L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE OUVRE UN DIALOGUE SANS PRÉCÉDENT AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
Communiqué de presse AG/10359 |
Assemblée générale
105e séance plénière – matin & après-midi
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE OUVRE UN DIALOGUE SANS PRÉCÉDENT AVEC LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
Leurs points de vue sur le développement, l’aide, la sécurité, les droits
de l’homme, alimenteront les discussions en prévision du Sommet mondial de 2005
L’Assemblée générale a lancé ce matin un dialogue sans précédent avec les organisations non gouvernementales, les représentants de la société civile et le monde des affaires à un moment où la communauté internationale prépare le Sommet mondial de 2005. Du 14 au 16 septembre prochain, les dirigeants du monde tireront le bilan des engagements qu’ils ont pris en 2000, également appelés Objectifs du Millénaire pour le développement, pour réduire l’extrême pauvreté et la faim, garantir l’éducation primaire pour tous, promouvoir l’égalité des sexes ou encore assurer la viabilité écologique.
Ce dialogue, qui se poursuivra demain, vise à recueillir les vues de la société civile sur une vaste gamme de questions qu’il s’agisse de la vision du développement et de son financement, du respect des droits de l’homme, ou du commerce. » Il s’appuie sur le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande » qui propose un ordre du jour auquel le futur Sommet devra donner suite. Les participants ont apporté leurs commentaires au projet de texte à soumettre au Sommet de septembre qui avait été soumis par le Président de l’Assemblée générale aux États Membres le 3 juin.
Le Président de l’Assemblée générale, Jean Ping du Gabon, a signalé qu’un compte-rendu sera publié comme un document officiel de l’Assemblée générale qui constituera un apport significatif aux délibérations des États Membres en vue du Sommet de septembre prochain. Les ONG, les organisations de la société civile et du secteur privé sont des composantes essentielles de nos nations respectives, a-t-il déclaré, car elles participent au développement collectif de nos sociétés. Leurs propositions sont donc attendues pour le tracé de notre avenir commun.
La Secrétaire générale adjointe, Louise Fréchette, a lancé un appel aux représentants pour qu’ils fassent entendre leur voix. « Vous apportez en effet votre savoir-faire et la vision de citoyens engagés. Vous êtes des partenaires de l’action sur le terrain. » Elle a aussi expliqué que la présence aujourd’hui des représentants de la société civile est également importante dans la mesure où ces auditions constituent en effet un progrès significatif dans les modalités de coopération que les Nations Unies entretiennent avec la société civile. Une analyse qu’a partagée la Présidente de la Conférence des organisations non gouvernementales (CONGO), Mme Renate Bloem, qui a estimé que cette rencontre était « à marquer d’une pierre blanche ».
Dans la matinée et l’après-midi, trois tables rondes ont été organisées sur les trois thèmes suivants: Vivre dans la dignité; Vivre à l’abri du besoin, Objectifs 1 à 7 du Millénaire pour le développement; Vivre à l’abri du besoin, Objectif 8 du Millénaire et sur les questions relatives au financement du développement.
Résumant les questions principales abordées dans le cadre de la première table ronde, la représentante de Human Rights Watch et Rapporteur de la Réunion, a souligné le lien entre sécurité, développement et droits de l’homme; la nécessité d’accorder un rôle central aux droits de l’homme dans les structures de l’ONU. La création d’un conseil des droits de l’homme qui soit en mesure de réagir rapidement a été largement appuyée.
La Modératrice de la deuxième table ronde est revenue sur des questions récurrentes: la modification des modèles de développement, la transformation de l’utilisation des ressources et des flux de ressources et la transformation des structures et des institutions.
La troisième table ronde a porté plus particulièrement sur l’inadéquation entre les décisions prises au niveau international et ce qui se passe sur le terrain, notamment en Afrique où l’aide arrive rarement aux populations ciblées et sert plutôt les intérêts des cercles du pouvoir corrompus. Des intervenants ont également déploré le présupposé contenu dans l’OMD 8 selon lequel la libéralisation du commerce peut résoudre les problèmes de l’extrême pauvreté et de la faim, alors que l’expérience des 25 dernières années démontre le contraire.
L’Assemblée générale poursuivra ses auditions demain vendredi à partir de 10 heures.
AUDITIONS INFORMELLES INTERACTIVES DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE AVEC DES REPRÉSENTANTS D’ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES, D’ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET DU SECTEUR PRIVÉ
Déclarations liminaires
M. JEAN PING (Gabon), Président de l’Assemblée générale, a souligné que c’est la première fois que l’Assemblée générale des Nations Unies organise des auditions informelles interactives. C’est une excellente occasion, a-t-il dit, pour poursuivre le dialogue entre les États Membres, les organisations non gouvernementales, la société civile et le secteur privé dont le rapport Cardoso a rappelé à juste titre le rôle clef qu’elles jouent, notamment dans la prise en charge des défis et menaces auxquels notre monde fait face. Ces auditions ont pour but de recueillir les propositions des ONG en vue de la Réunion plénière de haut niveau en septembre 2005. C’est pourquoi elles seront basées sur le rapport d’ensemble du Secrétaire général des Nations Unies intitulé « Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous. »
Le Président de l’Assemblée générale s’est félicité du dévouement, sérieux et du sens des responsabilités des organisations au sein de l’Équipe spéciale mise en place pour l’assister dans la préparation de ces auditions. Il a signalé qu’il rédigerait un compte-rendu qui sera publié comme un document officiel de l’Assemblée générale. Il s’est dit convaincu que ce document constituerait un apport significatif aux délibérations des États Membres en vue de la Réunion plénière de haut niveau de septembre prochain. Les ONG, les organisations de la société civile et du secteur privé sont des composantes essentielles de nos nations respectives, a-t-il déclaré, car elles participent au développement collectif de nos sociétés. Leurs propositions sont donc attendues pour le tracé de notre avenir commun, a-t-il conclu.
