SG/SM/9600-SC/8248-AFR/1066

DEVANT LE CONSEIL RÉUNI À NAIROBI, KOFI ANNAN INSISTE SUR UNE CONCLUSION RAPIDE D’UN ACCORD DE PAIX GLOBAL POUR LE SOUDAN

18/11/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9600
SC/8248
AFR/1066


DEVANT LE CONSEIL RÉUNI À NAIROBI, KOFI ANNAN INSISTE SUR UNE CONCLUSION RAPIDE D’UN ACCORD DE PAIX GLOBAL POUR LE SOUDAN


On trouvera ci-après la déclaration du Secrétaire général, Kofi Annan, à la réunion du Conseil de sécurité sur le Soudan tenue à Nairobi au Kenya le 18 novembre:


Je voudrais commencer par rendre hommage à la sagesse de notre président, M. Danforth, qui nous a fait venir ici à Nairobi. C’est à son initiative que nous devons d’être ici.


Il est particulièrement approprié que le Conseil ait pris la décision –rare et hautement symbolique– de se réunir ici en Afrique. S’il est venu à Nairobi, c’est principalement pour discuter de la situation dans le plus grand pays d’Afrique –le Soudan– qui se trouve malheureusement être aussi l’un des pays les plus déchirés par les conflits. Le Soudan est un pays qui connaît des divisions très profondément ancrées et complexes. Les populations de parties entières du Soudan, particulièrement dans le sud, vivent depuis des décennies dans la peur, la faim et la souffrance, et ce, en raison de phénomènes naturels mais aussi de facteurs humains.


Dorénavant, au moins, le processus de paix de Naivasha, mené si habilement et si patiemment par l’Autorité intergouvernementale pour le développement, offre un réel espoir d’échapper à ce long cauchemar et une occasion de transformer le paysage politique soudanais et son système de gouvernance. Le peuple soudanais attend depuis trop longtemps cette transformation. Il est grand temps de conclure les négociations entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan (MPLS/APLS) et de commencer à mettre en œuvre ce qui a été décidé.


Les répercussions de ce retard se ressentent non seulement dans le sud, mais également ailleurs, à mesure que le conflit s’étend à de nouvelles zones du pays. Les ravages du conflit du Darfour en sont une preuve criante. C’est la raison pour laquelle c’est dès maintenant qu’il faut prendre une décision. Il n’y a pas de temps à perdre. Non seulement la conclusion rapide des pourparlers nord-sud contribuerait à endiguer une nouvelle propagation du conflit à d’autres régions du pays, mais elle servirait aussi de base et de catalyseur pour un règlement des conflits actuels.


De fait, comme je l’ai indiqué au Conseil en d’autres occasions, le Gouvernement soudanais et le MPLS/APLS ont déjà accepté de prendre comme point de départ les principes pertinents du Protocole de Machakos pour le règlement des conflits dans d’autres régions, y compris le Darfour. Ces principes ont déjà représenté la base de règlement pour les monts Nouba, l’État du Nil bleu méridional et la province de l’Abyei.


Une autre raison de mener diligemment à son terme le processus de Naivasha est que cela permettrait la formation d’un nouveau Gouvernement de coalition à Khartoum, doté d’une nouvelle armée, qui intégrerait le MPLS. Force est de croire que la formation d’un Gouvernement nord-sud au Soudan permettrait de donner plus de poids et d’imprimer une plus grande dynamique à la recherche d’un règlement au Darfour et ailleurs et qu’elle aurait un impact important en matière de renforcement de la confiance.


C’est la raison pour laquelle je voudrais aujourd’hui insister de nouveau, auprès des membres du Conseil, sur l’importance d’une conclusion rapide du processus de Naivasha. Je suis persuadé que le Conseil, dans ses débats collectifs ou en privé avec le Vice-Président, M. Ali Othman Taha, et avec M. John Garang ainsi que dans le projet de résolution qu’il adoptera sur le Soudan, encouragera les parties à signer un accord de paix global avant la fin de l’année. Je me félicite particulièrement de la promesse faite par le Conseil d’appuyer pleinement la mise en œuvre de cet accord et de sa proposition d’inciter concrètement les parties à agir comme elles le doivent à l’égard de leur peuple et de leur pays.


Il faut exhorter le Gouvernement comme le MPLS à collaborer au règlement des autres conflits qui affligent le Soudan dès qu’ils auront signé leur accord – comme, d’ailleurs, ils devraient s’y employer en tant que membres du nouveau Gouvernement soudanais. Ce type de démarche est nécessaire en raison de la question problématique de la gouvernance au Soudan : ce n’est pas seulement un problème nord-sud, le problème du Darfour ou de Beja, et ces conflits ne peuvent être traités au cas par cas. Une stratégie globale est nécessaire. Naivasha offre pour cela une bonne base de départ. Les Soudanais de tout le pays et de tous horizons – notamment au sein des partis politiques, de la société civile et des populations exilées – vont devoir se retrouver pour discuter de l’avenir du Soudan et de la façon dont le pays devra être gouverné.

