L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE S’INQUIÈTE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX POUR LE RWANDA ET POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
Communiqué de presse AG/10297 |
Assemblée générale
53e séance plénière – matin
L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE S’INQUIÈTE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX POUR LE RWANDA ET POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
L’Assemblée générale a réaffirmé sa confiance ce matin aux Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), lors d’une séance consacrée à l’examen du rapport annuel des deux Tribunaux. Rendant compte de leurs activités, les Présidents des deux Tribunaux ont souligné les progrès réalisés dans la cadence des procès et dans le nombre de jugements rendus. Ils ont cependant exprimé, l’un après l’autre, leur préoccupation face aux arriérés de contributions des États Membres.
« Des nuages noirs pointent à l’horizon », a déclaré le Juge Erik Mose, Président du TPIR, en évoquant le gel du recrutement. Son homologue du TPIY, le Juge Theodor Meron, a souligné l’« effet dévastateur » d’une telle mesure qui, selon lui, met en péril les efforts accomplis pour mener à bien la stratégie d’achèvement des travaux. La plupart des orateurs ont invité les États Membres en retard de paiement –ils représentent 60%, a noté le représentant de la Norvège– à s’acquitter de leurs obligations. Le représentant du Japon a pour sa part estimé que la capacité de financement de la communauté internationale n’était pas illimitée et il a donc invité le TPIR et le TPIY à respecter les délais et à revoir à la baisse leurs coûts de fonctionnement.
Plusieurs intervenants ont salué à cet égard la décision de renvoyer les affaires de moindre importance devant les tribunaux nationaux. Le Rwanda, auquel le TPIR a renvoyé 40 affaires, considère que c’est le moyen le plus réaliste d’achever les travaux dans les délais, a indiqué son représentant. Le représentant de la République de Corée s’est félicité de la complémentarité entre juridictions internationales et nationales et a lancé un appel au renforcement des capacités des systèmes judiciaires nationaux.
Le Président du TPIY a rappelé que 21 accusés étaient toujours en fuite, celui du TPIR en a dénombré sept. La représentante des États-Unis a exhorté à cet égard la République démocratique du Congo et le Kenya à extrader les auteurs présumés du génocide rwandais présents sur leur territoire. Elle a par ailleurs mis en cause l’entité serbe de Bosnie-Herzégovine et la Serbie-et-Monténégro pour leur manque de coopération concernant les accusés toujours en fuite, comme Radovan Karadzic, Ratko Mladic et Ante Gotovina. Le Ministre de l’administration de la Serbie-et-Monténégro a estimé qu’il n’y avait aucune certitude sur leur présence dans son pays qui, a-t-il assuré, remplit toutes ses obligations à l’égard du TPIY.
Outre ceux déjà cités, les représentants des Pays-Bas, de la Croatie, de la Malaisie, de la Bosnie-Herzégovine, du Nigéria, de la République-Unie de Tanzanie et de l’Ouganda ont pris la parole.
La prochaine séance de l’Assemblée générale sera annoncée dans le Journal de l’ONU.
Rapport du Tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais accusés de tels actes ou violations commis sur le territoire d’états voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 (A/59/183)
Ce rapport, transmis par le Secrétaire général à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité par une note en date du 27 juillet 2004, couvre les activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004. Lors de cette période, le TPIR a prononcé cinq jugements de première instance dans des procès concernant neuf personnes et a entamé cinq nouveaux procès concernant 11 accusés, indique le rapport, qui explique également que le Tribunal prévoit de mener à terme tous les procès d’ici à 2008, comme l’exige la résolution 1503 (2003) du Conseil de sécurité.
Le TPIR estime qu’il faudrait continuer de doter le Tribunal des ressources suffisantes qui lui permettraient de mener à bonne fin sa mission dans les délais fixés. Il recommande également aux États Membres de continuer de se prêter aux discussions sur le transfert éventuel aux fins de jugement de certaines affaires aux juridictions nationales, et de fournir l’assistance nécessaire pour permettre d’arrêter et de transférer au Tribunal les accusés et suspects non encore appréhendés.
