LE SEMINAIRE DES NATIONS UNIES SUR L'ASSISTANCE AU PEUPLE PALESTINIEN COMMENCE SES TRAVAUX
Communiqué de presse PAL/1956 |
LE SEMINAIRE DES NATIONS UNIES SUR L'ASSISTANCE AU PEUPLE PALESTINIEN COMMENCE SES TRAVAUX
Genève, 15 juillet -- Consacré cette année au thème «Conditions préalables à la reprise de l'économie palestinienne - rôle de la communauté internationale», le Séminaire des Nations Unies sur l'assistance au peuple palestinien a commencé ce matin ses travaux, qui se tiennent jusqu'à demain au Palais des Nations, à Genève, en entendant un message du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. Kofi Annan. Dans ce message, lu par M. Peter Hansen, Commissaire général à l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), M. Annan rappelle qu'en dépit des progrès récemment accomplis vers la paix, le peuple palestinien continue de souffrir et de vivre dans des conditions de dévastation sociale et économique, le chômage et la pauvreté ayant atteint des niveaux sans précédent.
M. Annan fait en outre observer que l'assistance offerte par l'UNRWA est menacée faute de financement et en appelle aux donateurs pour garantir la poursuite de l'aide alimentaire et des soins médicaux. Seul un règlement politique permanent, qui mette fin à l'occupation, pourra résoudre les problèmes humanitaires et économiques des Palestiniens, conclut le Secrétaire général. Mais le relèvement de l'économie palestinienne et l'amélioration de la vie quotidienne du peuple palestinien sont essentiels pour que le processus de paix soit durable, ajoute-t-il.
Ont également fait des déclarations d'ouverture le Président du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, par ailleurs Président de ce séminaire, M. Papa Louis Fall, ainsi que M. Mohammad Shtayyeh, Directeur du Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction, de l'Autorité palestinienne.
M. Fall a souligné que mobiliser pour endiguer la catastrophe humanitaire et remettre l'économie palestinienne sur les rails reste une tâche qu'il ne sera pas facile de mener à bien en l'absence de progrès sensibles sur le plan politique. Il a toutefois ajouté que la présentation de la Feuille de route constitue à cet égard un événement porteur, prémisse de la résolution du conflit. M. Fall a par ailleurs déclaré que la situation sur le terrain est franchement inacceptable et continue de se dégrader. En tant que puissance occupante, Israël est responsable du bien-être de la population vivant sous le joug de l'occupation, a-t-il rappelé. La situation s'est compliquée sur le terrain sous l'emprise du fait nouveau que constituent les mesures unilatérales de séparation dont témoigne la construction d'un mur de séparation remettant en cause la ligne verte, a-t-il affirmé.
M. Shtayyeh a pour sa part souligné que trente-quatre mois de couvre-feu et de bouclages ont affaibli encore davantage l'économie palestinienne. Il a indiqué que le chômage touche aujourd'hui 50% de la population active et que 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Il est donc capital dans ce contexte de prendre des mesures politiques de renforcement de la confiance, a souligné M. Shtayyeh. Il a rappelé que dix neuf mille Palestiniens sont, de fait, emprisonnés par le mur de séparation actuellement construit par Israël.
Les représentants de la Chine, de l'Afghanistan, de l'Iran, de l'Égypte ainsi que du Fonds des Nations Unies sur l'enfance (UNICEF) sont également intervenus au cours de cette séance d'ouverture. À l'instar de M. John Dugard, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, plusieurs intervenants ont dénoncé le nouveau mur érigé par Israël, soulignant que le tracé de cet édifice ne respecte absolument pas la ligne verte.
Le séminaire a ensuite tenu la première des trois tables-rondes organisées durant ses deux journées de travaux. Outre MM. Shtayyeh, le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, M. Jean Ziegler, a participé à ce «groupe de travail» consacré aux «dimensions de la crise économique palestinienne». Sans l'aide internationale, l'effondrement de l'économie palestinienne aurait été total, a souligné M. Shtayyeh. M. Ziegler a pour sa part affirmé que d'après ce qu'il a pu constater durant la mission qu'il vient de conclure dans les territoires palestiniens occupés, «le droit à l'alimentation dans ces territoires est gravement et de façon permanente violé».
Le séminaire tiendra cet après-midi, à 15 heures, son deuxième groupe de travail, consacré aux priorités dans le domaine de l'assistance humanitaire et économique. Il entendra auparavant les représentants de plusieurs délégations qui n'ont pu ce matin, faute de temps, faire de déclarations durant la séance d'ouverture.
