LA REPUBLIQUE DU CONGO EXPLIQUE DEVANT LE CEDAW SES INITIATIVES EN MATIERE DE PROMOTION DE LA FEMME ET INSISTE SUR LA VOLONTE POLITIQUE DE SON GOUVERNEMENT
Communiqué de presse FEM/1236 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
607e séance – après-midi
LA REPUBLIQUE DU CONGO EXPLIQUE DEVANT LE CEDAW SES INITIATIVES EN MATIERE DE PROMOTION DE LA FEMME ET INSISTE SUR LA VOLONTE POLITIQUE DE SON GOUVERNEMENT
Les 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont entendu, cet après-midi, les réponses de la délégation congolaise aux questions qu’ils ont posées, le 20 janvier dernier, à la suite de l’examen des cinq rapports périodiques de la République du Congo sur la mise en œuvre de la Convention de l’ONU de 1981. Donnant lecture d’un document contenant les réponses relatives à chacun des 16 articles de la Convention, la Directrice de Cabinet de la Ministre de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la promotion de la femme, Delphine-Emmanuelle Adouki, a, entre autres, expliqué les raisons du rattachement de la question de la promotion de la femme à ce Ministère. Selon elle, ce choix s’est imposé au Gouvernement au regard de la nécessité de lutter contre la pauvreté des femmes qui constituent la majorité des actifs agricoles et dont la production est marquée par la pénibilité du travail, des moyens de transformation traditionnels et des circuits de commercialisation peu performants.
Au sein dudit Ministère, le Secrétariat d’Etat chargé de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement, doté d’un budget annuel de 2,5 milliards de francs CFA, gère ces questions au quotidien sous les orientations du ministère de tutelle.
La Directrice de Cabinet a insisté sur la volonté politique de son Gouvernement de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes. Elle a ainsi indiqué que depuis la ratification de la Convention en 1982, plusieurs textes discriminatoires ont été abrogés et qu’une législation assurant l’égalité juridique entre l’homme et la femme a été élaborée. La Directrice de Cabinet a annoncé que son Gouvernement s’attelle actuellement à un vaste projet de réformes visant à éradiquer les discriminations qui demeurent. Elle a souligné que la lutte contre les discriminations suppose la sensibilisation, l’information, la réflexion et l’élaboration de projets de textes. Le droit doit certes anticiper les changements mais il ne saurait être en rupture avec le corps social sous peine d’édicter des normes ineffectives, a-t-elle estimé. A la suite de cette réponse, la Vice-Présidente du Comité et experte de Cuba, Maria Yolanda Ferrer Gomez est d’abord revenue sur la question du rattachement de la promotion de la femme au Ministère chargé de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche pour souligner que la promotion de la femme comprend certes l’intégration des femmes au marché du travail mais concerne aussi beaucoup d’autres aspects de la Convention. La Vice-Présidente s’est néanmoins félicitée du programme de réformes du Gouvernement congolais et a attiré l’attention de la délégation sur l’importance d’une bonne sensibilisation à la Convention auprès des femmes mais aussi auprès des personnes chargées de l’appliquer.
La délégation de L’Etat partie était composée, outre la Directrice de Cabinet, de représentants du Secrétariat d’Etat à la promotion de la femme et de la Mission permanente du Congo auprès des Nations Unies.
Le Comité, qui devrait terminer ses travaux vendredi 31 janvier, a décidé de se réunir jusqu’à cette date en Groupe de travail plénier pour élaborer les recommandations aux Etats parties à la Convention ayant présenté des rapports au cours de cette session.
