SOIXANTE ANS APRÈS LA LIBÉRATION DES CAMPS DE CONCENTRATION, L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE COMMÉMORE L’HOLOCAUSTE ET LANCE UN APPEL À LA VIGILANCE FACE AUX ACTES DE GÉNOCIDE
Communiqué de presse AG/10330 |
Assemblée générale
28e session extraordinaire
1re & 2e séances - matin et après-midi
SOIXANTE ANS APRÈS LA LIBÉRATION DES CAMPS DE CONCENTRATION, L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE COMMÉMORE L’HOLOCAUSTE ET LANCE UN APPEL À LA VIGILANCE FACE AUX ACTES DE GÉNOCIDE
Le peuple juif a vu l’indicible, dans le silence et l’indifférence, a affirmé ce matin M. Elie Wiesel, rescapé de l’holocauste et Lauréat du prix Nobel de la paix, en ouverture de la session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée à la commémoration du 60e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis. Après avoir déploré les autres génocides commis depuis la Deuxième Guerre mondiale, M. Wiesel s’est demandé si le monde saurait tirer les leçons d’Auschwitz et des autres camps de la mort. M. Jean Ping, Ministre des affaires étrangères du Gabon, a pour sa part souligné le caractère historique de cette session d’une journée, dont il a été élu Président par acclamation, espérant qu’elle permettrait d’exorciser la tragédie de l’holocauste.
En présence de nombreux rescapés des camps de la mort, M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que l’ONU avait été fondée en réponse aux crimes nazis, alors que l’on découvrait graduellement l’horreur des camps. Il a également évoqué la mémoire des autres victimes du nazisme -les Tziganes, les Slaves, les handicapés, les Témoins de Jéhovah, les homosexuels, les opposants politiques ou encore les artistes- mais a souligné le caractère unique de la tragédie du peuple juif et a lancé un appel à la vigilance face aux résurgences de l’antisémitisme et à l’apparition de nouvelles formes d’antisémitisme. Pour sa part, M. Silvan Shalom, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères d’Israël, s’est inquiété des tentatives récentes de négation de l’holocauste. « Nier l’holocauste, ce n’est pas seulement violer les victimes et abuser les survivants, c’est aussi priver le monde des leçons qu’il devrait retenir de cette tragédie », a-t-il déclaré. La responsabilité de l’Allemagne dans la Shoah lui donne des obligations particulières envers l’État d’Israël, a affirmé de son côté le Ministre des affaires étrangères de l’Allemagne, en ajoutant que le droit d’Israël à exister et la sécurité de ses citoyens ne seraient jamais négociables.
« Plus jamais ça » ont scandé, à la tribune de l’Assemblée générale, la plupart des orateurs. Nombre d’entre eux ont cependant déploré que les enseignements de l’holocauste n’aient pas été tirés. Le monde a été témoin de nombreuses atrocités depuis Auschwitz, a notamment déploré le Ministre des affaires étrangères du Canada, en citant les génocides du Cambodge de la Bosnie-Herzégovine, du Rwanda et du Darfour. Dans le cadre de sa réforme, l’ONU doit disposer d’un système d’alerte avancée en vue de prévenir les actes de génocide, a proposé le représentant du Rwanda, qui a par ailleurs réclamé plus de moyens pour le Conseiller spécial du Secrétaire général chargé de la prévention des génocides. De nombreux intervenants se sont par ailleurs félicités de la création de la Cour pénale internationale, qui doit permettre de traduire en justice les auteurs d’actes de génocide.
Outre les orateurs cités, ont également pris la parole le représentant spécial du Président de la Pologne, le Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, le Secrétaire adjoint à la défense des États-Unis, le Président du Sénat de l’Italie, les Ministres des affaires étrangères du Luxembourg, de la France, de l’Arménie, de l’ancienne République yougoslave de Macédoine, ainsi que les représentants du Royaume-Uni, de la Norvège, de l’Autriche, de la Hongrie, des Pays-Bas, de la Guinée, de l’Afghanistan, de la Bulgarie, du Honduras, du Portugal, de la Chine, de la Jordanie, du Tadjikistan, du Panama, du Bélarus, du Gabon, de la République-Unie de Tanzanie, de la République de Corée, du Brésil, du Japon, de la Roumanie, de l’Argentine, du Bénin, du Rwanda, de la Turquie, de l’Australie, du Venezuela, du Kenya, de la Nouvelle-Zélande, ainsi que l’Observateur du Saint-Siège.
COMMÉMORATION DU SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA LIBÉRATION DES CAMPS DE CONCENTRATION NAZIS
Déclarations
M. JEAN PING, Président de la 59e session de l’Assemblée générale et Président élu de la 28e session extraordinaire commémorant le 60e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis (Gabon), a déclaré que la commémoration par l’Assemblée générale des Nations Unies de la libération par les Forces alliées des camps de la mort, où des millions d’êtres humains, Juifs, et autres victimes innocentes, furent exterminés en raison de leurs origines ethniques, croyances religieuses ou idées, est un évènement historique parce que c’est la première fois que l’ONU organise une session extraordinaire pour le commémorer. Cette session est hautement symbolique également, car, à travers elle, la communauté internationale peut exorciser la tragédie de l’holocauste. Cette réunion se tient en outre à l’heure où l’Organisation est engagée dans un processus de réformes profondes qui devront la préparer à mieux faire face aux multiples défis et menaces à la sécurité collective auxquels le monde est confronté, a poursuivi M. Ping.
Si le devoir de mémoire constitue un rempart indispensable contre la tentation de l’oubli, il doit aussi nous porter vers l’avenir, a estimé M. Ping. Nos consciences et notre monde ne devraient plus jamais s’accommoder de l’arbitraire qui frappe aveuglément des vies innocentes en raison de leurs différences. Parce que le monde s’enrichit de nos différences et parce que le droit inaliénable à la vie est l’une des valeurs universelles qui fondent notre humanité, le devoir de mémoire doit s’accompagner aussi du devoir de solidarité, a-t-il ajouté. « On ne souffre pas seul, on souffre toujours avec ceux qui souffrent à cause de notre souffrance », a conclut M. Ping, en citant Elie Wiesel, survivant de l’holocauste et prix Nobel de la paix.
