LA TROISIÈME COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME DANS QUATRE ÉTATS ET DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
Communiqué de presse AG/SHC/3794 |
Troisième Commission
28e & 29e séances – matin & après-midi
LA TROISIÈME COMMISSION EXAMINE LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME DANS QUATRE ÉTATS ET DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ
Les délégations se penchent également sur les droits de l’homme des migrants
(Publié le 29 octobre)
Dans le cadre de l’audition des Rapporteurs spéciaux et des Experts indépendants de la Commission des droits de l’homme, les délégations de la Troisième Commission se sont penchées sur la situation des migrants et sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, en Afghanistan, au Myanmar, en République populaire démocratique de Corée et en République démocratique du Congo. Les délégations ont par ailleurs approuvé, par l’adoption sans vote de trois projets de résolution, une série de recommandations en faveur de l’alphabétisation, de l’élimination des crimes d’honneur commis contre les femmes et les filles, et du renforcement de l’Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants. Ces trois textes devront encore être entérinés par l’Assemblée générale.
Préoccupé que plus de 100 millions d’enfants soient non scolarisés et que 800 millions d’adultes soient toujours analphabètes, la Commission a recommandé aux gouvernements et aux organisations professionnelles d’améliorer les institutions éducatives nationales, en misant en particulier sur l’alphabétisation. Soulignant la nécessité de traiter toutes les formes de violence contre les femmes et les fillettes, y compris les crimes d’honneur, comme des infractions pénales tombant sous le coup de la loi, la Commission a par ailleurs demandé aux États Membres d’accorder l’attention voulue aux plaintes pour ces crimes, notamment en renforçant les mécanismes institutionnels permettant aux victimes et à d’autres personnes de signaler ces crimes en toute sécurité dans un cadre strictement confidentiel.
S’agissant de la situation des migrants, le Rapporteur spécial chargé de ce mandat, Gabriela Rodriguez Pizarro, a insisté sur la féminisation croissante de la migration, l’augmentation du nombre de migrants illégaux dans certains pays et le déni de leurs droits et libertés fondamentaux. Elle a en outre constaté une lente politisation de l’immigration. Le Rapporteur spécial a proposé de renforcer la gestion des migrations dans la perspective des droits de l’homme et de la fonder sur la responsabilité partagée des États –d’origine et de destination– vis-à-vis des migrants.
L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, Cherif Bassiouni, a souligné que les violations qui y persistent s’expliquent par les problèmes de sécurité posés par la puissance militaire des chefs de guerre et des commandants locaux, ainsi que par la puissance économique de ceux qui pratiquent la culture du pavot et le trafic d’héroïne. Le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, John Dugard, a insisté sur les conséquences négatives de la construction du mur de séparation et du système de laissez-passer restreignant la liberté de mouvement des Palestiniens. Il a estimé que le but du mur n’est pas simplement d’assurer la sécurité mais plutôt de permettre la confiscation de terres au nom des colons et d’inciter les Palestiniens à quitter leurs domiciles. Déplorant les reculs en matière de droit de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), le Rapporteur spécial, Vitit Muntarbhorn, a encouragé les autorités de la RPDC à restaurer l’état de droit, en mettant en place un système judiciaire indépendant et en réformant son système pénitentiaire. L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC) a recommandé la création d’un tribunal pénal international dans le fonctionnement duquel les autorités du pays seraient étroitement impliquées. Il a entre autres relevé la rémunération faible et sporadique du personnel judiciaire, signalant que dans ces conditions, la RDC n’est pas en mesure de rétablir la justice.
Demain, vendredi 29 octobre, la Commission poursuivra, à partir de 10 heures, son dialogue avec M. Pacere sur la situation des droits de l’homme en RDC. Elle entendra par la suite l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Soudan, le Rapporteur spécial sur la question du droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, et le Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes, y compris ses causes et ses conséquences.
À partir de 15 heures, elle entendra le Président-Rapporteur du Groupe de travail de la Commission des droits de l’homme sur le droit au développement et le Rapporteur spécial sur le trafic de personnes, en particulier les femmes et les enfants.
SITUATIONS RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME ET RAPPORTS DES RAPPORTEURS ET REPRÉSENTANTS SPÉCIAUX
Rapport de l’Expert indépendant de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/59/370)
L’expert indépendant, Cherif Bassiouni, soumet ses conclusions quant à la situation actuelle des droits de l’homme en Afghanistan. Il examine certains des facteurs qui ont une incidence déterminante sur les droits de l’homme en Afghanistan. Il indique que la situation dans le pays fait que les atteintes à ces droits revêtent de multiples formes: des violations ont été commises dans le passé, et d’autres le sont actuellement par des agents étatiques, mais aussi par des acteurs autres que des États, dans le cadre de politiques appliquées systématiquement et à grande échelle, ou par des individus qui agissent en toute impunité.
De telles violations, insiste-t-il, s’expliquent essentiellement par les problèmes de sécurité qui se posent dans un pays encore dominé par la puissance militaire des chefs de guerre et des commandants locaux, ainsi que par la puissance économique croissante détenue par ceux qui pratiquent la culture du pavot et le trafic d’héroïne. Il fait une série de recommandations concernant des questions qu’il qualifie de prioritaires, et rappellent les mesures prises par le Gouvernement afghan et d’autres acteurs. Elle concerne les questions de sécurité, des chefs de guerre et des commandants locaux, de l’état de droit, des installations pénitentiaires et du respect des formes régulières, de la situation des femmes et des enfants, des différends fonciers et du logement, de la justice en période de transition et d’après conflit, du renforcement de la société civile et de l’action des forces de la coalition et de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF).
En dépit des progrès enregistrés, il estime que la situation des droits de l’homme en Afghanistan continue de susciter une préoccupation profonde et qu’il reste encore un bon nombre de difficultés à surmonter.
Déclaration liminaire
M. CHERIF BASSIOUNI, Expert indépendant de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, a signalé qu’il avait effectué une mission dans le pays en août 2004. En Afghanistan, qui a connu 23 années de guerre, les atteintes aux droits de l’homme revêtent de multiples formes, a-t-il dit, en précisant qu’il fallait distinguer les violations commises dans le passé de celles qui le sont actuellement par des agents étatiques, mais aussi par des acteurs autres que des États, dans le cadre de politiques appliquées systématiquement et à grande échelle, ou par des individus qui agissent en toute impunité. De telles violations, a déclaré M. Bassiouni, s’expliquent essentiellement par les problèmes de sécurité qui se posent dans un pays encore dominé par la puissance militaire des chefs de guerre et des commandants locaux, ainsi que par la puissance économique croissante détenue par ceux qui pratiquent la culture du pavot et le trafic d’héroïne. Il a identifié un certain nombre de questions prioritaires, et appelé le Gouvernement et d’autres acteurs à prendre des mesures à ces divers égards. Il a indiqué que dans son rapport, il avait fait une série de recommandations concrètes à propos des questions de sécurité, des chefs de guerre et des commandants locaux, de l’état de droit, des installations pénitentiaires et du respect des formes régulières, de la situation des femmes et des enfants, des différends fonciers et du logement, de la justice en période de transition et d’après conflit, du renforcement de la société civile et de l’action des forces de la coalition et de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF).
Il a notamment insisté sur l’importance de la coopération étroite entre la communauté internationale et le Gouvernement, afin d’utiliser au mieux les forces internationales pour améliorer la situation en matière de sécurité sur l’ensemble du territoire afghan. À ce titre, il a estimé qu’il était probable que l’évolution de la situation rende nécessaire un déploiement accru de troupes étrangères. Dans cette perspective, il a dit qu’il serait bon de réunir les experts nationaux et internationaux de la sécurité afin qu’ils formulent des recommandations pour améliorer la politique sécuritaire et affirmer l’autorité du Gouvernement en tant que gardien de l’ordre social, dans le respect des droits de l’homme et de l’état de droit. Il a recommandé que le Gouvernement, avec l’appui de l’ISAF, engage des mesures contre les groupes armés non étatiques, que ce soient des chefs de guerre, des commandants locaux, des trafiquants de drogues ou d’autres éléments criminels.
S’agissant de restaurer pleinement l’état de droit, M. Bassiouni a estimé que le Gouvernement devait mettre en œuvre un plan global pour renforcer l’administration de la justice et l’application des lois, des poursuites judiciaires et des conditions de détention. À cette fin, l’appui de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (UNAMA) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) devra être renforcé, et tous les acteurs devront bénéficier de ressources adéquates. Le Gouvernement, a-t-il poursuivi, devrait, avec l’assistance technique de la communauté internationale, établir une agence nationale chargée de prévenir, d’enquêter et de sanctionner les cas de corruption des fonctionnaires. Il a aussi appelé le Gouvernement à associer la société civile afghane à la politique globale de justice en période de transition et d’après conflit, et d’interdire aux chefs de guerre, aux commandants locaux et aux trafiquants de drogues l’accès aux fonctions publiques.
