauté internationale et le continent africain. Il a précisé que le PNUD a pourtant fait son devoir en lançant plusieurs appels à la communauté internationale –qui sont restés sans réponse- ajoutant que les critiques de négligence adressées au Gouvernement du Niger n’étaient pas recevables, pas plus que ne l’étaient celles d’une réponse soi-disant tardive des organisations spécialisées des Nations Unies. En effet, le Programme alimentaire mondial (PAM) ne disposaient plus de réserves suffisantes, au printemps 2005 à la suite de ses interventions après le tsunami, pour fournir les 12 000 tonnes d’aide d’urgence nécessaires au Darfour et en Corée du Nord. De plus, alors que les Directeurs des organisations présentes dans le pays se sont directement adressés à l’opinion publique mondiale le 16 juin pour lancer un appel aux dons, seuls 3,5 millions de tonnes ont été récoltées. Plusieurs pays ont apporté une aide bilatérale, mais la mobilisation qui serait nécessaire pour les 31 pays africains affligés par une malnutrition grave, souvent mortelle, n’a pas eu lieu. M. Ziegler a toutefois salué les efforts du Secrétaire général qui s’est rendu en personne au Niger pour appuyer ce mouvement de solidarité -qui n’est finalement resté qu’à l’état embryonnaire.
S’agissant du problème des réfugiés, le Rapporteur spécial a indiqué qu’ils étaient 16 millions dans le monde, dont 2 millions en Afrique australe. C’est le PAM, conventionnellement liée au Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés, qui assure leur subsistance. Or le Programme a subi une réduction drastique de ses moyens, la Communauté internationale ayant donné 10,2 millions de tonnes en 2003, mais seulement 7,1 millions en 2004. Dans les camps de Tanzanie, où vivent 400 000 réfugiés venus des différents pays de la région des Grands Lacs, le PAM a dû réduire d’un tiers ses rations depuis 11 mois, à un niveau inférieur au minimum vital. L’ONU n’est dès lors plus en mesure de respecter les critères de survie des personnes dont elle a conventionnellement la charge.
Abordant ensuite la question des populations autochtones, M. Ziegler a déclaré qu’ils représentaient 350 millions de personnes et 5 000 peuples et souffraient d’un déni grave et répété du droit à l’alimentation. Le Rapporteur spécial a rappelé que depuis 10 ans, le projet de Déclaration de la Commission des droits de l’homme sur les peuples autochtones n’avait pas abouti, du fait de la résistance de certains États. Le Venezuela, le Chili, la Chine ont pris des mesures, mais au niveau de la communauté internationale, le blocage de la Déclaration empêche que soient lancées quatre réformes: l’autodétermination économique (la possibilité de produire selon leur mode de production ancestrale), la protection de leur héritage botanique contre les brevets des entreprises multinationales; la protection de leurs terres et la notion de propriété collective, caractéristique de la plupart de leurs traditions, mais qui, le plus souvent, n’est pas reconnue par les législations nationales. M. Ziegler a lancé un appel aux États pour que les négociations permettent de lever ce blocage.
Le Rapporteur spécial a enfin déclaré que, pour la première fois, la Commission des droits de l’homme avait statué, par une résolution adoptée à une large majorité, que les États avaient des obligations internationales à respecter en matière de droits de l’homme, notamment dans le domaine du droit à l’alimentation. Il a rappelé que de la Déclaration d’indépendance des États-Unis de 1776, qui a défini pour la première fois les droits de l’homme, à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la question des droits de l’homme est considéré dans leur relation dialectique entre l’individu et l’État. Elles considèrent que les États (duty bearers) doivent respecter les droits de chaque individu (stakeholder). Fondamentalement, les droits de l’homme représentent des interdits faits aux États par les citoyens.
