LES PEUPLES AUTOCHTONES DEMANDENT UNE RECONNAISSANCE FORMELLE DE LEURS CULTURES
Communiqué de presse DH/372 |
Instance permanente
sur les questions autochtones
5ème & 6ème séances – matin & après-midi
LES PEUPLES AUTOCHTONES DEMANDENT UNE RECONNAISSANCE FORMELLE DE LEURS CULTURES
« Toute culture qui disparaît est une tragédie pour l’humanité », a déclaré aujourd’hui le Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, Ole Henrik Magga, lui-même membre de la communauté Sami de Norvège. Il a insisté sur le lien fusionnel entre la culture identitaire autochtone et l’accès aux ressources naturelles. Tour à tour, les membres d’organisations autochtones venus de tous les continents ont demandé la reconnaissance formelle de leurs cultures. D’une seule voix, les représentants de communautés distinctes mais unies par un attachement profond à leurs terres et traditions ancestrales, ont dénoncé la tendance qui veut que l’on assimile trop souvent les connaissances autochtones au folklore. Dans 20 ans, la moitié des langues autochtones auront disparu et à la fin du XXIe siècle, seul 10% d’entre elles seront encore parlées.
La culture autochtone est définie par les valeurs, croyances, comportements communautaires des peuples et par la manière dont ils voient et rêvent la vie, a expliqué un membre de l’Instance, Otilia Lux de Coti. Pour l’ancienne ministre de la culture et des sports du Guatemala, qui est elle-même issue de la communauté Maya Kiche des hauts plateaux à l’Ouest du pays, il est temps que les institutions des Nations Unies mettent en place des mécanismes de suivi des génocides culturels.
D’autres participants à cette troisième journée des travaux de l’Instance se sont érigés contre ceux qui cherchent à commercialiser les savoirs ancestraux, une pratique qui va à l’encontre des traditions, a expliqué Debra Harry de l’Organisation Indigenous People Council on Biocoloniolism. Les connaissances autochtones constituent un héritage inaliénable qui dicte notre survie, a-t-elle insisté.
De nombreuses propositions et recommandations ont été adressées à l’Instance et aux agences des Nations Unies, en particulier au Fonds des Nations Unis pour l’enfance (UNICEF) et à l’Organisation des Nations Unies pour la science et la culture (UNESCO). Il a été ainsi suggéré que l’Instance consacre sa session de 2005 à la question des langues ou des connaissances autochtones; que soit créé un fonds pour la défense des langues autochtones au sein de l’UNESCO; que les Nations Unies élaborent un instrument juridiquement contraignant pour la protection des langues et des économies locales autochtones.
L’Instance permanente poursuivra demain jeudi 13 mai son débat sur la culture.
LES FEMMES AUTOCHTONES
Suite du débat sur l’éducation
Mme TRISHA RIEDY, de l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche (UNITAR), a rappelé que l’un des objectifs des formations de l’UNITAR était de renforcer la capacité des participants à analyser les conflits. Les représentants autochtones sont ainsi mieux équipés pour engager un dialogue avec leurs partenaires et améliorer la situation de leurs peuples dans les domaines de la santé, de l’environnement ou des droits de l’homme. Des études de cas sont réalisées sur les questions relatives à la terre et aux ressources, a-t-elle précisé. En 2004, le cours de formation sera concentré sur l’Afrique. Lors du programme 2003, la majorité des participants étaient des femmes.
Le représentant du Canada a estimé que le concept d’éducation continue, tout au long de la vie, était important notamment pour les femmes autochtones. Les deux tiers des étudiants autochtones après le secondaire sont des femmes, a-t-il souligné, précisant que dans les milieux urbains, les femmes autochtones étaient novatrices. Les défis restent énormes, a-t-il toutefois indiqué, notant que 25% des familles autochtones étaient monoparentales.
La représentante de la Nouvelle-Zélande a souligné qu’au cours des quatre ou cinq dernières années, le Gouvernement néo-zélandais avait travaillé pour améliorer l’éducation des Maoris. Ce travail est réalisé sur la base du concept de la recherche de l’excellence, en intégrant les meilleures des pratiques du peuple maori ainsi que son systèmes de valeurs et sa langue, amenant chacun à viser un objectif commun. La famille est importante dans l’éducation des Maoris, a-t-elle souligné, précisant que les femmes maories avaient été mises au coeur de cette initiative. L’éducation est caractérisée par l’utilisation des langues maories, a-t-elle affirmé, notant que son Gouvernement était favorable à l’enseignement dans la langue maternelle. Cette approche a permis d’améliorer les résultats, a-t-elle poursuivi, permettant aux Maoris d’acquérir un sentiment plus poussé de leur identité. L’accent a également été mis sur des infrastructures de qualité pour appuyer cette formation. La représentante de la Nouvelle-Zélande a en outre indiqué qu’en 2002, les Maoris de 25 ans et plus avaient le plus haut taux de participation dans l’enseignement tertiaire.