M. KOFI ANNAN, Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé que les Nations Unies avaient été fondées en réponse aux crimes nazis, alors que l’on découvrait progressivement l’horreur des camps. Ces camps n’étaient pas de simples camps de concentration, a-t-il dit, en invitant à ne pas utiliser cet euphémisme employé par leurs concepteurs. Leur objectif était d’exterminer un peuple entier. Il a rappelé qu’il y avait eu d’autres victimes, les Tziganes, des Slaves, des handicapés, des Témoins de Jéhovah, des homosexuels, des opposants politiques, des artistes. Il a cependant insisté sur le caractère unique de la tragédie du peuple juif. Les deux tiers des Juifs d’Europe, dont un million et demi d’enfants, ont été tués, a-t-il poursuivi, une civilisation tout entière, qui avait contribué aux richesses culturelle et intellectuelle de l’Europe et du monde, détruite et mise en lambeaux.
Le Secrétaire général a rappelé que l’holocauste avait été le point culminant d’une longue histoire de persécutions antisémites, de pogroms, de discriminations institutionnalisées. Il a constaté que ceux qui se sont fait les chantres de la haine antisémite n’avaient pas toujours été des extrémistes isolés. Comment une telle horreur a-t-elle pu se produire dans un État aussi cultivé et sophistiqué, au cœur de l’Europe? s’est-il interrogé, en affirmant que cela ne devra plus jamais se reproduire. Nous devons être vigilants, a-t-il dit, face à toute résurgence de l’antisémitisme et à l’apparition de nouvelles formes d’antisémitisme. C’est une exigence à l’égard du peuple juif mais aussi à l’égard de tous ceux qui sont menacés par un destin similaire, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il fallait combattre toutes les idéologies fondées sur la haine et l’exclusion.
M. Annan a estimé que, dans ces occasions, il était aisé d’utiliser des formules rhétoriques telles que « plus jamais ça », mais beaucoup plus difficile d’agir. Il a déclaré que, depuis l’holocauste, le monde s’était couvert de honte en ne parvenant pas à prévenir d’autres génocides, par exemple au Cambodge, au Rwanda, dans l’ex-Yougoslavie. Il est facile de dire « il faut faire quelque chose », mais plus difficile de savoir quoi faire, a-t-il poursuivi, ajoutant que cela ne devait en aucun cas être un prétexte à l’inaction et à l’indifférence, trop souvent constatées lorsque les ruines de la mort nazies perpétraient leurs forfaits. Des choses horribles se produisent actuellement dans la région soudanaise du Darfour, a-t-il déclaré, en indiquant qu’il devait recevoir aujourd’hui même le rapport d’une commission d’enquête internationale créée à la demande du Conseil de sécurité, qui doit déterminer s’il y a eu génocide au Darfour et identifier les graves violations des droits de l’homme qui y ont eu lieu. Il a souligné la responsabilité solennelle du Conseil de sécurité, qui doit décider des actions à mener sur la base de ce rapport.
Le Secrétaire général a expliqué que cette journée avait pour objectif de rendre hommage à des victimes pour lesquelles, malheureusement, aucune réparation ne pouvait être apportée. Il a souhaité également rendre hommage aux pères fondateurs, aux Alliés, représentés ici par Sir Brian Urquhart; à tous ceux qui ont risqué leurs vies pour en sauver d’autres; aux rescapés, qui apportent aujourd’hui un message d’espoir au monde et au peuple juif. Il a estimé qu’il était du devoir de la communauté internationale d’entretenir le souvenir. Il a enfin associé à cette journée d’hommage, les victimes potentielles, présentes et futures.
M. ELIE WIESEL, Survivant des camps de concentration nazis, prix Nobel de la paix, a déclaré que l’holocauste, commis par un régime extrêmement brutal, s’était déroulé en plein milieu de la civilisation européenne, dans le silence et l’indifférence. Le monde essaie aujourd’hui d’écouter et de se souvenir, mais il n’y a pas de mot pour décrire ce qui s’est passé, a dit Elie Wiesel. Le peuple juif, le seul qui ait survécu des temps anciens, a vu l’indicible. Le fanatisme biologique et le refus de la différence ont mené à des horreurs. Ces faits ont été pensés par des gens haut placés, des intellectuels, des scientifiques et de hauts fonctionnaires, a-t-il indiqué. Aujourd’hui, si l’Allemagne est devenue une vraie démocratie, on se demande cependant toujours comment ses élites ont pu concevoir un système et une pensée aussi inhumains. Quand l’holocauste a-t-il vraiment débuté? s’est interrogé Elie Wiesel. Est-ce quand des Juifs ont été refoulés de l’immigration vers l’Amérique? Ou alors quand des pamphlets de plus en plus violents contre eux se sont mis à circuler dans divers pays d’Europe et en Russie? Si toutes les victimes de l’holocauste n’étaient pas juives, tous les Juifs étaient des victimes, a fait remarquer M. Wiesel.
C’est la première fois dans l’histoire du monde que le simple fait d’exister était un crime, a-t-il poursuivi. Avant même de naître, un enfant juif était déjà condamné à la mort la plus atroce, selon le système et la pensée nazie. Auschwitz et les autres camps de la mort ont été conçus comme des outils d’extermination, et non pas comme des prisons. Ce qui s’y est passé dépasse l’entendement et la raison. Si les autres nations étaient intervenues quand Hitler a commencé à envahir les États d’Europe centrale, si elles avaient bombardé les voies ferrées par lesquelles étaient transportées des millions d’enfants, de femmes et d’hommes juifs, l’histoire du monde aurait changé et l’horreur absolue aurait été arrêtée, a estimé Elie Wiesel. Quand la 3e Armée américaine a libéré Birkenau, ceux qui y étaient détenus et exterminés n’ont pas ressenti de joie, mais seulement de la douleur, parce qu’il était tard, trop tard. Par ailleurs, a-t-il affirmé, les génocides du Cambodge et du Rwanda n’auraient jamais dû avoir lieu, et ce qui se passe au Darfour, dans l’indifférence générale, ne devrait pas se produire. Le monde n’apprendra-t-il jamais de ce qui s’est passé à Auschwitz et dans les autres camps de la mort? s’est-il demandé.
M. BRIAN URQUHART, ancien combattant des forces alliées et ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies, a expliqué qu’il était difficile d’imaginer l’horreur de l’holocauste si on n’avait pas directement fait face. Il a fait part de son expérience personnelle lors de la découverte du camp de Belsen, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il a rappelé que les Nations Unies n’avaient pas su, depuis, prévenir d’autres génocides et a indiqué qu’à l’heure même où il parle, un génocide était peut-être en cours au Darfour. Cette commémoration nous rappelle de quoi peut être capable l’être humain quand il est motivé par la haine. C’est un appel qui vient du plus profond de la terre, a-t-il conclu, en affirmant « Plus jamais ça ».