Mme LOUISE FRÉCHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a expliqué que cette réunion de l’Assemblée générale avec les représentants de la société civile était importante, dans la mesure où le processus en cours cette année sera décisif pour l’avenir des Nations Unies. De même, les évènements récents ont remis en question le consensus qui s’était dégagé sur une vision commune exprimée dans la Déclaration du Millénaire. Comme le disait le Secrétaire général, l’humanité est confrontée à un éventail de menaces et de défis, qu’il s’agisse de la prolifération d’armes de destruction massive comme de la propagation de maladies infectieuses. Le Secrétaire général a également dit clairement que nous étions devant deux alternatives: soit nous décidons de nous attaquer collectivement à ces défis, soit nous risquons le chaos total.
Le rapport du Secrétaire général intitulé « Dans une liberté plus grande » montre l’interconnexion des défis qui nous attendent et explique clairement que le développement, la sécurité, et les droits de l’homme sont des fins en soi. Mais ils se renforcent mutuellement et sont interdépendants. Dans ce monde interconnecté, la famille humaine ne connaîtra pas de développement sans la sécurité et ne jouira ni de l’un ni de l’autre sans la pleine jouissance de ses droits humains.
Cette année est porteuse d’opportunités. Nous entrons dans une phase décisive au cours de laquelle les gouvernements devront décider de la marche à suivre. Ceux-ci viennent d’entamer leurs négociations pour parvenir à un consensus sur un document de clôture dans le cadre du Sommet du Millénaire qui se tiendra à l’Assemblée en septembre prochain. Ce document est négocié sur la base d’un projet de texte élaboré par le Président de l’Assemblée générale. Dans le cadre de ce processus, vos voix doivent continuer d’être entendues, a insisté Mme Fréchette. Vous apportez en effet votre savoir-faire et la vision de citoyens engagés. Vous êtes des partenaires de l’action sur le terrain.
La présence aujourd’hui des représentants de la société civile est également importante pour une autre raison: ces auditions constituent en effet un progrès significatif dans les modalités de coopération que les Nations Unies entretiennent avec la société civile. Par une résolution de l’Assemblée générale, du temps a été alloué aux processus de délibérations formels permettant d’entendre les points de vue de la société civile de manière organisée. Le fait que le Président de l’Assemblée générale préside ces auditions est une indication de l’importance que les États Membres attachent à ces deux journées. J’espère que ce format sera repris à l’avenir dans le cadre des efforts que déploie l’Assemblée générale pour s’ouvrir et collaborer avec les acteurs non étatiques. C’est ce qu’a recommandé le Groupe de personnalités éminentes chargé des relations entre les Nations Unies et la société civile, présidé par l’ancien Président du Brésil, Fernando Henrique Cardoso. Par conséquent, le Secrétaire général avait recommandé que la première étape soit engagée en prévision du Sommet du Millénaire.
Mme RENATE BLOEM, Présidente de la Conférence des organisations non gouvernementales (CONGO), a estimé que ces auditions informelles et interactives étaient un évènement à marquer d’une pierre blanche, car elles représentent un progrès considérable pour les Nations Unies et pour toutes les ONG. Mme Bloem s’est dite très émue car la Conférence des ONG a œuvré pendant 57 ans pour que la société civile participe aux débats des Nations Unies. Elle s’est donc dite satisfaite du fait que la Conférence des ONG ait été entendue par le Secrétaire général qui, dans son rapport d’ensemble intitulé « Dans une liberté plus grande: développement, sécurité et respect des droits de l’homme pour tous », conclut que les objectifs des Nations Unies ne peuvent être atteints que si les ONG sont entendues car leur expertise est nécessaire.
Mme Bloem a rappelé l’importance du Sommet des chefs d’État de septembre prochain, soulignant que les leaders du monde entier ont la capacité de prendre des décisions qui toucheront non seulement l’avenir des Nations Unies mais aussi du monde dans lequel les futures générations vont vivre. La Présidente de la Conférence des ONG a espéré que l’Assemblée générale 2005 prendra réellement en considération les propositions des ONG, de la société civile et du secteur privé. Faisant remarquer que l’Assemblée générale aurait lieu très bientôt, elle a assuré que les ONG étaient tout à fait disposées à apporter leur contribution, notamment en offrant leurs expériences sur le terrain, en vue d’obtenir un système de gouvernance mondiale plus démocratique. Elle a espéré que ces auditions seront ensuite organisées de manière plus formelle et plus institutionnalisée et qu’elles auront lieu chaque année. Elle a conclu en estimant que les discussions et consultations des ONG et de la société civile n’étaient pas une option mais une nécessité vitale pour le monde d’aujourd’hui et de demain afin de lutter contre la pauvreté et de défendre les droits humains.
SESSIONS DES AUDITIONS INFORMELLES INTERACTIVES
« Vivre dans la dignité »
Exposés
M. CYRIL RITCHIE, Modérateur de la table ronde et membre de l’organisation « Environment Liaison Centre International », citant le Président de l’Assemblée générale et son projet de texte final du Sommet de septembre, a déclaré que pour être couronné de succès, tout effort de développement doit être fondé sur la dignité humaine. Tel doit être, selon lui, le leitmotiv de cette réunion. Nous accordons la plus grande importance à la primauté du droit, seul contexte dans lequel il est possible de parvenir à la dignité humaine.
M. MOHAMMED AL-GHANIM, Global Youth Action Network, a estimé que le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande » met en équation, pour la première fois, la question des droits de l’homme, de la démocratie et de la sécurité alors que les droits de l’homme auraient dû depuis bien longtemps constituer la priorité des priorités. Le droit international doit être au-dessus du droit des États. Le représentant a plaidé pour une approche culturellement sensible qui permette de gagner des cœurs au lieu d’imposer une idéologie. La clef est d’avoir un dialogue au niveau international pour examiner la question des droits de l’homme et du terrorisme dans le respect des différences culturelles. Certains États ne sont en effet pas démocratiques mais cette notion évolue dans le temps et ne peut pas être imposée de l’extérieur. La démocratie signifie le droit de choisir. Les femmes devraient avoir des droits égaux à ceux des hommes, d’autant qu’elles sont plus capables que les hommes, en particulier, dans nos sociétés arabes. Entre États Membres, nous ne sommes pas concurrents mais nous nous complétons.