Mme TRANSITO CHELA, Conseil des femmes autochtones de l’Equateur, a demandé que des programmes de formation soient organisés pour que la fillette autochtone soit préparée à jouir de tous ses droits. Elle a demandé aux Nations Unies de faire pression sur le Gouvernement de l’Equateur pour qu’il mette à disposition des femmes et des fillettes autochtones des soins de santé adéquats et des programmes éducatifs. Elle a expliqué que dans les communautés autochtones, la naissance d’une fille n’est pas un événement joyeux. La majorité des mères envoie leurs filles à l’école primaire avant de les marier à un âge très précoce avec des hommes qui sont souvent bien plus âgés qu’elles. Ces fillettes et ces jeunes femmes deviennent invisibles compte tenu de leur niveau d’instruction insuffisant et de leur marginalisation au sein de leur famille et de leur propre communauté.
Le représentant du Mexique a estimé que l’Instance ainsi que l’UNITAR ou encore l’UNICEF pourraient travailler à la mise en place de programmes d’éducation formelle pour les femmes autochtones.
Mme PATRICIA RIVERA, Coordinatrice des femmes autochtones du Mexique, a lancé un appel aux gouvernements pour que la question de l’éducation des femmes autochtones soit à l’ordre du jour de la communauté internationale de manière permanente. Elle a estimé que le rapport du Rapporteur spécial ne reflète pas la réalité. Les manuels scolaires ne tiennent pas compte de notre histoire et de nos droits, a-t-elle ajouté. Elle a demandé également que l’accent soit mis sur les femmes autochtones vivant dans des zones éloignées et difficiles d’accès et qui, de fait, n’ont pas droit à l’éducation. Elle a suggéré d’instaurer une journée de la femme autochtone.
Le représentant du Chili a indiqué que dans son pays, en 1993, une loi sur les populations autochtones a été adoptée, favorisant l’éducation bilingue et garantissant à cet effet une meilleure affectation budgétaire. Nous avons établi des bibliothèques bilingues. Mais cette stratégie est insuffisante face aux défis que nous devons relever pour que les peuples autochtones puissent se développer sur un pied d’égalité. Le représentant a plaidé en faveur de l’ajustement de programmes scolaires qui tiennent compte de la diversité ethnique. Il a souhaité qu’une recommandation spécifique dans ce sens soit élaborée.
Mme ANDREA SMITH, du Boarding School Healing Project, a affirmé que les violences contre les autochtones aux Etats-Unis et au Canada étaient systématiques. Elle a rappelé qu’aux XIXe et XXe siècles, une politique générale d’enrôlement forcé des enfants autochtones dans les internats avait été conduite. Les violences physiques et morales étaient généralisées, a-t-elle souligné. Elle a regretté que, dans sa déclaration de l’année dernière, l’Instance permanente n’ait pas évoqué cette politique des internats. Il a souhaité que la déclaration en fasse cette année mention.
Le représentant du Venezuela a souligné que les progrès réalisés dans son pays en faveur des communautés autochtones transcendaient la Constitution et la législation nationales. Le Gouvernement s’efforce d’assurer la défense de leurs droits politiques et sociaux, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation. Parler des questions autochtones implique qu’il faille également aborder le problème de la pauvreté, a-t-il observé. Selon lui, on ne peut pas éliminer la pauvreté sans éducation. Il a affirmé qu’un programme utilisant les quatre langues du Venezuela avait été mis en œuvre dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme. Le Gouvernement tente de réduire la pauvreté avec le développement du microcrédit dont peuvent profiter les femmes autochtones, a-t-il ajouté.
M. ALBERT DETERVILLE, du Conclave des peuples autochtones des Caraïbes-Antilles, a, au nom du peuple autochtone de Sainte-Lucie, lancé un appel, notamment à l’UNESCO, afin que soit reconnue l’importance de sa langue. Il a demandé à l’Instance permanente de dire aux organes des Nations Unies que les peuples du Conclave avaient besoin d’aide. Il a insisté sur le rôle important et vital des femmes autochtones, et a demandé la création d’un mémorial en l’honneur des femmes autochtones, une construction permanente au Siège des Nations Unies à New York.
