COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE: DROIT ET BIEN ECONOMIQUE, LE STATUT PARADOXAL DE L’EAU COMPLIQUE L’ELABORATION ET LA MISE EN OEUVRE DES PLANS DE GESTION INTEGREE
Communiqué de presse ENV/DEV/766 |
Commission du développement durable
6e et 7e séances – matin et après-midi
COMMISSION DU DEVELOPPEMENT DURABLE: DROIT ET BIEN ECONOMIQUE, LE STATUT PARADOXAL DE L’EAU COMPLIQUE L’ELABORATION ET LA MISE EN OEUVRE DES PLANS DE GESTION INTEGREE
Deux réunions parallèles ont été tenues aujourd’hui dans le cadre de la douzième session de la Commission du développement durable qui a choisi comme thèmes principaux « l’eau, l’assainissement et les établissements humains ». Alors que les Grands groupes* réfléchissaient à la manière de renforcer leur implication dans la mise en œuvre du Plan de Johannesburg**, les Etats Membres, assistés d’experts, se penchaient sur les questions de la gestion intégrée de l’eau, des réformes nécessaires et du renforcement des capacités.
De nombreux intervenants se sont attardés sur la complexité de la gestion de l’eau, expliquant qu’elle vient du statut paradoxal de cette ressource naturelle qui est à la fois un droit fondamental et un bien dont la gestion doit répondre aux principes économiques. Pour surmonter ce paradoxe, de nombreuses solutions ont été avancées qui vont du contrôle des prix par des subventions publiques ou le partage des coûts avec les usagers, à la promotion de partenariats entre les secteurs public et privé, en passant par la décentralisation de la gestion pour éviter les gaspillages et répondre plus précisément aux besoins réels des communautés locales. Pour bon nombre d’intervenants, la solution ultime serait tout simplement de parvenir à une baisse de la demande par une modification des modes de consommation.
Concernant l’élaboration des plans de gestion, les intervenants ont convenu de la nécessité d’y impliquer toutes les parties prenantes; certains allant même jusqu’à en faire une garantie de la bonne gouvernance. Ce concept, qui a été défini aujourd’hui comme la capacité des gouvernements à créer un environnement favorable à une bonne gestion de l’eau aux niveaux national et local, est, selon certains orateurs, réalisé plus facilement dans un contexte de transfert des responsabilités aux autorités locales. Le débat a été suivi de deux autres discussions sur les problèmes particuliers de la région d’Asie-Pacifique et de celle de l’Europe. Ces problèmes ont été identifiés, une première fois, lors des Forums de mise en œuvre organisés par les commissions régionales concernées.
Un dialogue interactif entre les Grands groupes et les gouvernements sur le partage des meilleures pratiques en matière de gestion de l’eau, d’assainissement et d’établissements humains a également eu lieu aujourd’hui. L’accent a en particulier été mis sur le rôle fondamental de l’éducation en matière de développement durable, ainsi que sur la contribution des différents acteurs concernés à la définition de politiques dans ce cadre. Ainsi, les rôles respectifs des femmes, des populations autochtones et des jeunes ont été soulignés de même que l’importance d’une approche intégrée en matière de gestion de l’eau et d’une régulation de la privatisation de ce secteur. Les intervenants se sont également penchés sur la question de savoir comment concilier les différents usages et la demande croissante en eau avec la nécessité de la conserver pour les générations futures.
La Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 21 avril, à 10 heures.
* Les neuf parties prenantes du développement durable identifiés dans le Programme d’action –Action 21– adopté, en 2002, à l’issue du Sommet de la Terre de Rio.
** Adopté, en 2002, au Sommet mondial pour le développement durable pour accélérer la mise en œuvre d’Action 21.
MODULE THÉMATIQUE DU CYCLE D’APPLICATION 2004-2005
Examen de synthèse des questions thématiques relatives à l’eau, y compris les questions intersectorielles
Politiques de gestion des ressources en eau et réformes pour permettre une utilisation et une gestion plus efficaces et durables de ces ressources
Renforcement des capacités pour une gestion concertée des ressources en eau et prestations de services relatifs à l’eau
Dialogue interactif
En Chine, la difficulté a été de maintenir l’accès à l’eau dans un pays qui connaît une pénurie dans le contexte d’un passage à l’économie de marché, a indiqué M. YANYAN LI du Ministère des ressources en eau de la Chine. Rendue nécessaire par la nouvelle donne économique, la réforme du secteur de l’eau a pourtant dû rester conforme au concept de « développement axé sur l’être humain » qui exige une coordination entre les droits économiques et les droits sociaux, entre le développement urbain et le développement rural, et entre le développement humain et la protection de l’environnement. Dans ce contexte, le Gouvernement a dû s’atteler à deux tâches qui paraissent contradictoires, à savoir mettre en place un système de gestion de l’eau conforme à l’offre et à la demande, tout en établissant un mécanisme de contrôle du prix de l’eau. Pariant sur la modification des modes de consommation, la politique en la matière a été élaborée en collaboration avec la participation des premiers concernés dont les agriculteurs.