Le TPIR est résolu à traduire en justice les personnes qui seraient les auteurs du génocide et des violations du droit international humanitaire qui ont été commis au Rwanda en 1994. Ainsi, le TPIR rendra justice aux victimes des crimes qui ont été commis à une échelle massive et établira un bilan propre à aider à la réconciliation au Rwanda. Le Tribunal, souligne le rapport, laissera en héritage une jurisprudence internationale qui guidera les tribunaux futurs et dissuadera ceux qui seraient tentés de commettre ces crimes graves à l’avenir.
Rapport du tribunal pénal international chargé de juger les personnes accusées de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (A/59/215)
Au cours de la période couverte par le rapport, du 1er août 2003 au 31 juillet 2004, un certain nombre d’initiatives ont été prises afin d’accélérer les procédures du Tribunal et de les rendre plus efficaces. Tout au long de l’année, les trois chambres de première instance ont mené de front six procès. Elles ont examiné six affaires au fond et deux affaires d’outrage, et elles ont rendu deux jugements au fond, ainsi que neuf jugements portant condamnation à la suite d’autant de plaidoyers de culpabilité. La Chambre d’appel a jugé un nombre record d’appels comprenant 17 appels interlocutoires, quatre appels de jugements et une demande en révision.
Tout au long de la période considérée, afin de respecter l’engagement qu’il a pris de clore les enquêtes portant sur les hauts responsables non encore mis en accusation, le Procureur a rationalisé les enquêtes et, plus encore que par le passé, en a circonscrit le champ aux dirigeants politiques et militaires les plus haut placés qui sont présumés responsables des crimes les plus graves. Ces enquêtes ont abouti à six actes d’accusation, qui ont été confirmés, à l’encontre de 15 accusés. Des efforts particuliers ont été faits pour respecter la première date importante de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal, à savoir la clôture, à la fin de l’année 2004, des enquêtes menées sur tous les suspects restants. Toutes les enquêtes en cours et prévues ont fait l’objet d’examens périodiques visant à vérifier que tous les moyens mis en œuvre étaient bien affectés aux cas des personnes qui portaient la responsabilité la plus lourde.
Étant également responsable de toutes les poursuites engagées devant le Tribunal, le Bureau du Procureur a continué et même intensifié ses activités dans le cadre des procès en préparation, en première instance et en appel. Dans la période considérée, il était engagé dans la mise en état de 17 procès et il a pris part à six procès en première instance, à 10 appels de jugements, ainsi qu’à plusieurs appels interlocutoires. Des mesures ont été prises pour améliorer la gestion et le fonctionnement du Bureau du Procureur, grâce notamment à la rationalisation des procédures internes et la généralisation de l’emploi de systèmes informatiques.
Durant la période considérée, neuf accusés se sont livrés de leur propre gré et un a été arrêté. Le fait que des accusés de haut rang, tels que Radovan Karadžić, Ratko Mladić et Ante Gotovina, n’ont toujours pas été appréhendés constitue pour le Procureur un sujet de préoccupation majeure. Les appels adressés à maintes reprises aux États et entités de la région pour qu’ils recherchent et arrêtent ces accusés sont à ce jour restés vains. Le Procureur a déployé des efforts particuliers pour obtenir la coopération des pays, sur laquelle il compte pour accomplir sa mission, non seulement afin d’obtenir leur soutien pour l’arrestation d’accusés en fuite, mais aussi pour qu’ils mettent à sa disposition d’autres moyens nécessaires en lui donnant notamment l’accès aux témoins, aux archives et à d’autres éléments de preuve décisifs.
