PAR LA POLLUTION DES CENTRALES ELECTRIQUES, L'HOMME ET LA FAUNE SAUVAGE SONT MENACES D'INTOXICATION PAR LE MERCURE, SELON UN RAPPORT RECENT DU PNUE
Communiqué de presse PNUE/76 |
PNUE/76
4 février 2003
PAR LA POLLUTION DES CENTRALES ELECTRIQUES, L'HOMME ET LA FAUNE SAUVAGE SONT MENACES D'INTOXICATION PAR LE MERCURE, SELON UN RAPPORT RECENT DU PNUE
L’Etude mondiale des rejets de ce dangereux métal lourd au centre des débats du Conseil d'administration du PNUE, du 3 au 7 février
Nairobi, février 2003 -- Juguler la pollution des centrales électriques permettrait de réduire considérablement l'intoxication de la planète par le mercure, conclut un rapport récent du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE).
Selon ce rapport, préparé par une équipe internationale d'experts, les centrales électriques au charbon et les incinérateurs d'ordures rejettent 70 pour cent des nouvelles émissions anthropiques quantifiées de mercure dans l'atmosphère, soit environ 1500 tonnes. Les pays en développement d'Asie se taillent la part du lion avec 860 tonnes.
«Etant donné que l'utilisation de combustibles fossiles augmente face à la demande d'énergie croissante des pays en développement et développés, à défaut d'appliquer des technologies pour maîtriser les émissions ou d'utiliser des énergies de substitution, on peut s'attendre à ce que les émissions de mercure augmentent en conséquence», indique le rapport.
L'extraction artisanale d'or et d'argent, de plus en plus pratiquée dans les pays du Sud, et qui rejette environ 400 à 500 tonnes de mercure dans les sols, les cours d'eau et l'atmosphère, est une autre source importante de pollution par le mercure. Utilisée pour extraire ces métaux précieux du minerai, cette substance expose les mineurs et leur famille à des risques d'intoxication élevés et contamine l'environnement local et régional.
Une fois libéré dans l'atmosphère, ce dangereux métal lourd peut parcourir des milliers de kilomètres et contaminer des endroits très éloignés de la source d'émission.
La réduction d'une autre source de pollution - les centrales électriques - pourrait aussi, par des biais indirects mais néanmoins importants, atténuer la menace que représente le mercure pour l'homme et la faune sauvage.
Toujours selon ce rapport, le réchauffement planétaire, largement imputable à la combustion de combustibles fossiles, pourrait déclencher des émissions de mercure se trouvant dans les sédiments et les sols pollués, contaminant ainsi cours d'eau, lacs et autres eaux douces.
Une fois dans l'eau, le mercure peut se transformer en méthylmercure, une substance extrêmement toxique qui s'accumule dans les tissus des poissons et autres organismes aquatiques, avec une nocivité potentielle pour la santé humaine. Nombre d'études ont attribué des lésions cérébrales chez des nourrissons au poisson contaminé par le mercure consommé par leur mère.
Le poisson n'en demeure pas moins un aliment bon pour la santé, dont la consommation faible à modérée est considérée comme une habitude alimentaire saine et sans risque. Toutefois, les populations consommant de grandes quantités de poissons, ou de mammifères marins contaminés comme le phoque, sont exposées à un risque d'intoxication par le mercure.
C'est essentiellement en mangeant du poisson contaminé que l'homme s'expose au méthylmercure. Autres sources d'exposition: certaines professions, les amalgames dentaires, certains savons et crèmes pour éclaircir la peau, les pratiques religieuses, culturelles et rituelles utilisant du mercure, des médicaments traditionnels, des vaccins et autres produits pharmaceutiques contenant des agents de conservation à base de mercure (par exemple, Thimerosal/Thiomersal); la présence de mercure dans le milieu de vie ou de travail peut contribuer à des expositions élevées.
Une étude réalisée aux Etats-Unis sur des femmes, également citée par le dernier rapport, a révélé qu'environ une femme sur douze, soit un peu moins de cinq millions, présentaient des taux de mercure supérieurs à la concentration maximale fixée par la US Environmental Protection Agency.