Déclarations liminaires de la séance d'ouverture
M. PAPA LOUIS FALL, Président du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a, en sa qualité de Président du Séminaire, souligné que ce séminaire serait l'occasion pour la communauté internationale de réaffirmer sa volonté d'aider le peuple palestinien à normaliser sa vie en lui apportant des secours d'urgence et une assistance humanitaire, mais également en redressant l'économie palestinienne ravagée et en améliorant sensiblement les conditions de vie des Palestiniens. Accueillant avec satisfaction la Feuille de route, le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien a noté que le plan stipulait, entre autres, une série de mesures spécifiques visant à améliorer la situation humanitaire et économique dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. L'application de ces dispositions et l'instauration d'un climat nettement plus favorable sur le terrain sont indispensables au peuple palestinien et essentielles au succès global de la Feuille de route, a insisté M. Fall.
M. PETER HANSEN, Représentant du Secrétaire général et Commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), a transmis un message du Secrétaire général des Nations unies dans lequel ce dernier rappelle que malgré les progrès récemment accomplis en faveur de la paix, le peuple palestinien continue de souffrir et de vivre dans des conditions de dévastation sociale et économique. Ces dernières années, outre des milliers de morts et de blessés, l'infrastructure et le secteur productif de l'économie palestinienne ont été pratiquement anéantis. Le chômage et la pauvreté ont atteint des niveaux sans précédent. Seuls une aide importante et un appui financier ont pu éviter l'effondrement total de l'économie palestinienne.
La situation d'urgence humanitaire a été exacerbée par les bouclages et les couvre feu, la poursuite des activités de peuplement, la construction d'un mur de séparation, souligne le Secrétaire général. Ces activités suscitent une amertume et une angoisse profondes. La sécurité d'Israël doit être protégée par des moyens raisonnables et rester dans les limites du droit international. Israël doit mettre en œuvre les recommandations du rapport Bertini et lever les restrictions à la circulation des personnes et des marchandises. Il faudra également prendre des mesures plus substantielles que le simple démantèlement des avant-postes érigés depuis mars 2001. L'Autorité palestinienne doit quant à elle agir de façon décisive pour prévenir le terrorisme.
Le Secrétaire général souligne dans son message que la communauté internationale doit intensifier son soutien aux Palestiniens pour qu'ils ne sombrent pas dans le désespoir économique et social. Elle doit aider les Palestiniens à mettre un terme à la spirale de la violence. Plusieurs agences de l'ONU sont très impliquées dans cette aide: UNRWA, UNICEF, PNUD et d'autres encore fournissent une assistance et des services de base au peuple palestinien. L'assistance offerte par l'UNRWA est cependant menacée faute de financements. Le Secrétaire général en appelle aux donateurs pour garantir la poursuite de l'aide alimentaire et des soins médicaux.. Il faut souligner ici que le travail du système de développement des Nations Unies vise à combattre la pauvreté, renforcer les capacités locales et développer les institutions.
Seul un règlement politique permanent, qui mette fin à l'occupation, pourra résoudre les problèmes humanitaires et économiques des Palestiniens. Mais le relèvement de l'économie palestinienne et l'amélioration de la vie quotidienne du peuple palestinien sont essentiels pour que le processus de paix soit durable.
M. PAPA LOUIS FALL, Président du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a dit apprécier la présence significative à ce séminaire de M. Peter Hansen. Il l'a remercié pour son engagement, sa détermination et le soutien qu'il apporte aux travaux du Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Ce Comité organise depuis 1993 des séminaires sur l'assistance au peuple palestinien, a rappelé M. Fall. Du fait de la grave crise économique et sociale qui affecte le territoire palestinien occupé, la communauté internationale a en effet dû s'investir pour répondre aux besoins les plus élémentaires en matière d'aide et de secours d'urgence au peuple palestinien, a-t-il ajouté. Le séminaire de Vienne de 2002 avait déjà passé en revue l'état de l'économie palestinien et examiné les actions menées par la communauté internationale pour atténuer les effets de cette crise. Il s'était impliqué en faveur de la réalisation des droits économiques du peuple palestinien, propices à la promotion de la paix dans la région. Le thème du séminaire d'aujourd'hui paraît bien en phase avec l'évolution positive récente, a poursuivi M. Fall. Aussi, les délibérations de ce séminaire devraient baigner dans un plus grand optimisme que nous ne l'envisagions il y a encore quelques semaines, optimisme qui ne doit cependant pas brider toute lucidité, a précisé le Président du Comité. Faisant observer que mobiliser pour endiguer la catastrophe humanitaire et remettre l'économie palestinienne sur les rails reste néanmoins une tâche qu'il ne sera pas facile de mener à bien en l'absence de progrès sensibles sur le plan politique, M. Fall a souligné que la présentation de la Feuille de route constitue à cet égard un événement porteur, prémisse de la résolution du conflit.