La représentante du Guatemala a affirmé que les femmes autochtones de son pays constataient avec préoccupation que les recommandations des deux premières sessions de l’Instance permanente n’avaient pas été appliquées. Elle a souhaité que le rapporteur spécial sur l’éducation demande aux Etats Membres de réaliser les Objectifs du Millénaire en débloquant les crédits nécessaires pour assurer l’éducation des femmes autochtones.
M. SOPHON SON, Fédération Khmers Kampuchea-Krom du Viet Nam, a expliqué qu’en raison du génocide culturel pratiqué par le Gouvernement du Viet Nam, 70% des Khmers Krom sont analphabètes. Il a demandé la création d’une fondation qui permette aux Khmers Krom d’avoir accès à leur propre culture. Il a insisté pour que cette minorité ait accès à des ressources financières et à des programmes sans que le Gouvernement n’interfère; pour que la langue khmère soit l’une des langues officielles sur la terre khmère. Le représentant a également souhaité la création d’une association de moines bouddhistes sans l’intervention du Gouvernement et l’adoption de mesures d’actions positives pour que cette minorité ait accès à l’éducation formelle. Il a aussi demandé l’établissement d’une agence d’emploi khmère krom.
Mme LUCY MULENKEI, Organisation des femmes autochtones africaines, a déclaré que pour réaliser les Objectifs de développement du Millénaire, les gouvernements devraient favoriser l’éducation des fillettes et respecter les langues, les cultures et traditions autochtones. Elle a demandé que les institutions des Nations Unies travaillant dans les domaines de l’éducation entreprennent une étude sur les niveaux d’éducation des peuples autochtones dans le monde. Elle a suggéré la mise en place de bus-école compte tenu du fait que beaucoup de peuples autochtones sont nomades. Elle a demandé à l’Organisation mondiale du Travail (OIT) de mettre un terme au travail des enfants autochtones et de leur permettre de reprendre le chemin de l’école. Elle a également demandé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et à la Commission de la condition de la femme (CSW) de mettre en place un Groupe de travail sur les pratiques culturelles néfastes qui empêchent les petites filles d’avoir accès à l’éducation.
Mme LOVELLA HOFFERTM, Caucus des femmes autochtones du Guatemala, âgée de 13 ans, a rappelé que le Programme d’action de Beijing fait 12 fois référence aux droits des femmes et fillettes autochtones. Elle a demandé à l’Instance de se pencher sur le renforcement des capacités des femmes autochtones dans le domaine de l’éducation et de la santé. Nous demandons à l’Instance de faire une référence spécifique aux femmes et fillettes autochtones dans tous ses documents et de ventiler ses données par âge. Sans cela, les fillettes autochtones continueront d’être invisibles.
Mme JUDY WOODS, Union des chefs indiens de Colombie-Britannique, a rappelé que l’Union refuse d’accepter le processus de traités passés avec la Colombie-Britannique qui n’ont pour but que de priver les peuples autochtones de leurs droits. Elle a également ajouté que les parents autochtones devraient avoir la seule responsabilité de l’éducation de leurs enfants. Les institutions du Canada ont des obligations financières pour assurer la survie de la culture et des droits politiques et territoriaux des peuples autochtones. La politique canadienne, malheureusement, vise à diminuer les subventions allouées aux politiques autochtones d’éducation. Nous sommes marginalisés à tous les points de vue. C’est pourquoi, les Nations Unies devraient fournir un appui aux initiatives scolaires prises par les peuples autochtones, indépendamment des traités.
Mme TEODORA DE SOUZA, de l’Awate Kaiwa Guarani Nhandeva, a souligné qu’au Brésil des écoles de cours autochtones avaient été créées et que le salaire des enseignants bilingues avait été augmenté de 50%. Nous sommes sûrs que nous sommes sur la bonne voie, a-t-elle indiqué, précisant que tout n’était pas parfait. Selon elle, 60% des étudiants autochtones ne sont pas couverts par le système d’enseignement en vigueur. Ces jeunes sont des adolescents qui quittent l’école pour gagner leur vie, a-t-elle précisé. Si une nouvelle décennie en faveur des autochtones n’est pas organisée, nous risquons de revenir en arrière, a-t-elle estimé.
M. RAMZI ILYASOR, des Meijis du peuple tatar de Crimée, a rappelé que 13% des habitants de la Crimée étaient des Tatars. Il n’y a pas d’éducation pour les Tatars, a-t-il affirmé. L’éducation reste le seul moyen pour assurer la survie de la langue tatare et le développement de ce peuple, a-t-il souligné. Ce sont, tout au contraire, des mesures d’assimilation qui sont prises à l’égard des Tatars, a-t-il dénoncé.