Or ce système est aujourd’hui dépassé avec l’existence d’acteurs internationaux non étatiques, tels que les firmes multinationales privées, qui sont parfois plus puissantes que les États (en 2004, elles représentaient 52% du produit mondial brut). Il devient donc nécessaire, dans ce contexte, que les États reconnaissent les obligations internationales qui leur incombent. M. Ziegler a ainsi indiqué que, lorsqu’ils agissent comme membres de l’OMC ou du Fonds monétaire international, les États devraient respecter l’ensemble des droits de l’homme, y compris le droit à l’alimentation, qu’ils sont censés respecter sur leur propre territoire. Dans le cadre du cycle de négociations de Doha, dont l’accord agricole international en jeu pourrait avoir des répercussions majeures sur la vie de millions d’individus, en particulier dans l’hémisphère sud, l’argument des droits de l’homme avancé par certains États a été rejeté. Or la politique du dumping agricole pratiquée dans les pays occidentaux empêche les agriculteurs africains de gagner leur vie. Il faut donc que cette position schizophrène, qui consiste pour les États à défendre les droits de l’homme à l’ONU mais à les bafouer à l’OMC, cesse et que les droits de l’homme et le droit à l’alimentation deviennent la norme dominante pour l’ensemble des négociations conduites dans le cadre des organisations interétatiques.
En réponse à plusieurs questions et remarques des délégations, M. ZIEGLER a indiqué que le système des Nations Unies, comme le monde universitaire international et les ONG, sont divisés sur la légitimité des droits économiques, sociaux et culturels. Les points de vue se partagent entre ceux qui estiment nécessaire de les reconnaître et de les soutenir au niveau international, et les néo-libéraux, qui approuvent le « Consensus de Washington » et qui réunissent des pays comme les États-Unis ou l’Australie et des organisations internationales comme l’OMC et le FMI. Ces derniers considèrent qu’il ne peut y avoir de droit à l’alimentation, à l’éducation ou au travail et que seul le marché peut décider du prix juste de ces services. Il en découle quatre principes: la libéralisation de tous les mouvements de capitaux, biens, services et brevets; la privatisation du plus grand nombre possible de services publics; la stabilité macro-économique et la réduction budgétaire. La faim serait ainsi nécessairement graduellement résorbée si tous les marchés agricoles étaient libéralisés et les sources d’eau privatisées, c’est-à-dire s’ils faisaient l’objet d’une exploitation plus rationnelle. À l’inverse, les tenants des droits économiques, sociaux et culturels considèrent que la reconnaissance de ces droits est essentielle pour pallier les lacunes créées par l’existence d’un marché totalement libre.
Dans cette logique divisée, le Gouvernement américain a voté contre la résolution 2010 portant mandat du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation et contre chacun de ses rapports, non par cynisme ou par ignorance des ravages de la faim, mais par conviction que le libéralisme est la seule solution, en ce qu’il permet au capital de créer le maximum de richesses. De fait, a reconnu M. Ziegler, entre 1992 et 2002, durant la première décennie de la mondialisation, le produit brut mondial a doublé et le commerce mondial a plus que triplé. Cette théorie est donc juste, puisque le monde a créé plus de richesses que jamais auparavant -le problème étant la monopolisation de ces richesses. Les néo-libéraux estiment que si le marché connaît des dysfonctionnements, il revient à l’aide humanitaire de les combler. Là encore, les États-Unis sont cohérents avec leur position, puisque si le PAM a pu nourrir 91 millions de personnes en 2004, c’est à hauteur de 65% grâce au financement en dons et en nature prodigués par le Gouvernement américain.
Si cette théorie est largement combattue par les tenants des droits économiques et sociaux, force est de constater que l’ONU se trouve dans une situation contradictoire, où les programmes d’ajustement structurel appliqués par les Institutions de Bretton Woods détruisent les progrès que les organes des Nations Unies parviennent péniblement à enregistrer.
Auparavant, la représentante des États-Unis avait déclaré que son pays était déterminé à contribuer à la sécurité alimentaire dans le monde et qu’elle était le plus important donateur alimentaire mondial, ayant versé 2,6 millions de dollars au PAM en 2004. Elle a indiqué que le Président Bush avait en outre annoncé le déblocage d’une aide supplémentaire pour l’Afrique. Elle a ajouté qu’il était encore plus important de remédier aux causes de la faim chronique, inter alia, en accroissant la productivité agricole, en éliminant les barrières tarifaires, en particulier dans le cadre des négociations du cycle de Doha, en promouvant la transparence et en encourageant les transferts de technologies.