S’il est approprié que le Conseil mette avant tout l’accent, dans la présente séance, sur la conclusion des pourparlers nord-sud, il n’en doit pas moins se pencher également sur le conflit au Darfour. La terrible situation qui règne au Darfour a été provoquée essentiellement par des actes de violence délibérés contre des civils, et notamment des massacres et des viols à grande échelle. En raison de l’ampleur et de l’intensité des souffrances humaines dans cette région, le conflit reste une préoccupation brûlante. Le projet de résolution du Conseil tient d’ailleurs dûment compte de cette préoccupation.


Il est encourageant de voir qu’à Abuja, les parties au conflit au Darfour ont signé des protocoles sur la situation humanitaire et sur la sécurité. Il faut les exhorter à respecter rigoureusement ces accords. Il convient également de les exhorter à maintenir la dynamique actuelle pour parvenir à un règlement sur les questions politiques et autres restées en suspens. Le Conseil doit d’urgence signifier cela au Gouvernement comme aux parties rebelles et à tous les États qui ont une influence particulière sur les uns et les autres.


Entre-temps, je regrette de devoir dire que les conditions de sécurité au Darfour continuent de se dégrader, en dépit des accords de cessez-le-feu déjà signés à N’Djamena et consolidés depuis à Abuja. Le Gouvernement et ses milices ainsi que les groupes rebelles ont enfreint ces accords. Cela a rendu le travail humanitaire des Nations Unies et de nos partenaires précaire et difficile, sinon impossible. De nombreux civils innocents continuent de souffrir de cet état de faits. C’est une situation que l’on ne peut laisser durer. Il est indispensable de lancer un avertissement des plus fermes à toutes les parties qui provoquent ces souffrances. Il n’est pas question de permettre l’impunité.


Lorsque des crimes sont commis à cette échelle et qu’un État souverain ne semble pas en mesure, ou pas désireux, de protéger ses propres citoyens, cette grave responsabilité échoit à la communauté internationale, et singulièrement au Conseil de sécurité.


Jusqu’à présent, le Conseil a choisi d’exercer cette responsabilité en exigeant le respect de ses résolutions obligatoires, tout en accordant son plein appui aux efforts de médiation de l’Union africaine et à sa mission de surveillance.


La mission de l’Union africaine a commencé à se déployer et a déjà enregistré quelques succès. Il faut désormais se rendre rapidement dans les régions du Darfour où les populations sont le plus en danger; et à cette fin, il faut fournir de toute urgence des moyens de transport, ainsi qu’un appui logistique et financier. Tous les États Membres ayant la capacité de le faire doivent accorder un appui maximum afin que la force de l’Union africaine, notamment le contingent essentiel de police, puisse se déployer rapidement et monter une opération efficace sur le terrain.


J’ai évoqué la nécessité d’une approche globale. Seule une solution politique étendue à l’ensemble du Soudan offre un espoir à plus long terme de stabilité pour le pays. Il est donc temps de convaincre le Gouvernement et son futur partenaire, le MPLS, de conclure le processus de Naivasha et de faire participer rapidement tous les protagonistes soudanais – le Gouvernement et les groupes d’opposition armés et non armés – a une conférence nationale pour discuter de la future gouvernance du pays. Nous – l’ONU, l’Union africaine et l’ensemble de la communauté internationale – devons œuvrer de concert pour aider à planifier et à appuyer ce processus. L’ONU, par le truchement de mon Représentant spécial et de personnel technique, en partenariat avec les membres du Forum des partenaires de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et de la Troïka, fera tout son possible pour aider les médiateurs de l’Autorité intergouvernementale pour le développement et les différentes parties à mener rapidement à bien les négociations de Naivasha.


Pendant trop longtemps, la guerre a infligé au Soudan des malheurs et des souffrances indicibles, détournant l’allocation des maigres ressources disponibles, décourageant l’assistance extérieure et faisant fuir les investisseurs tant soudanais qu’étrangers.


La paix peut transformer cette situation. Déjà, l’ONU prépare une grande opération multidimensionnelle pour favoriser l’instauration d’une paix durable, et un grand nombre de pays donateurs ont fait savoir qu’ils étaient prêts à aider les Soudanais à recueillir les dividendes d’une paix tangible. Mais il faut commencer par parachever et signer les accords. L’engagement du Conseil doit susciter un nouveau sentiment d’urgence chez toutes les parties soudanaises.


En se réunissant dans cette région, le Conseil a fait un geste important de solidarité et d’appui à l’égard des peuples et des institutions de la nouvelle Afrique. Il est bon que le Conseil ait choisi de s’appuyer sur des institutions africaines, à condition que les membres n’oublient pas que le Conseil lui-même est investi de la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme énoncé dans la Charte. Ce qui se passe au Soudan – et dans d’autres pays africains à l’ordre du jour du Conseil, telle la Côte d’Ivoire – est un grave problème non seulement pour l’Afrique mais pour l’humanité tout entière. L’ONU doit s’engager pleinement à en favoriser la solution.


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