Mme CHARLOTTE BUNCH, Woman Action Network, a regretté le fait que le projet de document final ne reconnaît pas que l’égalité entre les hommes et les femmes est un élément important des droits de l’homme. Il est regrettable que cette question ait été marginalisée dans ce rapport alors que la violence perpétrée contre les femmes ne connaît pas de frontières. Mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs de violence envers les femmes devrait être une priorité. Il faut que le Sommet de septembre de l’ONU prenne la défense des droits des femmes. La représentante a estimé qu’il était urgent de renforcer les entités et ressources chargées des questions relatives aux femmes aux Nations Unies comme de réformer les organes des droits de l’homme des Nations Unies et de renforcer l’indépendance de ces derniers.
Mme YVONNE TERLINGEN, Amnesty International, a jugé peu clair le projet de document final qui ne dit pas dans quelle mesure les droits de l’homme constitueront le fondement des décisions qui seront prises en septembre. L’élimination de la pauvreté, l’accès à l’éducation primaire universelle, la pleine jouissance par les femmes de leurs droits fondamentaux, sont tous les principes inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Nous invitons tous les gouvernements à réaffirmer leurs engagements envers les droits humains qui sont à la base de la Charte des Nations Unies. Nous demandons à ce que les droits humains soient intégrés à toute prise de décisions au sein des Nations Unies, que les États mettent fin à l’impunité, qu’ils s’engagent à prendre des mesures quantifiables pour pleinement mettre en œuvre leurs obligations, que les États s’engagent collectivement à atteindre une adhésion universelle aux traités des droits de l’homme. Nous appuyons la création d’un conseil des droits humains qui serait un organe principal des Nations Unies, un bastion de la protection internationale des droits de l’homme qui étudierait publiquement la situation des droits de l’homme dans tous les pays de manière transparente. Il faut dans ce cadre préserver le système de procédures spéciales dont les ONG disposant d’un statut consultatif bénéficient.
M. GARETH LLEWELLYN, Business Leader Initiative on Human Rights, a expliqué que ce groupe est composé de 10 entreprises qui tentent de trouver les moyens d’appliquer les principes des droits de l’homme et les normes établies dans ce domaine au monde des entreprises. Les droits humains font partie intégrante du monde des entreprises qui ont également une responsabilité à porter. Toutefois, cette responsabilité ne doit pas miner le rôle qui revient aux gouvernements. Par des bonnes pratiques dans ce domaine nous pouvons inspirer les autres. Les entreprises doivent passer des partenariats avec les gouvernements pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement mais également avec les représentants de la société civile pour avoir un impact sur la liberté culturelle, sociale, et économique. Le représentant a souligné les défis qui doivent être relevés pour que le secteur des entreprises soit plus impliqué dans la défense des droits humains en notant que jusqu’à présent la discussion a été dominée par les multinationales établies dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pourtant, ce sont les entreprises de petite et de moyenne taille qui sont l’épine dorsale du bien-être socioéconomique. Là où les gouvernements ne sont pas disposés à respecter leur engagement en matière de droits de l’homme, le rôle des entreprises devient encore plus important; d’où la nécessité de définir clairement leurs responsabilités.
M. ANTOINE MADELIN, Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), a salué la détermination des acteurs des Nations Unies à faire des droits de l’homme un des piliers d l’Organisation. Pour la FIDH, la réforme doit combler deux lacunes essentielles: l’absence de mise en œuvre pratique par les États des recommandations des différents mécanismes des droits de l’homme, et l’incapacité, dans la pratique, de la communauté internationale à réagir rapidement aux violations les plus graves. Le représentant a salué la volonté de renforcer le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme tandis que l’idée envisagée de créer un conseil des droits de l’homme à composition plus restreinte que la Commission et pouvant se saisir de situations d’urgence est un signe encourageant. La représentant a aussi salué la volonté de ne voir aucun pays échapper à un examen systématique de sa situation en terme des droits de l’homme, ce qui est sous-entendue dans le concept de « revue par les pairs », tout en craignant que cette autocritique ne devienne une sorte d’auto-absolution.
Mme BETTY MURUNGI, Urgent Action Fund for Africa, a estimé qu’il fallait renforcer les engagements contenus dans le Programme d’action de Beijing et des autres conférences internationales. L’analyse de la parité hommes-femmes dans une perspective des droits humains est très importante, l’inégalité entre les sexes est source de violence qui, elle-même, est vecteur de la propagation du sida. Il est temps que les États tiennent leurs promesses. Nous exhortons les gouvernements à ne pas oublier la communauté des ONG et la contribution des femmes dans le cadre de la réforme du système des droits de l’homme.
M. RATHA SOURN, Commune Council Support Project and Cambodia Millennium Campaign, a estimé que la corruption est à la source des violations des droits de l’homme dans les pays en développement. Au Cambodge, nous souffrons du fléau de la traite des enfants et des femmes. Enormément d’enfants travaillent dans les villes, la plupart étant des filles de sept ans ou plus qui sont souvent victimes de viols perpétrés par leurs employeurs. Le représentant a demandé à l’ONU d’agir sur ce front. À son avis, l’Organisation doit aussi associer les pauvres à toute prise de décision les concernant. Nous souffrons également de l’autoritarisme du Gouvernement et de l’esclavage dicté par les pays riches, a-t-il ajouté.
Mme ZONIBEL WOODS, Association for Women’s Rights in Development, a déclaré que la féminisation de la pandémie du VIH/sida est la conséquence des multiples violations des droits des femmes, notamment la violence sexuelle et le déni de la santé de la reproduction. Une femme sur trois dans le monde a été une fois au moins dans sa vie victime de violence. La représentante a regretté que les droits de la femme ne bénéficient pas de toute l’attention nécessaire dans le cadre des préparatifs du Sommet de septembre. Nous devons assurer une vue plus globale des droits humains qui aille au-delà des droits civils et politiques et intègre les droits humains des femmes. Les violations des droits des femmes concernent notamment ceux liés aux droits de la santé reproductive, à la violence.