EXAMEN DU RAPPORT INITIAL ET DES DEUXIEME, TROISIEME, QUATRIEME ET CINQUIEME RAPPORTS PERIODIQUES COMBINES DE LA REPUBLIQUE DU CONGO (CEDAW/C/COG/1-5 ET ADD.1)
Réponse de l’État partie
En réponse aux questions des experts, Mme DELPHINE-EMMANUELLE ADOUKI, Directrice de Cabinet de la Ministre de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche et de la promotion de la femme, a indiqué que depuis la ratification de la Convention en 1982, plusieurs textes discriminatoires ont été abrogés et qu’une législation assurant l’égalité juridique entre l’homme et la femme a été élaborée. Au titre de cette législation, la Directrice de Cabinet a cité le Code de la famille, le Statut de la fonction publique, la loi sur les personnes handicapées, le Code du commerce, la loi scolaire et le Code du travail. Les Constitutions de 1992, 1997 et de 2002 consacrant l’égalité des textes, la Directrice de Cabinet a souligné qu’à la différence de nombreuses femmes dans le monde, la femme congolaise bénéficie de la capacité juridique, de la liberté de consentement en matière de mariage et de divorce, de la liberté d’accès à la fonction publique ou à un emploi privé, du droit à la promotion, de l’égalité salariale, de l’égalité d’accès à l’éducation ou encore de l’égalité en matière d’exercice d’une profession commerciale. Actuellement, a-t-elle poursuivi, le Gouvernement s’attelle à un vaste projet de réformes visant à éradiquer les discriminations qui demeurent. Elle a jugé, par conséquent, qu’il est difficile d’affirmer que la situation des femmes congolaises est insatisfaisante et qu’il manque une volonté politique. La lutte contre les discriminations, a-t-elle estimé, peut être gagnée selon une méthodologie qui suppose la sensibilisation, l’information, la réflexion et l’élaboration de projets de textes. Le droit doit anticiper les changements et être en avance sur la société mais il ne doit pas être en rupture avec le corps social sous peine d’édicter des normes ineffectives.
Justifiant le rattachement de la promotion de la femme au Ministère de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, la Directrice de Cabinet a expliqué que le choix est dicté par la volonté de lutter contre la pauvreté des femmes qui constituent la majorité des actifs agricoles et dont la production est marquée par la pénibilité du travail, des moyens de transformation traditionnels et des circuits de commercialisation peu performants. Au sein du Ministère, le Secrétariat chargé de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement traduit bel et bien la volonté du Gouvernement de prendre en compte la spécificité des questions de genre. Le Secrétariat est membre du Gouvernement et participe à toutes les réunions du Conseil des ministres. Le Secrétariat gère au quotidien les questions de promotion de la femme sous les orientations du ministère de tutelle et les responsabilités sont loin d’être diffuses, a-t-elle souligné. Elle a ajouté que le Secrétariat d’Etat dispose de 126 agents répartis au niveau central et départemental auxquels s’ajoutent les points focaux créés dans les différents ministères. En l’an 2002, 2,5 milliards de francs CFA ont été alloués à la promotion de la femme.
Concernant les questions spécifiques, la Directrice de Cabinet a indiqué qu’en matière de harcèlement sexuel un Comité auprès du Ministre du travail et de la sécurité sociale a reçu le mandat de formuler des propositions afin d’ériger le harcèlement sexuel en infraction. S’agissant des mesures de discrimination positive, la Directrice de Cabinet a indiqué qu’actuellement, la jeune fille bénéficie d’une bonification d’un an par rapport au garçon aux niveaux scolaires primaire et secondaire. A l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique, il existe des discriminations favorables à la fille candidate au concours d’accès.
Pour ce qui est de l’élimination des comportements stéréotypés, elle a cité l’institutionnalisation d’un Haut Commissariat chargé de l’instruction civique, l’organisation de journées de promotion des modèles de réussite féminins dans tous les secteurs d’activité ou encore le recours aux émissions radiotélédiffusées en langue vernaculaire.
La Directrice de Cabinet, répondant aux questions des experts sur l’éducation, a précisé que les recommandations de Jomptien et de Dakar (2000) prennent en compte les problèmes des minorités (Pygmées), les handicapés et les enfants dans des situations difficiles, notamment les enfants d’âge scolaire non scolarisés des suites des conflits armés. Il existe des programmes d’alphabétisation des femmes ainsi qu’un programme spécifique d’instruction civique, des foyers de femmes, des programmes de formation permanente.
