SG/SM/9427

TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 21 JUILLET 2004

21/07/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9427


TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU, KOFI ANNAN, AU SIÈGE DES NATIONS UNIES, LE 21 JUILLET 2004


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je sors tout juste du Conseil de sécurité, où j’étais aux côtés de mon Représentant spécial, Jan Pronk, afin d’informer le Conseil de sécurité de la situation au Darfour, au Soudan.


Lorsque je me suis rendu, récemment, dans quelques-uns des camps du Darfour et du Tchad, les hommes et les femmes avec lesquels j’ai parlé m’ont fait part d’histoires horribles sur les terribles violences et les souffrances qu’ils ont endurées. Beaucoup vivent dans des conditions inhumaines et craignent pour leur avenir. Il est évident que des crimes graves ont été commis et qu’il y a eu des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme. Nous devons, au niveau de la communauté internationale, intensifier nos efforts pour protéger les innocents au Darfour.


Au cours de mon voyage, le Gouvernement soudanais a pris un certain nombre d’engagements, ce dont je me félicite, et notamment : d’arrêter et de désarmer les Janjaweed et les autres groupes armés hors-la-loi et de prendre des mesures pour protéger les populations déplacées; de suspendre les restrictions imposées aux travailleurs humanitaires internationaux en matière de visas et de déplacement, et sur le transport de matériel et l’équipement; d’autoriser le déploiement d’inspecteurs des droits de l’homme de l’Union africaine; et d’enquêter sur toutes les violations alléguées des droits de l’homme et d’en punir les responsables.


Comme il a été indiqué au Conseil ce matin, le respect de ces engagements a été inégal jusqu’à présent. Quelques mesures encourageantes ont été prises sur le plan humanitaire –l’accès a été amélioré- mais peu de progrès ont été enregistrés sur le plan des droits de l’homme, et ce même si les observateurs des droits de l’homme arrivent sur le terrain. Et je suis au regret de dire que des informations continuent de faire état d’attaques par les Janjaweed.


Je tiens à insister sur le fait qu’il est indispensable que le Gouvernement soudanais honore les engagements qu’il a pris d’arrêter et de désarmer les Janjaweed et les autres groupes de hors-la-loi armés. La communauté internationale doit tenir le Gouvernement comptable de ses promesses solennelles.


Mais la communauté internationale doit faire plus. Nous avons besoin de davantage d’argent et de ressources pour l’aide humanitaire et nous en avons besoin maintenant. Demain, il sera déjà trop tard. Nous avons demandé 349 millions de dollars pour le Tchad et le Darfour. Nous avons des annonces de contributions de 145 millions de dollars. Il nous manque encore 204 millions. Je lance un appel aux donateurs pour qu’ils honorent les engagements qu’ils ont déjà pris et qu’ils augmentent leur aide. Nous avons en particulier besoin d’aide au niveau du matériel –il nous faut en particulier six hélicoptères pour apporter les secours aux populations situées dans des zones reculées du Darfour, maintenant que nous sommes dans la saison des pluies.


Nous devons également maintenir et accroître les pressions sur toutes les parties pour obtenir des progrès sur le plan politique. Tant le Gouvernement que les rebelles doivent venir à la table de négociations sans conditions et être prêtes à négocier de bonne foi.


Mais si nous pensons particulièrement au Soudan, nous ne devons pas oublier qu’un certain nombre de pays africains s’emploient à résoudre leurs différends de façon pacifique.


À Addis-Abeba, j’ai accueilli un mini-sommet au cours duquel la Guinée équatoriale et le Gabon sont les deuxièmes voisins à conclure un accord grâce à la négociation plutôt que par le recours aux armes. Vous le savez, c’était un différend frontalier qui opposait ces deux pays et qui concernait une île aux ressources pétrolières assez importantes. Les deux pays sont convenus d’exploiter ces ressources conjointement et de continuer à travailler sur la question de la frontière. C’est un bon exemple dont d’autres devraient s’inspirer, comme le Nigéria et le Cameroun, qui ont adopté la même approche pour le conflit de Bakassi et qui œuvrent à un règlement pacifique de ce conflit. Je pense également à l’Érythrée et à l’Éthiopie ainsi qu’à d’autres pays de par le monde, qui, je l’espère, s’inspireront de l’exemple donné par leurs voisins.


J’ai également accueilli un sommet ministériel sur la République démocratique du Congo et la Côte d’Ivoire, qui sont tous deux à un tournant de leur processus de paix. Nous devons maintenir la dynamique engagée lors de ce sommet et j’ai l’intention de participer à un sommet de ce type la semaine prochaine à Accra, qui sera consacré à la Côte d’Ivoire.