Échange de vues
Dans le cadre du débat interactif, d’autres représentants d’ONG ont estimé que le système des Nations Unies devait réaffirmer ce qui a été conclu. Aucune culture ou religion ne peut servir d’excuses aux violations des droits de l’homme. D’autres ont regretté que les OMD ne contiennent pas de vision pour et par les peuples autochtones qui se trouvent dans une pauvreté extrême alors que leurs territoires regorgent de richesses naturelles. Une représentante d’un groupe autochtone a demandé que les OMD soient revus. Aucun document ne mentionne les droits collectifs des peuples autochtones à leurs terres ancestrales, à l’accès à un environnement culturel multilingue, à des soins de santé adaptés, ni le droit à la propriété de la terre et au crédit pour les femmes.
D’autres représentants ont souligné la nécessité de respecter le droit au travail qui renforce la possibilité de chacun à vivre dignement. Il a aussi été question de la création d’un conseil des droits de l’homme qui ne peut pas oblitérer les propositions de réforme du Conseil de sécurité. Certains ont souhaité que la participation des ONG à ce conseil soit assurée. Trois questions ne sont pas négociables: les États Membres doivent ratifier tous les principaux traités des droits de l’homme; soumettre leurs rapports périodiques et montrer l’exemple, notamment en ratifiant le statut de la Cour pénale internationale.
Il a également été question de l’esclavage et des descendants d’esclaves qui se trouvent sans racines et sans patrie, leur représentant demandant à l’ONU de les aider à vivre dans la liberté et la dignité, ce qui doit passer par des compensations. Des représentants d’ONG ont aussi souhaité que la Cour pénale internationale soit renforcée, une représentante estimant qu’elle devrait être en mesures de juger les multinationales pour les atrocités qu’elles commettent dans le monde en développement. .
Le Représentant permanent de l’Égypte a déclaré que la diversité des cultures, des civilisations et peut-être des religions n’est pas un facteur de dispute. Cette diversité doit être une force permettant de créer un nouveau consensus relatif aux droits de l’homme qui soit sensible aux spécificités de chaque société. Les mécanismes régionaux doivent bénéficier dans ce cadre de davantage de soutiens financiers. De son côté, le représentant de la Norvège a jugé cette rencontre historique et un point de départ pour l’ONU vers un dialogue systématique avec la société civile. Pour sa part, le représentant de l’Allemagne a rappelé le contenu de la Charte qui s’adresse à la famille humaine en estimant que la réforme de l’ONU ne pouvait pas se faire sans procéder à la refonte des instruments des droits de l’homme. La proposition de créer un conseil des droits de l’homme revêt dans ce contexte la plus grande importance. Le représentant a souhaité que la communauté des ONG soit associée à un processus de réflexion sur la nature de ce conseil. Le représentant du Chili a indiqué que le respect pour les droits de l’homme constituait l’axe de la politique de son Gouvernement avec pour conséquence d’assumer la problématique de la sécurité internationale dans une perspective des droits humains.
Le représentant de l’Argentine a, de son côté, affirmé son soutien à la création d’un conseil des droits de l’homme. Il a toutefois souligné les réalisations de la Commission des droits de l’homme notamment sur les questions relatives aux disparitions forcées et aux exécutions extrajudiciaires. La représentante du Canada a rappelé que l’appui fourni par son pays à l’organisation de cette réunion reflète son engagement en faveur des droits de l’homme et du partenariat avec la société civile.
Mme PEGGY HICKS, Human Rights Watch, Rapporteuse de la réunion, résumant les points forts du débat, a souligné le lien entre sécurité, développement et droits de l’homme; la nécessité d’accorder un rôle principal aux droits de l’homme dans les structures de l’ONU; l’importance de promouvoir l’accès de la société civile à toutes les activités de l’ONU. Il a été aussi question du renforcement du Bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme et de sa présence sur le terrain ainsi qu’à New York, ce qui lui permettra de traiter de questions de sécurité et de développement. La création d’un conseil des droits de l’homme qui soit en mesure de réagir rapidement a été appuyée de manière répétée. Ce conseil devrait examiner un vaste éventail de questions touchant aux droits de l’homme qui sont indivisibles et universels. L’importance de reconnaître les droits des femmes dans le cadre des éléments des droits de l’homme a été plusieurs fois relevée. Il a également été question d’un code de conduite au Conseil de sécurité où le droit de veto ne pourrait pas être utilisé dans des cas de génocide ou de violation grave des droits de l’homme.
« Vivre à l’abri du besoin » - Objectifs 1 à 7 du Millénaire pour le développement
Exposés
M. GLADMAN CHIBEMEME, Africa 2000 plus Network Foundation, a demandé aux Nations Unies, aux États Membres, aux organisations multilatérales et autres acteurs d’adopter les principes de l’inclusion, de la consultation et de la subsidiarité dans la mise en œuvre de tous les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il a également plaidé pour que les mouvements de citoyens et les communautés autochtones prennent en main leurs propres processus de développement. Le représentant a recommandé que les communautés jouent un rôle de chef de file dans la planification et la mise en œuvre de stratégies permettant d’atteindre les Objectifs du Millénaire. Il a recommandé que les Nations Unies et les institutions de développement accroissent le montant et la qualité de leur aide et allouent directement 25% de leur assistance à la réalisation des OMD. Il a aussi demandé la création d’un fonds consacré au développement des capacités endogènes et plaidé pour que la reconnaissance des savoirs traditionnels et la lutte contre les maladies comme la tuberculose et le sida figurent au rang des priorités. Le représentant a également insisté sur la nécessité d’apporter davantage d’investissements pour appuyer le développement des capacités endogènes et notamment celles des femmes. Il est aussi nécessaire de doter les communautés urbaines pauvres d’infrastructures et de logements adéquats. Les communautés locales doivent être reconnues étant à la base de la réalisation des OMD et du développement durable.
Mme NIRMA CUNNINGHAM, Madre, a présenté les vues des femmes autochtones en spécifiant que l’approche à l’égard du développement qui a prévalu dans le contexte de la privatisation des services de base a mené à un résultat désastreux. Malheureusement, le document final ne tient pas compte de cette problématique ou de l’impact du sida, de la traite des êtres humains ou des déplacements des populations. Le résultat en est le recours à la violence par les gouvernements en vue d’imposer leur politique. Les causes d’exclusion, de discrimination et de pauvreté sont liées à des causes structurelles anciennes qui exigent une modification des politiques. La représentante a revendiqué la possibilité pour les communautés locales de participer aux économies de marché, de renforcer leurs connaissances, et de s’approprier leurs ressources naturelles. Il est crucial que les OMD intègrent le droit des femmes à la propriété foncière, à l’éducation et à la santé génésique. Ces droits humains sont indivisibles.