M. Fall a par ailleurs déclaré que la situation sur le terrain est franchement inacceptable et continue de se dégrader en dépit des efforts conjugués de l'autorité palestinienne et d'acteurs internationaux qui doivent faire face aux conséquences de l'occupation. L'économie palestinienne est paralysée et la pauvreté et la malnutrition ont atteint des niveaux jamais égalés auparavant, a-t-il insisté. En tant que puissance occupante, Israël est responsable du bien-être de la population vivant sous le joug de l'occupation, a-t-il rappelé. Pour leur part, les organisations des Nations Unies et la communauté des donateurs s'acquittent de leur lourde responsabilité, a fait valoir M. Fall.
En violation du droit international, les colonies israéliennes continuent en revanche d'empiéter sur le territoire palestinien, a également souligné M. Fall. Le démantèlement d'avant-postes faiblement peuplés reste à cet égard une mesure purement symbolique qui suscite un scepticisme compréhensible, a-t-il déclaré. Mais il y a pire, a-t-il poursuivi : la situation s'est compliquée sur le terrain sous l'emprise du fait nouveau que constituent les mesures unilatérales de séparation dont témoigne la construction d'un mur de séparation remettant en cause la ligne verte. Ces mesures sécuritaires témoignent d'un mépris total des préoccupations palestiniennes et préjugent sérieusement de l'issue des négociations relatives à un statut définitif, a déclaré M. Fall. L'Autorité palestinienne doit donc faire face à des conditions particulièrement défavorables qui se sont dégradées depuis le début de l'Intifada, a-t-il insisté. Heureusement, l'Autorité palestinienne a su surmonter bien des épreuves et est parvenue à engager un processus de réforme avec le soutien de la communauté internationale, a fait observer M. Fall. Il a précisé que ce séminaire devrait permettre de fournir un cadre de référence permettant d'analyser les besoins du peuple palestinien.
M. MOHAMMAD SHTAYYEH, Directeur du Conseil économique palestinien, a relevé la modestie de l'économie palestinienne: 6,1 milliards de dollars de PNB, 660 000 actifs, des exportations à 64% destinées à Israël, 6% des importations provenant de ce pays. Cette économie a vécu trente ans sous le joug israélien, devenant fortement dépendante de l'infrastructure israélienne. Il s'agit d'une dépendance colonialiste, a-t-il précisé.
L'accord de paix en septembre 2000 a permis un certain accroissement des investissements privés, a constaté M. Shtayyeh. Mais l'intégration à Israël est en soi un handicap au développement de l'économie palestinienne. De plus, trente-quatre mois de couvre-feu et de bouclages ont encore affaibli cette économie: le marché de l'emploi s'est réduit, le revenu par habitant est tombé à 600 dollars. Le bouclage des villes palestiniennes a coûté 10 milliards de dollars au total. L'Autorité palestinienne, qui a besoin de 95 millions de dollars pour fonctionner, ne peut en collecter que 27. Autre conséquence des bouclages et couvre-feux, la fuite des fonds des donateurs et le retard, voire l'annulation, de certains projets stratégiques, comme la construction d'un port maritime. Le chômage touche aujourd'hui 50% de la population active. 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté. 540'000 Palestiniens vivent de l'assistance directe. On constate également une baisse du pouvoir d'achat des Palestiniens et ce en pleine période d'inflation (les prix à la consommation sont en effet alignés sur les prix israéliens, les deux pays partageant le même territoire douanier).
Le Directeur du Conseil économique palestinien a conclu qu'il est capital dans ce contexte de prendre des mesures politiques de renforcement de la confiance. L'Autorité palestinienne demande dans ce cadre la libération des prisonniers palestiniens et l'élimination et le démantèlement de certaines implantations en Cisjordanie et à Gaza. De son côté, l'Autorité s'est déjà engagée à la démilitarisation de l'Intifada. L'Autorité palestinienne a également entrepris une réforme totale, du point de vue administratif, financier et judiciaire, dans l'esprit des exigences de la feuille de route. Des élections auraient ainsi dû avoir lieu en janvier dernier, mais ont dû être annulées à cause de l'occupation israélienne. Il y a actuellement 6461 prisonniers dans les prisons israéliennes; dix neuf mille autres Palestiniens sont, de fait, emprisonnés par le mur de séparation actuellement construit par Israël : ces mesures ne renforcent pas la confiance. Enfin, l'Autorité palestinienne ne doit pas être marginalisée par les autorités israéliennes, puisqu'elle représente la lutte légitime du peuple palestinien et que son Président, M. Arafat, a été élu démocratiquement.
