LE CHEF DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES PLAIDE DEVANT L’ECOSOC POUR UNE RÉVOLUTION MORALE, ÉTHIQUE ET POLITIQUE
Communiqué de presse ECOSOC/6076 |
Conseil économique et social
Session de fond de 2004
33e et 34e séances – matin et après-midi
LE CHEF DES OPÉRATIONS HUMANITAIRES PLAIDE DEVANT L’ECOSOC
POUR UNE RÉVOLUTION MORALE, ÉTHIQUE ET POLITIQUE
Après avoir achevé l’examen des activités opérationnelles de l’ONU, par l’adoption consensuelle d’une résolution sur le prochain rapport du Secrétaire général, le Conseil économique et social (ECOSOC) est passé aujourd’hui à la question de l’aide humanitaire et des secours en cas de catastrophe. Le débat a été ouvert par une question du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours d’urgence et Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires. Répondons-nous toujours aux besoins de nos bénéficiaires quels qu’ils soient, où qu’ils soient, a demandé Jan Egeland, en souhaitant qu’à « la révolution logistique » qui permet aujourd’hui de faire plus, corresponde une « révolution morale, éthique et politique » parmi les États et les groupes armés.
Cette deuxième révolution, le Secrétaire général adjoint l’a voulue parce que, a-t-il expliqué « nous fonctionnons désormais dans des situations nouvelles où des méthodes et des acteurs nouveaux nous forcent à réexaminer nos pratiques, où des menaces nouvelles à notre sécurité testent notre détermination et où l’impartialité de notre rôle est devenue moins perceptible ». Pour Jan Egeland, les doutes à ce sujet résultent de la présence renforcée des sociétés privées et de forces militaires dans l’action humanitaire ainsi qu’à la complexité des missions intégrées.
Les propos du Secrétaire général adjoint et ses avertissements sur l’impossibilité d’agir efficacement « sans accès, sans sécurité et sans ressources financières » ont été abondamment commentés par les 17 intervenants qui ont pris part au débat. S’agissant de l’impartialité, le représentant du Japon a préconisé une implication « plus grande et plus tôt » des populations concernées mais aussi des organisations régionales. Cette position a été suivie par une mise en garde du représentant de l’Afrique du Sud qui a dit craindre que l’intervention régionale ne tende à exonérer la communauté internationale de ses obligations. Le représentant japonais a également évoqué, aux côtés de celui de la Suisse, les problèmes liés à la présence des forces militaires dans l’action humanitaire. Si les deux hommes l’ont jugée « parfois indispensable », le deuxième a insisté sur son caractère exclusivement complémentaire de l’action civile.
Alors que les besoins d’aide humanitaire sont restés plus ou moins au même niveau que les années précédentes, s’établissant à quelque deux milliards 860 millions de dollars, les questions de financement ont été évoquées par l’ensemble des délégations. Le représentant des Pays-Bas a, au nom de l’Union européenne, argué qu’en vue d’attirer plus de ressources, les agences humanitaires devraient mieux coordonner leurs activités et établir des priorités. Les donateurs, a-t-il rappelé, se sont engagés à améliorer leur coordination et leur financement en adhérant à l’Initiative des bonnes pratiques d’action humanitaire dite « Good Humanitarian Donorship ». Les donateurs, a précisé le représentant du Canada, s’efforcent d’établir une définition complète de l’action humanitaire à des fins statistiques. Par l’entremise du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), ils cherchent à faire inclure l’action humanitaire dans le processus d’examen par les pairs.
Parmi les nombreux commentaires qui ont été faits au sujet de la sécurité des travailleurs humanitaires, le représentant du Qatar, au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a posé comme condition préalable une bonne collaboration entre les organismes de secours. À l’instar de nombreuses délégations, le représentant de la Norvège a exhorté tous les États qui ne l’ont pas encore fait à devenir parties à la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel. Il a d’ailleurs jugé utile de compléter le régime de la Convention par un texte juridique prévoyant plus clairement les sanctions.
La question des catastrophes naturelles occupera le devant de la scène demain mardi 13 juillet. Le Conseil économique et social tiendra, à partir de 10 heures, une réunion-débat sur le renforcement de la planification et de l’organisation des interventions visant à faire face aux catastrophes naturelles.
ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DU SYSTÈME DES NATIONS UNIES AU SERVICE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT: SUITE DONNÉE AUX RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE GÉNÉRALE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ET DU CONSEIL
Le projet de résolution figurant au document E/2004/L.5 a été adopté par consensus.