J’aimerais vous redire combien je trouve encourageant l’importance accordée par les dirigeants africains à la bonne gouvernance. C’était en effet le thème central des débats que nous avons eus à ce dernier sommet et c’est la pierre angulaire des efforts qu’ils déploient pour surmonter les difficultés les plus importantes auxquelles l’Afrique doit faire face –à commencer par la lutte contre le VIH/sida.


La Conférence internationale de Bangkok consacrée au VIH/sida a permis de sensibiliser encore mieux l’opinion publique internationale à la problématique du sida. Après tant d’années de souffrances, l’épidémie se voit enfin accorder l’attention qu’elle mérite, même si la réponse de la communauté internationale n’est pas toujours suffisante.


Le rapport qui vient d’être publié par les Nations Unies montre combien il est urgent d’agir car ce sont 38 millions de personnes qui sont touchées de par le monde, dont 25 millions en Afrique subsaharienne, parmi lesquelles 57% sont des femmes. Dix millions de jeunes et d’enfants sont infectés dans le monde, dont 6,2 millions en Afrique subsaharienne et 75% de jeunes femmes. On a enregistré l’an dernier plus d’un million de nouveaux cas en Asie. Aujourd’hui, l’Inde compte cinq millions de personnes infectées. En Europe centrale et orientale, 1,3 million de personnes sont séropositives. En Amérique latine, ce nombre est de 1,6 million. Près d’un million de personnes aux États-Unis sont séropositifs; près de 600 000 en Europe occidentale. Nous avons perdu 20 millions de personnes à cause de cette maladie au cours de ces 20 dernières années, dont cinq millions et demi de personnes dans les trois dernières années.


C’est un problème mondial qui ne connaît pas de frontières. C’est un problème qui nous concerne tous. Et il est urgent de s’y attaquer. L’avenir de sociétés entières en dépend.


Si l’on a effectivement enregistré une augmentation des financements au niveau mondial, il nous faut plus encore. Nous avons besoin de 12 milliards de dollars d’ici l’an prochain. D’après les estimations actuelles, nous n’aurons réuni que la moitié de cette somme.


Une fois de plus, je voudrais insister pour que les dirigeants mondiaux, qu’ils soient dirigeants de pays industrialisés ou en développement, de pays riches ou pauvres, prennent position, s’expriment face à cette épidémie et investissent beaucoup plus de ressources dans cette lutte. C’est un combat que nous devons remporter.


Je suis convaincu que vous avez beaucoup de questions à me poser sur ce sujet et d’autres et je vais donc m’arrêter pour donner la parole à ceux qui le désirent.


Question (interprétation de l’anglais) : Concernant le Soudan, sur la base de ce que vous venez de nous dire et des autres informations qui nous sont parvenues au cours de ces dernières semaines, comment évaluez-vous maintenant le rôle du Gouvernement soudanais au niveau de l’armement des Janjaweed et de l’appui qui leur est apporté ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Il y a conflit de positions sur ce point et le Gouvernement a sa propre vision et considère qu’il n’a pas armé, ni même contrôlé, les Janjaweed, comme c’est généralement dit. Mais quoi qu’il en soit, ce qui importe c’est qu’en tant que Gouvernement, il a la responsabilité sacro-sainte de protéger sa population. C’est une responsabilité dont il ne peut se défaire et s’il ne peut l’assumer, il doit demander l’aide de la communauté internationale, éventuellement. Mais cette responsabilité lui incombe.


Lorsque j’étais sur place, le Gouvernement m’a fait savoir qu’il allait prendre les mesures qui s’imposent pour protéger la population et déployer 6 000 policiers dans la région du Darfour pour protéger la population.  Je pense que ce serait un bon départ. Il est très important que le Gouvernement soudanais déploie ces éléments de police et fasse en sorte que les gens du Darfour se sentent en sécurité et puissent finalement regagner leurs villages. Une fois la police déployée et la situation stabilisée, il faudra désarmer les Janjaweed et les autres groupes armés illégaux. La communauté internationale doit faire pression pour que le Gouvernement soudanais s’acquitte de cette responsabilité qui lui incombe.


Question (interprétation de l’anglais) : Combien de temps avez-vous convenu d’attendre le désarmement des Janjaweed par le Gouvernement soudanais ?