Le représentant du peuple saami a abordé les difficultés en matière d’éducation dues à l’éloignement. La technologie doit nous permettre de relever ce défi avec l’enseignement à distance ou la vidéo-conférence, a-t-il estimé. L’Instance permanente doit reconnaître que les nouvelles technologies peuvent offrir aux jeunes autochtones des zones éloignées, l’éducation dont ils ont besoin. Le représentant a en outre souhaité que l’UNESCO organise une conférence sur l’éducation des peuples autochtones qui, selon lui, serait susceptible de contribuer à l’enrichissement des pratiques pédagogiques destinées à ces peuples.
Le représentant du Conclave des jeunes a souhaité que l’UNESCO, l’UNICEF et le PNUE encouragent la fourniture des ressources en direction des jeunes, notamment ceux des zones éloignées. Il s’est en outre déclaré préoccupé par l’impact de la privatisation des bibliothèques et l’exploitation des connaissances autochtones.
La représentante de plusieurs organisations autochtones a demandé aux organisations de ONU de reconnaître que les Hawaïens sont le peuple autochtone d’Hawaï, ce que ne fait pas les États-Unis. Nous demandons la reconnaissance de notre langue maternelle et de nos propres moyens éducatifs. Nous demandons à l’Instance de fournir des fonds pour mettre en place des projets culturels et universitaires. L’Instance devrait demander aux États de créer des centres d’apprentissage de la culture autochtone dans les communautés autochtones, de fournir des services appropriés aux autochtones incarcérés. Nous demandons l’adoption d’un projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones et la proclamation d’une nouvelle Décennie.
Mme NASIEKU YIAPAN, Projet rural Ogiek, a dressé un bilan de la situation des femmes ogiek au Kenya qui souffrent d’un taux d’analphabétisme de 95% et sont l’objet d’une injustice sociale permanente. Elle sont mariées extrêmement tôt, n’ont pas accès aux soins de santé, subissent l’excision, condition préalable à leur mariage. Il semble que les instruments des Nations Unies de défense des droits des femmes n’ont aucun effet pour les femmes ogiek. Elles n’ont même pas droit à l’éducation primaire de base. Pas une seule fillette ogiek n’est titulaire d’un diplôme universitaire malgré les 40 ans d’indépendance du pays. Compte tenu de leur manque d’éducation, elles ne connaissent pas leurs droits, ne connaissent pas les risques liés aux mutilations génitales La représentante a demandé à l’UNESCO de créer un programme pour l’Afrique, notamment pour les petites filles masais et ogieks.
Le représentant du Conclave régional d’Amérique latine et des Caraïbes a regrettée que les connaissances et la culture autochtones soient considérées comme appartenant au domaine du folklore plutôt que de la connaissance. Il a également demandé à l’UNESCO de favoriser l’accès des femmes autochtones à la formation. Il a souhaité la création d’une université internationale autochtone.
M. MATTHEW DUNCAN MC DANIEL, Land is Live, a demandé à l’UNESCO de mettre en place des programmes d’éducation en langue autochtone dans les 300 villages autochtones de la Thaïlande. Il a demandé également à l’UNICEF de fournir une aide nutritionnelle dans ces mêmes villages où les communautés souffrent de faim et de malnutrition. Il faut que l’UNICEF se penche sur le phénomène de la disparition de petites filles autochtones qui sont intégrées dans des communautés missionnaires au Nord de la Thaïlande où des allégations d’abus sexuels ont été rapportées par les enfants autochtones.
M. FORTUNATO TURPO CHOQUEHUANCA (Pérou), membre de l’Instance, a évoqué la création au Pérou d’une université autochtone dont la mise en place a été précédée de la constitution d’une commission autochtone. A l’heure actuelle, nous travaillons à la finalisation d’un document qui définira notamment les modalités d’accès à cette université. Elle aura pour but de contribuer au développement économique et social, défendre les droits de l’homme et améliorer la qualité de vie des peuples autochtones. Il a souhaité que le Conseil économique et social fournisse son appui à ce projet.
Mme PATRICIA RIVERA, Comité consultatif pour les peuples autochtones du Nord du Mexique, a recommandé au Gouvernement mexicain de mettre en place des programmes de formation à l’intention des fonctionnaires pour qu’ils tiennent compte des réalités des peuples autochtones, comme en basse Californie où les enfants travaillent au lieu d’aller à l’école. Le Gouvernement mexicain est tenu de favoriser l’apprentissage des langues autochtones, car la langue est directement liée à l’éducation.