Mme GEETA RAO GUPTA, International Center for the Research on Women, a estimé que la place accordée à l’égalité entre les sexes dans les OMD est appropriée compte tenu du rôle que jouent les femmes dans la société. Pour réduire la pauvreté, il faut parvenir à éliminer la discrimination à l’encontre des femmes. L’égalité entre les sexes et la démarginalisation des femmes sont des éléments centraux de la réalisation des OMD. Il est donc décevant de noter que même si l’égalité entre les sexes est mentionnée, on ne lui donne pas assez d’importance. Seules sept priorités sont mentionnées qui portent sur le renforcement des possibilités d’éducation postprimaire pour les filles grâce à des bourses d’étude; la santé reproductive des femmes; le développement des infrastructures pour réduire le temps que passent les femmes aux tâches ménagères; la réduction de l’emploi informel des femmes; la promotion de leur participation politique et la lutte contre la violence. Ces priorités ne sont pas nouvelles et ne constituent qu’un minimum.
M. TORLEIF JONASSON, Association pour les Nations Unies du Danemark, a fait un lien entre pauvreté et discrimination, lien qui n’est malheureusement pas mentionné dans le projet du document final du Sommet de septembre. La croissance économique en elle-même n’est pas la seule solution pour éliminer la pauvreté. La redistribution des revenus mais également des ressources peuvent constituer une solution partielle qui doit être supplémentée par les OMD. Un accent devrait être mis sur la question de l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes. Il est également regrettable que la problématique du développement durable ne soit pas davantage développée dans ce document. La destruction de l’environnement a un impact important sur les pauvres, les femmes et les populations vulnérables. Nous demandons un sommet mondial sur la sécurité humaine en 2010. Par ailleurs l’éducation doit être considérée de manière plus globale et comme un apprentissage de la vie.
Mme YAA NTIAMOA-BAIDU, World Wide Fund for Nature International, a indiqué que les Objectifs du Millénaire pour le développement sont les bienvenus. Cependant, nous savons que la pauvreté et l’environnement sont inextricablement liés. Le processus des OMD ne tient pas compte des écosystèmes sains qui constituent l’unité de base à partir duquel la pauvreté peut être combattue. Les OMD sont interdépendants et ne peuvent pas être traités indépendamment. Nous demandons aux gouvernements de reconnaître cette interdépendance et de reconnaître le septième objectif sur l’environnement comme la clef de tous les autres. Les riches ont les moyens d`absorber l’impact de la dégradation de l’environnement tandis que les pauvres le subissent de plein fouet.
M. ISAGANI SERRANO, Philippines Rural Reconstruction Movement, s’est dit interloqué par le peu de changements intervenus au cours des dernières décennies mais une chose est sûre, les riches comme les pauvres seront perdants en cas de destruction de l’environnement. Il a plaidé en faveur du transfert de ressources, de l’annulation de la dette et d’une modification des modes de consommation. Le représentant s’est félicité des projets à impact rapide proposés qui sont un bon outil de réduction de la pauvreté. La pauvreté est une aberration morale.
Mme JAQUELINE COTE, World Business Council for Sustainable Development, a assuré que le développement durable était nécessaire aux entreprises dont la contribution aux OMD peut être significative de deux façons: au travers de leurs investissements directs dans les pays en développement où elles apportent ressources mais également savoir faire. Les entreprises inventent, développent et produisent de nouveaux produits en faveur du monde en développement leur permettant d’avoir accès à l’eau ou à l’électricité intégrant les PME locales en tant qu’investisseur ou distributeur. Pour cela il est nécessaire de mettre en œuvre un climat d’investissement favorable dans les pays pauvres. Sans cela, une économie de marché ne pourra pas fonctionner. Les dirigeants doivent mettre en place un cadre réglementaire, promouvoir le partenariat et l’investissement dans les infrastructures locales qui sont nécessaires aux échanges commerciaux.
Mme ARUNA RAO, Modérateur de la réunion, est revenue sur une question récurrente: la modification des modèles de développement et celle de la transformation de l’utilisation des ressources. Une autre question importante est la transformation des structures et des institutions. Les orateurs se sont également arrêtés sur l’égalité entre les sexes, le contrôle des collectivités sur leurs ressources et leur utilisation durable.
Échange de vues
Lors de leur échange de vues avec les États Membres, les ONG, les organisations de la société civile et le secteur privé, ont abordé plusieurs aspects du développement qui, selon elles, devraient être dûment mentionnés dans le document final du Sommet de septembre. De nombreuses interventions ont porté sur la quantité et la qualité de l’aide au développement. Une ONG a fustigé les conditionnalités liées à l’aide en défendant, tout aussi vivement, la nécessité de préserver la « marge de manœuvre des responsables nationaux » dans le choix des politiques à mettre en œuvre. Aussi, des ONG ont-elles plaidé pour que la santé et les droits en matière de reproduction, deviennent une partie intégrante de tout plan de développement national. Une ONG s’est même déclarée surprise que la question de la santé génésique n’apparaisse pas dans les OMD, malgré leur impact sur l’efficacité de la lutte contre la pauvreté, les inégalités entre les sexes, la mortalité infantile et maternelle et le VIH/sida. L’accès à la santé a été présenté comme un droit de l’homme tout comme celui à l’éducation, en particulier des filles.
L’investissement dans les jeunes est capital puisqu’ils sont le fer de lance du développement économique et social, a rappelé une représentante de la société civile en s’étonnant, à son tour, que cette évidence ne figure pas dans le projet de document final. Alors que la majorité des jeunes, tout comme la moitié de la population mondiale, vit dans les villes, plusieurs ONG ont appelé l’attention sur les questions de l’eau, des établissements humains et de l’assainissement. Pour éviter les problèmes urbains, a suggéré une autre ONG, les programmes de développement doivent se concentrer sur les zones rurales et sur l’intégration sociale des peuples autochtones. La vulnérabilité d’autres groupes comme les handicapés ou les survivants des conflits a également été mise en avant.