Il y a trois ans, le US Research Council estimait qu'aux Etats-Unis, chaque année, environ 60 000 nouveau-nés étaient susceptibles d'être atteints de lésions cérébrales, avec des effets pouvant aller de difficultés d'apprentissage à des troubles neurologiques. Se fondant sur des données plus récentes sur l'exposition au mercure, publiées par les US Centers for Disease Control and Prevention, certains scientifiques estiment que ce chiffre pourrait même atteindre 300 000. A l'échelle mondiale, il pourrait s'agir de plusieurs millions.
Klaus Toepfer, Directeur exécutif du PNUE, a déclaré: «Le mercure peut être transporté dans l'atmosphère et dans les océans du monde entier, à des milliers de kilomètres des sources d'émission. Il y a longtemps que cette substance est reconnue comme nocive pour la santé humaine».
Par exemple, le Chapelier fou d'Alice au pays des Merveilles doit son nom au fait que jadis, les chapeliers utilisaient du mercure pour renforcer les chapeaux et étaient exposés à des niveaux élevés de vapeurs de mercure.
«Ce nouveau rapport, demandé au PNUE par les gouvernements il y a deux ans, révèle qu'à l'échelle mondiale, le danger écologique pour l'homme et la faune sauvage n'a guère diminué, malgré une réduction des rejets de mercure, notamment dans les pays développés. Il montre qu'en réalité, les problèmes sont toujours là et semblent même s'aggraver dans certains contextes, tandis que la demande d'énergie, principale source d'émissions anthropiques de mercure, monte en flèche et que le réchauffement planétaire se poursuit», ajoute-t-il.
«Scientifiques, écologiques ou sanitaires, les arguments convaincants en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution liée à la production d'énergie ne manquent pas. Le rapport sur le mercure nous offre une raison supplémentaire, non moins convaincante, de réduire notre dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles, notamment du charbon», conclut M. Toepfer.
Les pluies acides, autre résultat de la pollution par les centrales électriques, pourraient avoir des effets semblables à ceux des changements climatiques sur les inondations.
L'acidification des cours d'eau et des lacs semble également déclencher des rejets de mercure du sol et des sédiments et sa transformation en méthylmercure, ce qui pourrait expliquer pourquoi tant de poissons sont contaminés dans les régions touchées par des pluies acides. Au sud et au centre de la Finlande, par exemple, 85 pour cent des brochets pesant un kilo ou plus présenteraient des taux de méthylmercure dépassant les normes sanitaires internationales.
Autres sources importantes d'émissions de mercure: les cimenteries et les fabriques de chlore et de soude caustique, les crématoires, les fabriques d'interrupteurs, les thermomètres, les lampes fluorescentes, les amalgames dentaires et les décharges comportant des piles usagées et déchets contenant du mercure.
La culture sur brûlis et la déforestation peuvent également accroître les rejets de mercure dans les cours d'eau. En attendant, selon l'étude, la contamination par le mercure risque, dans certaines régions d'Europe, d'affecter les microorganismes qui régulent la fertilité des sols. Cela risque aussi d'avoir une incidence indirecte sur les changements climatiques, vu le rôle clé joué par les microorganismes du sol dans le stockage du carbone atmosphérique.
Telles sont les principales conclusions qui se dégagent de l'Evaluation mondiale du mercure, réalisée par des experts pour le compte du PNUE. Présenté aux ministres de l'Environnement du monde entier à la réunion du Conseil d'administration du PNUE (3 au 7 février 2002, Siège du PNUE, Nairobi, Kenya), le rapport d'évaluation servira de base aux décisions politiques qui orienteront l'action mondiale sur le mercure pour les années à venir.
Ces conclusions précèdent également la Journée mondiale de l'eau célébrée le 22 mars sous l'égide du PNUE et qui, cette année, sera fêtée au Forum mondial de l'eau à Kyoto, Japon.
Ces conclusions auront une résonance particulière au Japon, où plusieurs milliers de personnes sont mortes ou tombées malades après avoir consommé des produits de la mer contaminés par le mercure d'une usine de la baie de Minamata dans les années 1950 et 60.