Pour M. Shtayyeh, il appartient au Quartette d'inciter Israël à créer les conditions économiques et sociales qui permettront de mettre un terme au bain de sang auquel, pour sa part, le Président Arafat s'est engagé à mettre un terme.
Autres déclarations
M. LI DONG (Chine) a relevé que des changements positifs sont intervenus récemment dans la situation au Moyen-Orient et a estimé que la convocation de ce séminaire intervient donc à point nommé. L'économie palestinienne est néanmoins sur le point de s'effondrer et la situation humanitaire se dégrade du côté palestinien, a-t-il poursuivi. Il est urgent de reconstruire au plus vite l'économie palestinienne, à la fois pour éviter la catastrophe humanitaire et pour faire progresser le processus de paix, a déclaré le représentant chinois. La Chine estime que pour résoudre la situation du peuple palestinien, il faut régler la question palestinienne. Aussi, faut-il espérer que Palestiniens et Israéliens parviendront à faire
progresser leurs négociations. Le représentant chinois a rappelé que son gouvernement apporte une aide économique à la Palestine depuis plusieurs années et entend désormais accélérer le lancement des projets de construction qu'il s'est engagé à mener à bien.
M. RAVAN FARHÂDI (Afghanistan) a affirmé avoir lu avec attention le rapport du Secrétaire général sur l'aide au peuple palestinien (E/2003/84) ainsi que les informations récemment fournies par la CNUCED sur ces questions. Ces rapports décrivent une situation très triste, qui est celle de la population palestinienne. Les statistiques sur la situation socioéconomique du peuple palestinien sont particulièrement alarmantes, a souligné le représentant afghan. Les accords d'Oslo ont été réduits à néant par les destructions qu'ont subi les infrastructures palestiniennes. Du côté palestinien, le nombre de pauvres a atteint deux millions de personnes au mois de mars dernier. Le représentant afghan a affirmé que dans la situation actuelle, il manque à la communauté internationale la rigueur et la volonté dont elle a fait preuve dans d'autres régions du monde, pour répondre à l'intransigeance israélienne. La conscience humaine ne peut continuer à rester silencieuse face au sort d'une population qui souffre depuis cinq décennies. L'aide humanitaire en faveur du peuple palestinien a perdu de son importance et n'est pas suffisante, a par ailleurs déclaré le représentant afghan. Il faut désormais respecter le droit international et mettre en place un État palestinien avec Jérusalem pour capitale.
M. KAZEM JALALI (Iran) a dénoncé la guerre qu'Israël mène contre le peuple palestinien. Les mesures de règlement prises récemment au plan international doivent être accompagnées de mesures concrètes pour mettre un terme aux souffrances des Palestiniens. La communauté internationale doit appuyer la création d'un état palestinien souverain avec Jérusalem pour capitale. Il faut identifier les besoins du peuple palestinien et mettre en œuvre les mécanismes appropriés pour rétablir la situation, très obérée par les destructions systématiques menées par les forces israéliennes. Tous les secteurs de l'économie palestinienne ont ainsi été touchés par les blocus et les couvre-feux : la production industrielle a reculé de 60%, le secteur agricole a perdu un milliard de dollars, la main-d'œuvre et les transports ont également souffert. La République islamique d'Iran accorde la priorité à la restauration des droits des Palestiniens. Le représentant a ajouté que l'allègement des blocus, la levée des couvre-feux, l'organisation d'un référendum démocratique et le retour des Palestiniens dans leurs foyers sont à la base de toute solution du conflit.
M. JOHN DUGARD, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, a rappelé que le conflit israélo-palestinien a toujours été un conflit territorial. L'État israélien a étendu ses frontières aux dépens de la Palestine, annexant Jérusalem-Est et le plateau du Golan, a-t-il rappelé avant de préciser que l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité n'ont jamais accepté de reconnaître ces annexions.