La question de l’accès aux nouvelles technologies, en particulier, celles de l’information et des communications (TIC), a aussi eu ses défenseurs. Quelques mises en garde ont été néanmoins lancées. Des ONG ont invoqué le « principe de précaution », consacré dans la Déclaration de Rio, en ce qui concerne les organes génétiquement modifiés (OGM). La protection de l’environnement a, en effet, été décrite comme un moyen efficace et durable de réaliser les OMD. Hissant cette question au statut de « droit au développement durable », des ONG et d’autres organisations de la société civile ont exigé qu’il soit intégré dans tous les plans de développement et les stratégies d’investissement. En la matière, le recours aux connaissances traditionnelles a été prôné par d’autres ONG qui ont regretté, en somme, que le Programme d’action de Johannesburg n’ait pas inspiré le projet de document final. Dans ce contexte, la seule représentante du secteur privé a réaffirmé l’attachement de ses pairs au Pacte mondial. Les multiples revendications de droits ont conduit le représentant de Human Rights Watch à commenter les propositions de réforme des Nations Unies. Il a fermement appuyé celles relatives aux instruments des droits de l’homme de l’ONU, en particulier la création d’un Conseil des droits de l’homme.
Les États Membres ont félicité les ONG et les organisations de la société civile, d’avoir attiré l’attention sur des aspects spécifiques du développement. Il est réconfortant, a dit par exemple la représentante de la Tunisie, d’entendre parler d’élimination de la pauvreté et non de sa réduction. Elle a espéré que les ONG et la société civile participeront en grand nombre à la deuxième partie du Sommet mondial sur la société de l’information qui se tiendra bientôt à Tunis. Se félicitant également de la contribution de la société civile et des ONG, le représentant du Luxembourg a rappelé la décision de la Commission européenne d’augmenter substantiellement son aide publique au développement (APD) d’ici à 2015, ce qui conduira à 20 milliards d’euros de plus par an. Les pays riches doivent assumer leur responsabilité, a insisté la représentante de la Suède, en les appelant à assumer leurs propres responsabilités, tout en rappelant les pays en développement à leur devoir de transparence. Cet appel à la transparence a été très applaudi. « Si vous ne donnez aux communautés locales que 25% des sommes agréées dans la Déclaration du Millénaire, les OMD seront réalisés bien avant 2015 », a même affirmé la représentante d’une ONG africaine. Une autre ONG est allée plus loin. Son représentant a demandé que le droit de chacun à être l’auteur ou l’agent de son propre développement soit reconnu dans le projet de document final. Il a prôné une véritable décentralisation.
Il faut reconnaître le pouvoir des ONG, des organisations de la société civile et du secteur privé à contribuer véritablement à la réalisation des OMD. Telle a été la conclusion du débat. Beaucoup de représentants de ces trois groupes ont espéré qu’ils seront dûment représentés au Sommet de septembre. Ils ont dit craindre qu’encore une fois, les États Membres ne se laissent déborder par leurs divergences. « Nous demandons un consensus, et non pas l’unanimité », a précisé une ONG qui a exhorté les gouvernements à « agir absolument » et à mettre leurs divergences « entre parenthèses ». L’enjeu est trop important, a-t-elle conclu.
« Vivre à l’abri du besoin » - Objectif 8 du Millénaire pour le développement et sur les questions relatives au financement du développement
Exposés
M. JOHN LANGMORE, Modérateur et membre de l’Association australienne pour les UNA- Australie, a rappelé que l’innovation était indispensable pour atteindre l’Objectif 8 des OMD concernant la mise en place d’un partenariat mondial pour le développement national. Il a rappelé les thèmes de cette réunion: les entraves au commerce, la façon d’augmenter le financement pour le développement, les échéances pour que l’aide publique fournie par les donateurs atteigne 0,7% de leur PIB. Nous devrons aussi aborder d’un accès accru aux médicaments essentiels etc.
Mme PEGGY ANTROBUS, représentant de plusieurs réseaux de femmes, DAWN, International Gender and Trade Network et Feminist Task Force of the Global Call Against Poverty, a dénoncé le cadre du financement du développement dans lequel les puissants intérêts commerciaux des pays du Nord exploitent les pays du Sud, ce qui aboutit à la marginalisation des populations. Elle a dénoncé les contradictions de l’Objectif 8 du Millénaire pour le développement. Tout d’abord, elle critique le présupposé selon lequel la libéralisation du commerce peut résoudre les problèmes de l’extrême pauvreté et de la faim, alors que l’expérience des 25 dernières années démontre le contraire. La représentante a aussi considéré que l’éradication de la pauvreté ne peut pas être réalisée sans traiter notamment le problème de la dette. Elle a aussi regretté qu’on n’accorde pas assez d’importance au partenariat avec les organisations de la société civile. Elle a considéré que la libéralisation du commerce aggrave les inégalités hommes-femmes. La représentante a appelé les gouvernements à s’engager fermement à résoudre toutes les questions non résolues à l’Organisation mondiale du commerce. Quant à l’aide publique au développement, davantage de ressources doivent être dirigées directement vers les ONG, a-t-elle estimé.
Pour M. ROBERTO BISSIO, Institut du Tiers Monde, les femmes sont une partie trop importante de la population pauvre de la planète et pourtant la part de l’aide internationale dont elles bénéficient, demeure bien trop faible. Il existe une différence entre ce qui se décide et se qui se passe sur le terrain selon le représentant. Il a constaté que le progrès social s’était ralenti depuis 1990 (lorsque les OMD ont été formulés), quelqu’un a appuyé sur le frein, depuis que les promesses ont été formulées a-t-il déploré. Le monde peut trouver une solution à la pauvreté selon lui, mais il ne le fait pas, estimant que les multinationales se voyaient accorder des droits sans avoir des obligations. Les pays développés n’honorent pas leurs engagements.
