OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE À L’APPUI DU PEUPLE PALESTINIEN
Communiqué de presse AG/PAL/966 |
Comité pour l’exercice des droits
inaliénables du peuple palestinien
OUVERTURE DE LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
À L’APPUI DU PEUPLE PALESTINIEN
Les obligations des parties et la construction
du mur de séparation restent au centre des préoccupations
La Conférence internationale de la société civile à l’appui du peuple palestinien s’est ouverte ce matin au Siège de l’ONU à New York. L’occasion pour le Secrétaire général, Kofi Annan, de rappeler aux parties au conflit leurs obligations dans un contexte marqué par une grave crise humanitaire dans les territoires occupés et la poursuite des attentats-suicide à l’encontre de civils israéliens. En effet, depuis le début de l’Intifada en 2000, 4 000 personnes ont trouvé la mort, dont 670 enfants.
Donnant lecture du message de Kofi Annan, le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, Kieran Prendergast, tout comme le Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, Paul Badji, a exhorté Israéliens et Palestiniens à respecter leurs engagements pris en vertu de la Feuille de route en précisant que seules des négociations politiques pouvaient conduire à la paix. Le Secrétaire général adjoint a demandé aux Israéliens de démanteler les avant-postes établis depuis mars 2001, de geler les implantations et de cesser la poursuite de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé. Il a par ailleurs condamné les attaques terroristes qui nuisent aux aspirations nationales du peuple palestinien et a engagé l’Autorité palestinienne à renforcer ses services de sécurité.
Après que la Cour internationale de Justice ait rendu son avis sur l’illégalité du « mur de séparation » le 9 juillet dernier, cette question est restée au centre des interventions d’aujourd’hui. L’Observateur de la Palestine a qualifié l’avis de la Cour « d’évolution la plus importance au sein de l’ONU depuis longtemps ». Il a réaffirmé sa foi dans les institutions des Nations Unies, tout en regrettant que l’Organisation n’ait été en mesure en 57 ans d’imposer l’application de ses résolutions. De son côté, la représentante de la société civile, Co-présidente de International Coordinating Network for Palestine a jugé le Quatuor inefficace. Elle a souhaité que la société civile constitue une deuxième puissance et soit en mesure de montrer que d’autres solutions et alliances étaient possibles.
Organisée par le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien sur le thème « Mettre fin à l’occupation », la première journée de cette manifestation a également permis aux nombreux représentants de la société civile présents d’évoquer la situation dans le territoire palestinien occupé avec comme objectif d’aboutir à l’adoption d’un plan d’action. Universitaires, personnalités des médias, représentants d’organisations non gouvernementales et juristes ont, ce matin, fait le point de la situation en faits et chiffres.
Les intervenants se sont inquiétés de la situation de 7 336 détenus politiques, dont 386 mineurs, et des conséquences de l’occupation sur 1,8 million d’enfants palestiniens qui représentent 53% de la population. Ils ont relevé la destruction de 1 016 maisons depuis le 1er janvier 2004. Entre septembre 2000 et juin 2004, 298 écoles et huit universités ont été détruites ou touchées par des tirs israéliens. En 2003, 43 écoles ont été transformées en base militaire et la construction du mur a coupé 22 districts de leurs institutions scolaires.
Dans l’après-midi, les orateurs ont insisté sur les conséquences de l’occupation au regard du droit international en insistant particulièrement sur les opportunités juridiques offertes par l’avis de la CIJ. On a déploré l’absence d’un organisme international qui s’occupe spécifiquement du droit des Palestiniens, à l’instar des tribunaux pénaux internationaux créés pour l’ex-Yougoslavie, le Rwanda ou la Sierra Leone. Toutefois, les orateurs ont estimé que l’avis de la Cour présentait l’avantage d’énoncer, au nom de la Charte des Nations Unies et du droit international, l’obligation faite aux États tiers de ne pas reconnaître les situations résultant de la construction du mur.