Sur la question des centres de détention, M. Bassiouni a notamment appelé le Gouvernement afghan à relâcher toutes les femmes emprisonnées pour des actions qui ne sont pas qualifiées de crimes au regard de la loi afghane, et a insisté sur la nécessité de prévoir des centres de réhabilitation et d’accueil pour leur permettre de se réintégrer dans la société. Il a aussi insisté sur l’importance d’établir une agence chargée en particulier de veiller, avec l’appui des agences et de la Mission des Nations Unies, à la mise en œuvre des normes minimales des Nations Unies pour le traitement des prisonniers.
S’agissant de la situation des femmes et des enfants, M. Bassiouni a appelé le Gouvernement afghan à adopter une loi interdisant le mariage d’une jeune fille en l’échange du règlement d’une dette, à lutter fermement contre les enlèvements et le trafic d’enfants et le travail des enfants, à venir en aide aux 500 000 orphelins ou abandonnés qui sont exploités dans le cadre d’activités s’apparentant à de l’esclavage en violation flagrante de la Convention relative aux droits de l’enfant. Il a aussi insisté sur l’importance de l’éducation, et en particulier sur la scolarisation des filles, sur le contrôle que le Gouvernement doit opérer sur les écoles religieuses, et sur l’importance de l’éducation aux droits de l’homme à tous les niveaux. Il a souligné que le cursus universitaire en droit devrait intégrer à la fois les principes relavant de la loi islamique et ceux relevant de la laïcité.
S’agissant des forces de la coalition et de l’ISAF, M. Bassiouni a souligné la nécessité pour ces dernières de respecter les normes internationales des droits de l’homme, y compris en ce qui concerne les conditions d’arrestation et de détention. Il a conclu en appelant le Gouvernement afghan à reconnaître le désir de démocratie, de justice, d’état de droit, et de développement économique des Afghans, et a affirmé que l’appui de la communauté internationale, et en particulier l’engagement des États-Unis, ne devait pas fléchir.
Dialogue
Le représentant de l’Afghanistan a indiqué que son pays continue à progresser vers la démocratie et la règle de droit et a félicité l’Expert indépendant pour son travail. Il a toutefois estimé que le rapport de l’Expert semble présenter une orientation plus politique que juridique. Le rapport qualifie de violation systématique des droits de l’homme dans le pays un certain nombre de crimes qui se produisent dans toutes les sociétés, ainsi que des crimes tribaux qui ne sont pas dominants sur le territoire, a relevé le représentant. Il a ajouté que l’Expert a accusé la communauté internationale de légitimer de tels individus en les invitant à participer au nouveau Gouvernement. Pour les Nations Unies, a-t-il noté, la paix en Afghanistan est un des grands succès de l’Organisation dans le nouveau millénaire. Son pays reste conscient de l’étendue des défis à relever et continuera à progresser dans la voie du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration de la société.
Pour répondre à ces commentaires, M. BASSIOUNI a fait valoir qu’il est essentiel de regarder la situation de l’Afghanistan dans son ensemble, considérant un pays qui sort de 23 ans de guerre, tant du fait de conflits internes que d’agressions extérieures. Pour lui, il n’est pas réaliste d’espérer résoudre tous les problèmes économiques, sociaux, culturels et politiques du pays dans un court laps de temps.
L’Expert a reconnu qu’il serait essentiel de définir les questions prioritaires, mais que tous les progrès se renforceraient eux-mêmes. À son avis, certaines situations doivent être redressées immédiatement. Il a considéré encourageant de voir le Président Karzaï libérer les détenus ex-talibans qui avaient été pris par l’Alliance du Nord entre septembre et octobre 2001. Il n’apparaît pas clairement comment les coalitions ont travaillé avec l’Alliance, mais selon certaines allégations, des individus sont morts de suffocation dans des conteneurs. L’Expert a déclaré avoir agi immédiatement après avoir eu connaissance de la situation, demandant au Gouvernement de donner effet aux libérations datant du mois d’août. Il a dit avoir visité les locaux où étaient gardés les détenus et, sans vouloir accuser le Gouvernement, a déclaré que les conditions lui ont paru inadéquates et l’ont porté à croire que les droits de l’homme y étaient violés. Le problème vient du manque de ressources, selon lui.
En ce qui concerne les violations des droits de l’homme à l’égard des femmes et des enfants, M. Bassouani a considéré que les problèmes étaient susceptibles d’être résolus. Il a fait valoir que le Gouvernement, par l’intermédiaire du Président Karzaï, a promis d’adopter une loi qui interdise le don de jeunes filles comme monnaie d’échange. Le Gouvernement doit aussi travailler à changer ces pratiques traditionnelles, dans un effort conjoint avec la communauté internationale.
En ce qui concerne le trafic d’enfants, il a noté que le Gouvernement a déjà interdit cette pratique. Il a relevé la nécessité de mener maintenant une campagne nationale afin de sensibiliser le public sur cette question. À son avis, c’est aux Ministères de l’intérieur et de la justice qu’il revient de traiter en priorité la question du rapt d’enfants. L’Expert a aussi noté qu’il est important d’améliorer l’application de la loi et le système judiciaire dans le pays.
Il a abordé la question de personnes déplacées, très nombreuses, que ce soit au Pakistan, en Iran ou même au sein même de l’Afghanistan. Il a attiré l’attention sur le retour de ces personnes dans des villages qui ne sont plus les leurs et sur le pouvoir d’hommes armés qui font la loi au lieu du Gouvernement dans beaucoup d’endroits. Les anciennes personnes déplacées se retrouvent souvent dans l’obligation de travailler pour ces chefs locaux et ces groupes armés, souvent dans la culture du pavot. En réalité, a-t-il poursuivi, les hommes qui contrôlent cette culture commandent à 100 000 hommes en possession d’armes sophistiquées, alors que l’armée du Gouvernement ne compte que 10 000 hommes. De son avis, le Gouvernement est incapable de remédier à ce manque d’équilibre qui conduit à des violations des droits de l’homme. L’expert a aussi cité l’absence de système bancaire central en Afghanistan, qui s’ajoute au fait que le contrôle économique est entre les mains de ceux qui perçoivent les revenus du trafic de drogue.
En concluant, M. Bassouani a fait remarquer que la désignation d’un expert indépendant a été repoussée pendant plus d’un an, ce qui est inconciliable avec la priorité que la communauté internationale et les Nations Unies voulaient donner à l’Afghanistan. Il a aussi mis l’accent sur le peu de ressources dont il disposait, notamment pour faire la synthèse de son travail, promettant cependant de faire de son mieux pour présenter un rapport complet.
Rapport de la Rapporteure spéciale sur les droits de l’homme des migrants (A/59/377)
Le rapport porte sur les activités menées par Gabriela Rodriguez Pizarro pendant la période comprise entre le 1er août 2003 et le 30 août 2004. Il met l’accent sur diverses questions particulièrement préoccupantes, qui, de l’avis du Rapporteur spécial, demandent à être examinées d’urgence.
Elle constate que la situation des droits de l’homme des migrants, en particulier des migrants clandestins, ne cesse de se détériorer. Les mauvais traitements dont ils sont le plus souvent victimes prennent la forme de pratiques discriminatoires, xénophobes et racistes, de détention administrative dans le cas des migrants clandestins et de diverses formes d’exploitation sur le lieu de travail. Pendant ses visites, la Rapporteure spéciale a observé un accroissement des pressions migratoires et une aggravation de certains problèmes tels que le trafic illicite de migrants. Elle souligne que cette situation contraste avec le peu d’importance accordée, dans les débats sur les politiques migratoires, aux droits de l’homme de ce groupe vulnérable.
Mme Rodriguez a estimé que les modes traditionnels de gestion des flux migratoires ne sont plus de mise en cette période de mondialisation. Jusqu’à présent, la maîtrise des flux migratoires était fondée sur la logique de l’État-nation, mais l’extraordinaire convergence de la mondialisation et des migrations internationales remet en question les politiques migratoires axées sur la sécurité intérieure et certains intérêts économiques. De plus, le phénomène migratoire met en évidence l’existence de problèmes structurels qui ne peuvent être résolus par des mesures conjoncturelles et encore moins par des mesures unilatérales. La Rapporteure spéciale souligne que tant que les disparités en matière de développement persisteront, les courants migratoires continueront de se diriger vers les pays riches et vers les pays en développement un peu plus prospères que les autres.
La Rapporteure spéciale propose de renforcer la gestion des migrations dans la perspective des droits de l’homme et de la fonder sur la responsabilité partagée des états vis-à-vis des migrants. Elle demande instamment aux États Membres d’instances consultatives d’adopter des cadres de gestion qui favorisent l’adoption de politiques migratoires complètes et d’instruments juridiques en matière d’immigration et d’asile et fassent une place centrale à la personne et à ses droits.
Enfin, elle demande aux États Membres d’envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et de leur famille et la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles additionnels sur le trafic illicite de migrants et la traite de personnes qui s’y rapportent.