ASSISTANCE ÉCONOMIQUE SPÉCIALE, AIDE HUMANITAIRE ET SECOURS EN CAS DE CATASTROPHE
Déclarations
M. JAN EGELAND, Coordonnateur des Nations Unies pour les secours d’urgence et Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, a indiqué que, dans certaines parties du monde, les perspectives de paix sans précédent ont permis à son Bureau d’enregistrer des progrès substantiels dans les domaines prioritaires identifiés l’année dernière. Nous avons, a-t-il dit, renforcé l’appui systémique et matériel aux pays sortant des crises et pris des mesures concrètes pour améliorer, au niveau du terrain, l’assistance aux personnes déplacées. Nous avons, a-t-il encore dit, avancé dans l’identification des causes des catastrophes naturelles et fait de réelles avancées dans notre capacité d’identifier et de hiérarchiser les besoins. Le Secrétaire général adjoint a néanmoins estimé que ces acquis ont été éclipsés par des évènements dramatiques du point de vue humanitaire. Il a cité les millions de personnes victimes des inondations au Bangladesh et en Inde et les 26 000 morts du tremblement de terre de Bam en Iran, en décembre dernier. Des millions de personnes, a-t-il ajouté, ont dû fuir la violence et la peur au Darfour et pour nombre d’entre eux, l’assistance humanitaire n’a pas été à la hauteur de la situation.
L’année dernière, a-t-il poursuivi, a également été marquée par les attaques perpétrées contre le personnel humanitaire, en République démocratique du Congo, en Iraq et en Afghanistan. Nous fonctionnons désormais dans des situations nouvelles, a-t-il expliqué, où de nouveaux acteurs et méthodes nous forcent à réexaminer nos pratiques, où des menaces nouvelles à notre sécurité testent notre détermination et où notre rôle impartial est devenu moins clair. De nombreux partenaires humanitaires, a-t-il indiqué, sont préoccupés par l’implication grandissante des sociétés privées et des forces militaires dans les activités de secours. Le nombre croissant de missions intégrées est en train de changer la manière dont nous travaillons et, en conséquence, la manière dont nous sommes perçus.
En tant que communauté humanitaire, s’est interrogé le Secrétaire général adjoint, répondons-nous aux besoins de nos bénéficiaires quels qu’ils soient, où qu’ils soient et dans quelle mesure? Il a répondu en arguant qu’à « la révolution logistique » qui permet de faire plus doit correspondre une révolution morale, éthique et politique parmi les États Membres et les groupes armés. C’est la seule façon, a-t-il insisté, d’appliquer utilement et intelligemment les technologies sophistiquées disponibles aujourd’hui. Sans l’accès, la sécurité et les ressources financières nécessaires, il ne sera pas possible de se servir de ces instruments pour agir toujours et partout en fonction des besoins et ce, conformément aux principes-directeurs en vigueur. Les instruments internationaux sont également inutiles dans un contexte local et national caractérisé par le manque de capacités, a-t-il ajouté, en parlant particulièrement des catastrophes naturelles.
À ce jour, a-t-il poursuivi, en évoquant la question des ressources financières, seuls 29% des sommes demandées par les appels consolidés ont été mis à la disposition des organismes concernés. Le Secrétaire général adjoint s’est également dit préoccupé par la participation limitée au financement humanitaire. Pourquoi, s’est-il interrogé, la base des donateurs demeure la même alors qu’il existe des économies florissantes en Asie, en Amérique latine, dans le Golfe et ailleurs. Le concept de « communauté humanitaire » exige des partenariats régionaux et internationaux capables de répondre aux crises de manière plus substantielle et équitable. Le Secrétaire général adjoint a ensuite abordé les questions de la sécurité, des personnes déplacées, de la violence sexuelle, de l’intégration de la perspective sexospécifique, du passage de l’aide humanitaire à l’aide au développement, de l’évaluation des questions humanitaires et de la mise en œuvre de la Stratégie de Yokohama de 1994.
Nous sommes ici, a-t-il conclu, parce que la réponse aux besoins n’est pas adéquate. Au Darfour, la réponse s’est fait attendre trop longtemps, la violence insensée contre les civils s’est perpétrée, l’accès à ces personnes a été bloqué, le niveau d’insécurité est resté élevé, et les ressources ont été inexistantes. Le Secrétaire général adjoint a donc lancé un appel urgent pour que le Conseil économique et social réfléchisse aux moyens de renforcer l’action humanitaire et de s’assurer que les performances soient à la hauteur des défis. En tant que « communauté humanitaire », nous devons aux populations vulnérables d’être fidèles à nos promesses.