Mme RONNIE GOLDBERG, représentante de l’Organisation des employeurs et des chambres de commerce internationales, a rappelé que les entreprises étaient engagées dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), même si la responsabilité essentielle de réduire la pauvreté appartient aux gouvernements. Le secteur privé a un rôle essentiel à jouer selon la représentante. Mais elle a estimé que sans un secteur économique sain, on ne pouvait éliminer la pauvreté, c’est pour cela que les entreprises attachent beaucoup d’importance aux accords de Doha. Il faut selon elle démanteler les barrières au commerce Sud-Sud. Elle a recommandé d’assouplir les conditions de création d’entreprises dans les pays en développement et a insisté sur la mise en place d’un environnement qui leur soit favorable. Les bonnes sociétés créent de nouveaux marchés, a-t-elle affirmé, elles doivent donc être bien gérées et l’environnement doit leur être favorable.
Mme MAMA KOITE, Réseau de communication des femmes africaines, a estimé que la pauvreté aussi bien que l’excès avait son origine dans la mauvaise répartition des biens. L’accumulation de la richesse et du pouvoir par quelques personnes ou quelques multinationales crée la pauvreté. Elle a reconnu que l’aide financière extérieure ne pouvait pas remplacer des stratégies de lutte contre la pauvreté car la compréhension et la promotion de la croissance font de cette croissance une priorité au détriment de l’équité, des droits et du développement durable, pas plus que ne l’est un surplus généré à travers une croissance répartie inéquitablement. Elle a suggéré que les décisions internationales soient mieux appliquées, notamment dans le cadre des OMD et de l’échéance de 2015. Le droit à la santé reproductive, l’accès aux services sociaux et médicaux et la lutte contre le VIH-sida doivent apparaître dans les OMD. Selon elle, les OMD ont omis la responsabilisation des femmes, la protection des droits de l’homme, la paix et la sécurité.
Concernant le commerce, elle a déploré que les effets négatifs de la libéralisation économique sur les pays en développement ne figure pas dans le projet de résolution proposé par le Président de l’Assemblée générale. La représentante a pris position pour l’annulation de la dette. La lutte contre la pauvreté sera vaine si la tendance actuelle de surexploitation des ressources naturelles et le changement climatique causé par l’homme continuent. Elle a lancé un appel pour des mesures drastiques pour lutter contre l’effet de serre, car son impact sur les pauvres, et particulièrement sur les femmes et les enfants est très sérieux. Enfin, elle a évoqué le thème de l’éducation et a recommandé de garder à l’esprit la décennie de l’éducation pour un développement durable (EDD) dans tout processus.
Mme MARIE-MATHILDE MANGA, Association des femmes africaines, a estimé qu’il était regrettable que l’Afrique présente toujours le visage de la désolation. Pourquoi? a-t-elle demandé. Les stratégies et plans élaborés ont–ils été appliqués et si oui, l’ont-ils été avec la même vigueur qu’ailleurs? La Chine et l’Inde ont avancé, et pas l’Afrique a–t-elle déploré. Elle a suggéré de faire une autopsie des échecs avant de mettre en place d’autres programmes. Les programmes de bonne gouvernance ont été créés mais ils ne sont pas efficaces. Bidonvilles, pauvreté, VIH sont des fléaux qui persistent en Afrique. Les pays riches ont une lourde dette envers l’Afrique. Les Africains doivent prendre leur destin en mains selon elle, estimant également qu’une place de choix devait être accordée à la femme et aux jeunes. Le financement du développement et la réalisation des OMD demandent des changements de vieilles méthodes qui ont montré leurs limites. Une bonne structuration des financements s’impose à ses yeux. Certains organismes comme l’UNIFEM devraient être renforcés. Plusieurs sources de financement sont encore inutilisées (taxes sur les organismes pollueurs, taxe aérienne etc…). La représentante a également réclamé une amélioration de la lutte contre le paludisme.
M. JENS MARTENS, Global Policy Forum/Social Watch, a relevé que beaucoup de pays sont loin d’avoir rempli les engagements qu’ils ont pris il y a 35 ans de consacrer 0,7% de leur PIB à l’aide publique au développement (APD). Les dépenses militaires ont dépassé 1 000 milliards de dollars l’année dernière, alors que le budget de l’APD plafonne à 78 milliards. Dans ces conditions, les arguments faisant référence aux contraintes budgétaires pour expliquer le niveau d’APD sont inacceptables, selon M. Martens qui n’a pas hésité à parler de scandale en comparant ces chiffres. Il a cependant apprécié l’adoption, le mois dernier par l’Union européenne, d’un programme obligatoire d’augmentation de l’APD de 0,56% d’ici 2010 et de 0,7% d’ici 2015. Le représentant a aussi apprécié le nouveau mécanisme de financement international (IFF), mais a souligné le manque d’implication de la part des pays en développement et de la société civile. Il a surtout regretté que l’IFF ne consiste pas à lever davantage de fonds mais seulement à rendre disponible l’APD immédiatement. Par exemple, avec l’IFF les gouvernements pourraient mobiliser jusqu’à 500 milliards de dollars au cours des 10 ou 15 prochaines années, mais ils devraient ensuite reverser au moins 720 milliards aux investisseurs des marchés financiers internationaux. Ce mécanisme ne peut donc être soutenu que s’il est combiné avec des moyens spécifiques de refinancement, notamment sous la forme d’impôts internationaux. Il a ainsi appelé les gouvernements à progresser dans l’innovation des instruments financiers et a regretté que le projet de texte du Président de l’Assemblée générale soit insuffisant à cet égard. Il ne suffit pas que les gouvernements « prennent note des efforts internationaux », mais il faut qu’ils passent à l’action, a-t-il conclu.
Mme SARADHA RAMASWAMY IYER, Réseau Tiers Monde, a affirmé que l’être humain devait être au centre des préoccupations du FMI, de la Banque mondiale et de toutes les organisations financières internationales car sinon les pauvres resteront pauvres. La réforme de l’ONU est l’occasion de restructurer le système politique et commercial mondial. Elle a estimé qu’il faut mettre en place un commerce équitable. Les pays en développement ne doivent pas perdre en développement de leur commerce ce qu’ils gagnent par l’annulation de la dette. Il faut des prix surs et stables pour les produits de base. Il faut cesser de faire pression sur les pays en développement pour qu’ils privatisent leurs services, il faut également renforcer la participation de la société civile dans le processus de prise de décisions. Citant Nelson Mandela, elle a déclaré que des millions de personnes restent esclaves et enchaînés dans la prison de la pauvreté: il est temps de les en libérer.