Déclaration liminaire
Mme GABRIELA RODRIGUEZ PIZARRO, Rapporteure spéciale des droits de l’homme des migrants, a déploré la détérioration continue de la situation des droits de l’homme des migrants, et a souligné l’importance de ratifier et d’appliquer les dispositions des principaux instruments internationaux des droits de l’homme, et en particulier ceux relatifs aux droits des migrants. Elle a donc appelé les États à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, et le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. À ce titre, elle a souligné la nécessité de lutte contre l’impunité qui prévaut à l’égard des crimes commis contre des migrants et a souligné la responsabilité des États en la matière.
Elle a signalé que dans le cadre de ses visites dans les pays, elle a pu étudier les migrations entraînées par les disparités économiques entre les pays du Nord et les pays du Sud, en particulier à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, les migrations euroméditerranéennes, les liens étroits entre les migrations et l’exode des réfugiés, et les phénomènes de la traite de personnes et du trafic de migrants. En ce qui concerne la régularisation des situations des immigrés en situation irrégulière, elle a insisté sur le besoin pour les pays d’origine et les pays de destination de coopérer, au moins au niveau consulaire, pour assurer que ce processus soit régi par le strict respect des droits de l’homme, et dans le souci de minimiser les risques d’exploitation par les réseaux criminels. Elle a indiqué qu’un des obstacles principaux qui entravait la lutte contre les migrations clandestines et l’appui aux immigrés en situation irrégulière découlait du manque de capacité des institutions de nombreux pays.
Elle a signalé que parmi les communications qu’elle a transmises aux États Membres figuraient notamment des allégations de violations des droits de l’homme des migrants dans les lieux de détention, des allégations de torture, de déni de droits consulaires, y compris dans des cas de migrants condamnés à mort, de renvoi à la frontière à la suite de décisions arbitraires, d’impunité contre des crimes commis contre des migrants, et d’expulsions sommaires. Elle s’est dite particulièrement préoccupée par la situation des travailleurs migrants, en particulier dans les situations qu’elle a qualifiées d’analogues à l’esclavage ou au travail forcé. Elle a aussi dénoncé des cas de rétention de passeports, de salaires impayés, de restrictions de la liberté de mouvement, de violence, et de déni du droit d’association et de réunion.
Elle a indiqué que l’actualité des flux migratoires était marquée par une féminisation croissante, par l’augmentation du nombre de migrants illégaux dans certains pays et du déni de leurs droits et libertés fondamentales. S’agissant de la situation des femmes, elle a demandé aux États Membres de tenir compte de leur vulnérabilité particulière du fait d’une triple discrimination en tant que femme, que migrante et bien souvent de sans-papiers.
Mme Pizarro a par ailleurs estimé que les modes traditionnels de gestion des flux migratoires n’étaient plus de mise en cette période de mondialisation, et s’est réjouie du dynamisme des processus régionaux de gestion des flux migratoires et des initiatives intergouvernementales, comme celle dite de Berne, et la Commission mondiale sur les migrations internationales, indispensables pour trouver des modes de gestion efficaces du phénomène migratoire et aboutir à des positions communes susceptibles de favoriser la conclusion d’accords. Elle a toutefois déploré que ce dynamisme révèle une lente politisation de l’immigration. La Rapporteure spéciale a proposé de renforcer la gestion des migrations dans la perspective des droits de l’homme, et de la fonder sur la responsabilité partagée des États vis-à-vis des migrants.
Dialogue
Répondant aux observations et questions des délégations, Mme PIZARRO a souligné que son mandat ne s’étendait pas à la situation des réfugiés, mais qu’elle s’y est intéressée du fait que bon nombre de personnes qui se voient refuser le statut de réfugiés sont considérés comme des migrants illégaux. Elle accordait naturellement une importance majeure à la situation des migrants, qui constitue la partie fondamentale de son mandat. Dans ce cadre, a-t-elle dit, elle coopère étroitement avec le Comité chargé du suivi de la Convention sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Elle a insisté sur la nécessité d’assurer la conformité des législations au niveau national avec les instruments internationaux, et a souligné l’importance de la Convention de Palerme et de ses deux protocoles facultatifs. À ce titre, elle a signalé le caractère déterminant de la coopération internationale dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes et le trafic des migrants. Cette question, a-t-elle affirmé, constitue une des priorités de son mandat. Elle a notamment cité le cas de femmes venant au Maroc des régions subsahariennes, et notamment du Burkina Faso et du Sénégal, pour aller en Europe en passant par le détroit de Gibraltar.
Elle a aussi mis en avant la situation dramatique des femmes employées de maison. Celles-ci étaient souvent complètement isolées, invisibles. Elle a souligné que nombre d’entre elles étaient employées illégalement, au sein de la communauté diplomatique. Elle a précisé qu’elle recevait des informations par plusieurs biais, en particulier du Haut Commissariat aux droits de l’homme et des organisations non gouvernementales. Lorsqu’elle demandait des renseignements aux gouvernements, elle veillait à ce que les allégations reposent sur des faits solides et a indiqué qu’elle entretenait une relation continue avec les gouvernements. S’agissant des mécanismes de coopération régionale, elle a souligné l’importance de créer une synergie entre les différentes initiatives et de renforcer la coopération internationale et l’établissement de normes visant à protéger les droits des migrants. Mme Pizarro a insisté sur la nécessité de ne pas envisager les migrations que sous l’angle économique. Au sujet de la part des salaires des migrants renvoyée dans leur pays d’origine, elle a insisté que celle-ci constitue souvent la deuxième source de revenus pour ces pays.
S’agissant de l’application des lois, elle a insisté sur la nécessité de professionnaliser les personnels des forces de police, des services consulaires et des instances traitant de la gestion des migrations. Elle a en outre insisté sur l’importance de régulariser la situation des migrants en situation irrégulière, et de leur assurer, le cas échéant, un retour dans la dignité. Dans le cas où les irrégularités continueraient de s’accroître, elle a mis en garde contre le risque de voir le crime organisé progresser du fait du caractère très lucratif du trafic des migrants. Mme Pizarro a aussi insisté sur le fait que les questions de la traite, du trafic et des migrations concernaient les pays en développement autant que les pays développés. Le trafic des esclaves sexuels répondait à un marché florissant, a-t-elle dit, en insistant sur la coresponsabilité du pays de destination et du pays d’origine. À ce titre, elle a salué les efforts entrepris dans ce sens par le Mexique et les Philippines au niveau des services consulaires pour l’identification des personnes.
Question de la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine (A/59/256)
Dans son rapport, le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 met essentiellement l’accent sur les conséquences des incursions militaires opérées dans la bande de Gaza, les violations du droit humanitaire international et les droits de l’homme qui découlent de la construction du mur et les restrictions constantes à la liberté de circulation.
Il affirme que l’intensification des six derniers mois des incursions militaires dans la bande de Gaza par les Forces de défense israéliennes (FDI) a été interprétée comme une démonstration de force de la part d’Israël qui voulait ainsi empêcher que son retrait unilatéral du territoire ne soit ultérieurement perçu comme un signe de faiblesse. Durant ces incursions, note-t-il, Israël a procédé à des destructions massives et injustifiées de biens. Des bulldozers ont démoli arbitrairement des habitations et défoncé des routes, déterrant notamment des lignes électriques, des égouts et des conduites d’eau. Lors de l’opération Rainbow, menée du 18 au 24 mai 2004, 43 personnes ont trouvé la mort et 167 bâtiments abritant 379 familles (soit 2 066 personnes) au total ont été détruits ou rendus inhabitables. Ces démolitions ont eu lieu durant l’un des pires mois qu’ait connu Rafah récemment. En mai, 298 édifices abritant 710 familles (soit 3 800 personnes) ont été démolis.
S’agissant de l’annonce par Israël qu’il se retirerait unilatéralement de Gaza, il indique qu’Israël voudrait présenter ce retrait comme une mesure mettant un terme à l’occupation militaire de la bande de Gaza et le dégageant ainsi des obligations qui, s’agissant de ce territoire, lui incombent en vertu de la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (quatrième Convention de Genève). Il estime qu’en réalité, il n’a aucunement l’intention de renoncer à son emprise sur la bande de Gaza qu’il prévoit de maintenir sous sa coupe en contrôlant ses frontières, ses eaux territoriales et son espace aérien. Dans ce contexte, M. Dugard estime que sur le plan juridique, Israël continuera d’être une puissance occupante toujours soumise aux obligations prévues par la Convention susmentionnée. Il ajoute qu’Israël prétend que le mur a pour objet de le protéger contre les attentats terroristes et que son édification a permis de réduire de plus de 80% le nombre de ces attentats. À ce sujet, il fait deux observations. Tout d’abord, il indique qu’il n’existe aucun élément tendant à prouver de manière irréfutable que le mur n’aurait pas pu empêcher aussi efficacement l’entrée en Israël des auteurs d’attentats-suicide à la bombe s’il avait été construit le long de la Ligne verte (le tracé accepté de la frontière séparant Israël de la Palestine) ou du côté israélien de la Ligne. Deuxièmement, au vu des preuves dont on dispose, il note qu’il semblerait plutôt que le mur ait été construit aux fins suivantes –d’incorporer les colonies de peuplement à Israël, de confisquer des terres palestiniennes et d’inciter les Palestiniens à quitter leurs terres et leurs maisons en leur rendant la vie insupportable. Il estime que le tracé du mur montre clairement que ce dernier vise à incorporer le plus grand nombre de colonies de peuplement possible à Israël. En effet, il place près de 80% des colonies de Cisjordanie en territoire israélien.