Intervenant au nom du Groupe des 77 et la Chine, M. JAMAL NASSER AL-BADER (Qatar) a souligné la nécessité de renforcer le développement des capacités nationales de planification préalable et de prévention dans les pays sujets à des catastrophes naturelles. Il a souhaité le renforcement des systèmes nationaux et régionaux d’alerte précoce, des programmes d’atténuation des risques et des organisations de secours, pour améliorer la rapidité des interventions, en renforcer les mécanismes et mieux cibler l’aide à fournir. Dans ce domaine, a-t-il ajouté, nous attendons beaucoup de la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes qui se tiendra à Kobe (Japon) du 18 au 22 janvier 2005. Le représentant s’est félicité de la contribution du Groupe des Nations Unies pour le développement et du Comité exécutif pour les affaires humanitaires au renforcement des processus de paix dans les pays émergeant de conflits ainsi que de leurs efforts pour établir les bases d’une réponse efficace de Nations Unies en ce qui concerne le passage de la phase de secours à la phase de développement par le biais d’une planification plus cohérente et d’une mobilisation plus appropriée des ressources. Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité de fournir au personnel humanitaire la protection nécessaire à la réalisation de sa mission. À cet égard, il a défini la collaboration entre les organismes humanitaires comme une condition préalable de l’amélioration de la situation sécuritaire. Les problèmes humanitaires étant de plus en plus intimement liés, a-t-il dit, il faut systématiquement tenir compte de la lutte contre le VIH/sida dans la planification et la programmation des activités humanitaires, notamment l’évaluation de la vulnérabilité, et l’associer à des activités humanitaires et de développement pour qu’elle s’inscrive dans le long terme.
M. JAN BERTELING, Directeur du Département des droits de l’homme de la construction de la paix au Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, a déclaré, au nom de l’Union européenne et des pays candidats, que l’Union européenne soutenait les efforts déployés par le Coordonnateur des secours d’urgence de l’ONU, Jan Egeland, dans les crises qui affectent le monde, et notamment celle du Darfour. L’Union européenne (UE) se félicite, a-t-il dit, de l’accord sur l’amélioration de l’accès des personnels humanitaires au Darfour et demande instamment au Gouvernement soudanais d’honorer cet engagement et de mettre fin aux violations des droits de l’homme, tout en s’assurant que les parties respectent les termes du cessez-le-feu signé à Ndjaména, au Tchad, le 8 avril dernier. Cependant, a relevé M. Berteling, le Darfour n’est pas la seule région en crise où l’accès aux populations sinistrées est difficile. Plus de 10 millions de personnes vivant dans une vingtaine de pays sont incapables de recevoir l’aide dont elles ont besoin, a-t-il fait remarquer, en demandant que la protection des civils soit reconnue par toutes les parties à des conflits.
Concernant la coordination, a précisé le représentant, l’Union européenne veut mettre l’accent sur le financement des opérations. Cette année, a-t-il noté, les fonds disponibles sont moins importants qu’au cours des deux années écoulées. Le Darfour suscite moins d’intérêt que l’Afghanistan et l’Iraq, ce qui amène les Nations Unies à lancer des appels répétés pour des ressources plus stables sortant des budgets spéciaux. En vue d’attirer plus de ressources, les agences humanitaires devraient mieux coordonner leurs activités et établir des priorités, a recommandé M. Berteling, en notant que les donateurs s’étaient engagés à améliorer leurs pratiques en matière de coordination et de financement dans le cadre de l’initiative « Good Humanitarian Donorship ». Le deuxième point sur lequel l’Union européenne veut insister est celui des abus sexuels, a dit M. Berteling, en relevant que de plus en plus de parties à des conflits recourent au viol comme arme, ce qui est un crime contre l’humanité. Des actions doivent être prises pour traduire en justice les auteurs de ce genre d’actes, a-t-il déclaré. À cet égard, l’Union européenne demande aux États Membres de prendre des mesures similaires contre leurs personnels en uniforme qui se rendent coupables de sévices sexuels dans le cadre de leurs missions sous le drapeau de l’ONU.