Mme TARCILA RIVERA, Enlace Continental de Mujeres Indígenas, a demandé aux institutions du système des Nations Unies de mener des activités complémentaires pour assurer l’éducation formelle des femmes autochtones. L’éducation devrait comprendre un cycle d’apprentissage complet depuis l’enfance jusqu’à la vie adulte.
Mme FATIMA MOURD, Association Tamaynut, a expliqué qu’au Maroc, les communautés berbères qui vivent dans des zones reculées, n’ont pas accès à l’éducation. Elle a jugé important de fournir un enseignement dans la langue maternelle et d’adapter les manuels scolaires aux besoins et à la culture des peuples autochtones. L’accès des enfants autochtones à l’école est réellement problématique. Il n’existe aucune infrastructure de base pour les accueillir et pour leur dispenser un enseignement de qualité. Elle a demandé aux instances des Nations Unies de s’atteler à cette question en regrettant l’inutilité des projets pilote mis en place par le Gouvernement marocain.
M. MATIAS ALONSO (Mexique), membre de l’Instance, a jugé nécessaire que l’Instance manifeste sa reconnaissance aux efforts réalisés au cours de la quatrième rencontre des femmes autochtones. Cette rencontre a été une pépinière de dirigeantes de notre continent, a-t-il estimé. L’Instance permanente devrait, a-t-il souligné, appeler de nouveau les gouvernements à appliquer les recommandations dans les domaines de la culture et de l’éducation.
M. MUSA USMAN NDAMBA, de l’Association Mbororo de développement social et culturel, a affirmé que les 2,5 millions d’autochtones qu’il représentait étaient absolument marginalisés au Cameroun. Les lois foncières favorisent la population dominante, ce qui encourage la corruption des fonctionnaires, a-t-il soutenu. En outre, les terres des Mbororo sont sans cesse saisies. Le bien-être des femmes est extrêmement important, a-t-il par ailleurs estimé, recommandant à l’ONU de lancer une décennie internationale pour les femmes autochtones qui serait axée sur l’éducation des fillettes. L’éducation des fillettes, a estimé M. Ndamba, est le moyen le plus sûr pour les peuples autochtones de jouir de leurs droits et de ne plus être marginalisés.
M. BARTOLO USHIGUA, de Nacionalidad Zapara del Ecuador, a souhaité que les cursus d’enseignement soient conformes à la culture des peuples autochtones. Il a en outre souhaité un enseignement bilingue intégral et invité les Etats à assurer une meilleure diffusion de l’histoire des peuples autochtones.
Mme BERVERLY JACOBS, des Six Nations Haudenosaunee, a affirmé que les langues des peuples qu’elle représente étaient en voie de disparition. Plusieurs générations d’enfants ont été forcées par le Gouvernement du Canada de s’inscrire dans des écoles étrangères pour apprendre des langues étrangères. Des abus de toutes sortes ont été commis dans ces écoles, a-t-elle assuré. Selon elle, les Etats-Unis et le Canada n’ont pas permis à ces autochtones d’avoir leur propre système éducatif. Elle a souhaité que l’Instance permanente demande aux institutions de l’ONU concernées de fournir les ressources nécessaires pour la revitalisation de ces langues.
M. JOSE DANIEL GOMEZ, de l’Asociacion Indígena Salvadoreña, a réclamé la création d’universités autochtones dans son pays. L’éducation n’est pas un droit reconnu uniquement aux non-autochtones, a-t-il rappelé, convaincu que l’État et les ONG concernées disposent de l’argent nécessaire pour ouvrir ces universités.
Débat sur la culture
Mme OTILIA LUX DE COTI (Guatemala), membre de l’Instance, a expliqué que la culture autochtone se définit par des valeurs, croyances, comportements communautaires des peuples et par la manière dont ces peuples voient la vie et mêmela manière dont ils la rêvent. Nous recommandons à toutes les institutions des Nations Unies de mettre en place des mécanismes de suivi des génocides culturels. Il faut également mener une évaluation de la relation entre les sexes et connaître le rôle joué par les femmes dans les diverses communautés. Celles-ci sont les gardiennes des connaissances sacrées et sont des spécialistes de la médecine traditionnelle. L’éducation est l’élément principal pour les femmes et les hommes autochtones. L’éducation nous permettra de rêver le monde et de construire notre avenir dans le respect de notre propre identité. Lors de la quatrième réunion des femmes autochtones ayant réuni 400 femmes, des recommandations ont été faites qui seront transmises aux Nations Unies. La culture et l’éducation vont de pair et sont étroitement liées. Il ne peut pas y avoir de culture sans éducation et vice versa.
