SG/SM/8958

LE SECRETAIRE GENERAL SOULIGNE L’IMPORTANCE D’UNE ARCHITECTURE MULTILATERALE FLEXIBLE A L’OCCASION DU DINER ANNUEL DE L’ASSOCIATION DES JOURNALISTES ACCREDITES AUPRES DE L’ONU

28/10/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8958


Le Secretaire general souligne l’importance d’une architecture multilaterale flexible a l’occasion du diner annuel de l’Association des journalistes accredites aupres de l’ONU


Le Secrétaire général, Kofi Annan, a adressé aux participants au dîner annuel de l’Association des journalistes accrédités auprès de l’ONU, le message suivant, dont Mme Nane Annan a donné lecture, le 22 octobre à New York:


Merci, Tony (Jenkins), et mes félicitations à chacun des lauréats.


Mon époux est véritablement désolé de ne pouvoir se joindre à vous ce soir.  Nous pensons, lui comme moi, que ce qui s’est passé, tant dans le monde que pour nous en tant qu’êtres humains, depuis le dernier dîner de l’Association, il y a deux ans de cela, nous a fait prendre conscience plus que jamais que nous avons tous besoin les uns des autres.  Nous avons tous perdu des amis chers et des collègues, et c’est à eux que nous pensons encore ce soir.  Mon époux et moi-même sommes touchés que votre Association ait trouvé le moyen de saluer leur mémoire.


Il est merveilleux également d’avoir à nos côtés Angelina Jolie, Ambassadrice itinérante dévouée à la cause du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, qui, avec son dernier film intitulé «Beyond Borders», hommage à l’action des travailleurs humanitaires, vient de porter sa mission à l’écran. Merci à vous, Angelina.


Ce soir, j’aurai le plaisir de vous faire part des observations de mon époux.  Ce sera un plaisir car cet événement est l’un des temps forts de l’année, que nous attendons avec impatience.  J’aurais certes pu formuler mes propres remarques, mais je suis bien trop occupée à assumer mes fonctions de grand-mère, je ne suis arrivée qu’aujourd’hui pour être avec vous.  Je vous fais donc part des propos de mon époux.  Faites abstraction de la grand-mère à l’accent suédois, et pensez plutôt à Tonton Kofi, l’oncle de tous.


«Bonsoir à tous.  C’est donc la troisième année que nous manquons notre rendez-vous, c’est bien vrai que cette séparation est difficile à vivre.


Bon nombre d’entre nous ont probablement l’impression d’avoir pris de l’âge depuis notre dernière rencontre.  Rien de nouveau pour moi à cela: Madeleine Albright n’a-t-elle pas décrit minutieusement, dans les mémoires qu’elle vient de publier, les tons de gris et d’argent par lesquels sont passés mes cheveux depuis que nous nous connaissons?


Outre ce qui s’est passé dans le monde récemment, nous avons aussi eu des batailles homériques ici, au Siège de l’ONU, qui ont étrangement éveillé des échos historiques.  Prenez l’histoire du mur.  Le mois dernier, une nouvelle cloison a été érigée au deuxième étage, dangereusement placée entre le poste d’observation de la presse et le Conseil de sécurité.  Je n’ai jamais vraiment bien compris si le but était de mettre les membres du Conseil à l’abri des prédateurs de la presse, ou de protéger les journalistes des prédateurs du Conseil, ou encore d’offrir au personnel et aux représentants un endroit tranquille pour boire un cappuccino sans que je les voie.


J’aurais pu tout aussi bien imaginer que l’idée était d’offrir aux diplomates un endroit où fumer sans être gênés par ma récente interdiction de fumer dans les locaux du Siège – mais il est évident, qu’ils n’ont pas besoin de cela.  L’un de vos ambassadeurs préférés ne vous a-t-il pas déjà dit que, si le Secrétaire général pouvait sans problème donner des instructions à ses subordonnés, il n’en allait pas de même avec les membres des missions diplomatiques?  Je suppose que la personne en question fulminait en vous confiant cela.


C’était d’ailleurs probablement compter sans les convictions, tout aussi fortes, dans le camp d’en face, en particulier parmi certains membres de votre association.  Je pense à un correspondant en particulier.  Je n’oublierai jamais cette scène du film “Live from Baghdad”, dans laquelle le personnage de Richard Roth arrive à l’hôtel Al-Rachid et exige une chambre “où personne n’ait jamais fumé de cigarette”.  Une demande pour le moins incongrue à Bagdad, et plus encore en n’importe quel lieu situé à proximité du Conseil de sécurité.


Quelle qu’en soit l’origine, cette question de partition s’est rapidement envenimée comme toutes les questions de partition.  Le téléphone de Fred Eckhard ne cessait de sonner.  Le Président de votre association lui-même m’a invité publiquement à “abattre ce mur”.  La suite est bien connue.  En quelques jours, la cloison avait rejoint ses semblables dans la remise des oubliés de l’histoire.


C’est précisément le genre d’architecture multilatérale flexible qu’il nous faut ici.  Au cas où vous vous poseriez la question, c’est la raison pour laquelle je viens d’annoncer mon intention de nommer d’ici à la fin du mois un groupe de haut niveau chargé d’analyser les changements et les problèmes à l’échelle mondiale.  Les groupes sont toujours préférables au cloisonnement et à la séparation, me suis-je dit, et un bon siège de président – ou deux sièges de coprésident – nous empêcheront, nous autres, de nous sentir trop à l’aise et de nous fondre dans le décor.


Si cela ne suffit pas, ai-je pensé, nous pouvons toujours passer à l’étape suivante et recouvrir les murs de papier peint représentant Guernica.


Je vous souhaite à tous une excellente soirée, et vous donne rendez-vous à l’année prochaine, ou dans deux ans, ou dans trois ans peut-être.»


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