Les experts qui ont rédigé ce rapport invitent les gouvernements siégeant au Conseil d'administration du PNUE à examiner une liste de solutions pour atténuer les risques que représente le mercure, consistant par exemple à réduire ou éliminer la production, l'utilisation et le rejet de mercure; à opter pour des produits et procédés sans mercure; à lancer des discussions en vue d'un traité juridiquement contraignant; à établir un programme d'action mondial à caractère non obligatoire; et à renforcer la coopération intergouvernementale en matière de partage d'information, de communication, d'évaluation des risques et autres activités connexes. Ils préconisent en outre une douzaine de «mesures immédiates», y compris des programmes de sensibilisation axés sur des populations à risque comme les femmes enceintes ; des installations d'évacuation des déchets pour la destruction sans danger des pesticides obsolètes contenant du mercure; et des technologies pour maîtriser la pollution des centrales électriques.
Notes à la rédaction
Les centrales électriques et le réchauffement planétaire
Selon les données les plus récentes, les centrales thermiques à charbon et les incinérateurs de déchets rejettent chaque année environ 1500 tonnes de mercure dans l'atmosphère, provenant surtout de la combustion de charbon. Les émissions les plus importantes, estimées à 860 tonnes par an, proviennent de l'Asie, suivie par l'Afrique, 197 tonnes; l'Europe, 186 tonnes; l'Amérique du Nord, 105 tonnes; l'Australie et l'Océanie, 100 tonnes; et l'Amérique du Sud, 27 tonnes.
On s'attend à ce que le réchauffement planétaire accroisse les risques d'inondation en entraînant des phénomènes climatiques plus extrêmes et une élévation du niveau des mers. Les experts canadiens qui ont contribué au rapport estiment que la submersion de terres pourrait devenir une importante source de contamination par le mercure pour les poissons, car elle favoriserait le rejet de mercure et sa transformation en méthylmercure, extrêmement toxique. Une étude a même révélé que dans les terres submergées, ce taux de conversion pouvait atteindre un facteur 30.
On s'attend aussi à ce que le réchauffement planétaire se traduise par une hausse de la température des lacs. Selon certaines études, la contamination des poissons par le mercure est plus élevée dans les petits lacs. «Cela s'expliquerait par la température plus élevée des petits lacs qui
favorise la méthylation du mercure (conversion en forme plus toxique). Ce lien pourrait avoir d'autres effets majeurs sur la méthylation du mercure et son accumulation dans la chair des poissons dans le contexte de l'évolution climatique à long terme», relève le rapport.
Concentrations de mercure dans l'environnement: effets sur l'homme
Le mercure est un métal qui se trouve dans la nature, relâché dans l'environnement par les roches, les sols et les volcans. Toutefois, sous l'effet des activités humaines, allant de l'extraction d'or à la combustion de charbon dans les centrales thermiques, les taux atmosphériques de mercure ont été multipliés par trois depuis l'époque préindustrielle, signale ce rapport.
Le mercure et ses composés chimiques encore plus dangereux comme le méthylmercure, sont des substances extrêmement toxiques qui peuvent s'accumuler dans l'organisme animal et humain. Ils peuvent affecter le fonctionnement du cerveau et entraîner des troubles tels qu'irritabilité, tremblements, troubles de la vue, pertes de mémoire et problèmes de coordination. Les foetus, les nouveau-nés et les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables du fait de l'immaturité de leur système nerveux.
Le rapport mentionne également des observations scientifiques récentes établissant un lien entre l'exposition au mercure et certains problèmes cardiovasculaires, tels que palpitations, élévation de la pression sanguine et troubles cardiaques.
D'autres effets ont été diagnostiqués au niveau de la thyroïde, qui régule la croissance, du système digestif, du foie et de la peau, y compris une desquamation des mains et des pieds, des démangeaisons et des éruptions.
Consommer du poisson
Pour l'homme, la principale source d'exposition au mercure est sans conteste la consommation de poisson. Une consommation faible à modérée ne présente aucun danger mais il n'en va pas de même d'une consommation importante. Dans le monde entier, le poisson est préconisé comme un aliment sain. Le rapport note que le mercure représente une «menace majeure» pour cette importante ressource alimentaire.