Concernant la réaction aux effets des catastrophes naturelles, M. Berteling a déclaré que l’Union européenne soutient le rôle joué par les secours d’urgence de l’ONU et les autres agences travaillant dans ce domaine. L’UE mettra aussi en place un mécanisme européen de réponse aux effets négatifs des catastrophes naturelles qui complètera et soutiendra les capacités de l’ONU, a annoncé le représentant. En ce qui concerne la sécurité, l’Union européenne se félicite des mesures d’analyse de risque mises en place par l’ONU, a dit M. Berteling, en ajoutant cependant que cette analyse des risques ne devrait pas aboutir à la politique du « zéro risque » qui pourrait remettre en question la crédibilité de l’Organisation.
M. SHINICHI KITAOKA (Japon) s’est, à son tour, inquiété de la manière dont l’action humanitaire est désormais perçue parmi les populations concernées. Il a jugé essentiel de garder à l’esprit que les principaux protagonistes sont ceux qui se retrouvent dans une situation difficile. Il est nécessaire que les travailleurs soient là pour aider les populations locales qui doivent être autorisés à s’approprier le processus et à mettre à contribution les points forts de leur héritage social et culturel. Le représentant a appelé les travailleurs humanitaires à respecter les coutumes locales et à faire appel le plus vite possible aux ONG locales. Il les a aussi appelés à appuyer très rapidement les efforts déployés par les populations locales pour devenir autosuffisantes. Citant une autre forme d’appropriation, le représentant a pointé du doigt les organisations régionales qui peuvent faire beaucoup. Venant à la question de l’engagement des forces militaires dans l’action humanitaire, le représentant a argué que cette présence se justifie parfois. Il faut en parler, a-t-il dit, sous le double angle de son impact sur la perception d’une action humanitaire mais aussi de son utilité pour acheminer l’assistance. Le représentant a conclu sur la question des catastrophes naturelles en espérant que la Conférence mondiale qui doit se tenir à Kobe en janvier prochain sensibilisera à la nécessité de réduire ces catastrophes et de créer des communautés capables d’y faire face. Il a aussi espéré un partage dynamique d’expériences.
M. VASSILY NEBEZIA (Fédération de Russie) a souligné l’importance de la neutralité et du respect de l’intégrité territoriale dans les activités humanitaires. La protection juridique des personnes déplacées doit se faire sur la base de la législation nationale et conformément aux règles établies par le droit humanitaires international. Nous prenons acte de la volonté de renforcer la collaboration des organismes humanitaires en matière de personnes déplacées. La neutralité et l’impartialité des organismes humanitaires ne constituant plus une garantie de protection du personnel humanitaire, il devient urgent d’adopter des mesures effectives conformément aux dispositions sur la Convention de la sécurité du personnel des Nations Unies. Le représentant a appuyé le développement des capacités nationales de planification préalable et de prévention dans les pays sujets à des catastrophes. Il a souhaité l’amélioration des systèmes nationaux et régionaux d’alerte précoce, des programmes d’atténuation des risques et la consolidation des organisations de secours, en vue d’interventions plus rapides et plus efficaces, ceci dans le souci de parvenir à un mécanisme global de réaction rapide. En outre, il a fait sienne la recommandation du Secrétaire général tendant à ce que le plafond des subventions d’urgence en espèces soit fixé à 100 000 dollars par pays et par catastrophe, dans les limites des ressources disponibles inscrites au budget ordinaire.
M. TONI FRISCH (Suisse) s’est félicité que le rapport du Secrétaire général identifie les vrais domaines prioritaires pour les travailleurs humanitaires. Il a rappelé son attachement au droit international et aux normes universelles de comportement. Il faut, a-t-il dit, démontrer par les actes que l’aide humanitaire est empreinte de valeurs partagées par toutes les cultures et tous les continents. Il s’est dit d’avis que la responsabilité première des secours d’urgence incombe aux organisations civiles qui peuvent, le cas échéant, être appuyées par des forces militaires. Les mécanismes interinstitutions de coordination humanitaire sont indispensables, a-t-il poursuivi en citant OCHA. Il a rappelé que son pays a présidé le Groupe de soutien des donateurs d’OCHA avant d’insister sur la nécessité pour le pilier humanitaire des missions intégrées de reposer sur une analyse approfondie. Le représentant a également jugé indispensable de prévoir des mécanismes nationaux de réponse aux situations d’urgence, élaborés avec les ONG nationales et internationales et les organisations internationales, y compris les organisations financières. Il a aussi jugé utile de mettre en place des mécanismes après les situations de catastrophes naturelles. Le représentant a conclu sur la question de la sécurité du personnel humanitaire en demandant la poursuite systématique des coupables.