J’ai également une question sur le Moyen-Orient et les récents événements survenus dans les territoires palestiniens. Avez-vous été en contact avec le Président Arafat ou bien M. Qoreï ? À quand remonte la dernière fois où vous avez pris contact avec le Président Arafat ? ou bien l’avez-vous boycotté comme le reste du monde ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : En réponse à votre première question, nous n’avons arrêté aucune échéance. Mais je crois que dans la mesure où nous avons mis sur pied une instance de surveillance, qui s’est réunie la semaine dernière sous la présidence de M. Pronk et du Ministre soudanais des affaires étrangères, nous devrions être à même de juger si le Gouvernement soudanais s’acquitte avec sérieux de ses obligations. La communauté internationale devrait travailler avec ce mécanisme de surveillance ou bien décider à un moment que ça ne marche pas et que le Gouvernement soudanais n’honore pas ses obligations. Naturellement, le Conseil de sécurité sera alors libre de prendre les mesures qui s’imposent et d’exacerber la pression sur le Gouvernement. Mais je crois que ce qui compte, c’est que nous insistions pour qu’il soit fait usage du mécanisme de surveillance, qui est efficace -M. Pronk a d’ailleurs envoyé une mission dans le Darfour pour qu’elle évalue la situation là où des attaques ont eu lieu et où des Janjaweed ont été localisés et en rende compte à l’instance de surveillance.


Si nous n’avons pas convenu d’un échéancier à proprement parler, le Gouvernement soudanais était censé agir immédiatement, compte tenu de l’urgence. Comme je l’ai déjà dit, un certain nombre de progrès ont été accomplis concernant l’accès humanitaire. Mais cela ne suffit pas. Les gens ont besoin de sécurité pour retourner dans leurs villages. Ils ont besoin de sécurité pour reprendre une vie normale sans se sentir menacés. Le Gouvernement doit prendre les mesures qui s’imposent pour leur fournir au moins cela.


En ce qui concerne votre deuxième question, j’ai bien parlé au Président Arafat. Je crois que la dernière fois que nous nous sommes entretenus, c’était il y a six semaines ou deux mois. Je ne lui ai pas parlé depuis le début de la crise actuelle, mais j’ai un représentant sur le terrain qui est en contact avec toutes les parties et ce, même s’il est pour l’instant en congé. En fait, je crois bien que nous sommes le seul membre du Quatuor qui compte constamment une présence dans la région, en la personne de M. Roed-Larsen.


Question (interprétation de l’anglais) : Mais que fait-il face à la crise actuelle ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Ses adjoints sont tous les jours en contact avec la population et présentent des comptes rendus quotidiens.


Question (interprétation de l’anglais) : Concernant le Soudan, s’il n’y a pas de calendrier, il me semble que le monde extérieur craint de voir se reproduire la situation au Rwanda. Vous pourriez en être personnellement tenu pour responsable. Une pression est-elle exercée sur le Gouvernement soudanais, au-delà des discours ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Le Conseil de sécurité est pleinement saisi de la question. Le projet de résolution actuellement à l’étude ne me semble pas être l’aboutissement des efforts du Conseil. Je ne crois pas qu’aucun des membres du Conseil en restera là. Je suis convaincu que si le Gouvernement soudanais n’exécute pas sa part du contrat, le Conseil prendra des mesures qui vont au-delà de ce qui figure dans le projet de résolution.


Question (interprétation de l’anglais) : Quand pensez-vous qu’il en sera ainsi et que l’heure sera venue de passer à l’action ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : C’est l’analyse que vous avez pour le moment de mon représentant. J’étais avec lui ce matin au Conseil de sécurité pour communiquer les faits. Il va retourner dans la région. Comme je vous l’ai dit, nous utilisons le mécanisme de surveillance, nous envoyons des gens sur le terrain pour obtenir des informations supplémentaires et le Conseil est tenu au courant de tout ce qui se passe. Je sors tout juste d’une réunion du Conseil. M. Pronk y est encore, en ce moment même, en train de parler aux membres du Conseil de sécurité. La question que vous vous posez est: ne peut-on pas fixer une date à laquelle, si telle mesure n’a pas été prise, les conséquences s’ensuivront. C’est quelque chose qui peut être discuté, mais au stade actuel des choses, comme je l’ai dit, dans l’accord nous avons tous souligné qu’il est urgent que le Gouvernement passe immédiatement à l’action et que, de notre côté, nous suivions tout cela de très près. La question est de savoir à quel moment la communauté internationale, le Conseil de sécurité, moi-même et d’autres déciderons que ça n’a pas marché, que le Gouvernement n’a pas exécuté sa part du contrat et que nous devons faire davantage. Je crois qu’il s’agit plus d’une question d’appréciation que d’une date limite artificielle. Cela dit, le Gouvernement soudanais n’a pas l’éternité devant lui. Je pense que la communauté internationale va continuer de faire pression pour qu’il agisse.


