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ENV/DEV/768

DECENTRALISATION, RESPONSABILISATION, MICROCREDIT: AUTANT DE SOLUTIONS AVANCEES POUR PROMOUVOIR L’ASSAINISSEMENT ET LUTTER CONTRE LA PROLIFERATIION DES TAUDIS

22/04/2004
Communiqué de presse
ENV/DEV/768


Commission du développement durable

10e et 11e séances – matin et après-midi


DECENTRALISATION, RESPONSABILISATION, MICROCREDIT: AUTANT DE SOLUTIONS AVANCEES POUR PROMOUVOIR L’ASSAINISSEMENT ET LUTTER CONTRE LA PROLIFERATIION DES TAUDIS


L’assainissement et les établissements humains, deux des trois thèmes principaux examinés dans le cadre de la douzième session de la Commission du développement durable, ont donné lieu à la tenue de deux dialogues interactifs entre des experts et des représentants de gouvernements et des Grands Groupes.  Le troisième thème, celui de l’eau, a été au centre des dialogues interactifs des jours précédents.


Partant du constat alarmant selon lequel, dans 30 ans, près de deux milliards d’individus vivront dans des taudis, de nombreux intervenants ont souligné l’urgence qu’il y avait à changer les schémas d’établissements humains existants.  Au rang des solutions avancées pour inverser la tendance en matière d’expansion des bidonvilles, des experts d’ONU-Habitat et de USAid ont mis en avant le rôle des autorités et des communautés locales pour définir les besoins et la responsabilisation des individus.  Cependant, comme l’a fait remarquer le représentant de l’Irlande, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, afin de responsabiliser durablement les habitants des taudis, il faut aussi établir des cadastres afin de leur offrir la possibilité d’accéder à la propriété foncière et de sécuriser le régime d’occupation. 


Faisant part de l’expérience de son pays en matière de coopération avec les pays en développement, le représentant de la France a estimé, de concert avec de nombreux intervenants, qu’il était indispensable d’adopter une approche intégrée de la pauvreté urbaine et d’identifier les facteurs qui y contribuaient pour rendre les actions d’amélioration des habitats urbains plus durables.  En outre, le rôle des femmes dans le développement des établissements humains a été souligné pour dire qu’elles représentent des points focaux de la société civile, incontournables dans les communautés d’habitants.  A cet égard, le microcrédit a été identifié comme seul moyen de leur permettre d’accéder à la propriété et d’investir dans l’amélioration de leur cadre de vie.  S’il est indispensable de définir une planification qui s’adapte aux problèmes rencontrés dans les taudis, Mme Anna Tibaijuka, Directrice exécutive d’ONU-Habitat, a estimé qu’il était encore plus important de développer une approche prospective susceptible d’anticiper les mouvements de population vers les taudis.  Dans le même temps, les gouvernements ont été appelés à contrôler l’action néfaste des cartels fonciers et des mafias privées qui, sans vergogne, exploitent la misère des pauvres en imposant des loyers surévalués et en favorisant la spéculation financière. 


Elargir à deux milliards de personnes, d’ici à 2015, l’accès à un service qui évoque des notions aussi subjectives que la gêne, la dignité, l’intimité et les préférences hygiéniques relève d’un défi autre que financier.  Pour réaliser l’objectif fixé en matière d’assainissement, un consensus a semblé émergé sur la nécessité d’adopter une approche fondée sur la demande.  Compte tenu de la spécificité des produits demandés qui tiendrait forcément du contexte socioculturel, les intervenants se sont accordés sur l’importance d’habiliter l’industrie locale.  Ils ont convenu que la durabilité de cette industrie et, par conséquent, de l’assainissement, dépendra de sa capacité à générer des emplois lucratifs.  Pour savoir comment faire correspondre l’offre au pouvoir d’achat, les intervenants se sont tournés avec intérêt vers les spécialistes des technologies alternatives qui ont argué, en substance, qu’un recours aux innovations permettrait de réduire de manière substantielle la somme, habituellement citée, de 56 milliards de dollars par an.  Les montants nécessaires demeurant tout de même importants, un débat s’est engagé sur la question de savoir quelle part devait être assumée par les ménages, les fonds publics et le secteur privé.  Quant à l’aide extérieure, les questions de l’aide publique au développement (APD), de l’allègement de la dette et du transfert de technologies ont été débattues. 