M. Dugard a par ailleurs souligné que le mur récemment érigé par Israël ne suit pas la frontière verte et incorpore à Israël plusieurs zones de Cisjordanie. Il a fait observer que les Palestiniens pris entre la ligne verte et le mur devront être déplacés. Face à ce nouveau mur, la communauté internationale n'a pas pris de position arrêtée, a déploré M. Dugard. Il a estimé que la communauté internationale n'a probablement pas réagi parce que la tendance est aujourd'hui à tout accepter lorsqu'on invoque des questions de sécurité. La communauté internationale semble en outre s'abstenir de dire quoi que ce soit qui pourrait contrarier Israël au moment où est négociée la Feuille de route qui, comme chacun sait, «n'emballe pas Israël», a-t-il également affirmé. Ce nouveau mur, plus haut que ne l'était celui de Berlin, n'a pour seule intention que de repousser plus loin les frontières d'Israël avant que les négociations de la Feuille de route ne prennent un caractère plus définitif, a estimé M. Dugard. Il est temps que le quartette et les Nations Unies dénoncent ce mur comme étant un débordement illégal sur le territoire palestinien. Le terme de conquête s'applique bien à la situation présente, a déclaré le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme.
M. MOHAMED MOUNIR LOUTFY (Égypte) a déclaré que le peuple palestinien a besoin de l'aide de la communauté internationale pour créer un État indépendant avec Jérusalem pour capitale. L'Égypte appuie le processus de réforme entamé par l'Autorité palestinienne. Le représentant égyptien a relevé que la crise actuelle est avant tout politique, il faut donc que l'occupation cesse et qu'Israël se conforme aux dispositions de la feuille de route. Il s'agit notamment de mettre un terme aux confiscations de propriétés, bouclages, couvre-feux et violations des droits légitimes du peuple palestinien.
Le représentant du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a évoqué la situation des enfants dans les territoires palestiniens occupés en soulignant que ces deux dernières années, la qualité de vie du peuple palestinien a subi un déclin incontestablement assez grave. Il est donc temps de mener une action concertée afin de mettre un terme au conflit et d'instaurer une paix durable. Les contraintes sur le terrain sont si lourdes que l'UNICEF a dû envisager un temps son retrait avant de décider finalement de rester sur place, a précisé le représentant du Fonds. Le haut niveau de violence dans la région a provoqué le décès de 540 enfants (448 Palestiniens et 92 Israéliens) au cours de ces trente derniers mois. Plus de neuf mille enfants palestiniens ont en outre été blessés suite à ces violences, a précisé le représentant de l'UNICEF. Il a insisté pour que les civils et en particulier les enfants ne soient pas pris pour cibles, et ce, quelles que soient les circonstances. Il a affirmé que les Israéliens doivent cesser les bouclages et garantir aux Palestiniens un accès sûr aux services fondamentaux. Quant à l'Autorité palestinienne, elle doit tout faire pour décourager les enfants de participer à des actes militants et violents. Les enfants ne doivent pas être touchés par les armes, car il s'agit là d'un conflit d'adultes, a souligné le représentant de l'UNICEF.
MME MERVAT TALLAWY, (Secrétaire générale adjointe et directrice de la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l'Asie occidentale), a déclaré qu'il importait de reconnaître les conséquences dramatiques de l'occupation et de l'annexion des terres palestiniennes par l'armée israélienne. Il s'agit là d'un problème politique qui doit être envisagé dans un contexte régional. Tous les autres problèmes (droits des femmes, droits des enfants, etc.) sont relégués à l'arrière plan de ce conflit. Or, la région est l'une des rares à avoir connu une croissance négative ces dernières années. Le chômage des jeunes est très élevé, avec des conséquences sur la montée de l'islamisme. Les donateurs doivent disposer d'un plan pour l'amélioration des conditions de vie du peuple palestinien, tout en examinant la question à une échelle plus vaste et globale. La feuille de route est dans ce contexte une initiative opportune, les différentes parties doivent maintenant s'acquitter des obligations qu'elle définit.
La Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale a préparé un rapport qui vise à donner les détails des destructions et à définir le type d'assistance nécessaire pour la reconstruction. La position de la Commission est que le conflit israélo-palestinien est un conflit international. C'est donc la communauté internationale entière qui doit œuvrer à sa résolution.
Dimensions de la crise économique palestinienne
Deux présentations ont été faites dans le cadre du Groupe de travail sur les dimensions de la crise économique palestinienne.