Débat commun
M. ERIK MOSE, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a indiqué à l’Assemblée générale que le TPIR avait rendu cinq jugements concernant neuf accusés entre le 1er juillet 2003 et le 30 juin 2004. Un autre jugement a été rendu le 15 juillet 2004, a-t-il ajouté, ce qui porte à 17 le nombre total de jugements rendus depuis 1997, concernant 33 personnes. Sept nouveaux procès ont débuté en 2003 et 2004. Il a souligné la différence qui existe entre deux catégories de procès, ceux concernant un seul accusé et ceux qui en impliquant plusieurs. Ces derniers, a-t-il précisé, prennent beaucoup plus de temps. Il a rendu compte de l’avancée de trois procès collectifs, celui de Butare, celui des Militaires I et celui du Gouvernement. Dans deux autres affaires -Militaires II et Karemera et autres-, la procédure en est encore à ses débuts, a-t-il indiqué.
Le Président du TPIR a expliqué que les huit procès actuellement en cours se déroulaient dans trois salles, ce qui, a-t-il estimé, ne facilitait pas la tâche et nécessitait une minutieuse planification des audiences. Il a attiré l’attention de l’Assemblée générale sur la charge de travail de la Chambre d’appel du TPIR. Il s’est félicité de l’arrivée de neuf nouveaux juges ad litem qui, a-t-il précisé, forment une excellente équipe avec les juges permanents. Compte tenu des progrès réalisés lors de l’année écoulée, il a affirmé que le TPIR respectait le calendrier prévoyant la fin des procès en 2008. Il a indiqué qu’il présenterait, le 23 novembre prochain, devant le Conseil de sécurité une évaluation de la stratégie d’achèvement des travaux. Les délais sont respectés, mais des nuages noirs pointent à l’horizon, a-t-il cependant déclaré, en s’inquiétant que certains États Membres n’aient pas versé leur contribution aux deux Tribunaux spéciaux, ce qui a eu pour conséquence le gel du recrutement de nouveaux personnels. Il a estimé que ce gel n’avait pas encore eu d’incidence directe sur le fonctionnement du Tribunal, mais il a souligné l’importance du nombre de postes vacants, citant les assistants juridiques ou encore les bureaux du Greffier et du Procureur. Il a souligné le paradoxe qui existe entre le retard dans le versement des contributions par les États Membres et l’exigence d’une accélération des travaux du Tribunal et a réclamé une mise à disposition de ressources suffisantes pour pouvoir respecter les délais fixés par le Conseil de sécurité.
Le Président du TPIR s’est félicité de la coopération des autorités rwandaises. Rappelant que sept accusés étaient encore en liberté, il a lancé un appel aux pays qui les hébergent pour qu’ils coopèrent davantage avec le Tribunal. Il a enfin remercié les six États Membres qui ont signé des accords pour l’exécution des décisions rendues par le TPIR.
M. THEODOR MERON, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), a souligné qu’en dépit d’obstacles conséquents, les travaux du Tribunal progressaient considérablement. Depuis un an, a-t-il précisé, les Chambres de première instance et la Chambre d’appel ont continué d’entendre et de trancher un nombre record d’affaires, et plusieurs réformes destinées à améliorer l’efficacité et la rapidité des procédures ont été mises en œuvre. M. Meron a ajouté que le Tribunal redoublait d’efforts pour faire en sorte que les États de l’ex-Yougoslavie mettent tout en œuvre pour arrêter les accusés toujours en fuite. Se déclarant préoccupé par la situation budgétaire actuelle et ses répercussions qui commencent à se faire ressentir sur le travail du Tribunal, et constatant qu’un certain nombre d’accusés n’avaient toujours pas été arrêtés, il a appelé vivement à la coopération de tous les États Membres pour permettre au TPIY de faire répondre de leurs actes les auteurs des atrocités qui ont déchiré les Balkans dans les années 1990 et de continuer à contribuer au processus de réconciliation entre les peuples de l’ex-Yougoslavie. Chaque État Membre, sans exception, doit s’acquitter pleinement de son obligation de soutien envers la mission du Tribunal, a-t-il déclaré, affirmant que 21 accusés étaient toujours en fuite et devaient être arrêtés, comme Radovan Karadzic, Ratko Mladic et Ante Gotovina. Il a en outre invité l’Assemblée générale à considérer le risque, pour la justice internationale, d’une politique qui pourrait autoriser les fugitifs à nourrir le faux espoir qu’ils peuvent finalement triompher de l’action du TPIY, en se cachant et attendant tranquillement qu’il ferme ses portes. La mission historique du Tribunal ne pourra pas être considérée comme accomplie tant que des accusés de haut rang n’auront pas été jugés à La Haye, a-t-il assuré.