Question (interprétation de l’anglais) : Combien de pays ont fait part de leur désir de fournir des contingents pour protéger le personnel des Nations Unies, comme cela est demandé dans le projet de résolution ? Quel sera l’effectif total une fois que la plupart des pays auront accepté l’engagement de l’ONU en Iraq ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Trois ou quatre pays ont fait part d’un certain intérêt. Mais aucun n’a précisé l’effectif ou la force qu’il était prêt à déployer. Je me suis déjà entretenu avec certains de ces Etats qui sont visiblement intéressés mais posent des conditions. Par exemple, j’ai parlé au Président Musharraf. Il m’a dit que son pays était prêt à fournir des contingents à condition que la demande émane du Gouvernement intérimaire de l’Iraq et qu’il y ait d’autres troupes islamiques, car, bien sûr, le Pakistan ne veut pas avoir le seul contingent musulman sur le terrain. Il est également envisagé de déployer des contingents de pays islamiques de la région, mais je ne pense pas que la question ait été finalisée.


Concernant votre deuxième question, je laisserai les États Membres y répondre. L’Organisation des Nations Unies a un rôle essentiel à jouer en Iraq. Votre question est, si tel est le cas pourquoi l’empêche-t-on de retourner là-bas ? Je pense que c’est une question à laquelle doivent répondre les États Membres.


Question (interprétation de l’anglais) : En ce qui concerne le Moyen-Orient, la crise dure depuis plusieurs semaines déjà. D’abord, les Palestiniens ont pris ombrage de l’analyse faite par votre Envoyé spécial, M. Roed-Larsen. À présent, ce sont les Israéliens qui se montrent très récalcitrants devant la résolution qui exige le démantèlement de la barrière. Quelle est maintenant la marche à suivre ? Pensez-vous qu’il s’agisse là d’une crise pour le Quatuor ? Comment remettre le processus de paix sur la bonne voie ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense que tous les membres du Quatuor sont préoccupés par les récents événements. J’espère très sincèrement que, malgré la difficulté et la complexité de la crise qui règne en Palestine, on parviendra à en tirer quelque chose de positif et à aller de l’avant, surtout en ce qui concerne la réforme demandée des services de sécurité. Il faut que l’on parvienne à réformer le secteur de sécurité et à donner un pouvoir de décision au Ministre de l’intérieur pour qu’il prenne véritablement en mains les institutions chargées de la sécurité. Il faut donc des réformes qui permettent au cabinet de fonctionner sous la direction du Premier Ministre. J’espère que le Président Arafat comprendra qu’il est nécessaire d’appuyer dès maintenant ces réformes pour que le processus de paix puisse progresser. Si cela était fait, cela faciliterait, je pense, les efforts qui sont déployés par le Quatuor dans le cadre de la mise en œuvre de la Feuille de route.


Je suis au fait des déclarations du Gouvernement israélien concernant la résolution de l’Assemblée générale. Manifestement, Israël n’est pas satisfait de cette résolution, mais la Cour israélienne a également arrêté une décision sur le tracé de la barrière et lui a demandé qu’il soit modifié du fait des conséquences que cela entraîne pour les Palestiniens. On peut voir donc que la Cour internationale de Justice n’a pas entièrement tort. À l’évidence, c’est une question qui relève de l’Assemblée générale, mais je pense qu’il faut tenir compte de la décision de la Cour. Même si elle n’est pas juridiquement contraignante, elle a une portée morale.


Question (interprétation de l’anglais) : Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Secrétaire général, pour votre tournée couronnée de succès en Afrique et pour le courage dont vous avez fait preuve.


S’agissant du calendrier évoqué lors de votre déplacement, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Jan Egeland, a dit que le Gouvernement soudanais a promis de commencer le désarmement mais il vous a indiqué que cela prendrait un certain temps et que cela n’aurait donc pas un effet immédiat. Dès le départ, nous savions que ce processus prendrait du temps. Deuxièmement, même Jan Pronk, votre Représentant spécial pour le Soudan, a déclaré que le problème ne peut être résolu en un mois ou même en un an. Ne pensez-vous pas qu’il faut laisser au Gouvernement soudanais le bénéfice du doute et le temps de régler ce problème ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : C’est la raison pour laquelle je reviens à la question de la responsabilité du Gouvernement soudanais de protéger ses citoyens. Toute une série de mesures doit être prise. Il s’agit de déployer des troupes pour protéger les civils ; s’assurer que ceux qui commettent les violations des droits de l’homme sont traduits en justice et punis ; faire savoir aux autres que l’impunité ne sera jamais tolérée et désarmer les Janjaweed et autres groupes hors-la-loi.