La deuxième et dernière journée de cette Conférence internationale débutera demain matin, mardi 14 septembre, à 10 heures. La matinée sera consacrée à une séance plénière sur le rôle de la société civile et l’après-midi verra la tenue en parallèle de cinq réunions d’études portant respectivement sur les façons de travailler avec les médias (salle B), la mobilisation interconfessionnelle (salle 8), l’action relative à l’avis de la Cour internationale de Justice (salle 6), la manière d’obtenir la protection internationale (salle C) et la question de la Palestine dans le cadre du mouvement mondial pour la paix (salle 5).
La Conférence devrait s’achever par l’adoption d’un plan d’action qui sera présenté en salle 4 demain à 13 heures au terme de la séance plénière du matin.
Conférence internationale des Nations Unies de la société civile en solidarité avec le peuple palestinien sur le thème « Fin de l’occupation – Un préalable à l’instauration de la paix au Moyen-Orient »
Déclarations
Donnant lecture d’un message de M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, M. KIERAN PRENDERGAST, Secrétaire général adjoint du Département des affaires politiques, a rappelé combien la paix entre les deux peuples, israélien et palestinien, était essentielle à la stabilité politique et économique du Moyen-Orient. Il s’est inquiété de l’ampleur de la crise humanitaire dans le territoire palestinien qui s’est traduit par une augmentation du nombre des morts et blessés, la destruction systématique des maisons palestiniennes dans la bande de Gaza, les bouclages, les couvre-feux et autres entraves à la liberté de mouvement avec des conséquences graves sur les femmes, les enfants et les personnes âgées. Il a rappelé que la moitié de la population vivait en-dessous du seuil de pauvreté et dépendait de l’aide humanitaire.
On ne saurait non plus faire abstraction, a-t-il aussi ajouté, du fait que certains groupes palestiniens continuent à perpétrer des attentats-suicide et d’autres attaques qui coûtent la vie à des civils israéliens, attisent la haine, la peur et ne font qu’entraver les aspirations nationales du peuple palestinien. Nous devons être unanimes à condamner le terrorisme que nulle cause ne peut justifier, a-t-il insisté.
La voie vers la solution est définie par la Feuille de route du Quatuor qui prévoit clairement deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, en paix et en sécurité. Un règlement définitif marquant la fin de l’occupation entamée en 1967 devrait intervenir à l’issue de négociations entre les deux parties, sur la base des résolutions 242, 338, 1397 et 1515 du Conseil de sécurité, et du principe de l’échange de territoires contre la paix.
Il a exhorté le Gouvernement israélien à démanteler les avant-postes établis depuis mars 2001, à geler immédiatement toute activité d’implantation, y compris l’expansion naturelle des colonies et à arrêter dans le territoire palestinien occupé la construction de la barrière, qui a fait récemment l’objet d’un arrêt de la Cour internationale de Justice. Il a vivement engagé l’Autorité palestinienne à prendre les mesures tant attendues pour restructurer et renforcer les services de sécurité palestiniens.
Par ailleurs, il s’est félicité du rôle des organisations non gouvernementales (ONG) qui ont montré au fil des années, par leurs initiatives, qu’elles apportent une contribution unique à la transition pacifique dans les zones du monde ravagées par les conflits. Votre expérience pratique et votre connaissance de première main des communautés où vous évoluez, a-t-il lancé aux ONG, de même que la diversité de vos associations, vous permettent d’explorer de nouveaux moyens de travailler ensemble pour trouver un terrain d’entente. À ce titre, il a cité les brillants exemples que constituent les initiatives de Genève et Nusseibeh-Ayalon qui, quoique officieuses, offrent des idées fraîches pour les concessions mutuelles que pourraient exploiter des négociateurs officiels.