M. SILVAN SHALOM, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères d’Israël, a appelé le monde à voir ce que les rescapés des camps de la mort ont pu créer après leur libération. On ne peut que s’émerveiller devant la créativité de ceux qui ont échappé à la mort, a-t-il dit. Ceci amène à se poser la question de savoir ce que tous ceux qui sont morts, c’est-à-dire des millions de personnes, auraient pu apporter au genre humain. Nous sommes toujours en deuil aujourd’hui, a dit M. Shalom. Chaque fibre de notre peuple ressent leur absence. Chaque famille ressent cette peine, y compris la mienne, a dit le Ministre des affaires étrangères d’Israël, en indiquant que de nombreux membres de sa famille avaient péri dans l’holocauste.
L’holocauste a incité le monde à rétablir le foyer du peuple Juif, sur sa terre ancienne, a-t-il indiqué. Dans sa Déclaration d’indépendance, Israël affirme que « l’holocauste, qui massacra des millions de Juifs en Europe, a démontré l’urgence du rétablissement de l’État juif. Cet État devrait résoudre la question des Juifs, qui n’ont pas de foyer national, en ouvrant ses portes à tous les Juifs et en leur donnant un statut égal à celui des autres membres de la famille des nations ». Depuis sa création, a précisé M. Shalom, Israël a offert un refuge à tous les Juifs victimes de persécutions à travers le monde. En nous réunissant ici aujourd’hui, nous honorons les victimes de l’holocauste et rendons hommage aux survivants, tout en remerciant leurs libérateurs. La décennie qui s’est écoulée a vu naître des tentatives visant à nier l’holocauste, s’est-il cependant inquiété. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il y a des gens qui voudraient effacer de l’histoire la mort de six millions de Juifs. Y a-t-il quelque chose de plus horrible que la destruction systématique d’un peuple; la destruction des livres saints des Juifs de Vienne, de Francfort, de Tunisie ou de Libye; le vol de leur dignité, de leur cheveux, et de leurs dents, pour en faire du savon et réduire des êtres humains à de simples matricules? Oui, a dit M. Shalom, il peut y avoir quelque chose de bien pire: nier cette histoire et vouloir enlever aux victimes et à leurs enfants la légitimité de leur souffrance et de leur deuil. Nier l’holocauste, ce n’est pas seulement violer les victimes et abuser les survivants. C’est aussi priver le monde des leçons qu’il devrait retenir, et qui sont aussi importantes aujourd’hui qu’il y a 60 ans, a-t-il conclu.
M. BRONISLAW GEREMEK, Membre du Parlement et Représentant spécial du Président de la Pologne, a indiqué que son pays avait été, sous l’occupation nazie, le théâtre de l’holocauste, avec notamment le camp d’Auschwitz, qui en est devenu le symbole. Il a rappelé que le système des camps de concentration nazis, auquel il faut ajouter les camps d’extermination d’autres groupes sociaux et ethniques, avait causé la mort de 10 millions de personnes en Europe. Il a précisé que les camps, installés en territoire polonais occupé, ne pouvaient en aucun cas être appelés des camps polonais. Il s’est dit conscient de la responsabilité particulière de son pays pour entretenir ces lieux de mémoire et a indiqué que des cérémonies particulières auraient lieu sur le site d’Auschwitz.
Il faut ouvrir ces lieux au monde, a-t-il poursuivi, éduquer les jeunes génération, leur apprendre la tolérance et le rejet de toutes formes de discrimination. Il a expliqué que dans le camp de Majdanek, les cendres de toutes les victimes avaient été réunies dans une gigantesque urne de béton, devenue un monument portant l’inscription: « Notre destin doit être un avertissement pour vous tous ». Il a estimé que cela devait faire réfléchir aujourd’hui, alors que la misère et l’extermination se poursuivent dans un grand nombre de pays du monde.
M. VLADIMIR LUKIN, Commissaire aux droits de l’homme de la Fédération de Russie, a rappelé que les troupes soviétiques avaient libéré le camp d’Auschwitz. Elles y ont trouvé des milliers de Juifs et de ressortissants de plusieurs pays, dont un grand nombre de Tziganes. Les souffrances de la Deuxième Guerre mondiale ont amené les peuples du monde à créer les Nations Unies et un système de sécurité collective qui doit être préservé, a dit le représentant. Nous ne devons pas oublier les destructions causées par la barbarie nazie, a-t-il poursuivi. La communauté internationale doit combattre toute tentative de réécrire l’histoire et tous les actes de révisionnisme, a déclaré le représentant, en indiquant que le monde devait faire face en bloc aux actes de certains individus et groupes qui veulent aujourd’hui ériger les nazis en héros. La communauté internationale doit lutter contre tous les actes de xénophobie, de racisme et d’ethnicisme. Les idéologies antisémites, racistes et intolérantes, qui s’expriment de plus en plus à travers le monde doivent être combattues. La Fédération de Russie met en garde contre les profanations de cimetières et de monuments à la mémoire des Juifs et des populations qui ont souffert du nazisme, qui se produisent de plus en plus fréquemment en Europe, a déclaré le représentant.
M. PAUL WOLFOWITZ, Secrétaire adjoint à la Défense des États-Unis, a estimé que la neutralité était un péché lorsque des horreurs se produisaient. Il a émis l’espoir que le monde ne détournerait plus les yeux à l’avenir face à un génocide et a expliqué que les Américains avaient souvent mené des guerres pour libérer d’autres peuples de la tyrannie. Œuvrer pour notre liberté, c’est aussi œuvrer pour la liberté du monde entier, a-t-il dit, en référence au rôle des États-Unis dans la libération de l’Europe du joug nazie.
M. Wolfowitz a aussi noté que la communauté internationale, malgré les promesses de ne jamais oublier, avait plusieurs fois ignoré des vérités qu’elle ne voulait pas entendre. Il a appelé tous les États Membres à mettre de côté leurs divergences politiques pour commémorer dans l’unité ces événements et cité le Président Bush qui, lors de sa récente investiture, a estimé que les intérêts vitaux des États-Unis et ceux du reste du monde ne faisaient qu’un. Il a insisté sur le caractère impératif de l’indépendance, ajoutant que personne ne méritait d’être le maître et que personne ne devait être l’esclave, indiquant que les États-Unis étaient prêts à travailler avec toutes les nations de bonne volonté, afin de mettre fin aux souffrances de notre époque. Nous devons continuer à nous souvenir, à parler des choses indicibles, a-t-il conclu, en espérant que cette commémoration de l’holocauste permettrait d’éviter que de telles horreurs se reproduisent.