Les intervenants ont beaucoup commenté les propos de la représentante du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).  Selon elle, la durabilité de l’assainissement ne dépend pas seulement de l’hygiène, de la sensibilisation, de l’éducation, de la gestion de la demande et de la fourniture de services mais aussi de la protection des ressources, et de la collecte, du traitement et de la réutilisation des eaux usées ainsi que de l’adaptation des techniques aux écosystèmes.  Deux réunions internationales ont été annoncées aujourd’hui, à savoir le Premier Forum international de WASH, au Sénégal, en novembre prochain, et le Forum international sur la recherche scientifique et technique, en juin, au Burkina Faso.


La Commission examinera demain, vendredi 23 avril à partir de 10 heures les points relatifs au financement des établissements humains, à la gouvernance urbaine, au rôle des autorités locales et à la contribution des groupes de la société civile.


MODULE THÉMATIQUE DU CYCLE D’APPLICATION 2004-2005


Dialogue interactif sur l’assainissement


Création d’une demande vis-à-vis de l’assainissement et promotion de pratiques hygiéniques par le biais de la conscientisation et des stratégies de commercialisation, compte tenu des préférences et des obstacles culturels et sociaux


      M. BINDESHWAR PATHAK, Fondateur de Sulabh International en Inde, a indiqué que dans son pays, plus de 700 millions de personnes optent pour la défécation à ciel ouvert et que la plupart des écoles ne disposent pas de toilettes.  En conséquence, 700 000 enfants meurent, chaque année, de diarrhée et de déshydratation.  Pour répondre à ces besoins, Sulabh a développé des technologies acceptables du point de vue culturel.  La première est la toilette à double fosse qui, écologiquement sain, évite le nettoyage manuel.  Plus d’un million de ces toilettes ont été construites, a-t-il indiqué avant d’expliquer la deuxième technologie qui prévoit des toilettes communautaires permettant le recyclage des excréments humains.  A ce jour, 6 000 toilettes publiques payantes ont été installées et sont utilisés par 10 millions de personnes chaque jour.  Ces technologies ont permis de préserver l’intimité, la sécurité et la dignité des femmes. 


Sulabh, a-t-il poursuivi, est devenu un catalyseur entre les gouvernements, les instances locales et les bénéficiaires.  Sulabh a réussi à changer les mentalités des Indiens, en ce sens qu’auparavant, les toilettes étaient un tabou.  Pour le succès en la matière, l’expérience a montré que chaque pays doit construire sa propre technologie et que l’assainissement doit être lié à l’emploi.  Le rôle des ONG doit, en outre, être encouragé et une coopération étroite doit avoir lieu entre les institutions internationales, les gouvernements, les organes locaux, les ONG et les populations.  Enfin, les institutions financières doivent être encouragées à faciliter l’acquisition des toilettes par les foyers.


Il est inutile de tenter de vendre des choses aux gens qui n’en veulent pas et c’est le principe qui doit sous-tendre toute action en matière d’assainissement, a souligné M. PETER KOLSKY, spécialiste de l’eau et de l’assainissement à la Banque mondiale.  Tant que les gens ne seront pas convaincus de changer leur comportement en matière d’hygiène, tout effort sera vain.  Prônant, en conséquence, une approche fondée sur la demande, M. Kolsky a prévenu que cela signifie que les gouvernements changent leur politique.  Ils doivent, en effet, renoncer aux infrastructures à grande échelle et chercher à stimuler la demande aux niveaux des foyers tout en donnant les moyens à l’industrie locale d’y répondre.