En outre, il rappelle que M. Benjamin Netanyahu, ancien Premier Ministre et actuel Ministre israélien des finances, a reconnu publiquement dans l’International Herald Tribune du 14 juin 2004, que l’objet de ce mur était d’inclure le plus grand nombre de Juifs que possible. Bien que la CIJ ait été unanime à considérer que les colonies de peuplement étaient illégale, poursuit-t-il, ces colonies ont connu une forte expansion durant l’année écoulée, tandis que les colons redoublaient de violence à l’égard des Palestiniens. Il signale qu’Israël est en train d’incorporer la colonie d’Ariel, située à 22 kilomètres à l’intérieur du territoire palestinien et souligne que cette mesure est interdite par la CIJ et va à l’encontre de la décision prise par la Haute Cour israélienne elle-même. Le mur, insiste-t-il, a également pour objet d’étendre le territoire israélien. Ces derniers mois, Israël a exprimé ses visées territoriales sur la région de Jérusalem. En effet, le mur est actuellement construit autour d’une Jérusalem-Est élargie devant englober 247 000 colons répartis sur 12 colonies de peuplement et quelque 249 000 Palestiniens. On se souviendra que l’annexion de Jérusalem-Est par Israël en 1980 est illégale et a été qualifiée de mesure n’« ayant aucune validité en droit » par le Conseil de sécurité.
Il estime que la confiscation de terres situées à Jérusalem-Est ne peut pas se justifier d’un point de vue sécuritaire, dans la mesure où elle aura souvent pour effet de diviser des communautés palestiniennes. Premièrement, elle risque de priver les 60 000 Palestiniens ayant le droit de résider à Jérusalem de ce droit s’ils se retrouvent du côté du mur situé en Cisjordanie. Deuxièmement, elle rendra périlleux et compliqués les contacts entre Palestiniens et institutions palestiniennes situés de part et d’autre du mur. Enfin, note-t-il, elle interdira à plus de 100 000 Palestiniens qui résident dans des quartiers situés en Cisjordanie et dépendent d’infrastructures et de services situés à Jérusalem-Est (hôpitaux, universités, emplois, marchés pour les produits agricoles, etc.) l’accès à cette partie de la ville.
Le mur, poursuit-il, a pour troisième objectif de contraindre, en leur rendant la vie insupportable, les Palestiniens vivant dans les zones situées entre lui et la Ligne verte et dans celles qui lui sont contiguës, mais qu’il sépare de leurs terres, à quitter leurs foyers pour recommencer leur vie ailleurs en Cisjordanie. Ce sont essentiellement les restrictions à la liberté de circulation dans la « zone d’accès réglementé » située entre le mur et la Ligne verte et le fait que les agriculteurs sont coupés de leurs terres qui obligeront les Palestiniens à déménager. La Haute Cour israélienne a déclaré que certains tronçons du mur ne pouvaient pas être construits lorsqu’ils imposaient des conditions de vie extrêmement difficiles aux Palestiniens. Logiquement, cette décision devrait s’appliquer aux 200 kilomètres de mur déjà construits. Or, le Gouvernement israélien a fait savoir qu’il n’en ferait rien en dépit de la décision prise par sa propre Haute Cour. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, la liberté de circulation est sérieusement limitée. À ce titre, il affirme que les restrictions à la liberté de circulation que les autorités israéliennes imposent aux Palestiniens rappellent les lois relatives aux laissez-passer tristement célèbres de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Il conclut qu’Israël est allé encore plus loin que les lois de l’apartheid en créant des routes distinctes pour les colons, instituant ainsi un « apartheid routier » que l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid n’a jamais connu. Il souligne que le mépris affiché par Israël pour le droit international menace non seulement l’ordre juridique international, mais aussi l’ordre international tout court et affirme que la communauté internationale n’a donc pas lieu, en pareilles circonstances, de se montrer conciliante.
Déclaration liminaire
M. JOHN DUGARD, Rapporteur spécial sur la question de la violation des droits de l’homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine, a indiqué qu’il y avait à la fois des ressemblances et des différences entre l’apartheid en Afrique du Sud et ce qui se passe dans les territoires palestiniens occupés. Mais un de ces points de ressemblance ne laisse pas de doute: la conduite d’Israël dans les territoires occupés pose le même type de défi à la crédibilité de la notion internationale des droits de l’homme que faisait l’apartheid dans les années 70 et 80. De graves violations systématiques de droits de l’homme et du droit humanitaire international se produisent dans les territoires, des violations qui sont commises non par des milices indisciplinées et incontrôlées mais par une des armées les plus sophistiquées et disciplinées du monde moderne, et dirigée par un Gouvernement stable.
Il a tout d’abord identifié les conséquences multiples de la construction du mur qu’Israël est en train de construire dans les territoires occupés, en rappelant préalablement qu’au mois de juillet dernier, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a estimé que la construction du mur était illégale et a ainsi demandé sa destruction. Le mur, a poursuivi M. Dugard, risque d’encourager et de consolider les colonies de peuplement illégales, en incluant la plupart des colonies dans la zone entre le mur et la Ligne verte (le tracé accepté de la frontière séparant Israël et la Palestine), étendant de fait le territoire israélien. Il entraîne la confiscation de terres palestiniennes. Les meilleures terres agricoles et les ressources aquifères des régions de Tulkarem et Qalqiliya ont déjà été saisies. Enfin, le mur restreint la liberté de mouvement. Les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie n’ont pas accès sans permis à leurs terres situées de l’autre côté du mur. Ce système de permis peut être assimilé au système de laissez-passer de l’apartheid, mais contrairement à celui-ci –qui était régulé de manière brutale mais uniforme– le mur israélien se caractérise par son arbitraire. Le but du mur n’est pas simplement d’assurer la sécurité (ce qui pourrait être le cas si l’on l’avait construit le long de la Ligne verte ou en territoire israélien) mais plutôt, semble-t-il, de fournir le moyen de confisquer la terre au nom des colons et d’inciter les Palestiniens à quitter leurs terres et leurs maisons en leur rendant la vie insupportable.
Pour ce qui est de l’occupation de Gaza, M. Dugard a estimé que ce territoire est une prison et tous ses habitants sont les prisonniers d’Israël. Il a indiqué que quand (et si) Israël se retire de Gaza, le territoire demeurera sous son contrôle. Dans ce cadre, a-t-il souligné, il faut absolument que la communauté internationale se souvienne qu’Israël reste tenu par ses obligations telles qu’énoncées dans la quatrième Convention de Genève. Tout en reconnaissant qu’Israël a des considérations de sécurité importantes et légitimes, il a tiré parti de la paranoïa, face à un terrorisme lié à des éléments non étatiques, qui a poussé le pays à se lancer dans un terrorisme d’État dans les territoires occupés. Le mépris affiché par Israël pour le droit international menace non seulement l’ordre juridique international, mais aussi l’ordre international tout court, a-t-il conclu.
Dialogue
Le représentant d’Israël a reproché au Rapporteur spécial de se prêter à une analyse biaisée de la situation et de nier les faits. S’agissant de la recommandation du Rapporteur de suivre le tracé de la Ligne Verte pour la construction de la barrière de séparation, il a estimé que cela revenait à demander que la barrière de séparation prédétermine une ligne politique qui ne tiendrait pas compte des questions de sécurité. Il a estimé que les allégations portées à l’encontre de son pays « de confisquer le territoire palestinien », « d’encourager l’exode des Palestiniens » et d’« inclure les colons en Israël », venaient en contradiction totale des déclarations faites par les dirigeants de son pays et par les mesures prises sur le terrain. Il a affirmé que le Rapporteur spécial ignorait intentionnellement des faits et les mesures prises par Israël. Il a également estimé que les comparaisons que faisait le Rapporteur à la situation qu’a connue l’Afrique du Sud devaient être rejetées, et a ajouté que la vision simpliste et arrogante fournie par le Rapporteur n’apportait aucune contribution à la discussion.