En réponse au représentant de la Chine, M. Ziegler a par ailleurs déclaré que le FMI avait exigé du Niger, fortement endetté, qu’il privatise l’Office national vétérinaire, qui distribuait auparavant gratuitement aux éleveurs les vaccins et les vitamines, ce qui a eu pour conséquence que le bétail périclite. Le FMI a également exigé la privatisation de l’Office national des transports, ce qui a empêché l’arrivage des semences et des secours d’urgence dans les régions reculées du pays, les entreprises privées ne souhaitant plus prendre le risque d’emprunter des pistes peu sûres. Si la politique du Fonds monétaire international repose sur une théorie cohérente, elle a des conséquences pratiques catastrophiques, a-t-il conclu.
Le Représentant spécial a également mentionné l’étude empirique réalisée par l’association britannique OXFAM sur les pays où le FMI avait imposé des plans d’ajustement structurel. Il en résulte que partout, la faim a augmenté. M. Ziegler a estimé que ce résultat était logique, dans la mesure où ces politiques visent à augmenter les ressources du pays en devises en vue de rembourser leur dette dans une monnaie internationale, et ce, en mettant l’accent sur des productions exportables, au détriment des productions vivrières.
M. Ziegler a répondu à de nombreuses observations et questions de délégations, en expliquant qu’il fallait distinguer entre deux types de faim: la faim conjoncturelle, qui est le résultat d’une famine qui se produit lorsqu’une économie est détruite à la suite d’une guerre civile ou d’une catastrophe climatique, et que le pays ne peut compter sur des réserves. La faim structurelle est, quant à elle, implicite et résulte de forces de production insuffisamment développées du fait du manque de revenus des populations, de terres trop petites pour être rentables, d’engrais inaccessibles ou de projets d’irrigation qui n’ont pas de sources de financement (le Niger est, par exemple, placé sur les plus importantes nappes phréatiques du monde). La faim conjoncturelle représente environ 10% des victimes et la faim invisible 90%.
Le Représentant spécial en a conclu que l’aide humanitaire devait être rendue plus efficace. Il a signalé, à ce propos, que Jan Englund, qui dirige l’OCHA, avait proposé de créer un fonds international de réserves pour les catastrophes, qui permettrait de puiser en cas d’urgence dans des réserves de médicaments, de moyens de transports et nourritures, au lieu d’avoir à coordonner au plus vite celles qui sont actuellement réparties dans différents fonds de l’ONU. Il a cependant attiré l’attention sur la volonté du FMI de « financiariser » l’aide humanitaire gratuite. M. Ziegler a espéré que l’expert indépendant qui a récemment plaidé pour que le nouvel accord international agricole n’interdise pas la gratuité de l’aide nord-sud voie son courage récompensé et qu’une majorité d’États s’opposent, comme lui, au projet du FMI.
Auparavant, la représentante du Niger avait estimé, à l’aune de l’expérience de son pays, que la solidarité internationale devait être repensée et les mécanismes de secours alimentaire améliorés. M. Ziegler a par ailleurs salué l’initiative du Président vénézuelien Chavez qui, avec appui de l’Algérie, a proposé que l’OPEP crée un fonds international d’urgence. Le représentant du Guatemala a, quant à lui, fait part des graves difficultés que rencontraient son Gouvernement pour remédier à la situation alimentaire catastrophique de son pays, en particulier parmi les populations autochtones, soulignant que les obstacles s’étaient accrus avec les récentes inondations et les glissements de terrain qui ont été provoqués par l’ouragan Stan. Les fonds qui étaient consacrés à la politique alimentaire mise en place par le Gouvernement ont ainsi dû être en grande partie utilisés pour faire face à la situation d’urgence. Il a indiqué que les cinq piliers de cette politique étaient la protection de l’environnement, la priorité donnée aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux enfants, l’accès aux soins de santé, la prévoyance face aux catastrophes et la fourniture d’une eau potable. Un Secrétariat à la lutte contre la faim a en outre été institué, tandis qu’un cadre législatif sur le droit à l’alimentation a été élaboré. Le représentant a déclaré attendre les observations et recommandations de M. Ziegler sur ce programme d’action. M. Ziegler a par ailleurs fait part de son enthousiasme face aux initiatives de l’Inde, en particulier le programme PDS, qui permet à 320 millions de personnes de recevoir des cartes de rationnement. Il a ainsi signalé qu’en Chine et en Inde, la faim avait aujourd’hui disparu, alors que des millions de personnes y mourraient encore de faim il y a quelques dizaines années.