Représentant d’un « pays aride », M. MIKE MILLER, Directeur général du Département sud-africain de l’eau et des forêts, a indiqué que l’avènement de la démocratie a été l’occasion de mettre l’accent sur l’équité et les droits écologiques dans la gestion des eaux. L’eau est ainsi devenue un patrimoine national dont l’usage doit être régulé dans l’intérêt public. Le droit à l’eau doit pouvoir s’exercer, de façon certaine et prévisible. Ce postulat étant posé, le consensus a été que la gestion de l’eau doit quant à elle s’inspirer des principes économiques. Tout comme en Chine, le pari est de modifier les modes de consommation. Mais l’expérience montre que la gestion de l’eau est une affaire compliquée, complexe, coûteuse qui exige qu’on s’y attaque par étape. Ancienne gestionnaire de l’eau au Chili, Mme RAQUEL ALFARO FERNANDOIS a indiqué que dans son pays, la gestion de l’eau se fonde à la fois sur les subventions et sur des partenariats entre le secteur public et le secteur privé. La politique est donc de maintenir un prix raisonnable pour le consommateur qui doit en contrepartie modifier ses modes de consommation.
Commentant ces propos, le représentant de l’Irlande, au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, a expliqué, qu’en matière de gestion intégrée de l’eau, la solution réside dans une bonne législation et des mesures d’exécution efficaces. Il a particulièrement mis l’accent sur la Convention d’Helsinki sur la gestion des cours d’eau transfrontières. Le potentiel du Programme d’action commun des pays des Caraïbes et du Pacifique sur l’eau et le climat a, quant à lui, été souligné par le représentant de Maurice qui a indiqué que le Programme vise quatre domaines, à savoir: la recherche, la sensibilisation, le renforcement des capacités et la gouvernance. Il a d’ailleurs espéré que la Commission inclura certains de ces éléments dans ses recommandations. Un autre intervenant a, pour sa part, attiré l’attention sur la Convention sur la lutte contre la désertification dont les Etats parties se réuniront pour la première fois, en Ouganda, en novembre prochain.
Au niveau national, des exemples de gestion intégrée de l’eau ont été présentés par les représentants du Canada, de la Suisse, de la Turquie, du Brésil, du Bhoutan, de la Chine et du Kenya. Parmi eux, les pays en développement ont tenu à souligner l’importance de la coopération internationale. La gestion intégrée de l’eau est une chose complexe des pays qui exige une assistance internationale en matière de financement, de transfert des technologies et de renforcement des capacités, ont dit en écho les représentants de la République-Unie de Tanzanie et de l’Inde.
En la matière, le représentant du Grand Groupe des syndicats a regretté que, trop souvent, l’assistance internationale contourne les processus démocratiques, empêchant ainsi les communautés locales d’être pleinement impliquées dans le processus de réforme du secteur de l’eau. Dans ce domaine, le débat et la participation sont des éléments essentiels, a-t-il insisté avant que la représentante de la Finlande n’estime que c’est le seul moyen de garantir la bonne gouvernance si nécessaire à tous les niveaux. En Finlande, a-t-elle dit, la politique consiste à confier aux autorités locales l’établissement des objectifs, ce qui a permis, entre autres, de constater l’efficacité des coopératives rurales.
La décentralisation, ayant pour effet la multiplication des acteurs dans la gestion de l’eau, elle peut conduire à un éloignement des donateurs, a dit craindre le représentant de l’Ouganda qui a attiré l’attention sur le Protocole de coopération des trois pays du Lac Victoria et sur l’Accord de coopération des 10 pays riverains du Nil.
La question du renforcement des capacités ayant été posée à plusieurs reprises, la Commission a cédé la parole à d’autres experts. M. DENNIS D. MWANZA, Directeur général du Partenariat africain pour le renforcement des capacités en matière d’eau, a estimé qu’en la matière, les efforts visent à assurer les adductions d’eau tout en tenant compte des besoins des consommateurs pauvres. Cela exige des ressources humaines et financières importantes pour permettre à la réforme du secteur de l’eau à aboutir à la mise en place de services autonomes fondés sur une gouvernance efficace. Le renforcement des capacités est un processus lent mais essentiel au développement durable, a renchéri Mme RORY VILLALUNA de « Streams of Knowledge » aux Philippines. Elle a ainsi fait part des efforts visant à former des réseaux de connaissances pour accélérer les progrès.