Il a insisté que seules des négociations politiques officielles débouchant sur un accord entre les deux parties peuvent conduire à un règlement pacifique. Il a assuré que l’Organisation des Nations Unies, ses Fonds et ses Programmes continueront de s’employer à atténuer l’impact de la situation humanitaire dans les territoires palestiniens jusqu’à ce qu’un règlement négocié soit trouvé et que la reconstruction redémarre. Dans ce contexte, il a lancé un nouvel appel pressant à la communauté des donateurs pour qu’elle fasse preuve de générosité dans ses contributions à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) et d’autres organismes de l’ONU présentes sur le terrain. Enfin, il en a appelé au Gouvernement israélien pour qu’il favorise le passage sans entrave des travailleurs humanitaires de l’ONU et d’autres organismes des Nations Unies. Il s’est réjoui de continuer de travailler avec la société civile en vue de parvenir à l’objectif commun qui est une paix globale, juste et durable pour les Palestiniens et les Israéliens et pour tout le Moyen-Orient.
M. PAUL BADJI, Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a estimé que la cessation totale de l’occupation, la création d’un État palestinien indépendant, souverain et viable, et l’exercice par le peuple palestinien de ses droits inaliénables, y compris le droit au retour des réfugiés palestiniens sont autant de conditions nécessaires au règlement définitif et durable du conflit. Toutefois, a-t-il noté, contrairement à ses déclarations, Israël resserre son étau sur la bande de Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Ces derniers mois, l’armée israélienne a effectué des incursions dans les villes palestiniennes. Des centaines de véhicules militaires et de bulldozers ont détruit des maisons, boutiques, oliveraies et cultures. Les exécutions extrajudiciaires pratiquées par les Israéliens ont fait de nombreuses victimes, du fait que les troupes n’hésitent pas à frapper dans des zones fortement peuplées. Le Comité condamne fermement ces actes qui contreviennent au droit humanitaires international. Parallèlement, il condamne sans réserve les attentats-suicide à la bombe commis contre la population israélienne. Rien ne peut justifier ces actes meurtriers.
Depuis le début de l’Intifada, 4 000 personnes ont trouvé la mort dans le territoire palestinien occupé, des Palestiniens pour la plupart, bien que des centaines d’Israéliens aient également été tués. Plus de 670 enfants ont été tués au cours des quatre dernières années, dont plus de 570 enfants palestiniens et un peu plus d’une centaine d’enfants israéliens. En outre, plus de 7 000 Palestiniens originaires du territoire occupé, y compris Jérusalem-Est, sont détenus par l’armée ou la police israélienne pour des raisons politiques. Le Comité exhorte le Gouvernement israélien à accéder aux requêtes des grévistes et à faire en sorte que les détenus soient traités humainement, conformément au droit humanitaire international.
L’état de l’économie palestinienne ne s’est pas amélioré. Il s’agit d’une économie en lambeau qui a peu de chance de se redresser à moins d’une action immédiate. Il s’agit d’une des pires récessions qui contribue à appauvrir toute une génération de jeunes palestiniens et à saper la crédibilité de l’Autorité palestinienne. La cause principale en est le régime de bouclage du territoire. Il est impératif d’éliminer les obstacles au mouvement des personnes en Cisjordanie, d’ouvrir les frontières palestiniennes au commerce des produits de base et de rétablir dans des limites raisonnables la circulation de la main-d’œuvre palestinienne vers Israël.
Le Président a par ailleurs fait part de la préoccupation du Comité quant à l’expansion des colonies de peuplement à un rythme soutenu, la plupart se faisant le long du tracé du mur, ce qui pourrait transformer celui-ci en une frontière permanente. Le Gouvernement israélien aurait approuvé 2 100 offres de construction dans ces colonies. La colonisation des terres palestiniennes a atteint son paroxysme avec la construction du mur en Cisjordanie occupée, qui passe à l’intérieur du territoire palestinien. Son édification se poursuit de pair avec la confiscation des terres, de sources d’eau et d’autres ressources naturelles palestiniennes. Une fois achevé, il rendra physiquement impossible la concrétisation de l’idée de deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité.