M. JEAN ASSELBORN, Vice-Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, a déclaré, au nom de l’Union européenne, que ce qui s’est passé à Auschwitz-Birkenau, Bergen-Belsen, Treblinka et d’autres camps de la mort, représente l’expérience et l’expression les plus absolues de l’humiliation et de la négation de l’humain. L’Europe aura toujours en mémoire ces hommes et ces femmes et enfants persécutés en raison de leur race ou de leur religion ou convictions politiques. Leur indicible souffrance et leur expérience incommunicable ne peuvent que nous amener à honorer un devoir de mémoire et un appel moral imprescriptible: « plus jamais ça », a dit le représentant.
Rechercher les causes de la Shoah, qui a frappé aveuglément les Juifs d’Europe, c’est dénoncer les idéologies de la haine et de l’exclusion fondées sur l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie qui, malheureusement, trouvent encore de nos jours de tristes propagandistes, a dit le représentant. Il est particulièrement indiqué que cette commémoration se tienne dans l’enceinte des Nations Unies, Organisation née des affres de la guerre et dont le préambule de la Charte parle « des indicibles souffrances » de l’humanité.
M. MARCELLO PERA, Président du Sénat de l’Italie, a rappelé que l’holocauste n’était pas le produit de l’imagination, de la propagande ou de la rhétorique. Ceux qui le nient, qui le sous-estiment, qui font acte de révisionnisme, a-t-il ajouté, commettent un autre crime, appelant la communauté internationale à se souvenir, à comprendre, à rappeler la valeur fondamentale de la dignité de la personne. Il a constaté que l’antisémitisme n’avait pas disparu; il était entretenu, selon lui, par les distinctions insidieuses qui sont souvent faites entre Israël et l’État juif, Israël et ses gouvernements, le sionisme et le sémitisme.
Il a estimé que l’Europe d’aujourd’hui était affectée par une crise d’identité, le relativisme, le nihilisme, le multiculturalisme, le pacifisme et l’antimondialisation. Il a estimé qu’il n’était pas étonnant, dans ce contexte, que, dans un récent sondage, 60% des Européens aient placé Israël, aux côtés des États-Unis, sur la liste des États qui présentent une menace pour la paix dans le monde, ou encore que l’on ait renoncé de mentionner les racines judéo-chrétiennes de l’Europe dans le traité constitutionnel. Il y a 60 ans, a-t-il indiqué, l’Europe et le monde entier réalisaient qu’ils avaient détourné les yeux et s’étaient rendu coupables de ne pas avoir eu le courage de stopper l’horreur de l’holocauste. Nous devons aujourd’hui faire exactement l’inverse, a-t-il conclu, et cela dépend de notre seule volonté.
M. JOSCHKA FISCHER, Vice-Chancelier fédéral et Ministre des affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, a déclaré que le 24 janvier 1945, il y a 60 ans, des SS essayaient désespérément d’effacer toute trace de meurtres à Auschwitz. Ils brûlaient des dossiers et faisaient sauter des chambres à gaz et des incinérateurs pour essayer de dissimuler les horreurs qui s’étaient produites en ces lieux. Les troupes américaines, russes et britanniques ont trouvé des crimes indicibles dans les camps de concentration qu’elles libéraient. 60 ans après le cataclysme, il est difficile de trouver des mots pour exprimer la souffrance et l’humiliation des victimes, a dit M. Fischer. Nous ne pouvons que rendre humblement hommage à toutes les victimes du règne de terreur du régime national-socialiste et nous nous inclinons profondément en signe de deuil, a dit le Ministre allemand.
En 1949, a-t-il poursuivi, l’Allemagne a fait du principe de respect de la dignité humaine un principe inviolable de sa Constitution. La responsabilité de l’Allemagne dans la Shoah lui donne des obligations particulières envers l’État d’Israël, a rappelé le Ministre. Le droit d’Israël à exister et la sécurité de ses citoyens ne seront jamais négociables, et la diplomatie allemande s’attachera toujours à les faire respecter, a-t-il souligné. L’Allemagne et Israël célèbrent aujourd’hui le 40e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques, a ensuite indiqué M. Fischer. Notre passé nous donne pour devoir d’interdire et de combattre toutes les formes d’anti-sémitisme, de racisme, de xénophobie et d’intolérance, a-t-il conclu.
M. MICHEL BARNIER, Ministre des affaires étrangères de la France, a rappelé que, dans son pays, une partie de l’appareil d’État avait collaboré à la barbarie nazie. Il a ajouté que, face à cette trahison, la Résistance s’était levée. Rappelant que l’ONU était née de la Seconde Guerre mondiale, il a énuméré les espoirs concrétisés depuis 60 ans, citant les immenses développements du droit international (l’usage légitime de la force est encadré, les droits de l’homme sont reconnus par la Déclaration universelle), l’exemplaire démocratie allemande ou encore la création de l’État d’Israël. Il a cependant constaté l’ampleur des promesses non tenues, des engagements ignorés, des civils massacrés, notamment au Rwanda. La libération des camps est celle de toute l’humanité, a-t-il déclaré, en estimant que l’ensemble de l’humanité devait rester vigilante, intransigeante, face à l’antisémitisme, face à toutes les formes de racisme. Le devoir de mémoire nous unit aujourd’hui, il nous oblige à la vigilance, mais aussi nous engage à l’action, a-t-il conclu.
M. PIERRE PETTIGREW, Ministre des affaires étrangères du Canada, a déclaré que son pays était fier de la contribution des survivants de l’holocauste à la prospérité et à la démocratie canadiennes. Le monde fait aujourd’hui face à de nouvelles menaces, a dit M. Pettigrew, en indiquant qu¡il ne fallait pas rester silencieux face à la montée des intolérances. La pire attitude serait de se réfugier dans l’indifférence, a-t-il estimé. Comme l’a dit Edmund Burke, a fait remarquer M. Pettigrew, « tout ce qu’il faut pour que le mal triomphe, c’est que les braves gens ne fassent rien ». Le monde a été témoin de nombreuses atrocités depuis Auschwitz, a poursuivi le Ministre canadien, en citant les génocides du Cambodge, de la Bosnie-Herzégovine, du Rwanda et du Darfour. La notion de sécurité collective implique nécessairement celle de responsabilité collective, a-t-il estimé. C’est pourquoi, a-t-il rappelé, son pays avait proposé que soit acceptée par l’Assemblée générale, la notion de la responsabilité de protéger.