Répondant aux questions des délégations, le Rapporteur spécial a indiqué que la Haute Cour d’Israël jouait un rôle important dans la protection et le développement des droits de l’homme dans les territoires occupés. La décision dans le cas Beit Sourik était une décision historique monumentale, a-t-il estimé, puisque la Cour a dit que le mur ferait subir des souffrances indicibles et disproportionnées aux Palestiniens par rapport au souci de sécurité de l’État d’Israël. Il a soutenu qu’il existait un lien entre l’avis de la CIJ daté de juillet 2004 et l’avis de la Haute Cour, même si les différences restaient importantes. Il a rappelé que selon la décision de la CIJ, la quatrième Convention de Genève est applicable dans les territoires occupés, et qu’Israël devrait se conformer à l’interdiction des implantations de peuplement y énoncée. Il a souligné que les États ne devaient pas accepter et reconnaître la construction du mur. Le Conseil de sécurité, a-t-il estimé, devrait prendre des mesures pour arrêter sa construction –mais, compte tenu des difficultés politiques, il est peu probable qu’une décision soit prise. En l’absence d’une telle décision, il revenait aux pays de la région, et en particulier aux États-Unis, de faire pression sur Israël pour qu’il se plie à ses obligations. Les autres États, pris individuellement, pourraient également y contribuer.
Il a rappelé que si dans le cas de l’apartheid des États comme la France, les États-Unis et le Royaume-Uni avaient fait jouer leur veto au Conseil de Sécurité, d’autres États avaient pris des mesures individuelles. De même, la société civile pourrait être plus active, notamment en faisant pression sur des entreprises qui ont une activité dans les territoires occupés. Il a rappelé qu’en 1971 la CIJ avait jugé que l’Afrique du Sud occupait illégalement la Namibie, que les États avaient tenu compte de cette décision dans leurs relations avec l’Afrique du Sud, et que la communauté internationale pouvait au même titre s’appuyer sur la décision de la Cour internationale dans ses relations avec Israël. Suite à une question des Pays-Bas sur les droits économiques, sociaux et culturels de la population palestinienne, il a répondu que la guerre alimentait inévitablement le déclin de cette population, déclin qui avait commencé après la deuxième intifada, et que la construction du mur en cours aggravait cette situation. Les conséquences en étaient catastrophiques pour la vie économique et sociale de la région. Les mesures prises par Israël aux points de passage constituaient une extrême limitation des droits humains, notamment en ce qui concerne la liberté de circulation. Ces mesures avaient souvent pour seul but d’humilier la population palestinienne, a-t-il soutenu.
En réponse à la déclaration du représentant d’Israël, il a rejeté l’accusation selon laquelle il ne tenait pas compte des besoins de sécurité israéliens, en faisant valoir que le représentant ne faisait référence ni à l’opinion de la CIJ ni à la question de l’occupation alors que celles-ci étaient des points clefs. M. Dugard a ajouté qu’il s’était servi de l’analogie avec l’apartheid sud-africain uniquement dans le cadre des territoires occupés. L’occupation est responsable de la violation des droits de l’homme et des droits humanitaires, a-t-il lancé.
La représentante de la Mission d’observation de la Palestine s’est félicitée du travail du Rapporteur spécial, et lui a demandé son avis sur le retrait d’Israël de Gaza. M. Dugard a indiqué que ce retrait représentait un pas en avant, et qu’il aurait voulu qu’il s’accompagne d’un retrait des colonies de la Cisjordanie. Mais il a réaffirmé qu’à son avis le Gouvernement d’Israël entendait toujours s’assurer du contrôle de la bande de Gaza. Suite aux déclarations de la représentante des États-Unis, qui a estimé que son rapport était déséquilibré, il a dit qu’il avait tenté de trouver un équilibre entre sécurité et violations des droits de l’homme, et qu’il s’appuyait sur les témoignages recueillis dans les territoires et en Israël. Il a regretté que, compte tenu du fait que les autorités israéliennes ne reconnaissaient pas son mandat, il n’ait pas pu les rencontrer, ce qui lui aurait peut-être permis de formuler une position plus équilibrée. Il a indiqué qu’un règlement négocié du problème était indispensable, et a regretté que les États-Unis n’incitent pas le Gouvernement israélien à négocier. Les États-Unis devraient faire partie de la réponse aux problèmes de la région, a-t-il lancé, mais, pour l’instant, dans une année électorale, ils font partie du problème et non pas de la réponse.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT
Présentant le projet de résolution intitulé « situation et aide aux enfants palestiniens » (A/C.3/59/L.28), la représentante de l’Égypte a déclaré que depuis le 28 septembre 2000, des milliers d’enfants ont été blessés et de nombreux ont été tués. Elle a indiqué que si le projet de texte était largement similaire au texte présenté et adopté l’année dernière, une référence à l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice du 9 juillet 2004 avait été ajoutée. Par ce texte, l’Assemblée générale demanderait une intervention internationale afin d’aider les enfants palestiniens et leur famille. Il est inacceptable que les enfants palestiniens ne peuvent pas exercer les droits qui leur reviennent en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant, a-t-elle dit.
DÉCENNIE DES NATIONS UNIES POUR L’ALPHABÉTISATION: L’ÉDUCATION POUR TOUS
Par le projet de résolution « Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation: l’éducation pour tous » (A/C.3/59/L.15/Rev1), adopté sans vote, l’Assemblée générale demanderait à tous les gouvernements d’établir des données plus fiables concernant l’alphabétisation, de faire preuve d’une volonté politique encore plus ferme, de mobiliser des ressources nationales suffisantes, de mettre en place des instances de décision plus ouvertes et de concevoir des stratégies novatrices afin de toucher les groupes les plus pauvres et les plus marginalisés et de rechercher d’autres modes d’apprentissage, formels et non formels, en vue d’atteindre les objectifs de la Décennie. Elleengagerait tous les gouvernements à assumer la coordination des activités de la Décennie au niveau national, en amenant tous les intervenants nationaux intéressés à travailler ensemble et en entretenant avec eux un dialogue constant sur la définition des orientations, la mise en œuvre et l’évaluation de l’action menée en faveur de l’alphabétisation. Elle exhorterait, d’autre part, tous les gouvernements et les organisations professionnelles à renforcer les institutions éducatives nationales et les établissements d’enseignement professionnel en vue d’en renforcer les capacités et d’améliorer la qualité de l’enseignement, en misant en particulier sur l’alphabétisation. Enfin, elle prierait, également, le Secrétaire général d’établir tous les deux ans un rapport qu’il lui présentera sur la mise en œuvre du Plan d’action international, et ce, à partir de 2006.
PROMOTION DE LA FEMME
Par un projet de résolution intitulé « Mesures à prendre en vue d’éliminer les crimes d’honneur commis contre les femmes et les fillettes » (A/C.3/59/L.25),adopté sans vote, l’Assemblée générale constaterait avec inquiétude que les femmes continuent d’être victimes de crimes d’honneur, que ce type de violence, qui revêt de nombreuses formes différentes, persiste dans toutes les régions du monde et que le nécessaire n’est pas toujours fait pour poursuivre et punir les auteurs. Elle demanderait, entre autre, à tous les États de soumettre sans délai les crimes d’honneur commis contre les femmes et les fillettes à des enquêtes approfondies, d’établir solidement les faits les concernant et de poursuivre effectivement et de punir leurs auteurs. Elle leur demanderait également d’intensifier leurs efforts pour sensibiliser les hommes à la responsabilité qui leur incombe de promouvoir l’égalité entre les sexes et de faire évoluer les mentalités en vue d’éliminer les stéréotypes fondés sur le sexe, notamment au rôle qu’il doivent jouer pour prévenir les crimes d’honneur contre les femmes et les fillettes. Enfin, elle leur demanderait d’accorder l’attention voulue aux plaintes pour crimes d’honneur commis contre les femmes et les fillettes, notamment en créant des mécanismes institutionnels permettant aux victimes et à d’autres personnes de signaler ces crimes en toute sécurité dans un cadre strictement confidentiel, en renforçant les mécanismes existants ou en facilitant la création de tels mécanismes.
Déclarations
Le représentant du Royaume-Uni a rendu hommage au représentant de la Turquie pour sa contribution à l’élaboration de ce texte. Il a estimé que ce projet de résolution contribuera aux efforts de lutte contre la violence à l’égard des femmes des États Membres. Il a insisté sur l’importance de sensibiliser l’opinion publique, de prévenir la violence à l’égard des femmes et de sanctionner pénalement toutes les formes de violence commises à l’égard des femmes. Il a aussi souligné l’importance de reconnaître le rôle des hommes dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Le représentant du Costa Rica s’est associé à la déclaration du Royaume-Uni et a regretté de ne pas pouvoir co-parrainer le projet de texte. Il a expliqué qu’il se devait de respecter la législation de son pays et ne pouvait pas s’associer aux références faites aux services de santé reproductive, car il n’était pas convenable que l’on oblige les États à promouvoir l’avortement. Mon pays, a-t-il dit, a toujours défendu le droit à la vie et ne saurait tolérer l’avortement.
La représentante des États-Unis a déclaré que son pays était fermement engagé à l’élimination des crimes d’honneur. Ils n’ont pas leur place dans une société civilisée, a-t-elle dit, en ajoutant que les femmes concernées pouvaient demander l’asile aux États-Unis. Elle a affirmé que son pays n’interprétait pas les références à la santé reproductive comme faisant référence à l’avortement ou à l’utilisation de préservatif.