En présentant le onzième rapport du TPIY, M. Meron a énuméré les principaux résultats obtenus par le TPIY au cours de l’année écoulée. Le TPIY, a-t-il ainsi indiqué, a poursuivi ses activités sur le rythme optimal qu’il avait atteint l’an dernier. Les trois Chambres de première instance ont continué de fonctionner au maximum de leurs capacités, ont examiné 35 affaires sur le fond et cinq affaires d’outrage et ont rendu onze jugements. Selon le juge, le procès le plus en vue a été celui de Slobodan Milosevic, ancien chef de l’État de la République fédérale de Yougoslavie. En février dernier, le Parquet a clôturé la présentation des motifs d’accusation et, depuis fin août, le Tribunal entend les plaidoiries de la défense, a-t-il poursuivi. Le juge a en outre souligné que les efforts de coopération avec les autorités des États de l’ex-Yougoslavie se poursuivaient. Si la coopération avec la Fédération de Bosnie-Herzégovine reste satisfaisante, celle avec la Republika Srpska demeure insatisfaisante, a-t-il considéré, en particulier sur la question des accusés toujours en fuite et l’accès aux documents de guerre.
Le Président du TPIY a insisté sur les difficultés financières que traverse le Tribunal qui, a-t-il observé, commencent à menacer son bon fonctionnement. Il est ainsi revenu sur le gel total du recrutement et la limitation des dépenses décidés par le Secrétaire général en mai dernier. Ce gel commence à avoir un effet dévastateur sur les activités du Tribunal, a-t-il noté, précisant que depuis sa mise en œuvre, un nombre bien supérieur à 100 fonctionnaires ont quitté le TPIY, ce qui équivaut à plus de 10% de la totalité des effectifs. Ce départ de fonctionnaires met en péril les efforts accomplis pour mener à bien la stratégie d’achèvement de son mandat, a-t-il estimé.
M. ARJAN HAMBURGER (Pays-Bas), qui s’est exprimé au nom de l’Union européenne, a réaffirmé son soutien à l’égard du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), indiquant que les deux Tribunaux avaient effectué des efforts importants pour la réconciliation et le maintien de la paix et de la sécurité dans les pays où ils avaient travaillé. Soulignant que la paix, la justice et l’état de droit étaient indissociables, il a réaffirmé que les crimes les plus graves ne devaient bénéficier d’aucune impunité. Le représentant a salué les progrès réalisés par les deux Tribunaux au cours de l’année écoulée, et s’est félicité de l’engagement de leurs présidents respectifs à suivre la stratégie d’achèvement.