M. VARTAN OSKANIAN, Ministre des affaires étrangères de l’Arménie, a estimé qu’après Auschwitz, l’on pouvait déclarer: « Nous sommes tous des Juifs, nous sommes tous des Tziganes, nous sommes tous des indésirables ». Il a insisté sur l’importance à accorder aux lieux de mémoire. Il a estimé que, si chacun pouvait être victime, chacun pouvait également être coupable. Le génocide n’a rien à voir avec les individus, a-t-il dit, quelles que soient les horreurs qu’ils aient commises. C’est l’acte d’un État, d’institutions, a-t-il ajouté. Les victimes et les sociétés ont besoin d’une catharsis pour aller de l’avant, a-t-il dit, en invitant les Nations Unies à appeler les choses par leur nom et à renoncer au deux poids, deux mesures. Il a déploré que rien n’ait été fait pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre au Darfour. Il a estimé que la destruction de son peuple aurait dû être considérée comme un signe avant-coureur du génocide contre les Juifs. Le génocide, a-t-il dit, est la manifestation d’une rupture de l’engagement qu’un État a pris à l’égard de sa population. Il a estimé en conclusion qu’Auschwitz était le symbole du pire des crimes, celui de l’indifférence.
Mme ILIMKA MITREVA, Ministre des affaires étrangères de l’ex-République yougoslave de Macédoine, a déclaré que son pays, dont la population a toujours historiquement été multiethnique, a souffert une perte immense du fait de l’éradication presque totale de sa population juive dans les camps de la mort nazis au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Bien que les Macédoniens aient fait tout ce qu’ils pouvaient pour protéger leurs voisins Juifs, parfois au prix de leur propre vie, en 1943, 7 200 personnes, soit 98% des Juifs de Macédoine furent déportés par les forces d’occupation nazies vers le camp de Treblinka où ils furent assassinés. Aujourd’hui, l’ex-République yougoslave de Macédoine se souvient des victimes de l’holocauste. La construction d’un centre dédié à leur mémoire débutera cette année, a dit Mme Mitreva. Tous les 11 mars, a-t-elle ajouté, notre pays commémore avec tristesse la journée au cours de laquelle les Juifs furent embarqués dans les convois ferroviaires qui les conduisaient à la mort. Aujourd’hui, nous nous demandons parfois si le monde a tiré les leçons de ces tristes évènements, a dit la Ministre en estimant que la création des Nations Unies était due aux horreurs de la Deuxième Guerre mondiale, qui fit tant souffrir l’humanité. Nous nous sommes aujourd’hui engagés à pratiquer la tolérance, à respecter nos différences, et à vivre dans la compréhension mutuelle. Mais, de nouvelles formes de génocide existent, a regretté Mme Mitreva. Nous sommes obligés de constater que le monde n’a pas réagi à temps et avec force à ces abus, a-t-elle noté. Cette session spéciale de l’Assemblée devrait donc être non seulement l’occasion d’une commémoration de l’holocauste et d’une réflexion, mais aussi celle au cours de laquelle nous devrions rationaliser les outils dont dispose l’ONU pour promouvoir le multilatéralisme, et réagir rapidement et efficacement afin de faire face à toutes les situations de génocide et de violations graves des droits de l’homme qui pourraient se poser dans l’avenir.
LORD JANNER OF BRAUSTONE, Conseiller de la Reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, a indiqué qu’il avait été l’un des plus jeunes enquêteurs de l’armée britannique sur les camps de concentration nazis. Il a insisté sur l’importance des lieux de mémoire et de l’éducation sur l’holocauste, précisant que son pays participait aux efforts de sensibilisation dans d’autres régions du monde. Il a cependant estimé que la communauté internationale n’avait pas suffisamment tiré les leçons de l’holocauste. Il a indiqué qu’il participerait jeudi aux commémorations à Auschwitz.
M. OLAV KJORVEN, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré que la Déclaration sur l’holocauste, adoptée par le Forum international de Stockholm qui s’est tenue en l’an 2000, est à marquer d’une pierre blanche. À travers elle, nous nous sommes engagés à promouvoir l’éducation sur l’Holocauste dans nos écoles et nos communautés, a indiqué M. Kjorven, en soulignant que cette éducation devait sensibiliser toute la société norvégienne aux souffrances des victimes de l’holocauste. Dans notre pays, a-t-il poursuivi, il est d’usage d’amener les écoliers visiter les camps d’extermination nazis situés en Allemagne et en Pologne, à Auschwitz, à Ravensbrück et à Sachsenhausen. En 2001, le Centre d’études de l’holocauste et des minorités religieuses de Norvège a été créé comme institution nationale de recherche de l’histoire de l’holocauste. C’est un centre de documentation, d’information et d’éducation, a indiqué le représentant norvégien. Ce Centre, a-t-il souligné, fait partie des efforts de restitution et de réparation que fait le Gouvernement de Norvège envers la communauté juive, qui a tellement souffert au cours de la Deuxième Guerre mondiale.
M. FRANZ MORAK, Secrétaire d’État au cabinet du Chancelier fédéral de l’Autriche, a fait part de son angoisse face à la disparition de la plupart des Juifs de son pays pendant l’Holocauste et de sa douleur face au rôle joué par de trop nombreux Autrichiens dans cette horreur. Il a souligné le rôle des lieux de mémoire, mais a estimé plus utile encore l’éducation aux droits de l’homme et au respect de la dignité de la personne humaine. Auschwitz est un site historique dont la portée est universelle, a-t-il déclaré. Il a expliqué qu’il avait fallu du temps à son pays pour reconnaître sa part de responsabilité morale dans la barbarie nazie et a fait part des efforts de son pays pour restituer les biens et avoirs juifs confisqués par le régime nazi et offrir des réparations. Il a espéré que, bien que trop tardifs, ces efforts permettraient d’alléger une partie de la douleur des victimes du national-socialisme. Soulignant la responsabilité morale de la communauté internationale face au passé, il a estimé qu’il lui incombait d’en tirer les leçons et de combattre sans relâche le fléau de l’antisémitisme.
M. ANDRAS BARSONY, Secrétaire d’État aux affaires étrangères de la Hongrie, a déclaré que son pays dénonçait le système et l’idéologie odieux qui ont causé l’élimination de millions de personnes au nom d’une prétendue « supériorité raciale ». 400 000 Hongrois ont été massacrés dans les camps d’extermination nazis, a indiqué le représentant de la Hongrie. Notre peuple regrette aujourd’hui que, parmi les siens, certains aient collaboré avec les nazis pour se livrer à l’extermination de leurs propres compatriotes, du seul fait que ceux-ci étaient Juifs, Tziganes, handicapés ou ethniquement et politiquement différents. La Hongrie d’aujourd’hui tient à ce que les générations futures comprennent la vérité historique de ce qui s’est passé au cours de cette sombre période. C’est pourquoi la Hongrie a ouvert un centre d’études, de documentation et de recherches sur l’holocauste, a indiqué le Secrétaire d’État aux affaires étrangères. Affirmant ensuite que des membres de sa propre famille avaient perdu la vie dans les camps d’extermination nazis, il a déclaré que le souvenir de ces disparus le hantait, et qu’il échangerait volontiers sa propre existence contre la leur, si cela pouvait les ramener à la vie.