PRÉVENTION DU CRIME ET JUSTICE PÉNALE
Par le projet de résolution intitulé « Institut africain des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants » (A/C.3/59/L.21), adopté sans vote, l’Assemblée réaffirmerait la nécessité de mettre l’Institut mieux à même de prêter son appui aux mécanismes nationaux de prévention du crime et de justice pénale en place dans les pays africains. Elle engagerait les États membres de l’Institut à faire tout leur possible pour s’acquitter de leurs obligations envers lui. Elle demanderait à tous les États Membres et à toutes les organisations non gouvernementales d’adopter des mesures pratiques concrètes afin d’aider l’Institut à se doter des moyens requis pour exécuter ses programmes et activités visant à renforcer les systèmes de prévention du crime et de justice pénale en Afrique. Elle prierait également le Secrétaire général de lui faire des propositions concrètes, à sa soixantième session, concernant notamment le recrutement d’administrateurs supplémentaires, en vue du renforcement des programmes et activités de l’Institut.
Reprise du dialogue avec M. Ziegler
Le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation a remarqué, à la suite de l’intervention du représentant du Togo, que l’allocation des ressources alimentaires sur la planète est le grand problème, mais qu’elle n’est pas liée à un problème de production. Dans l’état actuel de développement, la planète pourrait nourrir toute la population. Citant les chiffres de la FAO, il a rappelé que 11 milliards de personnes pourraient être nourris à hauteur de 2 700 calories jour. Mais des centaines de millions de personnes meurent de faim, et ce « massacre » ne doit rien à la fatalité, a-t-il dit, en ajoutant que si le marché peut à lui seul garantir une distribution juste, et la solution normative est la plus à même de régler la question du droit à l’alimentation.
En réponse aux observations du représentant de la Chine, il a noté que le problème douloureux de ceux qu’il a qualifiés de réfugiés de la faim, qui fuient la République populaire démocratique de Corée (RPDC) pour se rendre en Chine, doit être résolu par une solution politique. Il a indiqué qu’effectivement la Convention de 1951 sur les réfugiés ne parle pas de réfugiés de la faim et que seules sont mentionnées les persécutions politiques et religieuses; néanmoins, les milliers de personnes qui fuient doivent être protégées, a-t-il insisté. Il a cité le rapport d’Amnesty international qui indique que 6,2 millions de personnes sont gravement sous alimentés et, de ce fait, il est normal que ce qui le peuvent, fuient dans le pays le plus proche. Il n’est pas normal que la Chine fasse la chasse à l’homme et offre des primes pour renvoyer ces réfugiés dans les camps de la RPDC, a-t-il lancé, d’autant plus que ceux qui sont renvoyés sont exécutés ou disparaissent dans les camps. Il a indiqué que la communauté internationale devait chercher une solution politique et qu’une des possibilités serait la recherche d’un tiers pays vers lequel les réfugiés pourraient être dirigés. Si la République de Chine voulait engager un dialogue, il serait possible de trouver une solution rapide à ce problème et éviter le renvoi dans les camps de concentration de la RPDC, a estimé M. Ziegler. Le représentant de la RPDC a dit que les personnes qui rentrent des pays voisins sont punies pour avoir franchi illégalement la frontière, et il a contesté les informations de M. Ziegler ainsi que la crédibilité des ONG qu’il avait citées, telles que Médecins sans frontière ou Amnesty international. Le Rapporteur spécial a répondu que le quart de la population de la RPDC est dangereusement sous alimenté. Ses sources de renseignement, tels OXFAM, Amnesty ou le Congrès américain, a-t-il soutenu, sont crédibles –et celles-ci affirment que les gens qui sont renvoyés en RPDC disparaissent dans les camps de travail forcé.
Rapport intérimaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar établi par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme (A/59/311)
Le Rapporteur spécial, Paulo Sergio Pinheiro, a établi ce rapport à partir des informations recueillies par le Rapporteur spécial jusqu’au 30 juillet 2004 et doit être rapproché du dernier rapport qu’il a présenté à la Commission (E/CN.4/2004/33).
Le Rapporteur spécial signale que depuis sa dernière mission au Myanmar en novembre 2003, il a demandé au Gouvernement du Myanmar, à plusieurs reprises, de coopérer à son retour dans le pays en vue d’une mission d’établissement des faits. Cependant, s’il a donné son accord de principe à cette visite, aucune autorisation n’a été reçue de lui. Le Rapporteur spécial donne donc un résumé succinct des questions qu’il a examinées durant sa dernière visite, et sur la base d’informations recueillies auprès d’autres sources. Il indique qu’il s’efforcera de retourner au Myanmar afin de s’acquitter pleinement de son mandat. Il rappelle que la Convention nationale, pour sa reprise, a été convoquée du 17 mai au 9 juillet 2004. La relance de la Convention nationale constitue la première étape d’une feuille de route en sept points pour la réconciliation nationale et la transition démocratique, présentée par le Premier Ministre, le général Khin Nyunt, le 30 août 2003. Les autorités ont annoncé que les délégués à la nouvelle Convention nationale devraient formuler leurs propositions en fonction des six grands objectifs et des 104 principes déjà posés durant celle qui s’est tenue entre 1993 et 1996. Il déplore que la Convention nationale ait été convoquée sans la National League for Democracy (NLD) ni les autres partis politiques qui avaient remporté la majorité des sièges aux élections de 1990. Elle a réuni 1 076 délégués, alors que la Convention précédente n’en avait réuni que 702. Cette augmentation s’explique essentiellement par le nombre accru de représentants des nationalités, y compris les groupes qui sont apparus dans le nouveau paysage politique à la suite des accords de cessez-le-feu signés avec 17 groupes armés.
Il rappelle que les préoccupations qu’il avait exprimées dans son dernier rapport à la Commission au sujet de la Convention nationale n’ont pas été dissipées, et que les mesures nécessaires pour assurer un fonctionnement démocratique minimal de la Convention nationale au moment où elle sera à nouveau convoquée n’ont pas été prises. Le Rapporteur spécial réaffirme que si le Gouvernement souhaite faciliter un authentique processus de transition politique, il doit respecter des règles élémentaires concernant les droits de l’homme. Il espère néanmoins que les résultats finals des travaux de la Convention nationale apporteront des solutions concrètes aux problèmes de l’ensemble de la population du Myanmar. Il estime que la libération de Mme Aung San Suu Kyi et l’amorce d’un dialogue de fond avec elle et avec son parti, ainsi que la conclusion d’un accord avec les groupes ayant signé le cessez-le-feu, qui tiendrait compte de leurs propositions, contribueraient à faire avancer le processus politique. Il engage le Gouvernement du Myanmar à reconnaître le rôle de l’Envoyé spécial du Secrétaire général et la nécessité de son retour dans ce pays le plus tôt possible en vue de poursuivre ses efforts de facilitation, notamment dans le cadre de la préparation de la prochaine session de la Convention nationale. Il note que les conséquences sur les droits de l’homme des événements du 30 mai 2003 à Depayin ne sont pas totalement estompées. Les détenus demeurent très nombreux dans les quartiers de sécurité.
Il a été informé de la poursuite des arrestations et des condamnations à des peines sévères de personnes menant des activités politiques pacifiques. Il reste également préoccupé par la pratique de la détention administrative. Des restrictions continuent de peser sur l’activité politique. Tous les locaux de la NLD demeurent fermés, à l’exception de son siège à Yangon, qui a été autorisé à rouvrir en avril 2004. D’après des informations récentes, ajoute-t-il, la NLD a réussi malgré ces restrictions à mener certaines activités. On ne sait pas dans quelle mesure la NLD et les autres partis politiques seront autorisés à mener des activités politiques pacifiques sans subir de représailles. Il rappelle que la mise en œuvre de la feuille de route doit s’accompagner de changements tangibles conduisant à un processus véritablement libre, transparent et ouvert à tous, avec le concours de tous les partis politiques, groupes ethniques et membres de la société civile.
Le respect des droits et des libertés politiques est une condition essentielle de la création d’un climat favorisant le succès de la transition démocratique. La mise en œuvre de réformes dans le domaine des droits de l’homme, que le Rapporteur spécial avait préconisée dans ses rapports et ses lettres aux autorités du Myanmar, contribuerait à un tel climat. Il rappelle que les autorités du Myanmar n’ont pas encore répondu à sa demande d’organisation d’une évaluation indépendante dans l’État Shan. Il constate que depuis quelques années la communauté internationale comprend mieux l’impératif d’une aide humanitaire au Myanmar. À ce sujet, il salue les efforts qu’accomplit l’équipe des Nations Unies au Myanmar pour recenser les facteurs de vulnérabilité, au Myanmar, afin de mettre au point un plan cadre de l’aide de l’ONU. Étant donné la situation qui prévaut actuellement au Myanmar, il conclut que les recommandations et les conclusions données dans ses rapports antérieurs demeurent valables.