M. Hamburger a estimé que les deux Tribunaux devraient de fait s’efforcer de respecter les délais qui leur ont été fixées dans les résolutions 1503 et 1534 du Conseil de sécurité, rappelant cependant que la communauté internationale avait également des engagements à tenir à cet égard. Il a indiqué que l’allocation de ressources suffisantes par les États Membres, leur coopération, leur aide et leur soutien à l’égard des Tribunaux étaient essentiels au travail de ces derniers. Les États doivent permettre l’accès à leurs archives, arrêter et transférer les accusés encore en fuite, et s’assurer que les témoins se présentent aux audiences, a-t-il expliqué, s’inquiétant par ailleurs de l’impact qu’avait le non-paiement des contributions par les États Membres sur le travail des deux Tribunaux spéciaux.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a estimé que le TPIY contribuait au rétablissement de la confiance et à la stabilisation de la région de l’ex-Yougoslavie. Il a par ailleurs exprimé sa reconnaissance au TPIY et à ses experts pour la précieuse assistance technique qu’ils apportent au système judiciaire croate. Évoquant l’actuelle visite du Premier Ministre croate à Belgrade, il a estimé qu’il ne fallait pas oublier le passé, mais qu’il fallait regarder vers l’avenir. C’est dans cette optique, a-t-il dit, qu’il faut évaluer le travail du TPIR.
Le représentant a rappelé que son pays avait déjà eu l’occasion d’exprimer, à cette même tribune, ses désaccords avec certaines interprétations du Procureur concernant le contexte historique et la genèse politique du conflit, qui ne sont pas conformes, selon lui, aux résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Il a cependant estimé que ces divergences n’empêcheraient pas la Croatie de coopérer pleinement avec le TPIY. La Croatie, a-t-il conclu, continuera à s’acquitter de toutes ses obligations et prendra toutes les mesures permettant de traduire en justice les auteurs de crimes de guerre.
M. RADZI RAHMAN (Malaisie) a affirmé que le travail des Tribunaux spéciaux revêtait une importance immense en présentant devant la justice les auteurs d’atrocités et dans le développement de justice internationale et du droit international. Il ne fait aucun doute, a-t-il poursuivi, que les décisions des Tribunaux ont contribué à faire avancer les affaires du droit international général et les affaires du droit international humanitaire. Ils ont fait un travail de pionnier pour la défense des victimes, a-t-il dit.
Le représentant a souhaité que l’appel à la coopération lancé par le Président du TPIY soit entendu. Il a également demandé à la communauté internationale d’aider pleinement et sans retenue les deux Tribunaux spéciaux pour qu’ils puissent s’acquitter de leur mandat respectif.
M. TOSHIRO OZAWA (Japon) a indiqué que les Présidents du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) devaient s’efforcer de respecter les délais que leur avait fixé le Conseil de sécurité, estimant qu’un processus judiciaire prolongé ne contribuait pas pour autant à une meilleure justice. Il a affirmé que la poursuite du travail du TPIY était très importante, et s’est inquiété du fait que Radovan Karadzic, Ratko Mladic et Ante Gotovina n’avaient pas encore été arrêtés. Concernant le TPIR, le représentant s’est félicité de la rapidité avec laquelle avait été mené le procès Ndindabahizi, et de l’efficacité qui caractérisait actuellement le procès Muhimana.
M. Ozawa a par ailleurs estimé que les États Membres ne pouvaient pas dégager des ressources pour la poursuite de la justice de manière illimitée. Cette observation, que l’on peut tirer de l’expérience de ces deux Tribunaux, a déjà été formulée par le Secrétaire général dans son rapport sur l’état de droit et la justice de transition, a-t-il expliqué. Si le représentant a remarqué que des efforts avaient été entrepris pour résoudre le problème, il a jugé que le fossé actuel entre le nombre de cas traités et leur coût était inapproprié, et a signalé que le coût du fonctionnement des deux Tribunaux devait être revu à la baisse en accord avec la stratégie d’achèvement. Il a donc espéré que les Tribunaux s’efforceraient de conduire des procès équitables le plus efficacement possible, afin de respecter les délais fixés par le Conseil de sécurité.