Après ces commentaires qui ont mis l’accent sur les notions subjectives de gêne, d’intimité, de dignité ou encore de préférences hygiéniques entourant le service d’assainissement, plusieurs délégations ont fait part de leur politique dont la Chine et le Burkina Faso.  Appuyés par la majorité des intervenants, ces deux pays ont souligné l’importance de l’éducation et de la sensibilisation.  Après avoir indiqué que ces questions figurent au coeur même des programmes de coopération de son pays, le représentant norvégien a demandé au représentant de la Banque mondiale si la question l’assainissement est désormais incorporée dans les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DRSP).  Des progrès sont faits, a constaté l’interpellé tout en se montrant inquiet par la tendance de nombreux pays à inscrire les secteurs de l’eau et de l’assainissement dans les Documents stratégiques sans pour autant prévoir les fonds nécessaires.  La contradiction entre le libellé et la faible budgétisation lui a fait dire qu’à ce jour, ces questions ne sont pas considérées comme prioritaires. 


Les gouvernements ont du mal à appréhender les avantages sociaux, économiques et écologiques de l’assainissement, a dit en écho le représentant de l’Irlande, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés.  Il a attiré leur attention sur le lien entre l’assainissement et les politiques sectorielles de la santé ou de l’éducation, en insistant pour que les femmes, formatrices des pratiques hygiéniques, soient impliquées de la conception des projets à leur réalisation.  Outre les femmes, il faut une nouvelle génération d’ingénieurs qui comprennent mieux l’aspect humain et social de la question, a ajouté la représentante du Grand Groupe de la communauté scientifique.


Voulant rassurer la Commission sur l’attention accordée à la question dans les pays en développement, la représentante du Sénégal a avoué que l’inclusion de l’assainissement dans le Plan de mise en œuvre de Johannesburg a contraint les gouvernements à l’inclure dans les stratégies de développement.  Au Sénégal, par exemple, un service de l’assainissement a été créé au sein du Gouvernement qui a pour objectif de construire 60 000 latrines dans les quartiers péri-urbains et des blocs sanitaires dans les écoles.  Il s’agit de latrines à usage autonome et individuel et de systèmes semi-collectifs parce que le raccordement à l’égout coûte très cher.  La question des technologies abordables a suscité de nombreux commentaires.  Ainsi, les représentants de Cuba et du Bénin ont estimé que l’existence de technologies peu onéreuses permet de faire les premiers pas mais c’est dans l’accès aux techniques de traitement et d’évacuation des eaux résiduelles, des eaux usées et des excrétions que le problème réside.  La voie de sortie, a estimé la représentante de l’Inde, serait de multiplier les fournisseurs pour faire baisser les prix. 


La multiplication des fournisseurs dépendant du niveau de la demande, le représentant du Royaume-Uni s’est demandé si les subventions étaient un mécanisme approprié pour stimuler cette demande.  Il a estimé, pour sa part, qu’elles pouvaient être une entrave à l’installation infrastructures communautaires dans la mesure où, se mettant en situation d’attente de fonds qui arrivent toujours tardivement ou jamais, les communautés retardent, et parfois renoncent à leur projet.  L’argument du représentant du Royaume-Uni s’est heurté à l’opposition du représentant de la Banque mondiale.  Les subventions sont utiles, a-t-il dit avant d’expliquer que si la production peut être financée par les entreprises, les efforts de sensibilisation et de création de la demande doivent bénéficier de fonds publics.  Souscrivant à cette position, le représentant de la République de Corée a fait part de la décision de son Gouvernement d’adopter un taux fixe pour aider les autorités locales.  La question du financement ayant aussi été soulevée par le représentant de l’Ouganda, celui du Canada lui a répondu en soulignant les avantages des partenariats entre les secteurs public et privé.


Nul doute que ces questions seront placées au centre du Premier Forum mondial de Wash qui se tiendra au Sénégal au mois de novembre prochain.    


De l’eau usée à l’assainissement durable


Introduisant ce point, le représentant de la Banque mondiale a estimé que la notion de durabilité a deux sens, un sens économique et écologique, et un sens qui concerne la pérennité des projets et donc la gestion.  L’assainissement durable doit donc, selon lui, reposer sur des programmes qui continuent après l’élan initial et sans financement extérieur.  Il a préconisé, en conséquence, que l’industrie de l’assainissement durable soit enracinée au niveau local.  La durabilité, a-t-il insisté, dépend de la faculté du secteur de l’assainissement à créer des emplois lucratifs.