Le Président a rappelé que l’Assemblée générale des Nations Unies avait déclaré que le mur était contraire au droit international et illégal. Les Palestiniens considèrent que cet avis marque un tournant important. C’est la première fois que le plus haut organe juridique des Nations Unies est saisi d’un problème relatif à la Palestine. Cet avis fournit à tous les acteurs de la communauté internationale un outil efficace pour poursuivre les efforts en faveur de la paix. Au vu de la réaction négative d’Israël à l’annonce de l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ), la communauté internationale devrait réfléchir aux mesures à prendre pour arrêter la construction du mur et inverser le processus. Cette décision devra également encourager les membres du Quatuor à accélérer l’élaboration du plan d’action pour la mise en œuvre de la Feuille de route qui demeure la seule initiative en faveur d’un règlement pacifique du conflit et de la concrétisation de l’idée de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côté dans la paix et la sécurité.
M. NASSER AL-KIDWA, Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations Unies, a salué l’importance de l’événement que constitue cette conférence d’appui de la société civile au peuple palestinien. Il a réaffirmé sa ferme foi dans la responsabilité permanente de l’ONU envers la question de la Palestine jusqu’à son règlement. Il a déclaré que l’ONU continuait d’être d’une importance cruciale pour le peuple palestinien, tout en regrettant que depuis 57 ans, elle n’ait pu imposer la mise en œuvre de ses résolutions et dû se contenter d’un rôle d’observation passive, alors qu’Israël continue de violer systématiquement tous les droits du peuple palestinien.
Maintenir le droit international et les actions de l’ONU constitue la solution appropriée pour mettre un terme à l’extrémisme et la violence dans la région, a-t-il estimé. Il a exhorté la communauté internationale à faire preuve d’une plus grande détermination en faisant des pas courageux permettant de faire la différence. À ce sujet, il est impératif pour les Nations Unies de suivre sérieusement la mise en œuvre de l’avis de la CIJ jusqu’au démantèlement du mur, a-t-il indiqué.
C’est notre travail à tous et à la société civile du monde entier de veiller à la mise en œuvre des engagements de la communauté internationale. L’Observateur a rappelé que les forces d’occupation israéliennes continuaient leurs attaques militaires et leurs crimes qu’il a qualifiés de crimes de guerre et de terrorisme d’État. Depuis le début de la deuxième Intifada, a-t-il précisé, nous avons envoyé 200 lettres aux institutions des Nations Unies, lettres qui constituent une liste des crimes commis, dans l’espoir que les auteurs de ces crimes soient à un moment ou un autre traduits en justice.
Pour les Palestiniens, a-t-il insisté, il y a deux considérations prioritaires: d’une part, que la bande de Gaza et la Cisjordanie constituent un seul territoire pour lequel il ne peut pas y avoir des statuts différents; deuxièmement, pour être conforme à la feuille de route tout retrait de la bande de Gaza devra s’accompagner de mesures semblables en Cisjordanie. Le problème fondamental est la cessation de la construction du mur et la cessation de toute activité de colonie. Ce n’est pas seulement un engagement d’Israël que nous attendons, mais tout simplement le respect du droit international, a-t-il conclu.
Mme PHYLLIS BENNIS, Co-présidente de International Coordinating Network for Palestine, a déclaré que la situation empirait sur le terrain. Aujourd’hui en Palestine, nous connaissons une crise humanitaire et politique qui reste inscrite dans une série de violations massives du droit international. Les engagements pris à Oslo et la Feuille de route sont morts, a-t-elle dit. Le Quatuor, à bien des égards, constitue à son avis un faux-semblant où chacun fait cavalier seul. Nous avons le droit d’exiger que les Nations Unies jouent un rôle central, mais la société civile peut constituer une deuxième puissance, a-t-elle poursuivi. Nous avons montré au monde entier que d’autres solutions et d’autres alliances sont possibles.