M. SHIN KAK-SOO (République de Corée) a qualifié les Tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et pour l’ex-Yougoslavie de précurseurs de la Cour pénale internationale. Il a salué leur rôle pionnier dans l’élaboration du droit international, dont l’expérience, a-t-il estimé, sera utile pour la CPI, qui vient de commencer ses enquêtes en République démocratique du Congo et en Ouganda. Il a ajouté que cette expérience devait également servir aux juridictions concernant la Sierra Leone, le Kosovo, le Timor-Leste et le Cambodge. Insistant sur la nécessité de mieux lutter contre la culture d’impunité, il a souhaité la mise en place d’un mécanisme de consultation entre les juridictions internationales, spéciales ou hybrides, et les juridictions nationales, afin d’éviter la fragmentation de la jurisprudence internationale. Il a estimé que l’un des enseignements les plus importants du TPIR et du TPIY était la nécessaire complémentarité avec les juridictions nationales, devant lesquelles sont renvoyées les affaires de moindre importance. Il a lancé à cet égard un appel au renforcement des capacités des systèmes judiciaires nationaux.
Le représentant a salué les pays qui ont accepté que les personnes condamnées par les deux Tribunaux spéciaux puissent purger leur peine sur leur territoire. Il a par ailleurs regretté que plusieurs accusés soient toujours en fuite, lançant à cet égard un appel aux pays de la région pour qu’ils facilitent leur arrestation, faute de quoi, a-t-il estimé, les travaux des TPI resteront inachevés. Il s’est félicité du travail de vulgarisation, afin d’éviter la propagation de l’idée selon laquelle la justice internationale ne serait pas transparente. Il a jugé utile l’introduction en 2002 de la procédure du « plaider coupable », qui permet de limiter les coûts. Il a cependant insisté sur la nécessité de trouver un équilibre entre les contraintes financières et le besoin de préserver un sens de la justice pour les victimes.
M. ZORAN LONCAR, Ministre de l’administration de la Serbie-et-Monténégro, a affirmé qu’il était du meilleur intérêt pour son pays et les autres États de l’ex-Yougoslavie que les responsables de violations graves du droit international humanitaire soient présentés devant la justice, que ce soit devant le TPIY ou d’autres tribunaux internationaux. La Serbie-et-Monténégro offre son concours efficace au Bureau du Procureur et au TPIY pour poursuivre et rechercher les témoins et suspects, a-t-il affirmé. Concernant le criminel de guerre présumé Ratko Mladic, le Ministre a déclaré qu’il n’y avait pas de preuve réelle qu’il se trouve sur le territoire de la Serbie-et-Monténégro. Pour montrer que la Serbie-et-Monténégro coopère étroitement avec le TPIY, plusieurs responsables de haut rang ont rencontré le Président du Tribunal, le Juge Theodor Meron, et le Procureur, Mme Carla Del Ponte. Il a indiqué que le 9 octobre, le Colonel Ljubisa Beara de l’armée de la Republika Sppska, une des personnes les plus recherchées pour le massacre de Srebrenica, s’était volontairement rendu aux autorités serbes et avait été immédiatement transféré à La Haye, accompagné du Ministre de la justice de la Serbie-et-Monténégro.
Tous les dirigeants de la Serbie-et-Monténégro préconisent le respect de toutes les obligations du pays vis-à-vis du Tribunal, a dit le Ministre. L’avenir de tous les pays de l’ex-Yougoslavie est au sein de l’Union européenne, a-t-il estimé, précisant qu’il ne sera possible qu’avec une réconciliation totale. La Serbie-et-Monténégro continuera de coopérer pleinement avec le TPIY, a-t-il souligné, ajoutant que les tribunaux nationaux étaient prêts à traduire en justice tous les auteurs de crimes de guerre commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
M. MIRZA KUSLJUGIC (Bosnie-Herzégovine) a estimé que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) individualisait la responsabilité de certains des crimes contre l’humanité les plus horribles, ce qui permettait dès lors de décharger les participants au conflit de la culpabilité collective. Les verdicts du TPIY et du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) sont devenus une part importante de la jurisprudence internationale, a-t-il remarqué, ajoutant qu’à l’heure actuelle, 104 accusés avaient comparu devant le TPIY, 52 d’entre eux avaient été jugés, 30 avaient reçu leur peine et 10 l’avaient déjà purgée.