Quelle mesure est prioritaire ? Quelle est la mesure la plus efficace que devra prendre le Gouvernement pour protéger la population ? Ils nous ont dit qu’ils allaient déployer 6 000 agents de police. Le déploiement de 6 000 agents de police a un effet dissuasif. Ensuite intervient le désarmement -non seulement des Janjaweed mais aussi des autres éléments. Il est possible de prendre des mesures immédiates qui produiront des résultats immédiats, et c’est ce qu’attend la communauté internationale.


En effet, le désarmement de ces éléments prendra du temps. Il faut élaborer des plans à cet effet, mais dans l’immédiat, des mesures peuvent être prises pour protéger les civils. Le fait de déployer autant d’agents de police peut avoir un effet dissuasif, encore faut-il disposer des effectifs de police suffisants.


Question (interprétation de l’anglais) : Allez-vous jusqu’à dire que le Gouvernement soudanais a failli à son obligation de désarmer les Janjaweed et n’a pas fait ce qu’on attendait de lui ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je ne voudrais pas être aussi catégorique pour le moment et je pense qu’il faut placer la question dans un contexte plus large de la responsabilité de protéger. La protection signifie également qu’il faut faire la police, assurer la protection juridique et le désarmement. Il s’agit d’un ensemble de mesures, à commencer par la plus efficace pour assurer la protection de la population. Le désarmement s’inscrit toutefois dans l’Accord.


Question (interprétation de l’anglais) :  Que diriez-vous aux réfugiés, aux personnes déplacées au Darfour, qui voient leurs villages attaqués, bombardés, apparemment par le Gouvernement – et qui constatent que les Janjaweed entourent leurs camps. Doivent-ils croire aux promesses du Gouvernement ? Sinon peuvent-ils compter sur la communauté internationale ?



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je pense qu’à ce stade, compte tenu des informations recueillies, le Gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger la population. Je pense que la population a raison d’être anxieuse et de montrer de la méfiance. Elle veut que des mesures pratiques soient prises pour garantir sa protection. Et tant qu’elles ne seront pas prises, la population ne pourra être certaine que sa sécurité est garantie.


S’agissant de la deuxième partie de votre question, à savoir si le Gouvernement soudanais faillit à ses obligations, la communauté internationale devra-t-elle le contraindre à le faire ou s’en charger elle-même ? C’est dans le fond ce que vous voulez dire. Je pense, d’une part, que la communauté internationale doit insister et tenir le Gouvernement pour responsable des engagements pris et faire en sorte qu’il s’y plie. D’autre part, s’il faillit à ses obligations, je pense que la communauté internationale ne peut rester les bras croisés. Elle devra prendre des mesures. Lesquelles ? S’agira-t-il de sanctions ? Devra-t-on envoyer une force armée et sera-t-elle disponible ? En combien de temps ?


Voilà les questions que le Conseil devra examiner mais nous ne devrions pas rester les bras croisés et simplement dire que le Gouvernement n’a pas été en mesure de le faire, et c’est tout. C’est la raison pour laquelle je dis que le suivi est important; maintenir la pression est important ; insister pour que le Gouvernement passe à l’action est important. Quand le moment viendra, il faudra prendre une décision si le Gouvernement ne s’acquitte pas de ses obligations et si nous ne pouvons compter sur lui pour le faire.


Question (interprétation de l’anglais) : Puisque vous êtes, monsieur le Secrétaire général, l’un de ceux appelés à agir par la Cour internationale de Justice si Israël refuse de respecter la décision de la Cour, pensez-vous qu’il faut imposer des sanctions contre Israël ? Ma deuxième question traite du même sujet. Convenez-vous avec la Cour internationale de Justice que l’Article 51 ne s’applique pas aux acteurs non-étatiques ou avec la Cour suprême israélienne qui affirme que, bien que le tracé soit imparfait, la barrière est permise pour protéger Israël contre les attaques terroristes ?