M. WEGGER CHRISTIAN STROMMEN (Norvège) a déclaré que son pays soutenait la recherche d’une plus grande cohérence et d’une plus grande efficacité dans les réponses aux crises que mène l’ONU. Cependant, cette recherche ne devrait pas compromettre l’intégrité humaine et créer le moindre doute sur le travail des organisations humanitaires, a poursuivi le représentant qui a pris pour exemple le déroulement des opérations de la Mission intégrée des Nations Unies au Libéria, où l’ONU, selon lui, devrait faire très attention. Des efforts doivent être déployés pour disséminer plus largement les principes humanitaires, a-t-il recommandé. D’autre part, a déclaré M. Strommen, la Norvège réitère son engagement à fournir une plus grande protection juridique aux personnels de l’ONU et aux personnels qui leur sont associés et qui opèrent, au nom de la communauté internationale, dans des environnements difficiles. Nous exhortons donc tous les États qui ne l’ont pas encore fait à devenir parties à la Convention de 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et des personnels associés et à la mettre pleinement en œuvre, a-t-il dit. D’autre part, a précisé M. Strommen, la Norvège pense que le régime de la Convention devrait être élargi par le biais de l’adoption d’un texte juridique supplémentaire.
M. GEORGE O. OWUOR (Kenya) a déclaré que sa délégation soutenait l’appel en faveur d’une augmentation des ressources de base allouées aux opérations de secours humanitaire et d’assistance d’urgence, notamment dans les zones où vivent des populations déplacées. 25 millions de personnes à travers le monde sont en situation précaire, a dit le représentant en citant les chiffres des derniers rapports sur les personnes déplacées par des conflits. Le Kenya soutient un renforcement de la coordination des activités du système de l’ONU, en vue de favoriser la réintégration de ces populations, et à cet égard il se félicite des opérations de rapatriation et de réinstallation en cours en Angola, en Érythrée, au Rwanda et en Sierra Leone. Il encourage les récents développements qui se sont produits en République démocratique du Congo, a dit M. Owuor. Le Kenya, a-t-il poursuivi, condamne les violences sexuelles contre les femmes et les mineures qui ont contribué à la propagation du VIH/sida dans certaines zones de conflits. Pour lutter contre ce problème, notre Gouvernement mène une action en trois volets: mise en œuvre de mesures juridiques, établissement de structures de soins et campagnes d’information, a dit le représentant. Il a indiqué que le Kenya soutenait les mesures spéciales adoptées par l’ONU en 2003 en ce qui concerne le comportement de ses troupes de maintien de la paix et de ses personnels civils. Le Kenya entérine la proposition du Secrétaire général tendant à ce que le plafond des subventions d’urgence en espèces soit fixé à 100 000 dollars par pays et par catastrophe, a dit M. Owuor.
M. YURIY V. ONISHCHENKO (Ukraine) a noté les progrès faits par l’ONU dans le domaine de la préparation aux cas d’urgence, de la planification, de la gestion des catastrophes, de l’interface entre la communauté humanitaire et militaire, et de la protection des victimes de l’exploitation sexuelle. Il s’est aussi attardé sur la question de la sécurité du personnel humanitaire en demandant, à son tour, la poursuite systématique des coupables d’actes de violence. Le représentant a, par ailleurs, jugé décourageant que le VIH/sida complique davantage les situations de conflit. Il a indiqué qu’en tant que contributeur de troupes important, son pays a été parmi les premiers à incorporer un volet « VIH/sida » dans son programme de formation aux troupes déployées. Le représentant a poursuivi en se félicitant des progrès effectués dans la mise en place des mécanismes de financement et de passage de l’aide humanitaire à l’aide au développement. Il a conclu sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl, en réitérant l’importance de l’action de l’ONU. Il a estimé que le transfert des fonctions de coordination d’OCHA au PNUD permettra de stimuler la mobilisation des ressources et de renforcer l’impact des activités programmatiques sur le terrain.