M. Kusljugic s’est cependant inquiété d’apprendre que l’aide financière internationale au Tribunal déclinait, et a exhorté les principaux bailleurs de fonds à soutenir le Tribunal le temps qu’il faudrait. Rappelant que son pays était déterminé à coopérer pleinement avec le TPIY, il a néanmoins remarqué que de nombreux inculpés de crime de guerre n’avaient toujours pas été appréhendés, ce qui constituait un obstacle majeur à la réconciliation interethnique.
M. WEGGER C. STROMMEN (Norvège) s’est inquiété de la situation financière des Tribunaux pénaux internationaux, rappelant que 60% des États Membres avaient des arriérés de paiement. Cette situation a conduit au gel du recrutement, ce qui, a-t-il poursuivi, empêche le remplacement de personnels indispensables. Il a indiqué que la Norvège finançait la construction d’une quatrième salle d’audience au TPIR. Il s’est par ailleurs félicité du renvoi des affaires de moindre importance devant les juridictions nationales, saluant à cet égard la création d’une Chambre des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine et l’adoption de conditions préalables pour le renvoi d’affaires devant des cours rwandaises.
Déplorant que certains accusés soient toujours en fuite, il a estimé que la mission des Tribunaux spéciaux ne serait pas accomplie tant que les inculpés de premier rang ne seraient pas traduits en justice. Il a rappelé les États Membres à leurs obligations de faciliter l’accès aux archives, la mise à la disposition de témoins, et l’exécution des peines. Il a indiqué à ce sujet que la Norvège avait accepté qu’un nombre limité de condamnés purgent leur peine sur son territoire et il a appelé les autres pays à suivre cet exemple.
Mme SUSAN MOORE (États-Unis) a affirmé que la Serbie-et-Monténégro, la Bosnie-Herzégovine et la Croatie devaient s’acquitter de leurs obligations pour coopérer pleinement avec le TPIY. Cette coopération, a-t-elle ajouté, concerne non seulement l’accès aux documents et aux archives, mais aussi l’arrestation de fugitifs sur leur territoire et leur extradition vers La Haye, surtout Radovan Karadzic, Ratko Mladic et Ante Gotovina. À cet égard, la représentante a noté que la Republika Srpska n’avait remis au Tribunal aucun inculpé recherché, tandis que la coopération de la Serbie-et-Monténégro avec le TPIY s’était détériorée au cours des 12 derniers mois. Ce manque de coopération, a-t-elle souligné, remet en cause la confiance que la communauté internationale avait mise dans ce pays. Elle a appelé le Premier Ministre à agir immédiatement pour permettre l’arrestation et le transfert au Tribunal de La Haye des inculpés fugitifs.
La représentant a salué l’accélération des procès du TPIR, sous l’autorité de son Président. Elle a exhorté tous les États, en particulier la République démocratique du Congo (RDC) et le Kenya, à respecter leurs obligations internationales en arrêtant et extradant Félicien Kabuga et tous les autres inculpés de crimes de guerre commis sur leur territoire. Ces inculpés, a-t-elle dit, continuent d’inciter au conflit dans la région des Grands Lacs et doivent être activement recherchés et arrêtés, comme l’a demandé à plusieurs reprises le Conseil de sécurité.
M. FELIX AWANBOR (Nigéria) a salué les progrès significatifs réalisés par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à remplir leur mandat respectif et à coopérer entre eux. À travers son travail, le TPIR a permis d’enrichir la jurisprudence internationale et de rejeter la tradition d’impunité, qu’il a remplacée par les valeurs de l’état de droit, a remarqué le représentant.