Ces commentaires ont été suivis d’exemples concrets donnés par les représentants de la Belgique, du Chili, de la Malaisie, du Sénégal, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, du Bénin, de la Colombie, du Mexique et de la République tchèque. Après le décompte des succès et des échecs, le représentant des Etats-Unis a souligné l´importance d´un équilibre entre les interventions du secteur public et celles du secteur privé. Celui de la Norvège a estimé que la responsabilité du système multilatéral doit être mieux défini. L’aide de la communauté internationale sera déterminante, a renchéri le représentant de l’Irlande, qui a émis des doutes sur la faculté des pays de respecter la date limite de 2015. Le délégué irlandais a, au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, plaidé pour une meilleure coopération des institutions internationales. Il faut arriver à un juste équilibre entre financement local et financement international, a recommandé, à son tour, le représentant de « World Conservation Union » (IUCN).
Revenant à la réforme du secteur de l’eau, le représentant de la France a estimé que la mise en place de plans nationaux de gestion d’intégrée doit s’appuyer sur la gestion des bassins versants; ce qui, selon lui, est la manière la plus rationnelle de fonctionner. Il faut que des mécanismes soient mis en place et confronter les demandes des usagers aux exigences des écosystèmes. Le représentant a cité l’exemple d’un réseau établi par son pays et l’Espagne dans le but de développer les échanges entre les organismes pour permettre aux structures récentes de bénéficier des l’expérience des organismes plus anciens. Un aspect majeur, a-t-il poursuivi, est celui des bassins transfrontaliers dont les dispositions doivent prendre en compte les besoins de tous les pays. Là encore, le représentant a encouragé le partage d’expériences. Des commissions régionales existent, a-t-il constaté en les encourageant à confronter leurs expériences avec les autres régionaux. Le représentant a mentionné la réunion qui doit se tenir la semaine prochaine à Paris entre les neuf pays du Bassin du Niger. Il a enfin estimé qu’après les plans de gestion des bassins fluviaux que l’on descende au niveau inférieur des sous-bassins. Depuis 10 ans, a-t-il fait valoir, la France a développé une dizaine de plans de gestion en rassemblant autour d’un thème spécifique l’ensemble des acteurs pour faire émerger un consensus sur la solution des problèmes, en particulier les problèmes financiers.
Les propos du représentant de la France ont été commentés par les représentants du Tadjikistan et de l’Azerbaïdjan. La question de la gestion intégrée de l’eau devrait aussi concerner la menace que constituent les inondations, a souhaité le représentant du Japon annonçant la présentation prochaine d’un plan par l’UNESCO.
Mme KEIKO OKAIDO, Secrétaire générale adjointe de la CESAP, a dressé le bilan de la dernière réunion régionale pour l’Asie et le Pacifique, qui s’est déroulée à Bangkok, les 27 et 28 octobre 2003. Mme Okaido a rappelé que la région Asie-Pacifique, très vaste, comptait 60% de la population mondiale et comprenait non seulement les trois pays les plus peuplés du monde, mais aussi 14 pays les moins avancés et 17 petits Etats insulaires en développement. Des thèmes comme l’eau, l’assainissement et les établissements humains sont fondamentaux pour la région, a-t-elle souligné. Une amélioration de la qualité de l’eau potable et de l’assainissement a été rendue possible dans de nombreuses régions, a-t-elle ajouté. Le mérite en revient d’abord aux gouvernements, mais ceux-ci ne peuvent agir seuls, d’où la nécessité d’établir des partenariats avec les ONG, les groupes des femmes, les communautés autochtones, le secteur privé et les autres groupes. De tels partenariats ont déjà été mis en place dans les domaines de la gestion des ressources hydriques, de la collecte des eaux de pluie, du traitement des eaux usées et des projets d’assainissement pilotes. Mme Okaido a en outre souligné que des fonds avaient été établis pour améliorer les infrastructures, ce qui a permis d’aider les autochtones et les institutions.
Elle a par ailleurs indiqué qu’un tiers de la population rurale vivant en Asie, soit plus de 700 millions de personnes, n’avait pas accès à l’eau potable. La croissance démographique a accentué le problème. De l’avis de Mme Okaido, il convient de disposer de davantage de données concernant la population souffrant du manque d’accès à l’eau potable. Elle a ainsi plaidé en faveur d’une meilleure coordination entre les niveaux local, national et international. S’agissant de la question des établissements humains, Mme Okaido a noté qu’en Asie, plus d’un milliard de personnes, soit le tiers de la population, vivaient dans les zones urbaines. Il y a de plus en plus de bidonvilles, d’exode rural, de pauvreté dans les zones urbaines, ainsi qu’une et croissance démographique importante. Le manque de logements et d’infrastructures constituent des problèmes chroniques. Selon elle, il est donc nécessaire de mettre en place une véritable planification, de fixer des priorités et de financer des ressources.