M. ZHANG YISHAN (Chine) a appelé les États qui le peuvent à accroître le montant de leurs contributions aux opérations d’aide humanitaire et à réduire la proportion de fonds qu’ils versent, hors des budgets réguliers, pour des projets identifiés à l’avance, de manière à ce que les ressources d’assistance soient allouées selon les besoins immédiats et les urgences à la suite de catastrophes. La Chine est d’autre part préoccupée par la multiplication des actes terroristes et autres actes de violence qui rendent difficile la conduite des opérations humanitaires et empêchent les personnels de secours de porter assistance aux populations et aux personnes qui sont dans le besoin, a poursuivi M. Zhang Yishan. D’autre part, a-t-il indiqué, la délégation de la Chine espère que les Nations Unies et la communauté internationale respecteront toujours les principes « d’humanité, de neutralité et d’impartialité » instaurés par la résolution 46/182 de l’Assemblée générale, en ce qui concerne la fourniture de l’assistance humanitaire. Cette résolution, a rappelé le représentant, précise que l’aide doit être fournie avec l’accord des pays affectés. Nous espérons aussi qu’OCHA coordonnera mieux les secours et la livraison de l’aide dans les pays touchés par les catastrophes, tout en se servant au maximum des forces et avantages des différentes agences et fonds de l’Organisation afin de mieux gérer les ressources disponibles. Enfin, a dit le représentant, la Chine, qui dans le passé a bénéficié de l’aide d’OCHA, est prête à travailler en partenariat avec ce Bureau pour venir au secours des pays aujourd’hui touchés par des catastrophes naturelles et des urgences humanitaires.
M. A. GOPINATHAN (Inde) a rappelé la nécessité de faire en sorte que l'assistance humanitaire repose sur les principes de neutralité, d'humanité et d'impartialité énoncés par la résolution 46/182 (1991). Il a suggéré de donner un visage local à l'action humanitaire, ce qui pourrait être fait en s'assurant que le personnel, dans sa majorité, connaît le lieu où est menée cette action et comprend la nature même de la crise. De même, le recours aux ressources locales ou en provenance de régions avoisinantes favoriserait la capacité de reconstruction au niveau local. À ce propos, l'attribution et la disponibilité des ressources reste un sujet d'une importance vitale, a poursuivi le représentant, qui a rappelé que leur répartition demeurait inégale, certains pays étant considérablement sous financés. S'inquiétant donc des risques de « favoritisme humanitaire », il a souligné le rôle des institutions financières internationales dans l'évaluation des besoins au lendemain des conflits. L'Inde a par ailleurs invité les pays donateurs à augmenter les crédits indispensables aux opérations de secours comme à subvenir aux besoins critiques qui se manifestent dans tous les secteurs. Enfin, la délégation a recommandé d'éviter à l'avenir la multiplicité des acteurs, de crainte que la fonction de coordination ne prévale sur l'action humanitaire sur le terrain. Le représentant a aussi insisté sur l'importance de respecter complètement le principe de la souveraineté nationale.
M. GILBERT LAURIN (Canada) a souligné la nécessité de reconnaître les progrès importants accomplis par les Nations Unies et d’autres pour corriger les graves lacunes signalées lors de l´évaluation effectuée par plusieurs pays et donateurs de la réponse au génocide rwandais et de l’urgence humanitaire qui en a découlé. Néanmoins, a-t-il ajouté, un grand nombre des défis mis en lumière en 1994 nous préoccupent encore aujourd’hui. Il faut, a-t-il dit, continuer de nous efforcer de répondre aux besoins de protection des civils touchés par les conflits; développer des réponses appropriées et opportunes aux crimes de guerre, aux crimes contre l’humanité et aux génocides; assurer et maintenir l’accès et la sécurité des travailleurs humanitaires; clarifier les rapports entre les acteurs politiques, humanitaires et militaires ainsi que les moyens de promouvoir la cohérence; réduire au minimum les comportements contreproductifs des donateurs, des agences et des gouvernements affectés. La situation en RDC, au Soudan, dans le Nord de l’Ouganda et dans quelques autres zones de conflit, nous oblige à trouver des solutions à ces problèmes. Parmi les autres défis, il a notamment cité le renforcement des capacités des collectivités, des pays et des régions vulnérables. Nous convenons avec le Secrétaire général que la communauté internationale doit mieux communiquer ses objectifs aux populations locales et aux acteurs non étatiques armés. Par ailleurs, il s’est dit profondément perturbé par l’incapacité de nombreux États et groupes armés de respecter le droit humanitaire et ses principes. La communauté internationale, a-t-il ajouté à cet égard, doit réagir fermement aux violations des droits de la personne. Il faut combattre énergiquement l’impunité et nous appuyons l’idée que les organisations régionales doivent jouer un rôle plus actif dans la protection des civils.
M. LUIS GALLEGOS (Équateur) a consacré son intervention à la question des catastrophes naturelles, en particulier celles dues au changement climatique. Nous sommes précisément face à un scénario-catastrophe, a-t-il prévenu avant d’appeler au développement des activités visant à réduire les risques et à perfectionner les réponses. À ce propos, il a jugé que la prochaine Conférence mondiale sur la question présentera une occasion unique.