Pour ce faire, a poursuivi M. DATO’IR LEE YEE CHEONG, Co-Président du Groupe spécial sur les Objectifs de développement du Millénaire (ODM), il faut adopter des mesures d’incitation en faveur des entreprises, améliorer les infrastructures de base, et renforcer les capacités humaines dans le domaine des sciences, des technologies et de l’innovation (STI).  Les STI, a-t-il encore dit, étant multisectorielles et pluridisciplinaires, elles concernent tous les ODM et sont donc directement liées à la réduction de la pauvreté, et à l’augmentation de la croissance économique qui exige la création d’emplois.  En la matière, le Co-Président a préconisé la privatisation de l’agriculture et de l’exploitation des ressources naturelles. 


Mettant l’accent sur la situation urgente des zones péri-urbaines, M. PAUL REITER, Directeur exécutif de l’Association internationale de l’eau au Royaume-Uni, a regretté le manque de compréhension commune des questions centrales et des approches alternatives en la matière.  Il a plaidé pour des efforts renouvelés à grande échelle pour faire connaître les technologies les plus écologiques et les moins chers.  Rejetant l’argument selon lequel la demande en matière d’assainissement est faible, il a imputé cette faiblesse non pas à un manque d’intérêt du public mais plutôt au coût prohibitif des technologies proposées.  Il faut, a-t-il dit, éduquer les communautés sur l’existence d’options alternatives.  C’est leur nature qui dictera les méthodes de financement, a-t-il conclu en soulignant l’importance des subventions.  Cette dernière assertion a été appuyée par le représentant du Grand Groupe du commerce et de l’industrie.  Aucun pays industrialisé, a-t-il rappelé, n’a réussi à faire payer les services d’assainissement par les usagers.  Les pays en développement auront donc recours à l’impôt ou à l’aide publique au développement (APD) pour financer les coûts.  S’agissant du milieu rural, il a estimé que le développement endogène permet d’encourager une plus grande participation des populations, en particulier, des femmes.  Des efforts d’éducation doivent être déployés qui pourraient aboutir à l’émergence d’entreprises locales, promotrices du dynamisme économique des petites villes.


Toujours sur la question des coûts, la somme de 56 milliards de dollars par an, habituellement citée, a été rejetée par Mme VEERLE VANDEWEERD du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), à condition que l’on recoure aux approches alternatives.  Elle a aussi estimé que la durabilité de l’assainissement exige que l’on ne se concentre pas seulement sur les questions d’hygiène, de sensibilisation, d’éducation, de gestion de la demande et de fourniture des services mais aussi sur la protection des ressources, et sur la collecte, le traitement et la réutilisation des eaux usées ainsi que sur l’adaptation des techniques, en la matière, aux écosystèmes.


L’Union européenne a souscrit à cette position en invoquant les termes de la Déclaration de Jeju, adoptée par la Réunion ministérielle du Conseil d’administration du PNUE.  Le représentant de l’Irlande a aussi salué l’initiative du PNUE et de l’OMS sur les eaux usées municipales.  De nombreux pays dont le Brésil ont fait part des expérimentations menées dans le domaine des technologies alternatives.  Tout ceci n’est possible, a prévenu le représentant du Burkina Faso, que s’il existe des études préalables des sols et des eaux souterraines pour éviter la pollution et la contamination.  Le représentant burkinabé a aussi soulevé la question des usines polluantes qu’il a directement liée à la délocalisation industrielle.  A l’instar de la représentante du Sénégal, il a annoncé la tenue en juin prochain à Ouagadougou du Forum international sur la recherche scientifique et technique et sur les innovations qui aura pour thème la gouvernance de l’eau et le développement durable.


Financement de l’assainissement – approches de la mobilisation de ressources locales et axées sur le marché


M. RAVI NARAYANAN, Directeur de Water Aid, a d’abord soulevé la question de la coordination entre les politiques nationales, provinciales et municipales.  Ce lien vertical, a-t-il expliqué, doit s’accompagner d’une relation horizontale entre les ministères de l’éducation, de la santé et de l’eau et s’étendre aux acteurs non étatiques comme les ONG et le secteur privé.  Selon lui, l’éducation et les campagnes médiatiques de sensibilisation sont les outils idoines pour stimuler la demande.  Prévenant que l’accroissement pourrait conduire à une pression sur les petits entrepreneurs, il a souligné l’importance qu’il y a à rendre disponibles les ressources financières nécessaires par le biais des réseaux bancaires locaux.  Le problème est que, a-t-il reconnu, il faudra 5 000 dollars par habitant pour que les pays en développement atteignent le niveau de celui des pays développés. 