A son tour, Mme MOSER, Banque asiatique de développement, a indiqué que la Banque a mis au point des plans de coopération dans lesquels l’eau et la gestion de l’eau figurent en bonne place. Des actions nouvelles sont lancées, par exemple au Viet Nam, pour mettre en œuvre les recommandations du Forum mondial sur l’eau qui s’est déroulé à Tokyo. Il s’agit de renforcer la gouvernance, en simplifiant les activités, en accroissant les investissements dans le domaine de l’agriculture et les secteurs qui ont besoin d’eau. Il s’agit aussi de renforcer les capacités des communautés, multiplier les chances des populations pauvres de faire face aux catastrophes, et enfin, mettre au point des accords de gestion durable. Pendant la semaine de l’eau, en janvier 2004, une discussion a eu lieu sur le thème « L’eau pour les pauvres » qui a mis en évidence les changements nécessaires dans la gestion de l’eau. La semaine de discussions a permis l’élaboration d’un programme à l’intention de la Banque qui met l’accent sur les informations concernant les marchés d’eau informels. Des audits devraient être menés et la première conclusion que l’on pourrait tirer est que des organisations compétentes dotées d’une direction également compétente constituent des éléments indispensables.
Des marchés réglementés sont essentiels à l’accès des pauvres à l’eau, a cité l’oratrice comme autre conclusion possible. En la matière, elle a mis l’accent sur le travail des petits fournisseurs qui devraient bénéficier d’une législation favorable. Les efforts doivent se concentrer sur les pauvres des zones rurales où la majorité de la population asiatique continue de vivre, a-t-elle dit à ce propos en souhaitant aussi que le renforcement des capacités et les investissements ne concernent pas seulement les infrastructures dont les marchés sont les « vecteurs rêvés» de la corruption. Les efforts de renforcement des compétences doivent donc se diriger aussi vers la société civile qui doit être rendu capable de participer à l’établissement des priorités, à l’élaboration des projets et au contrôle de leur mise en œuvre.
Intervenant également, M. ISIKIA R. SAVUA, Représentant permanent de Fidji auprès des Nations Unies, a indiqué que les défis et les contraintes de la gestion de l’eau dans le Pacifique viennent de la fragilité des sources d’eau, du manque de ressources humaines et financières, et des modes de consommation. Une évolution a eu lieu ces dernières années, a-t-il dit en indiquant que des systèmes de traitement des eaux existent désormais dans les villes. Toutefois, l’assainissement a été lent dans de nombreux pays de la région; la population rurale n’ayant pas reçu l’attention nécessaire. Les stratégies ont ainsi dû être adaptées, laissant libre cours à des partenariats qui impliquent un plus grand large éventail d’acteurs. Les défis et les solutions des Caraïbes ont été identifiés dans le Programme d’action commun sur l’eau et le climat, a-t-il dit en sollicitant l’aide de la communauté internationale.
M. A.Y.B.Y SIDDIQI, Ministre du développement rural du Bangladesh, a rappelé que selon les estimations, 97% de la population pouvaient avoir de l’eau potable en 30 ans. Or, ce miracle n’a pas eu lieu en raison de problèmes dont le principal vient de la contamination à l’arsenic. Ce problème est grave, a-t-il dit en reconnaissant que l’identification des sources de contamination est une tâche gigantesque. A cette fin, une commission nationale a été créée qui, appuyée par des experts internationaux, devrait parvenir à des conclusions, cette année. Venant à l’assainissement, il a reconnu qu’il s’agit là d’un secteur oublié et trop souvent confondu avec d’autres secteurs. Aujourd’hui, la pratique consistant à user des déchets humains pour l’agriculture se poursuit. En conséquence, le Gouvernement a demandé aux autorités locales de réserver 20% de leurs fonds aux équipements d’assainissement. Le mois d’octobre est le mois de l’assainissement, a encore indiqué le Ministre en faisant part du travail de sensibilisation effectuée au moyen de prestations sociales. Il a aussi rendu compte d’une conférence régionale de haut niveau organisée en 2003, qui a donné lieu à une déclaration invitant les populations de l’Asie du Sud à prendre les mesures nécessaires en matière d’assainissement. En 2003, le Gouvernement a décidé de conclure un accord avec « les plus pauvres des pauvres » consistant à leur fournir de l’eau gratuitement à condition qu’ils occupent leur maison de latrines. Il s’agit là d’un moyen efficace de changer les comportements en matière d’assainissement, a conclu le Ministre.