M. IBRAHIM OSMAN, Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a d’emblée noté le besoin incontestable de faire plus en matière d’action humanitaire. Il a regretté la tendance à traiter les différents aspects de l’action humanitaire de manière séparée alors que seul un programme commun permettra de répondre aux problèmes. Il est essentiel de comprendre les lois et règles qui s’appliquent afin d’avoir une bonne vision d’ensemble de la situation humanitaire. Dans la partie consacrée aux catastrophes naturelles, il a fait sienne la recommandation du Secrétaire général de renforcer le développement des capacités nationales de planification préalable et de prévention dans les pays sujets à des catastrophes. Lorsqu’une catastrophe capture l’attention des médias l’assistance arrive en masse, mais disparaît avec le retrait des médias. L’exemple du tremblement de terre de l’Iran nous a montré que les activités de préparation et du renforcement des capacités de réaction rapide nous ont permis de sauver de nombreuses vies humaines. En conclusion, il a souligné l’attention particulière que la Fédération accorde à la situation du Soudan et au pays voisin, le Tchad.
M. SEOUNG-HYUN MOON (République de Corée) a déclaré que sa délégation soutenait la création d’un cadre au sein duquel les Nations Unies pourraient entretenir, de manière systématique, une collaboration avec des organismes régionaux. Le rôle actif joué par la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans cette région est à cet égard encourageant et montre que certaines crises peuvent être efficacement gérées au niveau régional, a estimé le représentant. Les organisations régionales, a-t-il ajouté, sont mieux placées que d’autres pour faire face à des crises locales, du fait de leur bonne connaissance du terrain. La République de Corée soutient donc la proposition du Bureau du Coordonnateur des secours d’urgence (OCHA) visant à créer des partenariats entre OCHA et les institutions régionales. Sur une autre question importante, a dit M. Moon, notre délégation pense que l’engagement de plus en plus fréquent de personnels militaires dans les opérations de secours et reconstruction, bien qu’il soit louable, est en train de brouiller la distinction qui existait entre le rôle joué par les civils et celui joué par les forces militaires dans les opérations les plus complexes de l’ONU. Tout en acceptant le point de vue du Secrétaire général selon lequel ce genre de combinaison permet une plus grande cohérence et efficacité, notre délégation pense aussi qu’elle peut créer la confusion et mettre en danger le caractère neutre de l’assistance humanitaire, a déclaré le représentant. La République de Corée, a-t-il ensuite indiqué, soutient donc la demande d’une meilleure évaluation du rôle que peut jouer une force militaire dans les activités de secours, et la perception qu’en ont les parties et les populations.
M. ANDRIES JOHANNES OOSTHUIZEN (Afrique du Sud) s’est inquiété du fossé qui sépare les situations d’urgence qui bénéficient de l’attention des médias et donc de soutiens financiers et des situations qualifiées d’oubliés. Dans ce contexte, il a exhorté la communauté internationale à fournir une assistance en fonction des besoins nécessaires. Il a fait siennes les inquiétudes du Secrétaire général sur les risques que font courir les phénomènes climatiques, telles que les sécheresses, pour la sécurité alimentaire. Il a souligné l’attention particulière accordée par la communauté africaine à cette question et qui s’est traduite récemment au cours d’un Sommet de l’Union africaine par l’adoption de l’Initiative pour le riz africain. Il a soutenu la recommandation du Secrétaire général tendant à ce que le plafond des subventions d’urgence en espèces soit fixé à 100 000 dollars par pays et par catastrophe, dans les limites des ressources disponibles inscrites au budget ordinaire. Les attaques contre les organisations humanitaires et les Nations Unies doivent être condamnées. Il a appuyé les efforts d’OCHA afin que les principes de neutralité et de l’indépendance des activités humanitaires soient respectés. Il a invité les organisations humanitaires et les Nations Unies à mieux expliquer leurs interventions sur le terrain aux populations locales. Il est important que les éléments d’une alerte rapide et de réduction de risque de catastrophes soient inclus dans les programmes d’assistance humanitaire. Il a prévenu que l’appel au recours des institutions régionales ne devait pas servir d’excuse à l’arrêt de l’aide humanitaire internationale.