La stratégie de financement doit se fonder sur la sollicitation des ménages, des communautés et du secteur privé locaux, a répondu M. PIERS CROSS, Chef du Programme de l’eau et de l’assainissement, en préconisant d’axer les efforts sur le développement des petites entreprises et de recourir aux techniques du « marketing social » pour accroître la demande.  La création de mécanismes de microfinancement et de fonds de roulement spéciaux a été conseillée par le représentant du Kenya.  Au Burkina Faso, a tempéré le représentant de ce pays, les subventions de 30% que l’Etat octroie pour toute installation sanitaire se sont avérées insuffisantes, en raison des besoins concurrents des ménages.  Il a donc souligné l’importance de l’aide publique au développement pour réaliser l’objectif de faire passer de 70 à 55% la contribution des ménages.  Les propos du représentant burkinabé ont reçu l’aval de nombreuses délégations dont celle de Maurice, de l’Egypte et de l’Afrique du Sud.  Insistant sur cette question, Mme PASSY WASHEBE du Ministère des finances, de la planification et du développement économique de l’Ouganda, a argué que s’il est vrai que le financement doit impliquer toutes les parties prenantes, il n’en reste pas moins que les gouvernements demeurent les principaux bailleurs de fonds.  Dans les pays du Sud, a-t-elle ajouté, le défi est toujours de passer d’un financement public à un financement privé.  Compte tenu des ressources limitées et des besoins concurrents, la budgétisation de l’assainissement est toujours un dilemme.


Les observations de la représentante de l’Ouganda ont provoqué un commentaire laconique de la part du Directeur de Water Aid qui a fait un calcul rapide des coûts sociaux et économiques du statu quo.  Souscrivant à cette position, comme un grand nombre de ses homologues, le représentant de l’Irlande a rappelé que l’Union européenne avait parfaitement respecté les délais fixés par la Conférence sur le financement du développement en matière d’APD.  Il a donc rappelé les pays du Sud à leur responsabilité d’inclure en bonne place la question de l’assainissement dans les stratégies de développement qu’ils présentent aux donateurs.  L’aide extérieure ne doit pas se limiter à l’APD, a souhaité le représentant du Botswana qui, à l’instar de plusieurs pays africains, a attiré l’attention sur les questions de l’allègement de la dette et du transfert des technologies. 


Pour le représentant de la France, la manière de procéder serait d’adosser le financement de l’assainissement sur la tarification de l’eau par l’imposition du principe « pollueur-payeur ».  Les trois maillons de la chaîne à savoir l’accès, la vidange et le traitement des eaux usées, montrent que le financement doit provenir à la fois des ménages et des fonds publics.  Les investissements publics sont fondamentaux pour l’émergence d’un secteur privé, a prévenu le représentant de la Suisse, en insistant sur le fait que les investissements propres de ce secteur exigent préalablement un investissement public.  Le représentant de la France a ajouté une mise en garde en disant que les villes doivent avoir une certaine taille critique pour que le secteur privé se développe. 


Les petites entreprises jouent déjà un grand rôle dans les zones urbaines et rurales des pays en développement, a souligné le Chef du Programme eau et assainissement, en faisant la transition avec le prochain point à l’examen.


Rejoindre les plus démunis par les petites entreprises - création d’emplois par l’assainissement de base


Ces petites entreprises, souvent informelles, a poursuivi le Chef du Programme eau et assainissement, forment une véritable chaîne humaine des services d’assainissement.  Il a imputé la croissance de cette industrie aux carences du service public.  Regrettant que les services de ces prestataires soient mal payés et ignorés, que leur travail ne réponde pas aux normes agréées et que leurs conditions de travail soient éprouvantes, il a fait plusieurs recommandations.  Il faut, a-t-il estimé, développer un système transparent de licences, régir ces licences par des normes minimales de services, élaborer des stratégies de déversement des déchets, appuyer les services d’assainissement, faciliter l’accès au crédit et promouvoir la création d’associations de prestations de services. 