Enfin, en réponse au représentant du Royaume-Uni, qui s’interrogeait, au nom de l’Union européenne sur la collaboration du Représentant spécial avec la société civile, M. Ziegler a déclaré que l’aide des ONG était essentielle et qu’il était même inscrit dans le mandat du Rapporteur spécial de prendre connaissance des informations émanant de la société civile (églises, syndicats, mouvements sociaux, etc.) pour les apporter à la connaissance des États. Il a mentionné la Campagne pour le droit à l’alimentation qui a eu lieu, en Inde, grâce aux ONG et à l’aide des juges de la Cour suprême et ont donné des résultats majeurs. Il a également fait part des dénonciations dont lui a fait part l’association Cambridge Solidarity with Iraq au sujet des violations du droit à l’alimentation en Iraq, au moment où les troupes de la Coalition ont coupé l’approvisionnement en eau et en nourriture des villes iraquiennes dont elles souhaitaient prendre le contrôle. Il a indiqué être en train de récolter les informations sur le sujet, avant d’agir au niveau international. Il a ainsi déclaré que les ONG étaient des laboratoires de pensée essentiels pour le fonctionnement des Nations Unies et la réalisation des exigences de la Charte et de la Déclaration universelle des droits de l’homme, aidant les rapporteurs et les détenteurs du pouvoir à avancer dans la lutte pour la justice sociale dans le monde.
M. IBRAHIM SALAMA, Président du Groupe de travail sur le droit au développement de la Commission des droits de l’homme, a estimé que l’on assistait à une transformation majeure de la manière dont les êtres humains pensaient. La dichotomie classique entre l’État et ses ressortissants a été modifiée en raison de la mondialisation. De plus en plus, l’espace national se réduit et les États ont des obligations sur le plan international. L’environnement mondial commence chez soi. Pour que les changements soient possibles au niveau international il faut commencer au niveau national. Les questions sont désormais trans-sectorielles dans un environnement mondial.
Au cours de la guerre froide, le droit au développement était une relique de l’ancien ordre économique. La mondialisation nous a obligé à constater l’impact du commerce sur le développement, que nous n’avions pas mesuré. Pour la première fois en 1986 nous nous sommes rendus compte à quel point les débats étaient politisés et le droit au développement n’était qu’un arbre de Noël auquel tout le monde attachait quelque chose. Nous nous sommes donc mis d’accord sur une nouvelle approche qui repose sur l’indivisibilité des droits de l’homme. Pour prouver la pertinence du droit au développement, il est essentiel de donner des preuves empiriques de l’impact des politiques sur les droits de l’homme. Nous avons aussi acquis une meilleure méthodologie dans l’appréhension du droit au développement.
Le représentant du Royaume-Uni a rappelé que l’Union européenne n’était pas favorable à l’imposition de normes juridiquement contraignantes sur le droit au développement et a demandé ce que le Président du Groupe de travail en pensait. Le représentant de la Chine a demandé des précisions sur l’impact des négociations commerciales sur les droits de l’homme. Il a aussi demandé quelle était la pertinence du mandat du Président du Groupe de travail dans le cadre de la prochaine conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce qui aura lieu à Hong Kong. Le représentant de Cuba s’est dit frappé de constater que les exigences posées aux divers États membres dans le cadre du droit au développement ne sont pas identiques. On aurait pu s’attendre à des progrès sensibles cette année à la suite de la publication du rapport de Jeffrey Sachs.
