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SG/SM/9606-AFR/1070

DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA PAIX, LA SÉCURITÉ, LA DÉMOCRATIE ET LE DÉVELOPPEMENT DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS

19/11/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9606
AFR/1070


DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LA PAIX, LA SÉCURITÉ, LA DÉMOCRATIE ET LE DÉVELOPPEMENT DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS


On trouvera ci-après le discours du Secrétaire général, Kofi Annan, à la Conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la région des Grands Lacs à Dar es-Salaam, le 19 novembre 2004:


Permettez-moi d’exprimer ma gratitude au Gouvernement et au peuple tanzaniens, qui accueillent cette importante conférence.


Monsieur le Président Mkapa, vous méritez tout particulièrement d’être félicité. Chacun sait que vous êtes, depuis longtemps, fermement attaché à la paix, à la sécurité et au développement de la région. Vous avez déployé des efforts inlassables pour maintenir plusieurs processus de paix sur les rails et vous avez guidé le processus préparatoire de cette conférence. Vous pouvez être fier de ce que vous avez fait pour nous conduire à ce moment historique.


Je tiens aussi à remercier le Président Obasanjo et le Président Konaré pour la façon dont ils dirigent l’Union africaine, ainsi que pour leur appui résolu à cette conférence et à la cause de la paix, de l’unité et de l’autonomie africaines.


Cette conférence doit beaucoup aussi aux pays et organisations internationales qui constituent le Groupe d’amis de la région des Grands Lacs. L’appui politique, diplomatique, technique et financier qu’ils ont fourni est inestimable.


La région des Grands Lacs pourrait être une véritable locomotive pour l’Afrique. Les peuples qui l’habitent sont dynamiques. Elle recèle toutes les ressources naturelles possibles et imaginables, des matières premières qu’utilisent les vieilles industries à celles qui font tourner l’économie de l’information et le secteur de la recherche médicale. Les États de la région, s’ils avaient la possibilité de maîtriser et d’exploiter leurs propres ressources, pourraient être concurrentiels sur les marchés mondiaux. Et si nous parvenions à faire régner la paix et la stabilité et à mettre en place l’infrastructure voulue, la diversité culturelle et la richesse écologique de la région pourraient en faire une destination touristique de choix.


Pourtant, cela fait des dizaines d’années que la région languit dans la pauvreté, qu’elle stagne sur les plans politique et économique et que le potentiel de ses peuples est inutilisé. Des dizaines d’années de mauvaise gestion ont privé les peuples de la région des Grands Lacs de leurs libertés, nourrit la méfiance et remis en cause la notion même de bonne administration. Au lieu de favoriser la santé et le bien-être de tous, les ressources ont servi à enrichir les membres de quelques cercles restreints. Les conflits ont gommé les progrès du développement et facilité la progression de maladies comme le sida. Enfin, le génocide a plongé la région dans l’horreur absolue, et nous n’avons pas fini d’en sentir les effets. En bref, aussi loin que la plupart d’entre nous se souviennent, la région des Grands Lacs est en proie à la mort et la destruction.


La résistance des peuples de la région n’en est que plus miraculeuse. Ils n’ont jamais cessé de croire en un avenir meilleur. Ils ont refusé de tourner le dos à la coexistence. Ils ont continué de croire qu’à la première occasion, la démocratie et le développement prendraient racine.


Aujourd’hui, il y a finalement une lueur d’espoir. Les dirigeants de la région ont pris la décision stratégique de rechercher la paix. Des gens ordinaires et des groupes de la société civile se mobilisent pour fournir les services de base et réclamer une gouvernance transparente et responsable. La communauté internationale a promis de s’acquitter de ses responsabilités. Et l’Organisation des Nations Unies s’est mobilisée sur tous les fronts : maintien de la paix, secours humanitaires et aide au développement.


Nous sommes donc réunis ici autour d’un dessein commun et d’une vision partagée. Cette conférence s’appuie sur les fondements de plusieurs processus de paix nationaux. Ceux-ci ont progressivement renforcé la confiance et ont atteint un niveau de maturité qui autorise le passage à l’étape suivante : la promotion d’une une coopération régionale constructive.


Il est certain que les processus de paix nationaux et les stratégies de développement qui ne tiendraient pas compte des problèmes transfrontaliers de la région seraient, au mieux, incomplets, et risqueraient de ne donner que des résultats éphémères. Une caractéristique très marquante de la région est que sur le plan de la sécurité et de la stabilité, les différents pays sont très étroitement liés entre eux. Même des pays relativement pacifiques ne peuvent manquer d’être touchés par les troubles entre leurs voisins. Notre mission est de renverser la tendance et de faire de la paix un phénomène contagieux dont les manifestations se renforcent mutuellement.