Pourquoi se limiter aux petits prestataires plutôt que d’encourager l’émergence d’un service central, s’est interrogé M. DENNIS MWANZA du « Water Utility Parnership ».  S’il a également jugé important que les gouvernements reconnaissent l’existence de ces petites entreprises informelles au moyen d’un mécanisme régulateur, il a néanmoins souhaité qu’ils soient reconnus non pas comme des concurrents mais comme des prestataires complémentaires.  Son exposé a été suivi d’une présentation des difficultés de la situation sanitaire en Bulgarie faite par Mme DIANA ISKREVA de « Earth Forever ».


Lorsque l’on parle de l’implication du secteur privé, il est essentiel de faire la distinction entre le milieu urbain et le milieu rural, et surtout, entre les pauvres et les autres, a estimé le représentant du Burkina Faso.  Il a expliqué la politique de son pays qui consiste à promouvoir les petits artisans dont l’Etat assure la formation.  Les détails apportés par le représentant burkinabé lui ont valu les félicitations de nombreux intervenants.


Dialogue interactif sur les établissements humains


Les taudis et la pauvreté urbaine – changer les schémas d’établissements humains


La question des établissements humains a donné lieu à la tenue d’un débat interactif centré sur les taudis et la pauvreté urbaine, le rôle des femmes dans cette perspective ainsi que sur le financement de l’assainissement.  Le rapport du Secrétaire général sur les établissements indique que les tendances récentes à l’urbanisation font ressortir l’importance cruciale du développement urbain pour le développement durable et la réduction de la pauvreté au cours des décennies à venir.  Selon ONU-habitat, 32% de la population urbaine, soit près d’un milliard de personnes, vivent dans des taudis.  Si la tendance actuelle se maintient, le nombre d’habitants des taudis dans le monde devrait atteindre au cours des 30 prochaines années environ deux milliards.


Face à ce constat, M. LARS REUTERSWÄRD, Global Division, ONU-Habitat, a souligné l’importance de mettre au point différentes stratégies reposant sur des expériences antérieures de la gestion des villes afin de canaliser la croissance des taudis.  Il faut également mettre l’accent sur les autorités locales et la nécessité de les aider à faire face à cette croissance urbaine.  Il y a en outre un grand besoin d’investissements, a ajouté M. Reuterswärd, en soulignant notamment que si une femme ne peut pas avoir la propriété de sa maison, elle ne peut investir dans cette maison.  La réduction du coût des terrains a été évoquée comme possibilité de prévenir l’expansion des taudis par M. DAVID SATTERHWIATE, Programme pour les établissements humains, Institut international pour l’environnement et le développement, Royaume-Uni.  Pour ce faire, a-t-il indiqué, il faut favoriser la coopération avec l’administration urbaine.  Pour sa part, M. TIMOTHY MAHONEY, Directeur, Bureau de réduction de la pauvreté, Bureau pour la croissance économique, agriculture et commerce, USAID, Etats-Unis, a fait savoir que les recherches avaient permis de mieux comprendre la pauvreté.  Cette dernière a plusieurs dimensions: il s’agit d’un phénomène aussi bien social aussi qu’écologique.  Il faut donc mettre l’accent sur les conditions de vie des populations pauvres et les avoirs gérés par ces ménages.  Le capital social est une notion nouvelle permettant de comprendre la pauvreté et de mettre au point des programmes efficaces pour la réduire.  Il faut aussi souligner, a ajouté le représentant, que le logement dans les villes est aussi, bien souvent, le lieu de travail.  Il faut donc prendre des mesures pour protéger ces avoirs par le biais d’institutions régulatrices et renforcer la participation des ménages pauvres aux communautés locales par le biais de la promotion d’une politique participative.