Répondant à cette série de questions, M. SALAMA a convenu que malgré les progrès, la communauté internationale évoluait en cercle fermé sans vraiment s’adresser à l’extérieur alors que c’est là que les violations des droits de l’homme se produisent. Nous devons forger davantage de partenariats avec les institutions consacrées au développement et invoquer les textes internationaux de promotion des droits de l’homme. Il a indiqué que par rapport à l’Organisation mondiale du commerce, il disposait d’un mandat peu reconnu. Il a souligné que la multiplication des mandats avait crée une richesse mais également une certaine confusion au sein du système des Nations Unies. Le partenariat mondial est important et confirme que les dimensions nationales et internationales du droit au développement ne sont pas contradictoires.
M. PAOLO SERGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a estimé qu’il n’avait pas pu s’acquitter de son mandat comme il l’avait espéré. Depuis 2003, il tente en effet sans succès d’obtenir les autorisations de se rendre au Myanmar pour vérifier les allégations de violations des droits de l’homme. Ainsi le gouvernement refuse que ses vues soient reflétées dans son rapport. La Commission nationale chargée de rédiger une nouvelle constitution est en place depuis plus de 12 ans mais les partis politiques sont exclus des négociations tandis que les opposants politiques continuent de disparaître, parmi eux, des parlementaires, des journalistes et des enseignants. Aung San Suu Kyi du LDN est toujours assignée à résidence. La transition politique est une longue route sinueuse dont on ne voit pas la fin. Les exactions commises contre les communautés ethniques du Myanmar sont continues. Les violations des droits de l’homme sont systématiques au Myanmar. La justice, loin de protéger les droits des citoyens, sert à faire taire les voix dissonantes. Le travail forcé est courant et quiconque est déclaré comme ayant fait des plaintes « fausses » à l’Organisation mondiale du travail est condamné à une peine de prison. Le gouvernement procède à des déplacements de villages entiers pour juguler les activités des groupes armés. La traite des êtres humains est également un problème grave dans le pays et dans les pays voisins ainsi que la propagation du VIH/sida. Malheureusement, le Fonds mondial contre le sida a dû prendre la décision de se retirer du pays, a regretté le Rapporteur spécial. Le contrôle accru et les restrictions bureaucratiques auxquelles les organisations humanitaires sont en butte ne devraient pas les dissuader de fournir une assistance dans le pays. L’aide humanitaire ne peut pas être prise en otage par des considérations politiques. J’exhorte la communauté internationale et humanitaire à ne pas abandonner le peuple du Myanmar. Il nous faut trouver des moyens constructifs de sortir de cette impasse par le dialogue systématique. Le changement ne peut cependant venir que des capacités endogènes. Il semble pourtant que les dirigeants mènent le pays vers un isolement absolu qui ternit l’image de la région. Aucun pays ne peut vivre dans un tel isolement.
Le représentant du Myanmar a rappelé que son gouvernement avait accepté à six reprises la visite du Rapporteur spécial sur la base de la non sélectivité et de l’impartialité. Le mandat tel qu’établit par la Commission des droits de l’homme a comme objectif d’enquêter sur la situation des droits de l’homme. Malheureusement, le rapport du Rapporteur spécial est marqué par de nombreux exemples d’intrusions dans les affaires internes du pays et dépourvu d’objectivité et d’impartialité. Le représentant a rejeté les critiques faites dans ce rapport au sujet de la situation économique et sociale et a contesté les sources d’information qui y sont citées. Il a rejeté les accusations de violences sexuelles contre les femmes et les enfants des communautés ethniques et a nié l’existence de déplacements massifs et forcés des minorités ethniques, car, a –t-il affirmé, la paix et la tranquillité règnent dans le pays. Le représentant a aussi refusé les allégations au sujet des réfugiés se trouvant aux frontières avec la Thaïlande. Il n’existe pas de violations systématiques des droits de l’homme dans le pays.
