SG/SM/9418 - AIDS/77

LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA NÉCESSITE UNE MOBILISATION À TOUS LES ÉCHELONS DE L’ÉTAT, DÉCLARE KOFI ANNAN À LA XVe CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE SIDA

12/07/2004
Communiqué de presse
SG/SM/9418
AIDS/77


LA LUTTE CONTRE LE VIH/SIDA NÉCESSITE UNE MOBILISATION À TOUS LES ÉCHELONS DE L’ÉTAT, DÉCLARE KOFI ANNAN À LA XVe CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE SIDA


On trouvera ci-après le message du Secrétaire général à la Conférence internationale sur le sida, à Bangkok, le 11 juillet:


Je suis ravi de me trouver, aujourd’hui, parmi tant de chefs de file de la lutte contre le VIH/sida.  Notre meilleur espoir de gagner ce combat repose sur l’ardeur et la détermination de personnes comme vous.


Il est opportun de se réunir ici, en Thaïlande, un pays qui a réussi à enrayer de manière spectaculaire la diffusion du VIH/sida.  Monsieur le Premier Ministre, la formule de cette réussite a associé des ressources considérables: des dirigeants politiques clairvoyants dès le début de l’épidémie; des ressources importantes consacrées à la lutte contre l’épidémie; une forte participation de la société civile; ainsi que de vastes campagnes destinées à sensibiliser le public et à encourager l’utilisation de préservatifs.  Merci à la Thaïlande de nous avoir montré que des avancées étaient possibles.  Maintenant, le monde attend de vous que vous fassiez preuve d’esprit d’initiative en continuant sur votre lancée, en dépit des alertes évoquant la possibilité d’une résurgence.


Il est également à propos de tenir cette conférence en Asie, où le virus se propage à une vitesse inquiétante.  L’année dernière, une contamination sur quatre a eu lieu sur ce continent.  Nous n’avons pas de temps à perdre si nous voulons enrayer l’épidémie avant qu’elle n’atteigne une ampleur incontrôlable.


À cette conférence, de nombreux pays sont représentés par leur ministre de la santé.  Mais soyons clairs: la lutte contre le VIH/sida exige que tous les membres du gouvernement fassent preuve d’esprit d’initiative, jusqu’au sommet de l’État.  Le sida est bien plus qu’une crise sanitaire, il compromet le développement même.


C’est pour cette raison qu’il y a trois ans, les gouvernements du monde ont fait une promesse.  À la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée au VIH/sida, la première session de l’Assemblée générale consacrée à une maladie, ils se sont engagés à consacrer les ressources et à prendre les mesures nécessaires pour venir à bout de l’épidémie.  Ils ont adopté plusieurs objectifs précis, pour lesquels ils ont fixé des échéances, figurant dans le document intitulé Déclaration d’engagement sur le VIH/sida.


En trois ans, des avancées ont été réalisées dans de nombreux domaines.


Des ressources supplémentaires considérables ont été promises, à la fois par des États Membres, à titre individuel, et par l’intermédiaire du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.


La grande majorité des États Membres ont adopté des stratégies nationales globales de lutte contre le VIH/sida.


De plus en plus de gouvernements travaillent avec la société civile, qui devient un partenaire à part entière dans la lutte contre l’épidémie.


Pourtant, les résultats sont largement insuffisants.


Nous n’avons pas réussi à réaliser plusieurs des objectifs de la Déclaration dont l’échéance était fixée à l’année dernière.


Plus grave encore, dans l’état actuel des choses, nous ne sommes pas en voie de réduire l’ampleur et l’incidence de l’épidémie d’ici à 2005, comme nous nous y étions engagés.


Parallèlement, ces dernières années, nous avons vu apparaître un tableau terrifiant: dans le monde entier, ce sont de plus en plus les femmes qui sont les premières victimes de l’épidémie.


Elles représentent maintenant près de la moitié des adultes contaminés. En Afrique sub-saharienne, leur proportion avoisine les 58 %.  Parmi les personnes âgées de moins de 24 ans, les filles et les jeunes femmes représentent près des deux tiers de ceux qui vivent avec le VIH.


Et pourtant, dans le monde, un tiers des pays n’a toujours pas adopté de politiques afin d’assurer aux femmes un accès à la prévention et aux soins.  Vu l’état de nos connaissances actuelles sur le déroulement de l’épidémie, comment pouvons-nous tolérer une telle situation?


Si nous voulons que la Déclaration d’engagement sur le VIH/sida soit digne de ce nom, il est clair qu’il nous faudra faire mieux, beaucoup mieux, et sur plusieurs fronts.


Aujourd’hui, permettez-moi de vous présenter les trois domaines précis sur lesquels nous devons concentrer nos efforts.


Premièrement, nous devons transposer à une plus grande échelle l’infrastructure d’appui aux traitements et à la prévention.


Les programmes qui ont été efficaces en Afrique, en Amérique latine et ici, en Asie, ont fait la preuve que la prévention et le traitement peuvent être utiles dans n’importe quel cadre, mais à certaines conditions:


–        Il faut que les interventions soient adaptées afin de pouvoir atteindre des sociétés entières;


–        Il faut qu’elles soient élaborées dans le pays au lieu d’être imposées de l’extérieur;


-         Une forte participation des personnes contaminées par le VIH ou dont la vie est touchée par le virus est nécessaire, et


-         Il faut avoir formé suffisamment de personnes pour que l’application des programmes soit réussie, depuis les centres sociaux, pour la sensibilisation du public, le conseil et le dépistage, jusqu’aux cliniques fournissant traitements et soins.


Pour cela, il faut prendre toutes les mesures possibles pour assurer aux agents sanitaires contaminés par le VIH un accès aux thérapies antirétrovirales. Dans plusieurs des pays les plus touchés, le sida crée un cruel cercle vicieux en frappant les personnes dont on a le plus besoin pour lutter contre l’épidémie.