Échange de vues
Si le représentant de l’organisation américaine VIVAT international a souligné l’urgence de régler avant tout la question de la dette et du commerce, celle de la Société des missions catholiques (Medical Mission Sisters), présente dans 19 pays, a déclaré que la réalisation des OMD nécessitait avant tout une volonté politique. Cette ONG a exhorté les pays riches à accorder les 50 milliards de dollars d’aide supplémentaire nécessaire à la réalisation des OMD. Elle a estimé indispensable une réforme des institutions de Bretton Woods dans le souci de rendre ses activités plus transparentes et participatives.
De l’avis de la représentante de l’organisation Asian Pacifique Women’s Watch l’appropriation par la société civile est indispensable à la réalisation des OMD. Elle a estimé que les droits de l’homme devraient être la base de toutes les questions abordées par le rapport du Secrétaire général « Dans une liberté plus grande ». La libéralisation des services, comme le préconise le processus de Doha, n’aura, selon elle, qu’une incidence négative sur la réalisation des OMD. Enfin, elle a rappelé que la consommation d’un enfant américain correspondait à la consommation de trois enfants de pays en développement. Ces pays, a poursuivi le représentant du Centre Jesuites pour la reflectiopn théologique (Jubilee-Zambie), ont accumulé une dette totale de 150 milliards de dollars, dont le service annuel s’élève à 15 milliards de dollars. Il a demandé que les gouvernements, au lieu de consentir une aide au développement, prennent des mesures commerciales préférentielles en faveur des pays en développement. Rappelant que 40 millions de personnes étaient touchées par le VIH/sida, 70% d’entre eux étant des Africains, il a déclaré que ce fléau avait sapé les ressources humaines sur lesquelles les pays en développement avaient misé pour lutter contre la pauvreté.
Souhaitant une démocratie, une sécurité et un développement, non pour le profit, mais pour la vie, la représentante de l’organisation Appel mondial à l’action contre la pauvreté a estimé, quant à elle, qu’il est grand temps que les dirigeants africains sachent vraiment comment aborder la pauvreté. La communauté internationale, a-t-elle ajouté, doit aborder la pauvreté avec un nouveau paradigme et des systèmes de valeurs respectant la vie. Le représentant de la coalition française Agir Ici a mis l’accent sur les services sociaux de base. Il a rappelé l’engagement des États, il y a dix ans à Copenhague, d’accorder 20% de leur APD aux services sociaux de base comme l’éducation, l’alimentation et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Un chiffre qui atteint à peine 10% aujourd’hui. Il a souligné l’importance d’augmenter le volume de l’APD en gardant à l’esprit le souci d’efficacité de cette aide. Il a souhaité l’adoption de critères d’évaluation de l’efficacité de cette aide prenant en compte la prévisibilité de l’aide. Il s’est inquiété des conséquences de l’évasion fiscale qui coûte chaque année 70 milliards de dollars aux pays en développement. Il a estimé que la lutte contre les paradis fiscaux constituait un moyen de promouvoir le développement.
Le représentant du Japon a déclaré que son pays s’engage à réaliser l’objectif de 0,7% du PIB en faveur de l’APD. Il a insisté par ailleurs sur le développement des capacités privés, notamment dans le domaine de l’agriculture. Rappelant que l’objectif de 0,7% du PIB avait été fixé il y a 35 ans, la représentante du Conseil néo-zélandais du développement a estimé que si l’on veut réaliser les OMD d’ici à 2015, il faut que les pays riches respectent leurs promesses. Elle a souhaité que l’on demande aux pays développés qui ne l’avaient pas encore fait d’établir un calendrier pour réaliser cet objectif de 0,7%. L’organisation Education International, qui représente plus de 150 millions de travailleurs dans le monde, recommande l’adoption d’un neuvième Objectif du Millénaire pour le développement de garantir un emploi décent, a indiqué sa représentante.
Le représentant du Conseil national de la jeunesse du Bénin a estimé que les OMD devaient mettre l’accent sur l’autonomie économique des pays en développement. L’ONU et les gouvernements seront responsables de l’échec de la réalisation des OMD. Le secteur privé et la société civile sont souvent considérés comme des espions et des ennemis par les gouvernements. Pour réaliser les OMD, la liberté ne sera réalisée que lorsque les gouvernements seront prêts à diriger les pays compte tenu de la volonté et des attentes des populations. Le représentant du Royaume-Uni a reconnu que la société civile jouait un rôle important dans le développement et a rappelé que plusieurs institutions seraient représentées à la réunion du G-8 en Ecosse. Il faut selon lui aller plus loin et il faut que ceci se reflète dans le document final de la Réunion de haut niveau de septembre.
La représentante de Groots International a estimé que les fonctionnaires des organismes internationaux ne devaient pas rester dans leur bureau, mais faire des efforts pour connaître véritablement le terrain. Elle a déploré que seuls quelques pays aient bénéficié de la réduction récente de leur dette. M. BABATOPE BABALOBI, Coalition de la société civile contre la privatisation de l’eau, a suggéré que lorsque les chefs d’État se retrouveront en septembre, ils devront s’attaquer à un traité, un accord d’accès à l’eau pour les êtres humains. Il a suggéré que pour se libérer du fardeau de la dette, les pays concernés forment également un club, à l’instar du Club de Paris. Le représentant des États-Unis a déclaré prendre très au sérieux ce qui a été dit lors des échanges concernant le commerce et l’aide au développement.
Le rapporteur, Mme ESTER AGUILERA, de l’Association nationale cubaine des économistes et des comptables a résumé le débat interactif de l’après-midi en estimant que l’OMD 8 était difficile à réaliser. Pour le commerce, le caractère automatique entre libéralisation et croissance économique a été remis en cause. Il faudrait éliminer les pratiques de dumping et la privatisation forcée des services dans les pays en développement. Elle a également rappelé qu’il fallait redéfinir le concept de développement. Gagner la bataille pour le développement c’est avant tout passer de la parole aux actes, a-t-elle conclu.
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