Mme TANNI MUKHOPADHYAY, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a présenté les recommandations préliminaires du rapport sur le développement humain qui sera prochainement publié. Ce document montre par exemple la limite des démocraties majoritaires qui n’ont pas pu vraiment protéger les droits des minorités et les groupes historiquement marginalisés. Nous avons tenté de faire une distinction entre les droits des minorités et ceux des populations autochtones. Parfois les peuples autochtones en effet sont majoritaires comme par exemple au Guatemala. Nous avons également examiné le droit coutumier et avons reconnu qu’il comportait de graves défaillances en matière de droits de l’homme. Le rapport aborde également la question des politiques en matière de langues et d’enseignement bilingue. Il examine les questions de l’accès aux terres et à l’emploi. Nous y étudions les défis nés de la mondialisation. Nous avons tenté de recueillir des donnés dans plusieurs domaines dont ceux de l’exclusion politique et culturelle, de la santé et des revenus, a-t-elle ajouté.
M. WEND WENDLAND, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), a expliqué qu’une partie de ses travaux porte sur la protection des savoirs et expressions culturelles autochtones. L’OMPI accorde une grande importance à la participation des populations autochtones. Aucune organisation non gouvernementale représentant des peuples autochtones ne s’est vue refuser son accréditation auprès de l’OPI. Il a été décidé au sein de l’Organisation de renforcer l’examen de ces questions. Nous organisons des séances d’orientation pour les organisations autochtones souhaitant participer à nos séances.
Le représentant d’ONU-Habitat a estimé que les États, afin de tenir compte des besoins des peuples autochtones, devaient faire en sorte que les budgets nationaux garantissent suffisamment de ressources pour le logement des autochtones, et que ces ressources leur parviennent directement. Il faut que les peuples autochtones puissent satisfaire directement à leurs besoins en logement et qu’ils puissent prendre part aux décisions qui les concernent dans ce domaine. Des technologies novatrices et traditionnelles viables devraient pouvoir être appliquées aux autochtones pour qu’ils aient accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’électricité, a-t-il ajouté. Les Etats et les institutions financières internationales doivent tenir compte des besoins des peuples autochtones, et tout mettre en œuvre pour qu’ils ne soient pas chassés de leurs terres, a-t-il insisté.
Mme MILLANY TRASK (États-Unis), membre de l’Instance, a remercié les agences des Nations Unies pour leurs rapports, recommandant en particulier la lecture du rapport d’ONU-Habitat. Elle s’est également félicitée du document fourni par le PNUD, louant en particulier l’aspect collecte de données.
Évoquant les prochains Jeux olympiques, M. WILLIE LITTLECHILD, (Canada) Rapporteur de l’Instance permanente, a affirmé qu’il fallait féliciter les athlètes femmes autochtones, car elles continuent d’aller de l’avant malgré les fatigues, les stéréotypes et les fléaux que leurs peuples subissent. Le sport, que nous avons voulu promouvoir, joue un rôle de chef de file pour les autochtones, a-t-il souligné, rappelant que pendant de nombreuses années, les athlètes autochtones avaient caché leur origine pour pouvoir participer aux Jeux olympiques. Il faut reconnaître à tous les niveaux de l’industrie du sport que les jeunes filles autochtones ont besoin d’aide et de ressources, a ajouté M. Littlechild. Les athlètes doivent également recevoir un appui des instances olympiques internationales, a-t-il souligné.
M. WAYNE LORD (Canada), membre de l’Instance, a plaidé pour que se mette en place un dialogue entre l’Instance permanente sur les questions autochtones et les agences des Nations Unies, en particulier le PNUD, notamment avant l’élaboration de ses rapports.
M. OLE HENRIK MAGGA (Norvège), Président de l’Instance permanente sur les questions autochtones, a affirmé que la culture, c’était la connaissance et la reconnaissance des diversités. L’Instance permanente devrait essayer de promouvoir la protection du patrimoine culturel des autochtones. Toute culture qui disparaît est une tragédie pour l’humanité, a-t-il souligné. L’instance permanente devrait aider le système des Nations Unies et les Etats Membres à assurer la survie de la culture des peuples autochtones. L’Instance permanente devrait jouer un rôle de chef de file, en fixant les lignes directrices, a-t-il considéré. Selon lui, l’Instance permanente devrait faire en sorte que toutes les agences des Nations Unies adoptent une approche globale pour protéger le patrimoine culturel des peuples autochtones. Les peuples autochtones devraient être en mesure de préserver leurs langues et l’UNESCO a un rôle essentiel à cet égard. Des efforts sont nécessaires, a insisté M. Magga, car la moitié des langues autochtones sont appelées à disparaître d’ici quelques années.