M. KUNIYOSHI TAKEUCHI, universitaire et Président de l’Association internationale des sciences hydrauliques, a souligné que la région Asie-Pacifique demeurait confrontée à de multiples difficultés, accentués par une forte croissance démographique, et marquée par de nombreuses catastrophes naturelles. Dans ce contexte, il est difficile, a-t-il estimé, d´atteindre les Objectifs de développement du Millénaire. Les pays de la CESAP, a poursuivi M. Takeuchi, ont besoin de fonds, de ressources humaines, de connaissances scientifiques, d’information et de mécanismes de suivi. La région CESAP est unique de par ses conditions naturelles et climatiques et ses problèmes sont forcément uniques et spécifiques. Un simple transfert de technologies ou de mécanismes institutionnels ne peut en aucun cas servir de seule solution, a-t-il conclu.
La diversité des priorités et des défis qui caractérisent la région du Pacifique a été mise en exergue par le représentant de l’Australie qui a indiqué que les efforts coordonnés entre les différentes institutions ont permis des progrès qui n’auraient pu être enregistrés autrement. A son tour, le représentant de Fidji a mis l’accent sur l’importance de la coopération internationale. Pour les petits Etats insulaires, l’eau n’est pas seulement une question mondiale mais une véritable question de vie ou de mort, a-t-il rappelé. Ces Etats connaissent une véritable pénurie qui exige des stratégies à long terme pour assurer la durabilité des ressources hydriques, a ajouté la représentante de Nauru. Or, l’élaboration de stratégies à long terme est compromise par le manque de capacités nationales, a précisé le représentant des îles Salomon qui a appelé, à son tour, à la coopération internationale.
L’isolement de la sous-région est un problème à prendre en compte, a poursuivi le représentant de Tuvalu en appelant la Commission à reconnaître, contrairement à la représentante de la Banque mondiale, le besoin d’infrastructures spéciales. Il a aussi soulevé la question de l’élévation des mers en demandant que la Commission discute de la manière dont la communauté internationale entend lutter contre le changement climatique.
Lorsque l’on parle de renforcement des capacités au niveau régional, il faut surtout parler d’identification des lacunes régionales en la matière, a estimé de son côté le représentant des Etats-Unis. Il s’est prononcé pour la création de centres régionaux d’apprentissage, en particulier pour les responsables locaux de la mise en œuvre des textes adoptés, au niveau international. Les organisations régionales ont un rôle important à jouer, a poursuivi le représentant de l’Indonésie, en appelant la CESAP à favoriser la coopération régionale et à se concentrer sur les spécificités de la région. La CESAP pourrait aussi s’inspirer de la session de la Commission du développement durable pour préparer les réunions régionales de mise en œuvre, en se donnant comme mot d’ordre l’adaptation des recommandations aux spécificités de la région. Se tournant vers la Banque asiatique de développement, il a souligné le rôle qu’elle et les autres institutions de même type pourraient jouer dans la promotion de la coopération Sud-Sud.
L’impact du manque du financement dans la mise en œuvre des programmes a été souligné par la représentante de l’Inde avant que les représentants de la République de Corée et du Tadjikistan n’appuient, à leur tour, les propositions visant à renforcer le rôle des commissions régionales, en particulier dans l’élaboration des législations et réglementations.
La représentante du Grand groupe des agriculteurs a affirmé qu’il était essentiel de créer des installations susceptibles d’assurer la sécurité des femmes. L’expérience montre en effet que les femmes doivent marcher trois fois plus que les hommes pour utiliser non seulement l’eau potable, mais également les équipements sanitaires. Le Grand groupe des femmes a souligné le rôle primordial des femmes lorsqu’il s’agit de promouvoir des changements. Il faut, pour cela, leur donner des moyens, a déclaré sa représentante. Le groupe a également insisté sur le rôle spirituel et culturel de l’eau. Mettant lui aussi l’accent sur les grandes difficultés rencontrées par les femmes en Asie dans l’utilisation et la quête de l’eau, le Grand groupe des syndicats a invité les agriculteurs à utiliser moins de pesticides, afin d’éviter la contamination l’eau potable. Si l’on doit faire appel aux travailleurs, nous veillerons à ce que l´environnement soit mieux préservé.
Passant à la région de l’Europe, Mme BRIGITA SCHMOGNEROVA, Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Europe (CEE), a rendu compte des résultats du Forum régional qui s’est déroulé, les 15 et 16 janvier derniers à Genève, avant de rappeler que la région européenne est hétérogène à tous les points de vue puisqu’elle voit une cohabitation entre les pays les plus riches du monde et des pays moins bien lotis, voire pauvres. La région a toutefois connu des progrès, a-t-elle dit en indiquant qu’en 2000, les Ministres de la région ont approuvé une « Stratégie pour une qualité de vie durable pour les établissements humains » qui encourage les partenariats avec les ONG et le monde des affaires. A la suite de cette décision, la CEE a préparé deux projets pour aider les gouvernements à élaborer des politiques efficaces. Il faut dire, a-t-elle confié, que ces projets ont été servis par un cadre juridique qui couvre différentes questions connexes dont l’assainissement. La CEE a aussi préparé deux Protocoles sur l’eau et la santé, et sur les responsabilités civiles qui concernent l’impact des accidents industriels sur les sources d’eau et les droits aux compensations.