En écho à ces remarques, plusieurs intervenants, à l’instar du représentant du l’Irlande, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, ont insisté sur l’importance des gouvernements locaux pour définir la gestion des besoins de base.  Soulignant que 20% de la population de son pays vivent dans des taudis, le représentant de l’Inde a fait part de l’expérience de son pays en matière de collaboration de tous les habitants des bidonvilles sur la base d’un partenariat entre les secteurs public et privé en vue d’intégrer les bidonvilles dans les économies municipales en les incitant notamment à fabriquer des biens destinés à l’économie nationale.  Cependant, comme l’a souligné M. Mahoney, les gouvernements locaux doivent être plus représentatifs et responsables afin d’être en mesure de mettre en valeur l’ingéniosité de leurs citoyens. 


Au rang des solutions avancées aujourd’hui, l’accession des habitants des taudis à des titres de propriété foncière a été évoquée à de nombreuses reprises.  A cet égard, le représentant de l’Afrique du Sud a fait part de l’expérience de son pays dans le domaine de la constitution et de la consolidation juridique d’avoirs de base dans l’objectif d’impliquer les habitants dans l’amélioration de la qualité de leurs logements.  Cependant, il faut au préalable être en mesure d’établir un cadastre dans les bidonvilles, a indiqué M. Mahoney et ce, afin d’amener les populations locales à comprendre qui est propriétaire de quoi.  M. Reuterswärd a pour sa part souligné l’écart existant dans de nombreux pays entre les surfaces dont disposent les foyers en fonction de leurs revenus et a évoqué le rôle que doit jouer le gouvernement central en matière de révision des législations sur les impôts fonciers: les foyers qui disposent de grandes surfaces et de grands terrains devraient participer à l’amélioration du logement des habitants des bidonvilles, a-t-il suggéré.


La promotion d’une approche intégrée en matière d’amélioration du cadre de vie a été mise en avant par plusieurs intervenants, en particulier par le représentant de la France qui a expliqué l’expérience de son pays dans le cadre de sa politique de coopération.  Il est important, a-t-il fait savoir, de ne pas centrer la réflexion et l’action sur la seule dimension du logement.  C’est pourquoi, la France centre son action sur trois secteurs différents: la gestion foncière, le logement et les services de base.  Soulignant que les projets classiques de cadastres se sont parfois heurtés aux coutumes sur le droit du sol, le représentant a fait savoir que la coopération française centrait son action sur la mise à disposition d’outils adaptés, l’appui aux autorités locales et le partage de l’expérience des agences d’urbanisme françaises.  Une planification intégrée des établissements humains doit également appréhender la question des transports et non pas seulement celles des terres.


En dépit de l’existence de constantes et de données fiables en matière d’urbanisation et de pauvreté, il faut améliorer la définition de ces problèmes car la pauvreté dans un pays n’est pas la même que dans un autre, a déclaré la représentante du Royaume-Uni en plaidant en faveur d’une amélioration des statistiques, de la constitution d’une base de données et de la promotion du rôle normatif d’ONU-Habitat en matière de législation en faveur de l’amélioration des établissements humains.  En réponse à ces remarques, M. Reuterswärd a fait savoir qu’ONU-Habitat avait constitué une base de données sur les bonnes pratiques qui serait présentée lors Forum de Barcelone sur le développement durable, en mai prochain. 


Le rôle des femmes dans le développement des établissements humains: difficultés et perspectives


Partant du constat selon lequel les femmes doivent jouer un rôle central dans la définition politiques d’amélioration des établissements humains,  Mme SHEELA PATEL, Directrice de la Société pour la promotion du centre des ressources urbaines de l’Inde, a souligné l’importance des associations de femmes qui sont des points focaux importants pour, notamment, canaliser la violence dans les bidonvilles.  Cependant, les femmes, tout en étant de meilleurs débiteurs que les hommes, se heurtent souvent à l’impossibilité d’accéder à des crédits à long terme, faute de caution.  C’est pourquoi, selon Mme GRACE WANYONYI, Directrice du logement, au Ministère des routes et des travaux publics du Kenya, il faut promouvoir les microfinancements de même que l’accès à l’information et aux nouvelles technologies.  La représentante des Pays-Bas a pour sa part souligné la nécessité d’offrir aux femmes un meilleur accès au système judiciaire afin qu’elles prennent conscience de leurs droits. 