M. MAX VAN DER STOEL, Ministre d’État, envoyé spécial des Pays-Bas, a estimé qu’il était quasiment impossible en 2005, comme il l’était en 1945, de comprendre la cruauté systématique de la barbarie nazie. Il a constaté que d’autres génocides s’étaient cependant produits depuis dans le monde. « Plus jamais Auschwitz » ne doit pas être un slogan, mais une obligation pour nous tous, a-t-il poursuivi, ajoutant qu’il était particulièrement important que cette commémoration se fasse sous les auspices des Nations Unies. Il a estimé que cela permettait de démontrer que tous les pays et tous les peuples du monde étaient concernés par l’holocauste, pas seulement ceux qui ont directement souffert du nazisme.
M. ALPHA IBRAHIMA SOW (Guinée) a déclaré, au nom des États membres du Groupe africain, que l’Assemblée générale renouvelait, à travers cette commémoration à la mémoire des victimes de l’holocauste, sa foi envers l’ONU comme symbole et outil de la justice entre les peuples. Le Groupe africain réaffirme son soutien aux principes d’égalité et de justice entre les hommes, a-t-il dit. Les Africains sont intervenus, par dizaines de milliers, aux côtés des Alliés pour aider la libération des pays occupés par les armées du régime nazi et mettre fin à l’horreur la plus indicible. L’Afrique, qui a elle-même payé un prix lourd aux phénomènes de l’esclavage, de la colonisation, du racisme et de l’apartheid, se devait d’initier la tenue de cette session extraordinaire de l’Assemblée générale, a dit M. Sow. Le groupe des pays africains, qui s’est battu contre ces fléaux, a toujours été au centre des luttes visant à rendre à l’homme, quelle que soit sa race, sa couleur, sa culture ou sa religion, sa dignité. Cette commémoration devrait contribuer à la réalisation des objectifs de paix, de solidarité et d’humanité qui sont inscrits dans la Charte des Nations Unies, rédigée à San Francisco, a conclu M. Sow.
M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Asie, a souligné combien il était important de se souvenir de l’histoire et rappeler aux nouvelles générations les horreurs perpétrées sur la base de la ségrégation raciale et d’idéologies tyranniques. Il a estimé que la Déclaration des droits de l’homme de 1948 et la Convention sur la Prévention des crimes de génocide étaient des instruments légaux essentiels. Il s’est par ailleurs félicité de la récente entrée en vigueur du Statut de la Cour pénale internationale qui, même s’il n’a pas encore été ratifié par tous les États Membres, permettra de traduire en justice les auteurs de génocide. Il a insisté sur le rôle central des Nations Unies dans la promotion des droits de l’homme et du progrès de l’humanité.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a déclaré, au nom des pays du Groupe des États d’Europe orientale, que de nombreuses victimes de l’holocauste étaient des citoyens des États d’Europe de l’Est. Plusieurs minorités se sont retrouvées ciblées de manière acharnée et vicieuse par les Nazis, a-t-il dit. La Shoah montre que quand une minorité est menacée, toutes les autres minorités peuvent se retrouver dans la même situation. Les Nazis ont commencé par brûler des livres, avant de se mettre à brûler des synagogues, puis de tuer des millions d’êtres humains dans des conditions atroces, a indiqué M. Tafrov. La communauté internationale ne doit pas avoir la mémoire courte, et ne doit pas oublier le passé. Notre mémoire ne doit pas être sélective, a déclaré le représentant, en indiquant que le monde avait envers les victimes de l’Holocauste un devoir de mémoire.
M. MANUEL ACOSTA BONILLA (Honduras) qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, a déploré que d’autres génocides se soient produits depuis l’Holocauste. Il a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle redouble d’efforts afin d’éviter que de telles horreurs se répètent. Il a estimé qu’à cet égard, la Cour pénale internationale était un outil juridique important.
M. JOAO SALGUEIRO (Portugal) a déclaré, au nom du Groupe des Etats d’Europe occidentale et autres États, que ceux-ci exprimaient leur plus profonde solidarité avec les survivants de l’holocauste. Nous devons également rendre hommage à tous ceux qui sont venus libérer l’Europe et à ceux qui, individuellement, ont sauvé des vies juives et celles des autres minorités opprimées par les Nazis. Au nom du Groupe des États d’Europe occidentale, le Portugal demande à l’Assemblée générale de réitérer l’intangibilité des droits de l’homme pour tous les hommes, quelles que soient leurs origines, leur religion, leur race ou leur culture. Les lendemains de la Deuxième Guerre mondiale ont marqué un point tournant pour l’humanité. Des cendres de la guerre est née l’ONU, et l’espoir de voir naître une communauté internationale respectueuse de la tolérance, de la solidarité et de la sécurité qui devraient régir les rapports entre êtres humains, a-t-il indiqué.
M. WANG GUANGYA (Chine) a déclaré que les événements tragiques d’il y a 60 ans ne devaient pas se répéter et s’est inquiété de la recrudescence d’actes antisémites. Il a rappelé que les Nations Unies, fondées il y a 60 ans alors que les canons s’étaient à peine tus, se trouvaient aujourd’hui à un tournant de leur histoire et devaient plus que jamais promouvoir le développement humain.
Le Prince ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN, Chef de la délégation de la Jordanie, a déclaré qu’au cours des 60 années qui se sont écoulées depuis la tenue du tribunal de Nuremberg, la justice internationale s’est exprimée lors de la comparution devant les instances internationales de criminels notoires comme Eichmann, Papon, Barbie, Schwammberger, Prieke et Hass. Plus récemment, la justice internationale s’est exprimée dans le cadre des Tribunaux spéciaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie. Cependant, a dit le Prince Al-Hussein, il est regrettable que nous entendions, au Conseil de sécurité et ailleurs, des plaintes concernant le coût de la justice internationale, alors que les dépenses combinées des Tribunaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie ne s’élèvent qu’à 300 millions de dollars par an. Si on compare cette somme aux 900 milliards de dollars que les pays riches dépensent en achats d’armements -outils de guerre et de destruction- chaque année, ne devrait-on pas se demander pourquoi plus de ressources ne sont pas accordées à la justice, qui est un outil de paix? s’est demandé le représentant jordanien.