Déclaration liminaire
M. PAULO SERGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a indiqué que son travail avait été entravé par le fait qu’il lui a été impossible de mener une mission en Myanmar depuis novembre 2003. Malgré ces difficultés, il a pu poursuivre son travail et a redemandé l’autorisation de se rendre dans le pays. Mais il n’a toujours pas encore reçu d’invitation de la part du Gouvernement. Il a noté que la tenue du 17 mai au 9 juillet 2004 de la Convention nationale, qui ne s’était pas réunie depuis 1996, a permis d’offrir la possibilité aux minorités ethniques de résoudre leurs différends avec le Gouvernement. Néanmoins, il a indiqué qu’il fallait rester prudent sur les résultats des discussions qui doivent se poursuivre aux prochaines sessions de la Convention Nationale. Il a pourtant noté que la Ligue Nationale pour la démocratie (NDL), qui avait remporté la majorité des sièges en 1990, n’a pas participé.
Le Rapporteur spécial a rappelé que les préoccupations au sujet de la Convention nationale n’ont pas été dissipées, et que les mesures nécessaires pour assurer un fonctionnement démocratique minimal de la Convention nationale n’ont pas été prises. Le Rapporteur spécial a espéré néanmoins que les résultats finals des travaux de la Convention nationale apporteront des solutions concrètes aux problèmes de l’ensemble de la population du Myanmar. Il s’est inquiété de ce que les récents changements au niveau du Gouvernement ne permettent pas de mettre en œuvre les résultats. Si le Gouvernement souhaite faciliter un authentique processus de transition politique, il doit respecter des règles élémentaires concernant les droits de l’homme, a estimé M. Pinheiro.
La réconciliation nationale ne peut être achevée sans la libération des prisonniers politiques –1300 sont encore en détention– et la levée des restrictions des activités politiques. Dans le cadre actuel de la Convention nationale, il serait approprié qu’un grand nombre de prisonniers soit libérés. Cela montrerait le sérieux et la détermination du Gouvernement dans un processus politique. De même, un processus de transition de régime militaire et vers une démocratie exige que les partis politiques soient libres de pouvoir travailler normalement. Il a poursuivi en constant que la situation des droits de l’homme n’a pas changé et qu’elle s’est peut-être même empirée: les conséquences des évènement du 30 mai 2003 (attaque du convoi de Aung Saan Suu Kyi) se font toujours sentir, et il a demandé que soit mis un terme à l’impunité de ceux qui sont responsables des actes de violence, des morts et des blessures subis au cours de tels affrontements. Dans ce cadre, il a estimé que la libération du Secrétaire général de la NDL, Aung Saan Suu Kyi, et de tous les autres politiciens jouera un rôle constructif dans la transition.
Au-delà de l’attention portée au processus politique, il a signalé les allégations sur les violations des droits de l’homme dans les régions des minorités ethniques, où des groupes armés interviennent. Il a dit avoir reçu des informations sur des allégations de violences sexuelles contre les femmes karen par les forces armées depuis 2003, et il a demandé au Gouvernement de mener une enquête à ce sujet.
Les efforts entrepris pour la réduction de la production du pavot ont été couronnés de succès, grâce à la coopération du Gouvernement avec le Bureau des Nations Unies pour la lutte contre la drogue et le crime, a-t-il poursuivi. Il faut pourtant garder à l’esprit que les communautés qui dépendent de ce type de production sont vulnérables à la violation des droits de l’homme et aux déplacements forcés si elles n’ont pas la possibilité de développer d’autres moyens de subsistance, a indiqué M. Pinheiro. Il a souhaité que la coopération des autorités fait preuve de la volonté du Gouvernement de renforcer la confiance de la communauté internationale, mais il a insisté que genre de coopération doive être accompagné de mesures nationales en vue de respecter les droits de l’homme.
Dialogue
Au cours du dialogue, le représentant du Myanmar a rappelé que M. Pinheiro avait déjà visité son pays à six reprises dans le cadre de son mandat. Il a réitéré la position de son pays, selon laquelle les projets de résolution devant la Commission sont déséquilibrés, motivés politiquement, et partiaux. Il a déclaré qu’il n’y avait aucune raison de craindre que les résultats de la Convention nationale soient affaiblis suite au changement récent de Premier Ministre. Il a également estimé qu’il n’y avait pas de raison, contrairement à ce que la rumeur laisse penser, de se préoccuper des délibérations entre les délégués de la Convention au sujet des « groupes ethniques » qui avaient négocié le cessez-le-feu. Il a indiqué qu’au nom de la paix et de la stabilité, son Gouvernement n’avait plus été en mesure de retarder encore la reprise de la Convention, et regrettait que la NDL et ses alliés aient décliné son invitation. Il a souligné que les pays voisins du Myanmar et les membres de l’Association économique des pays d’Asie du Sud-Est avaient accueilli favorablement les derniers développements intervenus au Myanmar. Il a signalé que la politique de réconciliation nationale conduite par son Gouvernement envers les nationalités permettra d’assurer le bon déroulement de la transition. À ce titre, il a réitéré l’engagement de son pays à poursuivre le processus de transition politique en impliquant toutes les couches de la société.
Répondant aux observations et questions des délégations, M. PINHEIRO a déclaré qu’il n’était pas en mesure de juger les changements de direction du Gouvernement du Myanmar, car il ne pouvait que juger des faits et qu’il n’avait pas pu se rendre sur le terrain. Il s’est félicité de ce que le représentant ait réitéré l’engagement de son pays à la poursuite de la Convention, de la feuille de route et du processus de transition. Il a dit qu’il serait attentif aux prochains développements et espérait qu’il pourrait se rendre dans le pays dans les meilleurs délais. Il a estimé qu’il était de mauvais augure que, dans cette situation de transition politique, l’on empêche certains dirigeants politiques de faire entendre leur voix, et a appelé les autorités du Myanmar à promouvoir la liberté d’expression et la liberté de mouvement. Il est important que tous les courants politiques puissent participer au processus et qu’aucun dirigeant ne soit assigné à résidence, a-t-il dit, en soulignant que la présence d’une opposition constituait un avantage pour le processus de transition et non pas un obstacle.
S’agissant des allégations de violence sexuelle, il a dit qu’il attendait la possibilité d’enquêter lui-même sur place, mais que son équipe avait d’ores et déjà pu établir des faits. Quant à la situation des enfants soldats, il a dit qu’il travaillerait avec l’Expert chargé d’étudier toutes les formes de violences à l’égard des enfants.
Il a par ailleurs précisé que depuis novembre, il n’avait pas eu de contact avec le Premier Ministre mais avait maintenu le contact avec les représentants du Myanmar dans divers pays du monde. Il a souligné que la Convention nationale offrait la possibilité de faire avancer le processus de transition et a encouragé les autorités du Myanmar à garantir le droit de réunion et le droit d’association.
S’agissant des informations sur le travail forcé, il a dit que la présence sur le terrain de l’Organisation internationale du travail (OIT) était très utile, et qu’il restait attentif à ce point et veillerait, dès qu’il pourra se rendre dans le pays, à établir les faits. Il a aussi souligné l’importance de la présence des organisations non gouvernementales à ce stade de la transition politique. Il a indiqué qu’il n’avait pas été en mesure d’évaluer les résultats des initiatives, prises par les autorités du Myanmar avec l’appui de l’UNICEF, visant à lutter contre le recrutement d’enfants en tant que soldats. En outre, il s’est félicité de la coopération des autorités du Myanmar avec le Comité des droits de l’enfant qu’il a invité à venir dans son pays. Il s’est aussi félicité que le représentant du Cambodge ait fait référence aux progrès dans divers domaines en matière des droits de l’homme dans le cadre du processus de démocratisation.
Situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (A/59/316)
Le 13 juillet 2004, le Président de la Commission des droits de l’homme a nommé M. Vitit Muntarbhorn (Thaïlande) Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée. Le Rapporteur spécial a depuis informé le Secrétariat que, faute de temps suite à sa nomination tardive, il ne serait pas en mesure de présenter à l’Assemblée générale le rapport qui lui avait été demandé. En échange, le Rapporteur spécial formulera des observations liminaires sur son mandat à l’occasion d’un exposé qu’il fera devant l’Assemblée générale.
Déclaration liminaire
M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC), a rappelé que la RPDC était partie à plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l’homme. Mais il a souligné qu’il subsiste de nombreux obstacles à la mise en œuvre de leurs dispositions. En ce qui concerne le droit à l’alimentation et le droit à la vie, il a rappelé qu’au milieu des années 90, une pénurie alimentaire catastrophique avait frappé le pays, entravant sérieusement les efforts de développement et mettant en péril la vie de nombreuses personnes. Même si la situation s’est d’ores et déjà améliorée, les besoins en termes d’assistance d’urgence demeurent, et il a souligné que la vérification sans préavis des distributions n’est toujours pas autorisée par le Gouvernement.