C’est pourquoi la participation à cette conférence n’est pas réservée aux pays qui appartiennent à la région d’un point de vue strictement géographique, mais ouverte à tous ceux dont la contribution est indispensable à une paix, une stabilité et un développement durables.


Ce parti pris explique aussi que les gouvernements ne soient pas les seuls représentés ici, et qu’il y ait parmi nous des représentants de syndicats, d’églises, et d’associations de femmes et de jeunes.


Tout cela est très encourageant. Mais nous devons être plus ambitieux. Nous devons utiliser le cadre qu’offre cette conférence pour réfléchir à tout l’éventail des problèmes transfrontaliers de la région.


Nous avons vu, par exemple, que des affrontements ethniques dans un pays peuvent avoir des répercussions dans un autre pays. Nous devons donc faire en sorte qu’à l’avenir, aucun État n’accepte d’accueillir ceux qui ont semé la violence et fait couler le sang ailleurs, ou qui s’apprêteraient à le faire.


Nous avons souvent été incapables d’éviter le déplacement massif d’innocents et de mettre fin aux mauvais traitements infligés aux réfugiés et aux déplacés.


Nous avons vu que la présence d’une importante population de réfugiés, souvent due à un conflit ethnique, crée des tensions et est financièrement lourde à porter pour les collectivités d’accueil.


Et nous avons vu que quand des groupes de gens quittent leur pays et s’installent dans des pays voisins, cela suscite des tensions liées à la terre, à l’emploi et au statut des uns et des autres. Nous devons remédier à la situation des populations concernées.


Nous devons améliorer les conditions de sécurité dans les zones frontières, qui sont en grande partie en proie à l’anarchie, afin de lutter contre le trafic d’armes et le commerce illégal de ressources naturelles.


Ces questions, ainsi que d’autres, ne pourront être réglées que moyennant une coopération régionale beaucoup plus étroite, entre des dirigeants déterminés à œuvrer ensemble pour le long terme, plutôt que de se liguer les uns contre les autres.


Certes, le programme est chargé. Mais tout comme la participation à cette conférence, il doit être le plus large possible, car tout est lié.


La Déclaration que vous allez adopter constitue un grand pas en avant. Quelques années après un conflit sanglant auquel plusieurs de vos pays ont participé, elle symbolise l’émergence de la volonté politique d’adhérer à des principes fondamentaux, de mettre en place des mécanismes de renforcement de la confiance et de favoriser un climat de confiance mutuelle.


Je tiens à vous féliciter d’avoir pris conscience, au niveau politique le plus élevé, du destin commun de votre région et de la responsabilité que vous avez de lever tous les obstacles à son développement. Vous avez manifesté votre volonté de prendre en main le processus.


C’est à vous qu’il incombera d’élaborer, à partir de la Déclaration, des protocoles et des programmes d’action qui aboutiront à un accord de paix général pour la région. La tâche est immense, mais il est en votre pouvoir de donner l’espoir aux gens de vos pays en montrant que vous êtes déterminés à entretenir des relations de bon voisinage et en prenant des mesures pour faire tomber le mur de suspicion qui vous sépare les uns des autres. L’enjeu n’est rien moins que l’avènement d’une ère nouvelle pour des millions d’hommes, de femmes et d’enfants africains, qui ont traversé tant d’épreuves, ont enterré tant de parents et de proches et attendent de nous que nous allions au bout de ce que nous avons entamé. Nous devons à tout prix éviter que ce processus leur apparaisse comme un exercice théorique.

Le leadership – exercé de façon soutenue et de bonne foi, en partenariat avec la communauté internationale – peut faire toute la différence.


Nous aurons aussi besoin d’une bonne dose de sagesse. Il me semble donc tout indiqué de citer, ici, en Tanzanie, des paroles prononcées par le grand Julius Nyerere, le Mwalimu, dans les mois qui ont précédé sa mort :


« Il n’y aura pas de miracle.  Le seul espoir de l’Afrique est d’être collectivement autonome. »


Laissez-moi vous assurer que je soutiens sans réserve cette cause : celle de la paix, du développement et des droits de l’homme partout dans la région des Grands Lacs. Je vous remercie.


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