M. RASHID ALIMOV (Tadjikistan) a souligné le caractère historique de cette session extraordinaire. Il a mis en garde contre l’indifférence face à l’antisémitisme et à toutes les formes de racisme et de discrimination. Le souvenir d’Auschwitz doit servir d’avertissement pour toute l’humanité, a-t-il déclaré, en saluant les survivants de l’holocauste présents à cette session. Il a déploré que l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie soient toujours vivaces et a estimé que la lutte contre ces maux ne pouvait être que collective, placée sous les auspices des Nations Unies.
M. RICARDO ALBERTO ARIAS (Panama) a déclaré que partout où sévissent l’intolérance et la discrimination, existent des risques d’abus et d’Holocauste. Panama compte dans sa population des gens de toutes races, religions et croyances. Nous sommes fermement en faveur du respect, par tous les États de la communauté internationale, des consensus auxquels nous sommes parvenus grâce au cadre que nous offre l’ONU, sur la question du respect des droits de l’homme et de la diversité humaine, a dit M. Arias.
M. ANDREI DAPKIUNAS (Bélarus) a rappelé qu’un camp de concentration nazi avait été installé sur le territoire de son pays et que le Bélarus avait perdu un quart de sa population pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’est inquiété de la persistance de la haine et de l’idéologie qui promeut la domination d’un peuple. Si les leçons de l’holocauste tombent un jour dans l’oubli, alors l’homme aura perdu son humanité, a-t-il conclu.
M. DENIS DANGUE REWAKA (Gabon) a déclaré que la commémoration du 60e anniversaire de la libération des camps de concentration nazis, que marquent aujourd’hui les Nations Unies, revêt une portée universelle et interpelle plus que jamais la communauté internationale. Nous devons puiser dans l’héroïsme de tous ceux qui, d’origines diverses, ont combattu pour libérer les camps de concentration, pour résister à la tyrannie, pour contribuer par leurs sacrifices au renforcement des valeurs démocratiques et des droits de l’homme, a dit M. Rewaka. Nous devons nous appuyer sur les progrès accomplis grâce à l’ONU pour que l’humanité n’ait plus jamais à connaître de telles atrocités, a dit le représentant.
M. AUGUSTINE MAHIGA (République-Unie de Tanzanie) a estimé que cette session commémorative extraordinaire devait également être l’occasion pour la communauté internationale de faire son mea culpa pour n’avoir pas empêché d’autres génocides de se produire. Il a estimé que ni l’holocauste, ni les génocides du Cambodge ou du Rwanda, ou la purification ethnique du Kosovo ne s’étaient produits par hasard, ajoutant que chacun de ces événements avaient été soigneusement planifiés. En tant que représentant d’un pays voisin du Rwanda, témoin d’un génocide qui a fait près d’un million de morts, il a constaté à quel point la résolution « plus jamais ça » pouvait rapidement se transformer en « encore et encore ». Il a par ailleurs réaffirmé son ferme soutien à l’État d’Israël et au peuple juif, mais a parallèlement tenu à rappeler le droit du peuple palestinien à avoir son propre État.
M. KIM SAM-HOON (République de Corée) a déclaré que l’holocauste était l’expression la plus horrible de la haine raciale. Les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale ne se sont pas limitées à l’Europe, a noté le représentant. Nous regrettons que la fin de l’holocauste et la libération de camps de concentration nazis n’aient pas marqué la fin des génocides, a-t-il dit. Le monde doit se débarrasser de la haine et de la violence. Mais cela ne se fera pas tant que nous ne reconnaîtrons pas sincèrement que tous les êtres humains, sans exception, sont créés égaux et ont le même droit à une vie digne, sûre et pacifique. S’il est trop tard pour sauver les vies de tous ceux qui ont péri au cours de l’holocauste et des autres génocides, il n’est cependant pas trop tard pour sauver l’avenir, a déclaré le représentant, en lançant un appel au respect des droits de l’homme et de la dignité de tous les êtres humains.
M. RONALDO SARDENBERG (Brésil) a fait part de la participation de son pays à la libération de l’Europe par les alliés. Il a rappelé que les Nations Unies avaient été fondées sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale et s’est félicité de la création récente de la Cour pénale internationale, dont l’objectif est de permettre que les crimes contre l’humanité et les génocides ne restent pas impunis. Il a invité à ne jamais oublier les atrocités du passé, au cours desquelles la dignité humaine a été foulée aux pieds.
M. KENZO OSHIMA (Japon) a déclaré que le monde ne devrait jamais laisser se répéter les erreurs du passé. Alors que les nazis massacraient les Juifs en Europe, un diplomate japonais délivra plus de 1 000 visas à des Juifs de Lettonie pour les aider à se réfugier au Japon, a indiqué M. Oshima. Ce représentant du Consulat japonais avait agi de son propre chef, ce qui montre que les actions d’une seule personne ont pu sauver de nombreuses vies humaines pendant cette sombre période. Des références ont été faites par des délégations qui sont intervenues avant nous sur cette tribune, aux actions du Japon en Asie, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Nous regrettons que ce type de remarques aient été faites ici, a dit le représentant. Dans le passé, ici à l’ONU, un Premier Ministre japonais, M. Murayama, a reconnu que le Japon avait mené une politique erronée au cours des années de guerre. Il avait alors fait part de son remords, au nom de son pays, et avait demandé pardon aux pays asiatiques qui avaient été affectés par les actes commis par le Japon. Le Japon est aujourd’hui un membre responsable de la communauté internationale et promet d’œuvrer en faveur du renforcement de la paix et de l’harmonie internationales, a dit le représentant.
M. MIHNEA IOAN MOTOC (Roumanie) a estimé qu’il fallait se souvenir du passé et en tirer les leçons pour mieux préparer l’avenir. Il a reconnu la responsabilité du régime roumain pronazi dans l’holocauste, citant notamment le progrom de Iasi, en 1941. Il a indiqué que son Gouvernement avait mis en place un comité spécial chargé de faire la lumière sur le rôle de la Roumanie et de promouvoir l’éducation aux horreurs de l’holocauste. Accepter son passé, ses bons comme ses mauvais aspects, est essentiel pour la mise en place d’une société démocratique, a-t-il estimé, ajoutant que les générations futures devaient connaître ce pan de l’histoire. Il a estimé que cette session extraordinaire devait être l’occasion de réfléchir aux moyens de lutter contre les fléaux de l’antisémitisme et du racisme.