Le Secrétaire général (interprétation  de l’anglais) : Il est vrai que la résolution me prie d’établir un registre des dommages causés en vue de leur réparation et de lui en faire rapport. À l’évidence, c’est un mandat dont me charge l’Assemblée générale et qu’il me faudra honorer. J’ai fais part de mon avis concernant la barrière dans le document adressé à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité. Mais s’agissant de la question de l’application de l’Article 51, je ne voudrais pas me substituer à la Cour. Je ne suis pas l’un de ses juges. Je ne vais pas critiquer après coup la décision des juges de la Cour internationale, mais je dois dire que la décision de la Cour israélienne était également une décision courageuse et hardie qui en dit long sur le système judiciaire israélien.


Question (interprétation de l’anglais) : Beaucoup dans le monde, des personnes bien intentionnées et d’autres, disent que le moment est venu pour l’ONU d’intervenir en Iraq et d’envoyer du personnel international. Une résolution du Conseil de sécurité a créé une force pour protéger le personnel de l’ONU en Iraq. Vous avez d’ailleurs inséré dans la résolution les mots « autant que les circonstances le permettront ». L’incapacité des pays et du personnel de répondre à l’appel ne compromet-elle pas gravement la capacité de l’Organisation d’accomplir son mandat en Iraq ?


Le Secrétaire général(interprétation de l’anglais) : Je ne peux que convenir avec vous que la protection et la sécurité du personnel des Nations Unies à son retour en Iraq  - ou de toute autre personne – sont absolument essentielles et une condition préalable. Après les événements survenus l’an dernier, nous avons fait clairement savoir que si notre personnel devait retourner en Iraq, nous devions être sûrs qu’il serait protégé.


Ainsi nous avions été fort encouragés par l’idée de créer une force chargée de protéger le personnel des Nations Unies et ses installations, sachant que les États Membres étaient d’accord et tenaient compte de nos préoccupations pour garantir le déploiement si les circonstances le permettent. Mais sans cette sécurité, nous ne pouvons pas à la vérité déployer des effectifs suffisants.


Nous avons pris des risques et accompli des tâches essentielles. Le fait que je n’aie pas eu de RSSG ne nous a pas empêché d’envoyer Lakhdar Brahimi pour qu’il fasse son travail –de même que l’équipe électorale. Mais pour que nous allions sur place et que nous aidions à la tenue des élections –et c’est ce que nous voulons faire; nous voulons faire tout notre possible pour aider le peuple iraquien –cette force de sécurité est indispensable. Sans elle, nous ne pourrons pas nous déployer en nombre significatif.


Question (interprétation de l’anglais) :Quelle est la réponse de l’ONU aux assignations émises par les enquêteurs du Congrès américain au sujet du programme pétrole contre nourriture ? Certains documents seront-ils réservés à l’enquête de l’ONU, ou envisagez-vous de remettre des documents aux enquêteurs américains ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) :Le Congrès ne nous a pas transmis d’assignation –si c’est bien la question que vous posez. Nous n’avons pas reçu d’assignation, et nous connaissons très bien les règles concernant la divulgation de documents. Tous les documents ont été donnés à M. Volcker, qui a indiqué qu’il voulait faire un travail complet et publier un rapport le plus rapidement possible. C’est ce que nous souhaitons également. Personne ne souhaite que ces documents circulent partout, et nous avons exprimé notre position très clairement.


Question (interprétation de l’anglais) :Tout ce que fera le Conseil de sécurité en ce qui concerne le Soudan, ne pensez-vous pas que cela pourrait être interprété comme étant une action dirigée contre un pays Africain, noir et pauvre, et dans quelle mesure le résultat de la guerre en Iraq représente-t-il un obstacle à l’action au Soudan ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) :Cette question a été examinée lors du sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), et les chefs de gouvernement n’ont pas esquivé la question du Darfour. Ils ont même envisagé d’augmenter la taille du contingent qu’ils envoient là-bas. Ils ont 120 observateurs et une unité de protection de 320 personnes, et ils ont envisagé d’accroître cette force. Ils ont aussi recherché une solution politique. Les négociations ont eu lieu à Addis-Abeba, avec la présence du Soudan, et les hauts responsables souhaitaient faire quelque chose pour protéger les civils sur le terrain et pour arriver à maîtriser cette situation.


Pour ce qui est de votre deuxième question, savoir si l’Iraq rend les choses plus faciles ou difficiles, je dirais que la situation est difficile. Nous avons encore affaire à l’Iraq, bien entendu. Et toute discussion au sujet d’une intervention en Iraq sera dûment examinée par les Gouvernements.