M. MOHAMMAD SHTAYYEH, Directeur du Conseil économique palestinien pour le développement et la reconstruction, Autorité palestinienne, a décrit les mécanismes de la colonisation israélienne, qui crée une pression sur la terre et l'eau de la population palestinienne. La question de la confiscation des biens est toujours d'actualité, malgré les prescriptions de la Feuille de route. Les ressources en eau de la Palestine sont de 800 millions de mètres cubes, contrôlées pour l'essentiel par Israël, qui en consomme également une part écrasante. On doit déplorer un véritable système d'apartheid en matière d'infrastructures : celles qui fonctionnent sont réservées aux colons israéliens, les Palestiniens devant se contenter d'infrastructures presque complètement détruites. Les réseaux routier et électrique sont également contrôlés par les Israéliens et la bande de Gaza a été réduite à l'obscurité faute d'avoir pu régler les factures établies par les autorités israéliennes. Bref, ces relations sont de type colonial et foncièrement malsaines.
L'inégalité se manifeste également sur le marché du travail: le chômage augmente et le secteur privé n'a jamais pu décoller à cause des restrictions imposées par Israël. Le pouvoir d'achat a diminué. Tout ceci a entraîné une diminution du tourisme, pourtant prometteur au départ. Le transport des produits agricoles souffre aussi des obstacles posés par les innombrables points de contrôle. Le secteur privé est donc sinistré. Sans l'aide internationale, l'effondrement aurait été total. Dans ces circonstances, les Palestiniens survivent grâce à leur débrouillardise et aux donations internationales, formelles ou informelles.
M. Shtayyeh a par ailleurs déploré la construction du mur de séparation, qui n'a pas d'objectif que politique : il coupe bel et bien les Palestiniens de certaines de leurs meilleures terres. En définitive, tous les actes israéliens ne font que rabaisser encore le niveau de l'économie palestinienne et limiter ses interactions avec ses voisins arabes.
La crise économique n'a donc pas pour origine une mauvaise gestion, mais revêt un caractère sécuritaire et politique. On n'a jamais vu une telle punition collective infligée à tout un peuple. Il faut que l'occupation cesse et que puissent être réorientées les relations économiques des Palestiniens, avec le monde arabe d'une part, avec l'Europe d'autre part, a conclu M. Shtayyeh.
M. JEAN ZIEGLER, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation, a indiqué qu'il vient de rentrer d'une mission dans les territoires palestiniens occupés, effectuée du 3 au 13 juillet 2003. Cette mission portait uniquement sur le droit à l'alimentation, une alimentation tant solide que liquide, a-t-il précisé. Il a rappelé que selon la définition retenue par la Commission des droits de l'homme, on entend par droit à l'alimentation le droit d'accès régulier, permanent et non entravé à une nourriture qualitativement et quantitativement adéquate et suffisante. «D'après ce que j'ai pu constater durant ma mission dans les territoires palestiniens occupés, le droit à l'alimentation dans ces territoires est gravement et de façon permanente violé», a déclaré M. Ziegler. En 2002, 56,5% de tous les ménages de Palestine souffraient de malnutrition, a-t-il indiqué.
M. Ziegler a précisé qu'entre 2001 et 2002, le PIB dans les territoires palestiniens a chuté de 41%. Au début 2003, le chômage dépassait les 75% dans ces territoires, a-t-il ajouté. Il a souligné que l'économie de subsistance dans les territoires repose sur une solide solidarité familiale entre les Palestiniens. M. Ziegler a souligné que la majeure partie de la population palestinienne dépend aujourd'hui de l'assistance internationale. Plus de 61% de la population palestinienne, compte non tenu des réfugiés, vit dans l'extrême pauvreté et mourrait de faim sans cette assistance, a-t-il insisté. Les bouclages de villes palestiniennes mais aussi la continuelle destruction de terres agricoles palestiniennes contribuent incontestablement à la dégradation de la situation alimentaire dans les territoires palestiniens.
M. Ziegler a rappelé qu'Israël persiste dans son attitude de refus de la coopération avec les rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme tels que M. Dugard. Il a néanmoins précisé qu'il a été le premier des rapporteurs de la Commission à être accueilli par Israël et à pouvoir recueillir en toute liberté le point de vue israélien. Dans une situation de blocage aussi évidente que celle à laquelle on est ici confronté, le rôle de la communauté internationale est primordial, a souligné M. Ziegler. Aucun résultat significatif ne pourra être atteint aussi longtemps que le «mur de l'apartheid» progressera dans sa construction et que perdurera le couvre-feu dans les territoires occupés, a-t-il affirmé.
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