M. CESAR MAYORAL (Argentine) a déclaré que la mémoire devrait toujours se fonder sur la vérité. Quand les avant-gardes de l’Armée rouge découvrirent le camp d’Auschwitz, elles virent avec horreur l’ampleur des méthodes quasiment industrielles de la machine de mort mise au point par les nazis. Il a par ailleurs dénoncé la responsabilité du gouvernement de Vichy dans le sort réservé aux Juifs français et noté que c’est en 1995 que le Président Jacques Chirac a déclaré que la France avait une dette envers ceux qui ne sont jamais revenus des camps de concentration. Aujourd’hui, a déclaré M. Mayoral, la commémoration par l’Assemblée générale du 60e anniversaire de la libération des camps de la mort, donne enfin une chance à la communauté internationale de renouer la mémoire à l’histoire et à la vérité.
M. JOËL ADECHI (Bénin) a estimé que le nazisme constituait une négation des principes imprescriptibles sur lesquels se fonde la société contemporaine et qui ont présidé à la fondation de l’ONU. Il a salué l’action des Nations Unies dans le domaine de la codification des instruments internationaux de protection des droits de l’homme, et de leur mise en œuvre. Il s’est félicité à cet égard de la création de la Cour pénale internationale et de la nomination d’un Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide. Notre monde et nos consciences ne devraient plus s’accommoder des pratiques inhumaines et dégradantes inspirées par le racisme et l’antisémitisme, a-t-il déclaré, en lançant un appel à la vigilance. L’oubli est la meilleure façon d’ouvrir la porte à la répétition de la lugubre histoire de l’holocauste, a-t-il conclu.
M. STANISLAS KAMANZI, Chef de la délégation du Rwanda, a déclaré que l’holocauste perpétré par les nazis était un des crimes les plus répugnants de l’histoire humaine. L’ONU a été fondée pour s’assurer notamment que ce genre de drame ne se reproduirait jamais, a estimé le représentant. La Charte des Nations Unies est une proclamation en faveur de la paix et du respect de la dignité et des droits de tous les membres de la famille humaine. Le monde a cependant été rappelé à la réalité de la cruauté humaine, quand plus d’un million de personnes ont été massacrées au Rwanda, a déclaré M. Kamanzi, en regrettant l’inaction de la communauté internationale devant les génocides commis au Rwanda, au Cambodge et en Bosnie-Herzégovine. Dans le cadre de sa réforme l’ONU doit disposer d’un système d’alerte avancée en vue de prévenir les actes de génocide, a-t-il proposé. Aucune polarisation du Conseil de sécurité ne devrait poser des obstacles à l’intervention de la communauté internationale quand des vies humaines sont menacées, a conclu le représentant du Rwanda.
M. BAKI ILKIN (Turquie) a rappelé que les Nations Unies étaient nées des cendres de la Seconde Guerre mondiale et a estimé que cette session extraordinaire était l’occasion de rappeler les principes fondateurs de l’Organisation. Il a estimé que la Turquie avait toujours été un havre pour toutes les personnes persécutées et opprimées, citant notamment l’accueil des Juifs sépharades pendant l’Inquisition, ou le soutien apporté à certains Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Lançant un appel à tirer les leçons de l’holocauste, il a souhaité que tous les efforts soient mis en œuvre pour combattre la haine sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de l’antisémitisme, de la christianophobie ou de l’islamophobie
M. JOHN DAUTH (Australie) a déclaré que les Alliés étaient intervenus en Europe pour défendre les valeurs les plus inaliénables de l’esprit humain: la liberté humaine et l’indépendance, sur lesquelles se fonde la construction de la communauté des nations. 39.000 jeunes Australiens ont payé de leurs vies leur engagement dans la défense de la liberté au cours de la Deuxième Guerre mondiale, a dit M. Dauth, en demandant à la communauté internationale de garder à l’esprit les sacrifices faits en faveur de la liberté. L’Australie a soutenu l’organisation de cette 28e session extraordinaire de l’Assemblée générale, a indiqué le représentant. Nous ne devons jamais oublier les millions de vies humaines fauchées par la haine des uns et l’indifférence des autres, a-t-il lancé.
Mme IMERIA NÚÑEZ DE ODREMÁN (Venezuela) a indiqué que la communauté juive de son pays vivait à l’abri de toute persécution depuis 60 ans. Le souvenir de l’holocauste doit survivre dans tous les pays et aux Nations Unies, a-t-elle dit, en invitant également la communauté internationale à ne pas oublier les génocides des Balkans et du Rwanda. Elle a également souhaité attirer l’attention sur le massacre des Afghans et des Iraquiens ainsi que la destruction des biens et des terres des peuples indigènes.
M. ANTHONY ANDANJE (Kenya) a déclaré que l’holocauste avait démontré la fragilité de l’humanité, qui peut aisément perdre son âme et assister de manière impassible aux horreurs les plus indicibles. Les génocides de Bosnie-Herzégovine, du Cambodge et du Rwanda ont montré une fois de plus la faiblesse et la lâcheté de l’être humain, a dit M. Andanje. Le monde que l’on dit « civilisé » n’a jamais répondu à la question de la responsabilité. Sommes-nous responsables de notre voisin, de notre frère? La réponse à donner à cette question viendra d’un débat de société et de civilisation, mais nous savons que face aux horreurs auxquelles le monde a assisté, le plus grand des pêchés, c’est le silence et l’indifférence.
M. DON MACKAY (Nouvelle-Zélande) a estimé que l’holocauste occupait une place spéciale dans la conscience mondiale, en tant qu’illustration ultime de l’inhumanité de l’homme et se singularisait d’autres actes de génocide, quel que soit le nombre de victimes. Constatant que le fléau du génocide était toujours vivace, il a rappelé la responsabilité collective de la communauté internationale dans la prévention des génocides et dans le combat contre le racisme et l’antisémitisme. Nous n’avons pas encore tiré les leçons du génocide, a-t-il dit, en citant le Cambodge, la Bosnie-Herzégovine, la Rwanda et le Darfour. La prévention des génocides doit être la première priorité de cette Organisation, a-t-il conclu.
Mgr CELESTINO MIGLIORE, Nonce Apostolique, Observateur du Saint-Siège, a déclaré que la Shoah était l’un des chapitres les plus sombres du XXe siècle. Le Pape Jean-Paul II a dit, durant sa visite à Auschwitz, que nous devrions laisser les cris du peuple juif martyr changer l’esprit humain pour le meilleur, a dit l’Observateur du Saint-Siège. La communauté internationale doit tirer les conclusions qui s’imposent de l’holocauste et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les camps de concentration nazis ont été un rappel qui doit nous rendre humbles et nous faire prendre conscience de « l’inhumanité de l’homme envers l’homme », a conclu Mgr Migliore.
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