La représentante du Royaume-Uni a souligné que les forums de mise en œuvre régionale avaient un rôle important à jouer pour mettre en place des mécanismes d’évaluation. L’urbanisation rapide met une pression très forte sur les services municipaux, et ce, dans tous les pays de la région. Au moins un pays de la région sur sept ne dispose pas d’un service d’assainissement, a-t-elle observé. De l’avis de la représentante britannique, des thèmes communs peuvent être dégagés, comme l’amélioration de l’accès au crédit, la mise en place de réformes du logement et du principe de «payeur-pollueur» dans le domaine de l’assainissement afin de protéger les plus démunis. Ce n’est que l’action qui nous fera avancer, a-t-elle ajouté, sachant qu’elle ne va pas sans une véritable coopération avec les pays voisins et la mise en place de partenariats. Les systèmes deviennent rentables dès lors que tout le monde est impliqué, a-t-elle estimé.
Mme ERSAN, Membre du Conseil consultatif de la jeunesse auprès du Ministère canadien de l’environnement, a rappelé que les jeunes sont un des groupes les plus vulnérables en matière de logement et d’assainissement. Dotées d’abondantes ressources en eau, le Canada s’est prononcé contre toute commercialisation d’une denrée qui est un droit fondamental. Elle a exhorté les gouvernements à écouter les jeunes Canadiens et à faire en sorte que ce droit soit préservé. Si privatisation il y a, il faut qu’elle réponde aux intérêts des communautés, a insisté la représentante des jeunes. Passant à la question de l’urbanisation, elle a préconisé le remplacement de l’idée de « banlieues romantiques » par celle d’un développement durable des villes. La communauté des jeunes dans le monde veut des changements de concepts et de pratiques et pour y arriver, il faut promouvoir l’éducation. Au Canada, les capacités sont là pour jouer le rôle de chef et le Gouvernement canadien devrait en tenir compte, a-t-elle conclu.
Le représentant de l’Irlande, qui s’exprimait au nom de l’Union européenne, a souligné que, dans le domaine des établissements humains, l’Union européenne soutenait un modèle de planification urbaine compacte, déjà visible dans plusieurs centres urbains européens, lequel vise à une meilleure qualité de vie des habitants des villes européennes. Les efforts sont particulièrement orientés vers la mise en place d’une politique des transports, de mesures améliorant la qualité de l’environnement ou favorisant l’intégration sociale.
Pour le représentant de la Norvège, l’élaboration de plans de gestion intégrée des ressources en eau est un véritable défi que la région doit relever. La Norvège, a-t-il dit, a affecté une enveloppe importante à ce processus. Concernant ces plans, le représentant de la Suisse a mis l’accent sur la nécessité de protéger des écosystèmes et d’exploiter le potentiel du secteur privé. Aussi, le Gouvernement suisse et une grande compagnie d’assurances ont-ils élaboré un modèle qui pourrait servir à d’autres pays. Dans le domaine des établissements humains, le représentant de l’Irlande a, au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, appuyé un modèle de planification urbaine compacte, déjà visible dans plusieurs centres urbains européens, lequel vise l’amélioration de la qualité de vie. Les efforts sont particulièrement orientés vers la mise en place d’une politique des transports et de mesures améliorant la qualité de l´environnement ou favorisant l’intégration sociale.
Le représentant de Cuba a souligné l’importance qu’il y a à procéder à des échanges d’informations sur la production et la consommation d’eau et a insisté sur la nécessité d’aider les pays en développement. Intervenant à son tour, le représentant de la Fédération de Russie a indiqué qu’il convenait de se concentrer sur l’application concrète des décisions prises concernant les sources et les ressources à tous les niveaux. La question de l’approvisionnement en eau est de première importance pour les pays de la sous-région, a-t-il noté. En élaborant une politique pour les groupes régionaux, il est indispensable de penser aux outils qui pourront être utilisés pour protéger les populations de ces pays. Le représentant des Etats-Unis a commenté l’idée émise plus tôt de conférer à l’eau un statut de droit fondamental de l’homme, la jugeant secondaire. Notre temps est limité et précieux, a-t-il estimé, et il est nécessaire de se concentrer sur des éléments pratiques et sur l’application au niveau local des mesures décidées. La représentante du Grand groupe des femmes a, quant à elle, fait valoir que son groupe ne souhaitait pas seulement être consulté sur les questions relatives au débat, mais pouvoir également agir. Le représentant du Grand groupe des syndicats a jugé essentiel de considérer les travailleurs, qui sont des cibles des problèmes de réduction d’eau, d’être considérés comme parties prenantes au débat.