Question (interprétation de l’anglais) :Intervention au Soudan.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) :Ah, vous avez parlé de l’intervention au Soudan –pardon. Alors des propositions d’intervention au Soudan, bien sûr que cette question sera examinée avec soin par les Gouvernements, alors je ne sais pas quel sera l’enthousiasme pour cette initiative, non plus. Nous devons être très clairs là-dessus.


Question (interprétation de l’anglais) :Permettez-moi de vous poser une question sur une autre région, l’ancienne république soviétique de Géorgie. Les Nations Unies ont des opérations de maintien de la paix en Abkhazie, mais je pense qu’une autre crise est en train de poindre en Ossétie du Sud, notamment. Pendant 12 ans, la Russie et la Géorgie ont pu contrôler la situation, mais maintenant je pense que les choses risquent de se dégrader. Des propositions ont été faites, on a pensé à une intervention à ou une participation internationale. Est-ce que vous pensez que les Nations Unies peuvent avoir un rôle à jouer en Ossétie du Sud, et quelles seraient les conditions nécessaires à une telle intervention ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) :Eh bien, nous suivons bien entendu avec une grande attention cette situation. Les personnels du maintien de la paix sont présents, nous savons ce qui s’est passé en Adjarie, et maintenant il s’agit de l’Ossétie. Nous n’avons pas encore pris de décision de déploiement de personnel dans cette partie de la Géorgie, mais nous suivons de très près cette situation avec mon représentant et notre équipe sur place. Et nous espérons que les entretiens entre la Fédération de Russie et le Gouvernement géorgien permettront de débloquer la situation. J’ai été à Moscou au mois d’avril, des entretiens ont eu lieu et le lendemain le Président de la Géorgie a rendu visite au Président Poutine – et nous avons eu une discussion franche à propos des événements en Géorgie. J’ai aussi eu l’impression que ces deux hommes établissaient de bons rapports constructifs. J’espère que leurs rapports les aideront à résoudre leurs différends et qu’il n’y aura pas d’explosion. Mais nous suivons la situation et nous espérons que le scénario du pire que vous avez décrit ne va pas se réaliser.


Question (interprétation de l’anglais) :Pouvez-vous faire un commentaire au sujet des inspecteurs de l’AIEA qui doivent retourner en Iraq. Est-ce que cela signifie que l’ONU va reprendre le travail inachevé sur les armes de destruction massive ? Pensez-vous que la situation de sécurité soit suffisante pour permettre le retour des inspecteurs ?


La deuxième question est que l’année dernière, à l’occasion de la visite à l’ONU du Premier secrétaire chinois M. Wen, vous aviez dit que vous alliez vous rendre en Chine cette année. Est-ce qu’une date est prévue pour cette visite ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Pour la première question, ma réponse est la suivante: M. ElBaradei a dit que le Gouvernement iraquien a demandé aux inspecteurs de revenir en Iraq. Certains membres du Conseil réfléchissent à cette question pour savoir si l’UNMOVIC ne peut pas faire quelque chose. Alors il faut attendre le débat au sein du Conseil pour savoir ce qu’il en sera. Le Conseil aura son mot à dire à ce sujet, et ce sujet aurait lieu sur le sujet des missiles, des armes biologique et des armes nucléaires. Maintenant la question de savoir si nous retournons en Iraq, cela dépendra de ce débat. Et il y a aussi la question de la sécurité. Est-ce que la sécurité des inspecteurs peut être garantie ?


Pour votre deuxième question, je dirais l’automne. Peut-être qu’en automne je me rendrai en Chine.


Question (interprétation de l’anglais) :Des groupes de défense des droits de l’homme ont signalé que la police soudanaise recrute des miliciens Janjaweed et les intègre dans ses rangs. Est-ce que vous pensez que ces rapports sont crédibles, est-ce que vous pensez qu’il serait sage d’imposer des sanctions ou envisager une intervention en fonction du Chapitre VII ? Est-ce que vous attendez des instructions de la part du Conseil de sécurité à ce sujet ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) :Eh bien, s’agissant du rôle des Janjaweed et de leur participation à la force de police, eh bien des rumeurs existent à ce sujet en effet. J’en ai parlé au Gouvernement qui a nié, mais effectivement des rumeurs existaient à ce sujet lorsque nous nous y trouvions. Nous avons dit au Gouvernement qu’il fallait qu’il soit prudent au sujet de la participation des Janjaweed, parce que cela risque d’être un grand problème pour les villageois, qui risquent de voir certaines personnes maintenant faire partie d’une autre entité et leur dire simplement: « Maintenant nous sommes ici pour vous protéger ». Ils ne vont pas avoir confiance. Alors je ne peux pas vous le confirmer, mais des rumeurs existent et nous avons prévenu le Gouvernement à ce sujet.