Les assassinats sont monnaie courante, la construction du mur d’apartheid se poursuit, les démolitions et restrictions de mouvements continuent. Nous sommes face à de nouvelles difficultés en raison d’une autre occupation dans la région, celle de l’Iraq par les États-Unis, qui se fait également en violation de la Charte des Nations Unies, a-t-elle dit. Il faut reconnaître que l’occupation de l’Iraq n’a pas apporté la liberté. Nous avons l’obligation de nous opposer à cette occupation. En soi, l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice n’est pas contraignant, mais il constitue un outil à appliquer face au Gouvernement des États-Unis qui est l’agent de cette double occupation dans la région, a indiqué Mme Bennis.
M. GABI BARAMKI, Président du Conseil palestinien pour la justice et la paix, a déclaré que l’ingéniosité des Israéliens n’a jamais cessé de surprendre lorsqu’il s’agissait d’entraver les droits et libertés des Palestiniens. Il a regretté que les forces israéliennes justifient le non-respect du droit international et des quatre conventions de Genève par des raisons de sécuritaires. Il a déclaré qu’Israël était devenu un État au-dessus de la loi et a précisé que 7500 prisonniers avaient entamé une grève de la fin pour pouvoir bénéficier de leurs droits alors qu’ils auraient dû être libérés depuis longtemps. Il s’est inquiété tout particulièrement de la construction et du développement constant des colonies de peuplement.
L’orateur s’est inquiété que la construction de ce qu’il a nommé « le mur de l’Apartheid » se poursuivait selon des tracés prévus à l’origine, malgré les recommandations contenues dans l’avis consultatif de la Cour internationale de justice. Malgré tout, a-t-il noté, les Palestiniens continuent de mener une vie tout à fait normale dans des conditions tout à fait anormales en essayant de s’accommoder de ces contraintes. Il s’est dit préoccupé par la situation à Jérusalem et les implantations qui se développées autour de la ville, il a dénoncé les atteintes aux libertés de déplacement qui affectent régulièrement des dizaines de milliers d’étudiants, de travailleurs et de touristes.
Mme RACHEL GREENSPAHN, Directrice du développement et de l’information internationale, B’Teselem à Jérusalem, a relevé que bien qu’une année se soit écoulée depuis la dernière conférence, peu de choses ont changé en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Fin juillet, 2 746 Palestiniens avaient trouvé la mort, dont 1 400 civils et 758 personnes dans des attaques contre des civils israéliens. L’intervenante a aussi dénoncé l’impunité dont bénéficient les auteurs de violations des droits de l’homme ainsi que la poursuite des démolitions des maisons. Depuis le début de 2004, 1 016 maisons ont été détruites, laissant 3 400 personnes sans abri. Mme Greenspahn a représentante s’est également insurgée contre la détention de 7 336 Palestiniens, dont 386 mineurs. Elle a également dénoncé la montée de l’anarchie dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. L’incapacité des institutions policières palestiniennes à maintenir la primauté du droit est manifeste, à son avis, qu’il s’agisse de mettre un terme aux attaques contre les civils israéliens ou de préserver l’ordre public.
L’oratrice a énuméré une série de développements qui se sont produits au cours de l’année passée comme le plan de désengagement unilatéral de la bande de Gaza. Ce plan est cependant problématique dans la mesure où il pourrait mener à l’anarchie et à une lutte de pouvoir dans les territoires, a-t-elle indiqué. Toutefois, le fait que la majorité des Israéliens soutienne cette idée constitue un changement d’opinions positif. Un autre développement est la construction du Mur de séparation. Malgré cela, nous avons assisté à plusieurs modifications de son tracé, ce qui est un fait positif. Par ailleurs, la Cour internationale de Justice a rendu son opinion sur l’illégalité du mur et le jugement rendu par la Cour suprême d’Israël a permis de mettre un terme à la construction du mur à plusieurs endroits, a-t-elle souligné. Sur un plan juridique, un autre fait positif est selon elle que le Procureur général d’Israël ait refusé de sanctionner légalement les démolitions de maisons et demandé aux forces israéliennes d’élaborer des plans qui soient moins préjudiciables à la population palestinienne.