Concluant cette discussion, la représentante du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) s’est félicitée du niveau élevé de coopération avec la CEE. Se fondant sur l’expérience du Forum de mise en œuvre et des préparatifs de la douzième session de la Commission, elle a souhaité une synchronisation plus avant des efforts du Bureau européen du PNUE et de la CEE. Soulevant la question de l’approche de la gestion intégrée par les bassins fluviaux, le représentant du Nigéria a dit vouloir apprendre de l’expérience de l’Europe. Cette disposition a été saluée par la représentante du Royaume-Uni qui a jugé important que les différentes régions apprennent les unes des autres. En guise de mot de la fin, la Secrétaire exécutive de la CEE a relevé un consensus sur la nécessité de donner la priorité à la bonne compréhension des liens entre l’eau et la santé. Elle a aussi noté le consensus qui s’est dégagé sur l’importance de la coopération régionale pour accélérer les efforts entrepris afin de respecter les délais fixés par le Programme de mise en œuvre de Johannesburg. Beaucoup de participants ont reconnu que la CEE, qui est certes chargée de problèmes européens, peut néanmoins partager son expérience avec les autres commissions régionales, a-t-elle dit en se félicitant, à son tour, de la disposition du Nigéria à bénéficier de l’expérience de l’Europe. Elle a réservé le mot de la fin à la nécessité d’un partenariat avec la société civile et le secteur privé.
MODULE THEMATIQUE DU CYCLE D’APPLICATION 2004-2005: CONTRIBUTIONS DES GRANDS GROUPES A L’EAU, A L’ASSAINISSEMENT ET AUX ETABLISSEMENTS HUMAINS
Un dialogue interactif entre les grands groupes et les gouvernements a également eu lieu en parallèle de la séance de la Commission du développement durable consacrée à l’examen de synthèse des questions thématiques relatives à l’eau. Ce dialogue visait en particulier à favoriser le partage des meilleures pratiques et à tirer les enseignements des expériences des participants en matière d’eau, d’assainissement et d’établissements humains.
L’accent a notamment été mis sur l’importance de l’éducation et de la définition des besoins particuliers des différentes catégories de population. C’est ainsi que les jeunes ont été identifiés par divers intervenants comme des partenaires clefs du développement durable. Leur représentant a d’ailleurs lancé un appel pour que les gouvernements ne négligent pas cette catégorie de la population en leur permettant, notamment, d’être représentés dans toutes les instances internationales décisionnelles en matière de développement durable. A cet égard, il a regretté que seuls cinq Etats Membres aient pleinement financé la participation de jeunes à cette 12ème session. Les besoins particuliers des populations autochtones ont également été soulignés par leur représentant qui a insisté sur les contributions qu’elles pouvaient apporter en termes de connaissances traditionnelles de l’exploitation des sols, laquelle peut représenter une alternative aux formes d’exploitation intensives. Le représentant de la communauté scientifique et technologique a, pour sa part, exhorté les pays à accroître leurs investissements en matière d’éducationdans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable qui débutera l’année prochaine.
La contribution que les femmes peuvent apporter à une gestion durable des ressources en eau a également été mise en lumière. Faisant remarquer que ces dernières portaient souvent la charge de la pénurie d’eau, leur représentante a recommandé que les décisions en la matière soient prises selon une perspective sexospécifique et a abordé la question de l’accès permanent à l’eau par le biais de l’octroi de titres de propriété, notamment en faveur des femmes autochtones. La représentante de la Suède a pour sa part insisté sur la nécessité de recueillir des données ventilées entre hommes et femmes pour pouvoir évaluer les rôles respectifs des hommes et des femmes. Une attention particulière doit aussi être portée aux femmes rurales, a souligné le représentant des agriculteurs qui a rappelé que l’eau potable est un besoin qui va au-delà des zones urbaines. Des règles claires doivent être établies pour aider les agriculteurs dans les efforts qu’ils déploient pour mieux gérer l’eau, a-t-il fait remarquer. Pour ce faire, la collaboration entre les agriculteurs et la communauté scientifique a été encouragée aussi bien par les représentants des grands groupes que par les délégations. A cet égard, les représentants de la communauté scientifique et technologique et du milieu des affaires et de l’industrie ont plaidé en faveur d’une approche multisectorielle en matière de gestion de la crise de l’eau afin de créer une synergie entre tous les acteurs concernés et d’englober l’expérience acquise dans tous les secteurs pour le développement d’un véritable potentiel humain en vue de susciter des comportements plus responsables.