Le Rapporteur spécial a signalé avoir reçu de nombreuses informations inquiétantes au sujet de mauvais traitements et de cas de tortures et de détention. Il a par ailleurs exprimé son inquiétude devant la persistance de punitions collectives: dans de tels cas, la peine infligée pour crimes politiques ou idéologiques s’étend également à la famille de la personne jugée coupable par les tribunaux. De même, a-t-il poursuivi, malgré l’abolition législative de la discrimination, elle perdure dans la pratique. Face aux nombreuses violations du droit à la sécurité personnelle et à la non-discrimination, il semblerait, a-t-il dit, que ces pratiques ne sont pas le fait de simple coïncidence mais sont le résultat de mauvaises pratiques qui doivent être immédiatement corrigées. Il a appelé les autorités de la RPDC à répondre à ces préoccupations de façon transparente et efficace.
Il a signalé que les autorités de la RPDC imposent un strict contrôle sur la liberté de mouvement de sa population. Il a constaté avec inquiétude le nombre croissant de coréennes qui arrivent dans des pays voisins, et a exprimé sa crainte qu’elles ne soient victimes de trafic. De même, les droits politiques, d’association, d’expression et de religion semblent ne pas être pleinement respectés, a poursuivi M. Muntarbhorn, ce qui met en doute, selon lui, les affirmations gouvernementales de libéralisation. Il a recommandé que la RPDC respecte les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme auxquels elle est partie; qu’elle respecte les règles de l’état de droit, en mettant en place un système judiciaire indépendant; qu’elle réforme son système pénitentiaire; et qu’elle prenne des mesures concernant les causes des déplacements de ses citoyens. La communauté internationale, a-t-il conclu, doit de son côté tout mettre en œuvre pour influencer la RPDC afin qu’elle prenne les mesures citées et assure la protection des réfugiés.
Dialogue
Répondant aux questions et observations des délégations, M. MUNTHARBHORN a souligné l’importance d’utiliser les cadres internationaux de protection des droits de l’homme pour faciliter les progrès dans la RPDC, qui est partie à quatre des principaux instruments relatifs aux droits de l’homme. Il est essentiel que les autorités de la RPDC assurent le suivi des recommandations des Comités de traités. Il a souligné la nécessité de réformer l’administration de la justice et de promouvoir l’état de droit. À ce titre, il a estimé que le suivi des recommandations offrait des possibilités d’interaction positive entre la communauté internationale et la RPDC, y compris par le biais de l’assistance technique et une bonne base de dialogue mené dans le cadre de son mandat. Il a indiqué que l’accès aux populations et les visites dans le pays lui auraient donné l’occasion de fournir une évaluation plus objective et plus équilibrée, et il a encore regretté de ne pas avoir reçu d’invitation de la part du Gouvernement. Pour le moment, a-t-il poursuivi, ses informations se basaient sur la multitude de renseignements fournis par des ONG et des organisations intergouvernementales. Il a signalé les progrès faits jusqu’en 1995 sur le plan de la promotion et de la protection des droits de l’homme, y compris pour ce qui est de l’accès à l’enseignement scolaire, mais a ajouté que depuis 1995, on avait constaté de nets reculs.
Il a recommandé l’adoption par les autorités nationales d’un plan d’action pour l’application des dispositions des conventions auxquelles le pays est partie. Cela permettrait, a-t-il dit, un dialogue constructif entre lui et les autorités de la RPDC sur la base des normes internationales. S’agissant des observations de la Chine à propos des entrées illicites sur son territoire, il a convenu qu’il y avait une différence entre les personnes qui quittent un pays pour échapper à des persécutions et ceux qui partent illégalement pour des raisons économiques. Toutefois, a-t-il dit, il faut garder à l’esprit que si ces immigrés illégaux sont passibles de peines ou de persécutions en cas de retour dans leur pays, ils sont assimilés à des réfugiés et doivent bénéficier du principe de non refoulement. Si les autorités chinoises estiment qu’ils représentent un fardeau trop lourd, elles doivent invoquer la solidarité internationale, conformément au droit international relatif aux réfugiés, dans le cadre des programmes de réinstallation dans un pays tiers.
Au cours du dialogue, le représentant de la République populaire démocratique de Corée a déclaré que le rapport que venait d’entendre la Commission faisait preuve de préjugés à l’égard de son pays et d’ingérence dans ses affaires. Le rapport reprenait les calomnies répandues par les forces hostiles à la RPDC et comportait une suite de jugements hâtifs. Il a regretté que le Rapporteur ne respecte pas les principes de sélectivité et de neutralité qu’exigeait son mandat. Il se faisait le relais d’un complot des pays occidentaux pour isoler la RPDC sous prétexte de défendre les droits de l’homme. Il a également rejeté la résolution adoptée par l’Union européenne (UE), qui a mis un terme au dialogue qu’elle entretenait avec la RPDC sur les droits de l’homme. Il a affirmé qu’il n’y avait aucune violation des droits de l’homme dans son pays, et que ni la résolution de l’UE ni les pressions n’obligeront la RPDC à faire ce qu’elle ne veut pas faire.
Situation des droits de l’homme dans la République démocratique du Congo (A/59/378)
Le 26 juillet 2004, le Président de la Commission des droits de l’homme a nommé M. Titinga Frédéric Pacéré comme expert indépendant sur la situation des droits de l’homme dans la République démocratique du Congo. M. Pacéré ayant été nommé tout récemment, il ne sera pas en mesure de présenter à l’Assemblée le rapport demandé. En revanche, il lui rendra compte oralement de ses premières observations à propos de son mandat.
Déclaration liminaire
M. TITINGA FREDERIC PACERE, Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC), a déclaré que depuis sa nomination le 26 juillet dernier, il s’est rendu à deux reprises à Genève et, du 22 août au 2 septembre, en RDC. Ces visites lui ont permis de confirmer que les violations des droits de l’homme continuent d’être perpétrés à travers le pays, surtout dans la partie orientale, et que la justice s’y avérait impuissante devant une situation où règne l’insécurité, les crimes et les violences sexuelles. Il a cité les conclusions de la Commission vérité et réconciliation sur sa visite au Kivu du Sud et au Nord Katanga, qui dénonce les viols, le rapport de mission de la Mission des Nations Unies au Congo (MONUC) qui fait état de tueries, de disparitions forcées, des pillages et d’au moins 31 exécutions sommaires. Il a repris à son compte la déclaration du Ministre de la Justice de la RDC selon laquelle la justice est exsangue et le climat d’impunité nourrit le crime. Il a en outre relevé la question de la rémunération faible et sporadique des juges et des magistrats. D’ailleurs, a-t-il signalé, certains magistrats continuent, faute de connaissance ou de moyens, d’émettre des jugements fondés sur des lois abolies.
Dans ce contexte, il a recommandé de s’en remettre à une juridiction internationale. Soulignant que le Statut de Rome limite la compétence de la Cour pénale internationale aux crimes commis après son entrée en vigueur le 1er juillet 2002, il a signalé que l’on évalue à au moins 300 000 les victimes des crimes commis entre 1997 et 2002, sans parler d’allégations de massacres antérieurs à 1997. M. Pacere a ainsi recommandé un appui international aux institutions nationales, y compris celle chargées de l’administration de la justice, à la MONUC et au Bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme. En outre, il a recommandé la création d’un Tribunal pénal international au fonctionnement duquel le pays serait étroitement impliqué.
Dialogue
M. ATOKI a indiqué qu’il serait illusoire de croire que les populations congolaises retrouveront la paix et la stabilité sans que soit mis fin à l’impunité. A cet effet, il a expliqué comment la lutte contre ce phénomène pourrait s’articuler. En premier lieu, la Cour pénale internationale (CPI) s’est saisie des actes de violences qui se sont produits en RDC depuis le 1 juillet 2002, date à laquelle la Cour est devenue opérationnelle. Les crimes commis avant le 1 juillet 2002, qui échappent ainsi à la compétence de la CPI, ne peuvent rester impunis. Il a donc réaffirmé le besoin de créer un Tribunal pénal international et, à cette fin, il a demandé le soutien de la communauté internationale. Puisque ni la CPI ni un éventuel Tribunal international ne pourront remplacer la justice congolaise, il a assuré que le recours aux tribunaux nationaux restera la règle. Mais il a convenu que l’administration de la justice nationale doit être améliorée afin de répondre de manière efficace au problème de l’impunité. Des réformes judiciaires sont nécessaires, mais le processus de réforme est tributaire de l’instabilité politique et économique actuelle. Il est à craindre que le système de justice pénale actuellement en vigueur se solde par une incapacité générale de faire face aux nouveaux défis surgis pendant la guerre, et notamment aux problèmes posés par le crime organisé et le blanchiment d’argent. Faire face à tous les défis qu’imposent le rétablissement de la justice et le respect de la règle du droit dans des sociétés en transition relève de la responsabilité partagée des États, a affirmé M. Atoki, en soulignant l’initiative conjointe de l’Union européenne et de la France dans le programme de restauration d’urgence du système judiciaire pénal à Bunia. Suite à une question posée par la représentante de la Suisse, il a dit ne pas avoir eu assez de temps pour explorer les raisons profondes des tensions interethniques et de la xénophobie qui sévit surtout dans l’Est du pays.
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