M. JOSÉ ALBERTO BRIZ GUTIÉRREZ (Guatemala) a d’abord commenté la question de la sécurité du personnel pour regretter les attaques contre les Nations Unies en Iraq ou encore en Afghanistan. À son tour, il a appelé au respect des coutumes et des traditions des populations concernées. Le représentant est ensuite passé à la question de la transition du secours au développement. Il s’est associé aux préoccupations énumérées dans le rapport du Secrétaire général quant à la tendance à remplacer l’aide au développement par l’aide humanitaire. Concluant par la question des catastrophes naturelles, il a indiqué que les recommandations pertinentes du Conseil économique et social ont commencé à être mises en œuvre dans son pays. Le représentant a enfin appelé à un dialogue renforcé entre les acteurs humanitaires, politiques et de maintien de la paix sur la complémentarité de leurs rôles.
Projet de résolution E/2004/L.5
Par ce texte, le Conseil économique et social prie le Secrétaire général, lorsqu’il arrêtera le texte final du rapport sur l’examen triennal, qu’il soumettra à l’Assemblée générale lors de sa cinquante-neuvième session, de tenir compte des vues et des commentaires des États Membres sur les questions ayant trait aux activités opérationnelles de développement, examinées lors du débat consacré à la question au cours de cette session de fond et de formuler les recommandations voulues. L’ECOSOC invite aussi l’Assemblée générale à envisager d’adopter une résolution concise et pragmatique sur l’examen triennal, l’accent étant mis sur les domaines prioritaires identifiés par les États Membres.
Rapport du Secrétaire général sur le renforcement d’une coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par l’Organisation des Nations Unies (E/2004/74)
Le Secrétaire général traite de l’évolution de la situation dans le domaine humanitaire pendant la période 2003-2004, des problèmes actuels et futurs, et des outils financiers les plus couramment utilisés. Il explique ainsi qu’alors que les besoins d’aide humanitaire sont restés plus ou moins au même niveau que dans les années précédentes, s’établissant à deux milliards 860 millions de dollars, le financement est demeuré inégal et, pour certains pays, a laissé beaucoup à désirer. Le Secrétaire général explique ensuite en quoi un certain nombre de faits nouveaux a modifié l’aide humanitaire et les activités de coordination qu’elle nécessite. Après cette section sur les situations d’urgence complexes, le Secrétaire général passe à celles des pays touchés par les catastrophes naturelles.
Il ouvre ensuite le chapitre des problèmes actuels en expliquant, entre autres, les activités lancées dans le cadre de l’Initiative sur les bonnes pratiques en matière d’action humanitaire et dans celui du mécanisme permanent chargé d’examiner la question de la phase de secours à la phase de développement. Il aborde aussi les problèmes liés aux disparités entre les sexes, à l’exploitation sexuelle, aux civils dans les conflits armés et aux personnes déplacées. Dans le chapitre consacré à l’accès durable aux victimes, le Secrétaire général souligne que le principal obstacle à l’acheminement de l’aide humanitaire demeure la préoccupation majeure. Il en donne des exemples concrets et en énumère les raisons. Une grande partie de ce chapitre est également consacrée au renforcement des moyens de préparation en prévision de catastrophe naturelle et d’intervention. Concluant par les outils financiers les plus couramment utilisés dans les interventions d’urgence, le Secrétaire général explique, entre autres, le fonctionnement du Fonds central autorenouvelable d’urgence. Dans ses recommandations, il note qu’à mesure que les difficultés humanitaires actuelles cèdent la place à des problèmes de consolidation de la paix, il devient de plus en plus important que les acteurs des Nations Unies engagés dans le développement, l’assistance humanitaire, le maintien de la paix et la vie politique mettent l’accent sur une coordination solide et une planification efficace. Tous doivent veiller, dit-il avant d’énumérer ses recommandations, à ce que le passage d’une situation de conflit à une phase de développement durable se déroule sans heurt. Le Secrétaire général ajoute qu’il faut absolument s’assurer que la réduction des risques liés aux catastrophes naturelles est intégrée de manière plus explicite dans la planification du développement. Il annonce que l’un des objectifs de la Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, qui se tiendra au Japon en janvier 2005, sera de formuler des recommandations pratiques destinées à aider les pays et la communauté internationale à apporter les améliorations nécessaires à tous les aspects de la gestion des catastrophes.
Liste des participants
Les représentants des pays suivants sont intervenus: Qatar (au nom du Groupe des 77 et de la Chine), Pays-Bas (au nom de l’Union européenne), Japon, Fédération de Russie, Suisse, Norvège, Kenya, Ukraine, Chine, Inde, Canada, Équateur, République de Corée, Afrique du Sud et Guatemala; le représentant de la Fédération des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a également participé au débat.
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