La représentante du Parlement Sami de la Finlande, a recommandé à l’Instance permanente d’exhorter l’UNESCO et d’autres institutions pertinentes à inclure des programmes autochtones dans les médias qui sont l’arme non violente la plus puissante au monde.
Mme ROSALIE LITTLE THUNDER, Alliance de droit américano-indienne, a indiqué que l’Alliance allait participer avec d’autres groupes à une vaste campagne internationale sur la préservation des espèces sacrées afin de faciliter des stratégies de protection. Elle a évoqué le génocide qu’a connu son peuple au XIXe siècle lorsque l’armée des États-Unis a massacré les buffles, source de vie de son peuple.
M. MARCOS MATIAS ALONSO (Mexique), membre de l’Instance permanente, a rappelé que son pays a élaboré un projet de loi sur les langues autochtones. Il a convenu avec le Rapporteur de l’Instance que le sport peut être un vecteur de la culture. Il a suggéré de demander au Comité olympique international d’envisager des rencontres sportives avec l’Instance.
M. KOK KSOR, Fondation montagnarde, a dénoncé la campagne de destruction de la culture autochtone au Viet Nam. Le Gouvernement met un frein aux formes d’agriculture traditionnelle en déplaçant les populations autochtones de leurs terres ancestrales qui ont été transformées en plantations de caoutchouc et de café. La manifestation pacifique que nous avions organisée a été réprimée violemment par le Gouvernement vietnamien qui est responsable de la mort de 280 montagnards. Il a demandé au Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme de se rendre au Viet Nam et au Cambodge pour constater sur le terrain les conditions de vie misérables dans lesquelles le peuple des montagnes est maintenu.
Mme CATHERINE THUNDERBIRD, Flying Eagle, a rendu hommage à Ingrid Washinawatok, une jeune militante des droits des peuples autochtones qui avait été assassinée. Elle a expliqué que l’organisation Flying Eagle avait été fondée en son honneur.
Mme ROSALIE LITTLE THUNDER, du Caucus international des femmes autochtones, a souligné que l’Instance permanente était l’un des derniers outils pour définir des solutions pour les peuples autochtones. L’Instance doit être suffisamment financée, a-t-elle affirmé. Pendant des centaines d’années, les peuples autochtones ont subi la violence, a-t-elle déclaré, précisant qu’on ne pouvait tout résoudre en quelques années. La mondialisation a un effet sérieux sur la santé culturelle et spirituelle des peuples autochtones. L’Instance permanente doit trouver les moyens nécessaires pour empêcher les États de s’approprier leurs richesses culturelles à des fins mercantiles, a-t-elle considéré. Elle a suggéré que les Nations Unies et les États Membres reconnaissent les droits des autochtones à s’organiser librement afin de défendre leurs droits et que soit créé un centre international multiculturel et multiracial.
Le représentant du Conseil des Innus du Nitassinan s’est déclaré alarmé par des rumeurs, entendues lors de son récent séjour à Paris, selon lesquelles des programmes concernant les peuples autochtones seraient mis en place par l’UNESCO l’année prochaine. Nous devons exercer toutes les pressions possibles sur l’UNESCO afin que nous puissions participer à l’élaboration de ces programmes qui nous visent directement, a-t-il insisté.
M. ALBERT DETERVILLE, du Caucus des peuples autochtones des Antilles caraïbéennes, a suggéré que l’Instance permanente demande à l’État de Sainte-Lucie de mettre en place des programmes qui respectent la culture des peuples créoles de Sainte-Lucie. Il a souhaité en outre que les représentants des commissions nationales pour l’UNESCO essaient d’obtenir le consentement des peuples autochtones avant la mise en place de programmes les concernant. Il a suggéré l’octroi d’une aide pour l’application des programmes visant à enregistrer les droits de propriété intellectuelle des autochtones.
M. VEN RONG BE, de la Fédération khmère Kampuchea-Krom, a affirmé que la culture de son peuple était en train de disparaître. Les Khmers Krom doivent pouvoir pratiquer librement leur propre religion, a-t-il souligné. Il a invité l’Instance permanente à demander au Gouvernement vietnamien de permettre aux Khmers Krom de suivre leur religion librement et d’utiliser leur propre langue à l’école. Le Gouvernement ne doit pas utiliser les gains du tourisme sur les territoires khmers Krom comme il l’entend mais pour préserver leur culture, a-t-il insisté.