Les intervenants ont également exprimé l’espoir que la privatisation de l’eau n’entraîne pas sa réduction au simple statut de bien: l’eau doit avant tout être considérée comme un droit, a déclaré le représentant du Burkina Faso. La privatisation ne doit pas non plus exempter les gouvernements à assumer leurs responsabilités en matière de fourniture d’eau potable au plus grand nombre, a déclaré le représentant des syndicats qui a également rappelé les entreprises à leurs responsabilités sociales et environnementales. C’est pourquoi, les syndicats doivent participer activement au processus de privatisation, a estimé le représentant de la Fédération de Russie. La représentante des ONG a, quant à elle, posé la question du financement de l’accès à l’eau et a souhaité que le lien soit établi entre l’aide au développement et la réduction de la dette. Il faut repenser les mécanismes internationaux et mobiliser de nouvelles ressources, a-t-elle préconisé.
Ces ressources, a indiqué le représentant des autorités locales, devraient s’inscrire dans le cadre de la tendance à la décentralisation et être gérées au niveau des communautés, notamment dans les pays en développement. Cependant, a nuancé le représentant, les gouvernements centraux doivent continuer à jouer leur rôle en matière de définition des règles et des codes de conduite. Dans la même optique, tout en reconnaissant le rôle moteur des partenariats, plusieurs intervenants ont estimé que ces derniers ne devaient cependant pas exempter les gouvernements de leurs responsabilités sociales. Les grands groupes doivent quant à eux jouer un rôle de contrôle des politiques gouvernementales, a estimé le représentant des syndicats et leur poids doit être renforcé, a estimé le représentant de l’Afrique du Sud, qui a même suggéré que la voix des grands groupes soit entendue au même titre que celle des délégations dans le cadre des débats des Nations Unies.
Les participants au débat interactif ont par la suite discuté de la question de savoir comment concilier les différentes utilisations de l’eau. Cette question se pose surtout dans les régions où les ressources sont limitées, a fait remarquer le représentant du Lesotho qui a insisté sur la difficulté, pour les gouvernements, de définir des politiques de gestion de l’eau reposant sur un équilibre entre l’utilisation domestique, agricole ou encore industrielle de l’eau. Plusieurs intervenants ont souligné l’importance de l’augmentation de la productivité de l’eau au détriment de l’intensification de son usage. A cet égard, l’ancien Ministre de l’eau et de l’irrigation de Jordanie, M. MUNTER HADDADIN, a fait part des mesures prises par son pays pour gérer la demande et l’offre en eau. Une politique foncière et un système de crédit agricole pour une utilisation rationnelle des terres et de l’eau ont notamment été mis en place pour gérer les terres arables et limiter les effets négatifs sur l’environnement de la construction de barrages.
M. FRANCK RIJSBERMAN, Directeur général de l’Institut international de gestion de l’eau du Sri Lanka, a pour sa part estimé que la conciliation des différents usages de l’eau revenait à gérer conjointement ce secteur. La nécessité de mettre en œuvre des programmes de gestion intégrée et de promouvoir un processus de participation multiple pour préserver les écosystèmes a de même été soulignée par M. ALFRED DUDA, Conseiller International Waters, Global Environmental Facility. Sur ce point, tout en faisant part des problèmes de sécheresse que connaissent leurs pays, les représentants de l’Algérie et de l’Arabie saoudite ont indiqué que leurs gouvernements donnaient la priorité à la gestion intégrée des ressources en eau, à la promotion de partenariats entre divers secteurs concernés et à la mise en place de programmes de dessalement de l’eau de mer. Le représentant des syndicats a pour sa part lancé un appel au monde des affaires et de l’industrie pour un traitement en commun de la question. Les partenaires traditionnellement exclus, notamment les femmes, doivent à présent être intégrés à la définition des stratégies, a-t-il ajouté. Le représentant des agriculteurs a pour sa part lancé un appel aux gouvernements pour qu’ils évaluent leurs ressources en eau disponibles de façon à élaborer une gestion efficace en la matière et de pouvoir dresser la liste des priorités entre les différents usages de l’eau.
En ce qui concerne la question de savoir comment concilier la demande en eau et sa conservation, M. Rijsberman a souligné l’importance d’une approche globale de conservation fondée sur la préservation des bassins hydrographiques. Le comportement citoyen des populations a aussi été mis en exergue. Tout d’abord par M. APICHART ANUKULARMPHAI, Professeur à l’Institut asiatique de technologie de Thaïlande, qui a insisté sur la nécessité d’éliminer les comportements domestiques de gaspillage, puis, par M. DAVID BROOKS, représentant des Amis de la terre, Canada, qui a plaidé en faveur d’une alimentation plus végétarienne, de nature, selon lui, à limiter les besoins en eau.
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