La représentante du Venezuela a demandé des précisions sur les sources d’informations du Rapporteur spécial. La représentante du Canada a dit que le Myanmar était connu pour ne pas coopérer avec la communauté internationale. Nous sommes face à un gouvernement militaire de plus en plus fermé. Quelle est l’approche idoine, a-t-elle demandé au Rapporteur spécial? Le représentant de l’Indonésie a demandé l’avis du Rapporteur spécial sur l’impact du retrait du Fonds contre la VIH/Sida au Myanmar. Que devrait faire la communauté internationale pour ne pas mettre en péril les efforts humanitaires en cours? Le représentant du Royaume-Uni a demandé quelle suite avait été donnée au 17 communications transmises aux autorités et quelles mesures avaient été mises en œuvre pour le déroulement de la feuille de route vers la démocratie. Quels sont les progrès dans la mise en œuvre du plan d’action international pour prévenir l’enrôlement d’enfants soldats? La représentante des États-Unis a demandé si les Nations Unies avaient l’intention de faire quelque chose face aux restrictions auxquelles sont soumises les organisations humanitaires et face aux restrictions à la liberté de religion.
M. PINHEIRO a expliqué que sa première source d’informations est les Équipes de pays des Nations Unies au Myanmar ainsi que les ONG internationales. Mais, a-t-il dit, il est impossible de réaliser un travail sérieux sans avoir accès au pays. Je crois au le dialogue, à la patience et à la diplomatie. Il ne faut pas que le gouvernement s’isole. Il a expliqué qu’il n’avait pas reçu de réponses conséquentes aux 17 communications qu’il avait envoyées au Gouvernement.
Le représentant de la Suède a indiqué avoir reçu des informations d’ONG opérant dans la région selon lesquelles 87 000 personnes, appartenant à des minorités ethniques auraient été forcées au cours de l’année de quitter 68 villages, parmi lesquelles 42 000 se cachent de l’armée dans la jungle. Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a rappelé que le Myanmar a invité le Rapporteur spécial six fois mais pas depuis 2003 pour des raisons de sécurité nationale. Est-ce que le Rapporteur spécial a tenu compte de ce que désirait le Gouvernement dans l’exécution de son mandat, a-t-il demandé? De son côté, le représentant du Japon a demandé à la communauté internationale de maintenir un dialogue permanent. Le représentant du Myanmar a réaffirmé que le Rapporteur spécial s’était rendu 6 fois dans le pays et que le représentant spécial s’y est rendu 14 fois ce qui est un record. Le représentant de l’OIT s’est rendu dans le pays où il a rencontré le Ministre du travail. Nous lui avons assuré la détermination de notre gouvernement de coopérer avec l’OIT à condition qu’il n’y ait aucune politisation des questions abordées.
Répondant à cette autre série de questions, M. PINHEIRO a indiqué que le Comité international de la Croix-Rouge avait eu accès à la frontière est du pays ce qui est un développement positif. Il a précisé que son travail vise le bien-être de la population du Myanmar en sa qualité d’envoyé de la Commission des droits de l’homme sur la base de principes universels que la communauté internationale a elle-même adoptés. La réduction de la culture de l’opium, par ailleurs, est un exemple de coopération réussie entre le Myanmar et la communauté internationale. À l’avenir au sein du Conseil des droits de l’homme, il faudrait éviter la sélectivité dans le choix des Rapporteurs et les nommer sur la base de la répartition géographique équitable. Il existe dans la région une volonté forte de coopérer avec le Myanmar.
M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en RPDC, a exhorté la République populaire démocratique de Corée (RPDC) à considérer son mandat comme une possibilité de dialoguer avec le monde, insistant sur sa volonté d’avoir une approche constructive et regrettant que le Gouvernement coréen ne l’ait pas encore invité dans son pays et ait décliné toute proposition de coopération.
Le Rapporteur spécial a tout d’abord fait part des aspects positifs qu’il a pu noter: le fait que la RPDC soit désormais partie à quatre conventions internationales, qu’elle ait coopéré avec plusieurs organismes des Nations Unies, notamment l’UNICEF, et qu’elle ait entrepris un certain nombre de réformes économiques et juridiques. Parmi celles-ci, M. Muntarbhorn a mentionné la révision en 2004 du code pénal pour tenir compte du principe du « nullum crimen sine lege » (pas de crime sans loi). Il a également estimé que la dénucléarisation du pays constituait un problème, certes ancien, mais toujours complexe, saluant par-là même la reprise des négociations en 2005.