M. EDWARD ELLISON, de Te Runanga o NGAI TAHU, a indiqué qu’au cours de ces dernières années, les législations introduites au parlement néo-zélandais remettaient en cause le droit coutumier de son peuple. On nous enlève notre statut en tant que peuple autochtone, a-t-il assuré, précisant que son peuple faisait face à l’une des menaces les plus graves depuis ce dernier siècle. L’État, en cherchant à s’approprier nos côtes, agit en violation flagrante de nos propres droits, a-t-il souligné. Nous aspirons à un nationalisme régional qui garantisse le droit à la diversité culturelle, a-t-il ajouté, précisant que l’Instance permanente devait prier le Gouvernement néo-zélandais de prendre des mesures immédiates afin de concrétiser le pluralisme culturel et abandonner les législations prises par le Parlement concernant son peuple.
Mme ERITY TEAVEM, Parlement Rapa Nui, a lancé un appel aux Nations Unies pour qu’elles appuient l’aspiration des peuples autochtones à la justice, à la vie et à la liberté.
Mme LOVELLA CALICA HOFFERT, Caucus des jeunes autochtones, a soumis une série de recommandations à l’Instance. La culture dont nous avons héritée ne peut survivre qu’à travers nous, a-t-elle ajouté. Les institutions des Nations Unies doivent nous fournir une aide pour mettre en œuvre des programmes de promotion des langues et traditions autochtones. Il faut que les écoles soient gérées par nos peuples. Les institutions des Nations Unies devraient élaborer un instrument juridiquement contraignant sur la protection des langues autochtones et promouvoir les économies locales autochtones. L’extraction minière et pétrolière a une incidence négative sur les peuples autochtones et engendre la pauvreté.
Mme DEBRA HARRY, Indigenous People on Biocolonialism, a présenté une série de recommandations à l’Instance. Elle a dans un premier temps expliqué que c’est dans le cadre de la Sous-Commission des droits de l’homme que devrait être traitée cette question et non pas dans le cadre de la Commission du développement durable et de l’Organisation de la propriété intellectuelle. Le thème de l’Instance pour la session 2004-2005 devrait être « le savoir ». La représentante s’est par ailleurs érigée contre ceux qui veulent imposer des droits de propriété intellectuelle sur les connaissances autochtones et veulent en faire des produits commerciaux. Les lois en matière de propriété intellectuelle vont à l’encontre de nos pratiques. Les connaissances autochtones n’appartiennent pas à tout le monde, mais sont la propriété de nos peuples et constituent un héritage inaliénable. Le matériel génétique de la faune et la flore dictent notre survie.
M. LEE MALEZER, Kamakakuokalani Center for Kaaiian Studies, a également sollicité l’UNESCO, mais s’est dit préoccupé par le fait que l’Assemblée générale de l’Organisation, qui est composée d’États, n’accorde pas un rang de priorité à la préservation de la culture autochtone.
M. RICHARD GROUNDS, du Programme des peuples autochtones du Conseil oecuménique des églises, a déclaré qu’à l´échelle de la planète, la moitié des langues autochtones risquaient de disparaître d’ici les 20 prochaines années et 90% d’ici la fin du siècle. Il a recommandé que les langues autochtones soient le thème de la prochaine session de l’Instance permanente et que les Nations Unies programment une année internationale pour les langues autochtones en 2005 ou plus tard. Il a suggéré qu’un fonds des langues autochtones soit créé à l’intérieur du système des Nations Unies, probablement au sein de l’UNESCO.
Le représentant du Caucus Hawaï a prié l’Instance permanente d’analyser les apports des différentes agences des Nations Unies en matière de défense des droits des peuples autochtones. Il a souhaité que les connaissances autochtones constituent le thème de la session de 2005 de l’Instance permanente. Il a demandé que l’Instance permanente exhorte les États Membres des Nations Unies à reconnaître les diversités religieuses et culturelles des peuples autochtones ainsi que leurs sites culturels historiques. Il a en outre prié l’Instance permanente de demander aux Etats-Unis de démilitariser Hawaï.
Mme ANNE NUORGAM, du Conseil Saami et de la Conférence circompolaire Inuit, a demandé à l’Instance permanente de travailler sur l’élaboration d’un régime international adéquat qui protégerait les peuples autochtones.
Mme JOAN HENDRIKS, du Caucus du Pacifique, a demandé à ce que les Nations Unies et leurs Etats Membres adoptent la déclaration sur les droits des peuples autochtones et que soit proclamée une deuxième Décennie internationale des peuples autochtones.
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