Ces développements ne doivent cependant pas être surestimés, a-t-elle poursuivi. La situation au regard des droits de l’homme est grave et nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’elle change d’un jour à l’autre. Le rôle de la société civile est de trouver des moyens innovants d’attirer l’attention sur les mêmes violations des droits de l’homme et renforcer les forces positives au sein d’Israël, a-t-elle conclu.
Coauteur d’une étude sur la détention de jeunes palestiniens, Mme ADAH KAY, Professeur de la City University de Londres, a présenté la situation des 1,8 million d’enfants palestiniens qui constituent 53% de la population palestinienne depuis la deuxième Intifada. Elle a défini l’occupation comme un système très complexe de contrôle de la population palestinienne composé de milliers de décrets militaires pris depuis 1967 qui régissent tous les aspects de la vie quotidienne des Palestiniennes. Ces lois vont jusqu’à régir les plantes que l’on peut planter, dit elle. Par ailleurs, elle s’est inquiétée de la situation des enfants palestiniens qui sont victimes quotidiennes de violations des droits à la vie, à l’éducation et à la santé.
Elle a par ailleurs déploré les abus physiques et psychologiques systématiques que subissent les enfants palestiniens arrêtés par les forces d’occupation. Sous interrogatoire, ceux-ci sont amenés à avouer ce qu’on leur reproche, à dénoncer d’autres enfants, ou à se voir proposer de collaborer, a-t-elle indiqué. De plus, depuis 2002 et la deuxième Intifada, les sentences sont devenues plus dures et les enfants de plus de 15 ans sont traités comme des adultes, a-t-elle souligné. Ces enfants isolés et exposés à des sévices souffrent de dépression et de troubles traumatiques qui peuvent se traduirent par des suicides.
Mme Kay a précisé par ailleurs que 1,2 million d’enfants étaient en âge d’être scolarisés mais leur présence à l’école était limitée du fait des entraves à la liberté de mouvement. Depuis la construction du mur, 22 districts sont séparés de leur école et depuis septembre 2000, 298 écoles et huit universités ont été détruites ou touchées par les tirs israéliens. En 2003, l’armée israélienne a fermé l’Université de Hébron et l’école polytechnique palestinienne d’Hébron pour une période de huit mois, affectant ainsi 6 000 étudiants. Elle a aussi fermé 10 écoles et transformé 43 autres en base militaire.
Par ailleurs, l’intervenante s’est inquiétée des conséquences de la malnutrition et de l’insuffisance d’eau potable sur le système humanitaire des enfants. En conclusion, elle a affirmé que l’occupation était très préjudiciable pour les enfants palestiniens, d’autant qu’on assistait à une recrudescence de la violence à l’égard des enfants qui s’inscrivait à son avis dans une stratégie visant à opprimer la population palestinienne.
M. PRATFUL BIDWAI, journaliste à New Delhi, a évoque le contraste frappant entre l’Inde des années 50, ardent défenseur de la cause palestinienne, et l’Inde d’aujourd’hui, qui collabore avec Israël sur le plan militaire. Israël tente de sortir de son isolement international ayant conclu des accords militaires avec les gouvernements de l’Asie du Sud-Est et de l’ancienne Union soviétique, a-t-il affirmé. L’Inde a engagé des relations diplomatiques en 1992 avec Israël et récemment, le Gouvernement de droite de ce pays a invité Ariel Sharon à New Delhi. Celui-ci y a reçu un traitement spécial malgré les protestations de la société civile, a-t-il déclaré. L’Inde nourrit une grande sympathie pour la cause palestinienne, a poursuivi M. Bidwai, mais tout comme aux États-Unis et ailleurs, les sionistes chrétiens constituent une source de soutien importante à Israël, de même qu’une partie des responsables hindous. Le journaliste a comparé la situation en Israël à celle de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid. Il est pratiquement impossible de vivre en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza en raison du blocus économique, a-t-il déploré, et la volonté de la société civile en Israël est malheureusement insuffisante.