Etat de l’application des objectifs du Millénaire en matière de développement des objectifs du Plan d’application de Johannesburg relatifs à l’eau, du niveau local au niveau mondial


L’importance de la définition de stratégies qui s’adaptent aux problèmes rencontrés dans les taudis et qui les anticipent a été mise en lumière par Mme ANNA TIBAIJUKA, Directrice exécutive d’ONU-Habitat.  Selon elle, il faut travailler sur le terrain au niveau local et favoriser les partenariats avec le secteur privé, lequel exploite parfois la situation informelle de nombreuses occupations.  Certaines personnes tirent profit des taudis.  Il faut donc une réelle volonté politique pour mettre en place des régimes d’occupation sûrs.   Prenant à son tour la parole, M. ELLIOT SCLAR, Professeur en planification urbaine, Columbia University, a mis en avant la nécessité de mettre un terme à la division des villes entre pauvres et riches.  En effet, a-t-il fait remarquer, des gens peuvent vivre proches géographiquement tout en étant séparés par des siècles en termes de conditions de vie.  Il faut aussi se concentrer sur la sécurité du régime d’occupation par la définition de contrats de location ou de titres de propriété afin d’offrir aux habitants la possibilité de planifier leurs vies. 


Après ces interventions, plusieurs représentants de gouvernements ont fait part de leurs expériences en matière d’amélioration des établissements humains.  Ouvrant le dialogue, le représentant du Burkina Faso a fait écho à l’observation de Mme Tibaijuka selon laquelle les gouvernements se devaient, à l’instar du sien, de développer des stratégies d’anticipation des mouvements de population par le biais de l’élaboration de plans stratégiques de développement afin, notamment, d’éradiquer l’habitat spontané.  Cependant, a précisé le représentant de l’Irlande, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, ces plans stratégiques doivent être fondés sur une bonne évaluation des actions entreprises et la définition d’une méthodologie fiable dans l’objectif précis d’attirer des ressources financières additionnelles.  Il faut aussi, selon le représentant, promouvoir le renforcement des capacités et le transfert des technologies.  Chaque pays doit fixer ses objectifs en tenant compte des spécificités nationales.  La régulation du secteur privé a par ailleurs été abordée par le représentant de la République de Corée qui a lancé un appel contre la spéculation financière du marché du logement. 


Une fois encore, de nombreux représentants ont insisté sur l’importance des initiatives locales.  Sur ce point, la représentante des Etats-Unis a souhaité que les gouvernements centraux deviennent les chefs de file de l’appropriation locale des politiques définies.  De même, elle a souligné le rôle très important des maires en termes de planification, de financement et de mise en œuvre de prestations de services de base.  A cet égard, le représentant du Mexique a fait savoir que son Gouvernement s’efforçait de promouvoir le développement social dans les villes par en travail en coopération avec les pouvoirs publics locaux.  Des appels ont enfin aussi été lancés en faveur d’une réduction de la dette des pays en développement afin que les gouvernements consacrent davantage de crédits à l’amélioration des établissements humains. 


La primauté du droit en matière d’établissements humains a, de nouveau, été évoquée par M. MILOON KOTHARY, Rapporteur spécial sur les logements adaptés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.  Selon lui, si les pauvres ont des droits, ils ont également le devoir de respecter les droits des autres citoyens dans un contexte urbain donné.  En outre, le régime foncier doit reposer sur la loi, les coutumes et les pratiques.  L’habilitation est aussi un concept très important afin de responsabiliser les pauvres par le biais d’une élimination des obstacles juridiques et sociaux à l’accès à la terre.  Poursuivant sur la question du droit des pauvres, M. GLYN KHONJE, Directeur du Département de la planification du logement du Ministère du gouvernement local et du logement de Zambie, a estimé qu’un obstacle majeur à l’amélioration des conditions des vies était la non-reconnaissance de leurs droits fondamentaux.  L’existence de mafias et de cartels fonciers a en outre été identifiée comme un problème auquel les gouvernements ne se sont pas suffisamment attaqués, a ajouté le représentant.  La privatisation doit se faire dans un cadre réglementaire pour préserver le droit des pauvres.  Enfin, il a dénoncé la négligence vis-à-vis du droit foncier des femmes. 


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