Au titre des difficultés persistantes en matière de droits de l'homme, il a tout d’abord fait état des atteintes au droit à l’alimentation et à la vie, résultant de pénuries catastrophiques causées par des inondations et des sécheresses, dans les années 1990, mais aussi de la réaction inadéquate des autorités. Il a considéré que la situation restait critique, la pénurie alimentaire restant sévère. Si l’aide alimentaire doit être poursuivie, Le Rapporteur spécial a insisté pour que les distorsions avec le budget militaire soient réduites et qu’une allocation adéquate de ressources soit assurée pour contribuer au développement du pays. Il s’est par ailleurs dit préoccupé par l’intention des autorités de cesser de recevoir à partir de la fin 2005 l’aide financière internationale. Le pouvoir de RPDC allègue que les récoltes sont sur le point de s’améliorer, alors qu’il souhaite en réalité réduire la présence humanitaire dans le pays, a-t-il souligné, ajoutant être quelque peu rassuré par les signes de souplesse manifestés récemment sur ce sujet par les autorités de PyongYang.
S’agissant du droit à la sécurité et à la non discrimination, le Rapporteur spécial a fait état des graves transgressions qui lui avaient été rapportées relativement à la situation dans les prisons où les normes internationales ne sont pas respectées. Il a également mentionné l’existence de punitions collectives, fondées sur la culpabilité par association des membres de la famille de la personne incriminée, ainsi que les enlèvements de citoyens d’autres pays, notamment du Japon.
M. Muntarbhorn a en outre rapporté les violations du droit à la liberté de mouvement, à l’asile et à la protection, du fait de contrôles stricts appliqués aux déplacements des individus et aux sanctions appliquées aux migrants n’ayant pas obtenu un certificat des autorités. Il a également indiqué que malgré les affirmations des autorités, le droit à la participation politique et les libertés d’expression, de réunion et de conviction ne sont pas respectés.
S’il a enregistré des évolutions positives sur le plan des droits d’individus spécifiques, il a constaté certains faits déconcertants, en particulier liés à la traite des êtres humains et à l’exploitation des femmes qui tentent de gagner leur vie dans d’autres pays, notamment en Mongolie. Une étude réalisée par l’ONU en 2004 montre en outre que la malnutrition infantile demeure élevée, touchant encore 37% des enfants.
Le Rapporteur spécial a conclu que, malgré des évolutions positives au cours des dernières décennies, de nombreuses transgressions des droits de l’homme doivent encore être déplorées en RPDC. Il a enjoint les autorités de PyongYang à:
- respecter les normes internationales de droits de l’homme, y compris les 4 traités auxquels le pays est partie et mettre en oeuvre les recommandations des organes conventionnels;
- respecter la paix et la démilitarisation et faire plus de place à la participation de la population civile;
- respecter l’état de droit, notamment par la promotion d’un système judiciaire transparent et indépendant, des garanties aux détenus, un équilibre des pouvoirs;
- améliorer l’administration de la justice, en contribuant à l’amélioration des conditions de vie dans les prisons, en abolissant le travail forcé et les châtiments corporels et en mettant fin à la détention des prisonniers politiques;
- garantir le droit à la liberté de mouvement pour tous;
- assurer des réparations dans les cas de transgression des droits de l'homme, notamment dans les cas d’enlèvements de ressortissants étrangers;
- organiser des programmes de connaissance des droits de l’homme à l’attention du grand public et des organes d’application de la loi;
- veiller au maintien de l’aide humanitaire et faire en sorte qu’elle atteigne les groupes ciblés;
- inviter le Rapporteur spécial à visiter le pays;
- solliciter l’assistance technique du Bureau du Haut commissariat aux droits de l’homme pour un appui en matière de défense de ces droits.
M. Muntarbhorn a également indiqué avoir demandé à la Communauté internationale d’apporter son soutien aux recommandations faites à la RPDC, de contribuer à la protection des réfugiés et des personnes déplacées et de fournir une aide alimentaire.
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