Occupation et droit international
Déclarations
Mme SUSAN AKRAM, professeur à l’Université de droit de Boston, s’est félicitée des nouvelles opportunités d’agir que l’avis de la Cour internationale de Justice (CIJ) offrait à la société civile. Elle a énuméré les opportunités qu’offrent les institutions existantes, qu’elles soient israéliennes ou internationales, pour entendre les plaintes directes ou indirectes des Palestiniens victimes d’abus, notamment en ce qui concerne les demandes de restitutions, le droit au retour et le droit à une indemnisation. Elle a souligné la difficulté liée au fait qu’aucune instance internationale ne représentait spécifiquement les droits des Palestiniens. Elle a notamment insisté sur la lacune que présentent les statuts du Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), dans la mesure où ils excluent les Palestiniens de leur dispositif de protection, tout en se félicitant des efforts qui visent actuellement à combler cette lacune.
Mme Akram a par ailleurs affirmé que les tribunaux israéliens avaient créé le problème des réfugiés en subordonnant le droit au retour à la préférence religieuse et a rappelé que selon la législation israélienne, seul l’État avait compétence sur la restitution des biens. Parmi les possibilités sous-exploitées par la société civile, elle a souligné la formulation de plaintes auprès de tribunaux régionaux comme la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui peuvent se prononcer sur l’illégalité de saisie de biens et recommander des indemnisations. Elle a souligné la nécessité de renforcer les principes et garanties internationales pour les Palestiniens, en précisant que les demandes de restitutions pouvaient être déposées auprès de la CIJ.
Reprenant la parole, JEFF HANDMAKER, de l’organisation Rea Hamba Advice, s’est félicité de ce que la juridiction universelle ait vraiment pris racine avec l’adoption du Statut de la Cour pénale internationale en 2002. Citant en exemple l’affaire Pinochet, il a rappelé que le Gouvernement chilien a récemment décidé de révoquer l’immunité présidentielle. Dès qu’Ariel Sharon ne sera plus Premier Ministre, il sera mis en accusation pour les massacres de Sabra et Chatila, a-t-il affirmé, avant de rappeler que la Cour européenne des droits de l’homme et la Commission interaméricaine des droits de l’homme pouvaient également être saisies. Le système onusien des droits de l’homme autorise des procédures de dépôt de plaintes et la participation des organisations de la société civile, a-t-il poursuivi. Malheureusement, à son avis, nombre de ces procédures sont sous-utilisées. Il a par ailleurs indiqué que l’avis de la Cour internationale de Justice sur l’illégalité du mur avait également constitué un développement positif. Mettant en exergue l’avis de la Cour internationale de justice, SUSAN AKRAM a indiqué que les principes juridiques internationaux constituaient un cadre dans lequel s’inscrit l’action de la société civile.
MICHAEL SFARD, avocat, représentant de HamMoked, Centre pour la défense de l’individu de Tel-Aviv, a évoqué le dilemme auquel il se heurte au quotidien. Il existe des limites au pouvoir des juristes et des avocats et la campagne contre le mur aura peu de résultat si elle est menée uniquement sur le front juridique. Il faut également agir sur le front politique, a-t-il lancé. En rappelant les défis juridiques en 2001 et 2002 portaient surtout sur des droits à la propriété, il a souligné que ce n’est qu’en avril 2003 que son organisation a publié son premier rapport faisant état des répercussions majeures du mur. La deuxième vague de contestation juridique a commencé en 2003 avec la remise en cause des pouvoirs de la puissance occupante, a-t-il poursuivi. M. Sfard a par ailleurs estimé que l’avis de la Cour internationale de Justice, et notamment sur l’illégalité des colonies de peuplement, avait porté un coup considérable au Gouvernement israélien.