Maintenant, en ce qui concerne l’autre question, c’est-à-dire imposer des sanctions ou envisager une résolution en fonction du Chapitre VII et prendre des mesures contre le Soudan, eh bien je rappelle ce que j’ai dit plus tôt à ce sujet : le Gouvernement soudanais doit être responsable, nous allons suivre ce qu’il fait et lorsqu’il s’agira de faire une constatation, eh bien je ne peux pas vous dire quand cela aura lieu. Cela dépend des Soudanais, s’ils ne souhaitent pas l’intervention de la communauté internationale ou son ingérence, alors il faut bien qu’ils s’acquittent de leur responsabilité. Ils sont responsables. S’ils ne le font pas ils n’auront pas le droit d’insister pour dire que la communauté internationale n’a pas le droit d’intervenir dans le pays. Donc ils sont responsables de la sécurité. S’ils ne peuvent pas s’acquitter de cette responsabilité, alors à ce moment-là la communauté internationale devra agir. Maintenant, je ne peux pas vous donner de date à ce sujet.


Question : D’abord, sur la République démocratique du Congo, un rapport d’experts a révélé que le Rwanda avait soutenu les rebelles qui ont tiré sur vos casques bleus, sur les casques bleus de la MONUC. Je voulais avoir votre réaction à ce rapport. Est-ce que vous en avez parlé avec le Président rwandais Kagamé ?


Et deuxième question, le sommet d’Accra sur la Côte d’Ivoire : est-ce que c’est toujours prévu pour le 29 juillet ? Et qu’est-ce que vous en attendez ?


Le Secrétaire général : J’ai vu le rapport sur les EDC et j’ai eu l’occasion de parler avec le Président Kagamé à Addis-Abeba, mais c’était avant la publication du rapport. Donc on n’a pas eu l’occasion de parler. Il y a, comme vous le savez, le Gouvernement rwandais qui a rejeté le rapport. On doit trouver un moyen de discuter avec eux. Pour le moment, on n’a pas eu l’occasion de le faire. J’espère qu’ils vont nous donner une réponse détaillée par écrit, pour nous permettre d’étudier exactement ce qui s’est passé. Mais j’ai vu le rapport et on va continuer à travailler avec nos gens sur place et avec le Gouvernement rwandais. Je sais qu’ils vont nous envoyer quelque chose d’écrit sur le rapport, comme le rapport est déjà sorti et ce sera fait.


Oui, la réunion sur la Côte d’Ivoire, c’est le 29. J’espère qu’on va pouvoir encourager le Gouvernement et les rebelles de commencer à récrier le Gouvernement, car le Gouvernement ne marche pas. Les rebelles et d’autres ont quitté le Gouvernement. Mais j’espère qu’à partir d’Accra, on va pouvoir les encourager à travailler ensemble et puis commencer le processus de réconciliation et un vrai dialogue. Si on arrive à faire ça, c’est déjà pas mal.


Question (interprétation de l’anglais) : Une autre question : le Gouvernement américain menace de garder certains fonds. Est-ce que vous voulez dire quelque chose au Gouvernement de M. Bush pour le convaincre d’autre chose ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Et puis compte tenu de la violence que l’on constate dans le monde entier, est-ce que vous pensez qu’on est dans la même situation qu’il y a trois ans. Ma réponse est non. Je ne pense pas que le monde est plus sûr aujourd’hui qu’il ne l’était il y a deux ou trois ans. En ce qui concerne votre deuxième question, des fonds sont retenus pour les activités du FNUAP, qui fait un travail important sur la santé de la reproduction et si l’on sait ce qui se passe dans le monde, surtout pour ce qui est de la pandémie VIH/sida, qui fait qu’il y a beaucoup de femmes et d’enfants qui sont atteints, qu’il y a des orphelins parce que les femmes meurent à cause du sida. La transmission du sida se fait aussi par le lait maternel. C’est donc un problème énorme. C’est là que le FNUAP fait un excellent travail avec les femmes, les mères et c’est là que l’aide est nécessaire et j’espère que les gouvernements appuieront le FNUAP et que d’autres institutions ne vont pas manquer d’argent.


J’étais très encouragé de voir que 80 millions de livres ont été promis par le Gouvernement du Royaume-Uni pour financer les activités du FNUAP. C’était vraiment des fonds qui étaient absolument nécessaires et j’appuie des mesures de ce genre.


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