Il faut renforcer les mesures de formation de nouveaux agents sanitaires et demander aux agents qui ne participent pas encore à la lutte de venir en renfort.


Et, en l’absence d’agents qualifiés, il faut faire appel à des ressources humaines non traditionnelles.  Faire appel et donner des moyens d’action aux talents inexploités des animateurs socioculturels, des volontaires et des personnes dont la vie est touchée par le VIH/sida aidera à renforcer la lutte contre l’épidémie et contribuera également à dissiper le rejet social et le silence.


Notre deuxième priorité n’est pas moins pressante: donner des moyens d’action aux femmes et aux filles afin qu’elles puissent se protéger contre le virus.


Pourquoi les femmes sont-elles plus exposées à une contamination?  Pourquoi est-ce le cas alors que ce ne sont pas les femmes qui ont le plus de relations sexuelles extraconjugales?  Et que moins de femmes que d’hommes consomment des drogues injectables?


Généralement, ce sont les inégalités sociales qui les mettent en danger, un danger injuste et absolument inadmissible.


Plusieurs facteurs contribuent à cette situation: la pauvreté, les abus et la violence, le manque d’information, la contrainte exercée par les hommes plus âgés et le fait que certains hommes ont plusieurs partenaires sexuels en même temps; ces facteurs emprisonnent les femmes dans un immense réseau de contamination.


On ne peut s’attaquer à ces facteurs au coup par coup.  Il faut un changement réel, positif, grâce auquel les femmes et les filles auront plus de pouvoir et davantage confiance en elles.  Un changement qui transformera les relations entre les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société.


En d’autres termes, l’éducation des filles est nécessaire.


Ce n’est que lorsque les sociétés reconnaîtront que l’éducation des filles n’est pas une possibilité mais bien une nécessité que les filles et les jeunes femmes pourront réunir les connaissances, la confiance en soi et l’indépendance requises pour se protéger du VIH/sida.


Une fois leur scolarité terminée, nous devons faire en sorte qu’elles aient des possibilités d’emploi et qu’elles jouissent de leur droit à la propriété foncière et de leur droit à l’héritage, qui sont trop souvent bafoués.


Et nous devons nous assurer qu’elles aient pleinement accès aux moyens concrets de se protéger du VIH, y compris les microbicides, lorsqu’ils seront disponibles.


Ce qui m’amène à la troisième priorité: faire preuve d’un esprit d’initiative plus résolu à tous les niveaux, y compris au sommet.


Faire preuve d’esprit d’initiative signifie montrer la voie en donnant l’exemple:


-        En abattant le mur du silence meurtrier qui continue d’entourer l’épidémie;


-  En provoquant le changement culturel nécessaire pour la combattre efficacement;


-  En s’employant à transposer les mesures à une plus grande échelle, y compris en fournissant un traitement à toutes les personnes qui en ont besoin.


Il faut que les dirigeants du monde entier montrent qu’on doit être fier de parler du sida et non pas avoir honte.  Cessons d’enfouir notre tête dans le sable, d’être gênés, de nous cacher derrière un voile d’apathie.


Votre esprit d’initiative doit ensuite se traduire par l’allocation des ressources nécessaires dans les budgets nationaux.  Il faut mobiliser tout l’appareil de l’État, des ministères des finances aux collectivités locales, des ministères de l’éducation aux ministères de la défense.  Et cette impulsion doit susciter la création de partenariats avec tous les secteurs de la société –le monde des affaires, la société civile et les personnes qui vivent avec le VIH/sida.


Cependant, cet esprit d’initiative ne doit pas venir que des personnes au pouvoir.  Les personnes qui veillent à toujours utiliser un préservatif en font preuve.  Les pères, les maris, les fils et les oncles qui appuient et défendent les droits des femmes en font preuve.


L’initiative vient des enseignants qui enrichissent les rêves et les aspirations des filles.  Elle vient des médecins, des infirmiers et des conseillers qui écoutent et dispensent des soins sans juger.  Elle vient des médias qui sortent le VIH/sida de l’ombre et encouragent le public à prendre des décisions responsables.


Les hommes qui travaillent pour que d’autres hommes prennent leurs responsabilités et évitent les pratiques sexuelles à risque démontrent un esprit d’initiative.

Faire preuve d’esprit d’initiative signifie trouver des solutions pour libérer les garçons et les hommes de certains des stéréotypes culturels et des attentes dont ils peuvent être prisonniers, comme de croire que les hommes qui ne montrent pas à leur femme « qui est le chef à la maison » ne sont pas vraiment des hommes; ou le fait qu’atteindre l’âge adulte signifie que des garçons de 13 ans doivent avoir leurs premiers rapports sexuels avec une prostituée.  Faire preuve d’esprit d’initiative signifie respecter et défendre les droits fondamentaux de tous ceux qui sont exposés au VIH/sida, qu’il s’agisse de travailleurs du sexe, d’utilisateurs de drogues ou d’hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes.  Et ces droits comprennent le droit d’être traité en cas d’infection.


Faire preuve d’esprit d’initiative signifie trouver des solutions pour établir un dialogue avec tous les groupes et élaborer des modes de prévention et de traitement adaptés à leurs besoins, qu’il s’agisse de jeunes, de prostituées, de consommateurs de drogues injectables ou d’hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.


Faire preuve d’esprit d’initiative signifie oser faire les choses différemment, parce que vous savez que le sida est une maladie pas comme les autres.  Il est unique dans l’expérience humaine et nous devons nous unir pour le combattre.


Je suis reconnaissant à chacun d’entre vous de s’être joint à moi dans cette mission.  Je vous remercie.


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