M. Awanbor s’est également félicité de remarquer que le TPIR était en mesure d’achever ses travaux d’ici à 2008, conformément à la résolution 1503 du Conseil de sécurité. Il a estimé que le Tribunal devait se concentrer sur les responsables des crimes les plus graves, et renvoyer les affaires de moindre importance aux juridictions nationales. Dans cet ordre d’idées, il a demandé aux États de faciliter leurs procédures de transfert d’accusés et de renforcer leur législation afin d’assurer une transition plus souple vers les juridictions nationales. Concernant le TPIY, le représentant s’est félicité des initiatives prises par le Tribunal afin d’augmenter son rythme et son efficacité, au moyen de réformes internes notamment. M. Awanbor a cependant estimé que les deux Tribunaux avaient besoin du soutien continu de la communauté internationale pour pouvoir achever leur travail à temps.
M. ANDY MWANDEMBWA (République-Unie de Tanzanie) a salué l’accélération des travaux du TPIR, sous les auspices du Procureur Hassan Bubacar Jallow. Il a espéré que le Tribunal disposerait des ressources suffisantes pour mener à bien la stratégie d’achèvement des travaux d’ici à 2008. Il a indiqué que la Tanzanie, en tant que pays hôte du TPIR, avait travaillé en étroite collaboration avec le Tribunal. Rappelant que son pays avait énormément investi dans cette infrastructure, il a souhaité, une fois que le TPIR aura achevé ses travaux, que les Nations Unies établissent une nouvelle instance judiciaire internationale à Arusha.
M. STANISLAS KAMANZI (Rwanda) s’est interrogé sur la façon dont le TPIR pouvait continuer avec efficacité pour qu’il puisse achever son travail dans le temps imparti. Il a exhorté tous les États Membres à coopérer avec le Tribunal pour que tous les inculpés soient traduits devant la justice. Il a affirmé que son pays reconnaissait que le renvoi par le TPIR d’au moins 40 affaires devant les tribunaux nationaux constituait le moyen le plus réaliste pour le Tribunal d’achever ses travaux dans le délai fixé.
Le représentant a réitéré l’assurance de son pays que la peine capitale ne serait pas appliquée aux affaires qui seront renvoyées par le TPIR devant les juridictions nationales. Le Rwanda rappelle sa détermination à appuyer les trois organes du Tribunal, a-t-il affirmé. Il s’est déclaré en outre préoccupé par les retards de contributions des États Membres ou les non-versements qui ont occasionné de sérieuses difficultés financières pour le Tribunal, un gel du recrutement et un ralentissement de ses travaux. Ce ralentissement arrive à un moment où nous souhaiterions que le Tribunal travaille plus rapidement pour s’acquitter dans les délais prescrits de son mandat, a-t-il déclaré. Par ailleurs, le Rwanda a exhorté l’Assemblée générale à soutenir un projet de résolution qui doit être présenté au cours de cette session par le Nigéria, au nom de l’Union africaine, et qui vise à aider les victimes survivantes du génocide.
Mme ROSSETTE NYIRINKINDI KATUNGYE (Ouganda) a déploré le manque de ressources et de personnel qui paralysait le travail du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), estimant qu'il était inacceptable que le TPIR pâtisse de l'incapacité des États Membres à payer leurs contributions. Le budget des Nations Unies devrait être utilisé pour remédier au problème, a-t-elle expliqué, ajoutant qu'il était important que le TPIR dispose des ressources suffisantes pour achever son travail dans les délais fixés par le Conseil de sécurité. La représentante s'est par ailleurs félicitée des progrès réalisés au cours de l'année écoulée, remarquant cependant que le nombre de personnes déjà traduites en justice restait très relatif.
Mme Nyirinkindi Katungye a estimé que le TPIR et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), de même que la Cour pénale internationale et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone prouvaient que la communauté internationale était déterminée à poursuivre en justice les responsables de génocide, de crimes de guerre et de graves crimes contre la communauté. Elle a cependant affirmé qu'il valait mieux prévenir que guérir, et qu'il fallait dès lors mettre en place des systèmes d'alerte précoce afin que le monde puisse être informé à temps sur des événements qui pourraient conduire à de telles atrocités.
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