M. IAIN SCOBBIE, professeur de droit international à l’Université des études orientales et africaines, a insisté sur le rôle et la responsabilité des États tiers à la suite de l’avis consultatif de la CIJ. Si la société civile sait ce que l’on peut attendre des États, elle sera mieux armée pour faire son travail, a-t-il affirmé. Il s’est félicité de la promulgation de cet avis qui a le mérite, selon lui, de recentrer le processus de paix dans un cadre juridique, alors que la logique politicienne avait pris le devant sur la justice. L’article 149 de l’avis consultatif précise que tous les États doivent respecter la Charte des Nations Unies et le droit international et s’opposer à tous les aspects du mur de séparation ayant des conséquences sur les droits des Palestiniens. Cet article constitue une obligation juridique qui concerne tous les États dans le monde, a-t-il souligné.
Il a rappelé les trois grands principes et cadres fondamentaux qui régissent les relations entre Israël et les territoires palestiniens à savoir: le droit international humanitaire, y compris la quatrième Convention de Genève; le droit à la libre détermination du peuple palestinien; et enfin l’illégalité des colonies de peuplement israéliennes dans les territoire occupées, conformément à l’article 49, paragraphe 6 de la quatrième Convention de Genève.
Si l’avis ne propose pas de méthode d’application pour la mise en œuvre des recommandations de la CIJ, laissant le libre choix aux États, c’est parce que cet avis n’est pas fondé sur des considérations juridiques mais pratiques, a précisé l’intervenant. Néanmoins, par son paragraphe 3d, elle établit un principe général, à savoir l’obligation faite aux États de ne pas reconnaître la situation illégale résultant de la construction du mur et de n’accorder aucune assistance pour que perdure la situation résultant de la construction du mur.
M. VICTOR DE CURREA-LUGO, médecin et expert en droit international, a évoqué une situation sur le terrain qui se détériore de jour en jour. Le mur et l’occupation ne constituent pas une question interne mais une préoccupation internationale. Revenant à l’avis de la Cour internationale de Justice, il a rappelé que celle-ci a souligné le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Celui-ci dispose donc de tout le soutien juridique requis. Pourtant, Israël maintient sa politique, a-t-il déploré. Nous devons faire face à deux réalités: une réalité juridique et la réalité sur le terrain, a poursuivi M. de Currea-Lugo. Le mécanisme de droit international est méconnu des ONG et de la société civile et la méfiance à l’égard du droit international constituent des obstacles de taille à notre action, a-t-il indiqué. Tout accord entre les pays les plus puissants et Israël doit se faire dans le cadre du respect du droit international, a-t-il dit avant de conclure qu’il fallait se débarrasser des clichés selon lesquels Israël était une démocratie et l’idée selon laquelle être antisioniste c’est être antisémite.
En réponse aux questions posées de la salle et en particulier sur ce que pourrait faire l’Union européenne, IAIN SCOBIE, a indiqué que l’Union était mue par un sentiment de culpabilité par rapport à l’holocauste ce qui l’empêchait d’agir. L’Europe est très sensible au sujet de son histoire et nous devons en tenir compte, a-t-il affirmé. Pour leur part, les États-Unis ne peuvent rien faire pour empêcher leurs citoyens d’aller s’implanter dans les colonies de peuplement. Pour MICHAEL SFARD, il fait pas de doute que les membres du Hamas et du Djihad sont des criminels et des terroristes. Il est vrai aussi que la politique israélienne ne trouve aucune justification dans la Tora. Enfin, SUSAN AKRAM a estimé que les campagnes politiques et juridiques doivent être accompagnées de campagnes médiatiques.
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