Situés au sommet de la chaîne alimentaire, les poissons de type prédateur sont généralement les plus contaminés, notamment les espèces telles que maquereau royal, brochet, requin, espadon, doré jaune, barracuda, thon géant, sabre argenté et marlin.
«Les données disponibles indiquent la présence de mercure dans le monde entier, surtout dans la chair des poissons, à des concentrations nocives pour la santé humaine», indique le rapport.
Dans des régions comme l'Arctique, où certains mammifères marins, notamment le phoque, jouent, avec le poisson un rôle majeur dans le régime alimentaire des populations locales, les risques d'intoxication par le mercure sont particulièrement élevés.
Le rapport cite des études menées au nord du Groenland, indiquant que 16 pour cent de la population présentait des concentrations sanguines de mercure potentiellement nocives pour la santé des adultes, excédant largement les taux considérés comme sans danger pour les femmes enceintes.
La contamination du poisson par le mercure a incité certains gouvernements à adresser des recommandations aux consommateurs. Le rapport note que la moitié des quelque 100 000 lacs de Suède abritent des brochets qui présentent des concentrations de mercure excédant les normes sanitaires internationales. Ce pays a émis des recommandations détaillées sur la consommation de poissons d'eau douce comme le brochet, la perche, la lotte de rivière et l'anguille. «Il est recommandé aux femmes en âge de procréer de s'abstenir de manger du poisson provenant des lacs suédois, et au reste de la population de ne pas en manger plus d'une fois par semaine», indique le rapport.
Les points chauds
Le rapport a établi que plusieurs populations souffraient d'une exposition chronique au mercure. La plupart travaillent dans des mines artisanales utilisant du mercure pour extraire l'or et l'argent du minerai.
Le rapport cite des études réalisées aux Philippines, dans une région aurifère près du mont Diwata, sur l'île de Mindanao, qui ont révélé une intoxication chronique au mercure chez 70 pour cent des ouvriers, et chez plus de 85 pour cent de ceux qui extraient l'or à l'aide de mercure. Près d'un tiers des habitants de la région qui n'étaient pas directement associés à cette industrie présentaient également des signes d'intoxication chronique au mercure, tels que tremblements, fatigue, troubles sensoriels et décoloration bleuâtre des gencives.
Parmi les autres pays susceptibles d'abriter des points chauds résultant de la nouvelle « ruée vers l'or » qui a débuté dans les années 1970 figurent le Brésil, le Venezuela, la Bolivie, l'Indonésie, le Viet Nam, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Ghana, le Zimbabwe, le Burundi, l'Inde, la Mongolie et le Suriname. Au total, près de 10 millions de personnes engagées dans l'exploitation aurifère sont exposées au risque d'intoxication par le mercure.
La faune sauvage
Les animaux comme la loutre, le vison, le balbuzard, l'aigle et certains cétacés, pour lesquels le poisson constitue un aliment de base, présentent des niveaux de mercure particulièrement élevés et sont également
susceptibles d'intoxication. Les oeufs de certains oiseaux du Canada tels que l'océanite cul-blanc, le macareux de l'Atlantique et le fulmar boréal présentent des taux de mercure qui menacent leur reproduction, indique le rapport.
Dans certaines régions du Canada et du Groenland, le phoque marbré de l'Arctique et le bélouga présentent des taux de mercure qui sont jusqu'à quatre fois plus élevés qu'il y a 25 ans.
Pour de plus amples renseignements, contacter Eric Falt, PNUE, Porte-parole/Directeur de la Division de la communication et de l'information, tél.: 254 2 623292, mobile: 254 (0) 733 682656, courriel: eric.falt@unep.org ou Nick Nuttall, PNUE, Responsable des médias, tél.: 254 2 623084, mobile: 254 (0) 733 632755, courriel: nick.nuttall@unep.org
Pour en savoir plus sur le Conseil d'administration et pour obtenir le rapport complet, voir http://www.unep.org/GoverningBodies/GC22/ et, concernant la Journée mondiale de l'eau, voir www.waterday2003.org
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