Par définition, le secteur informel n’est par réglementé. Cependant, en tenant compte des recommandations de l’Organisation internationale du Travail (OIT), le Gouvernement s’attelle à encadrer les femmes du secteur informel afin de les intégrer dans le secteur formel. Le Programme de sécurité alimentaire et le Programme de lutte contre la pauvreté traduisent la volonté du Gouvernement d’améliorer la situation de la femme rurale. Les difficultés actuelles pour les femmes d’avoir accès aux crédits sans garantie ont mené à la création de 11 caisses féminines d’épargne et de crédit mutuel sur tout le territoire. Ces caisses accordent des prêts après constitution d’une épargne par les femmes à des taux sous conditions privilégiées. Le taux de remboursement se situe à 93%.
Le Congo ne manque pas de produits contraceptifs. Le problème est d’ordre religieux, coutumier et juridique. Un travail de sensibilisation est en cours et une proposition de loi tend à abroger la loi du 31 juillet 1920 interdisant la publicité des moyens contraceptifs. Le Congo bénéficie de l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et de la FIPF.
Le taux de mortalité infantile en 2000 est de 90%. Pour lutter contre ce phénomène, le Ministère de la santé a institutionnalisé la Direction de la santé et famille qui a pour mission d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies de santé en faveur des femmes, notamment la santé reproductive. Le Gouvernement a également adopté le Plan stratégique de lutte contre le VIH/sida.
Pour assurer le développement économique des femmes, le Gouvernement a pris diverses mesures comme l’organisation de programmes de formation à la gestion et aux nouvelles technologies, la formation agricole, la fourniture d’un appui aux activités génératrices de revenus, la fourniture d’un appui aux caisses féminines d’épargne et de crédit mutuel, l’organisation de cours de formation aux femmes commerçantes, la fourniture d’un appui aux femmes gestionnaires et femmes d’affaires, la distribution de semences améliorées et de coquelets aux femmes des groupements agricoles et aux femmes éleveurs, la fourniture d’un appui aux micro-projets, la fourniture de matériel aratoire.
Le Département de promotion de la femme dispose de 11 directions départementales qui traduisent au niveau des départements les choix opérés par le Gouvernement. Ces directions ont créé des antennes dans tous les districts, établissant ainsi une réelle proximité avec les femmes rurales. La phase 2 du projet «Promotion de l’équité femmes et hommes» fournit l’équipement nécessaire au fonctionnement de ces directions.
Le Code de la famille ne fixe pas d’âge minimal pour le prémariage. Les droits successoraux du conjoint en cas de décès de l’époux sont déterminés en fonction du régime matrimonial. Il existe trois régimes matrimoniaux: le régime de la communauté des biens, le régime de la communauté réduite aux acquêts et le régime de la séparation des biens. Un droit d’usufruit est reconnu à la veuve.
La réflexion sur le prémariage est en cours. La dissolution du mariage peut être prononcée à la demande de l’un des époux lorsque la vie commune est devenue intolérable, lorsque la vie d’un conjoint et la sécurité des enfants est compromise, en cas d’absence ou de séparation de fait prolongée depuis deux ans, en cas de condamnation à une peine criminelle et en cas de pratiques fétichistes.
Si l’épouse monogame ne consent pas au second mariage de son époux, ce mariage est nul. Sur la question de l’alignement de l’âge du mariage, la Directrice a précisé qu’une réflexion est menée dans la mesure où la majorité civile est de 18 ans pour tous. En cas de rupture du prémariage, la mère bénéficie de la pension alimentaire et en vertu de la loi, il existe une égalité entre les enfants légitimes et naturels. Le consentement de la femme au mariage polygame doit être donné par écrit.
La Directrice a insisté sur la détermination de son Gouvernement à lutter contre toutes les discriminations à l’égard des femmes. Afin d’atteindre cet objectif, le Gouvernement s’est doté d’un mécanisme institutionnel et de moyens conséquents. Pour mémoire, deux milliards cinq cent millions de francs CFA en 2002 ont été alloués aux activités des femmes. Cette option est irréversible et on constate de nombreux acquis pour la femme congolaise, qui bénéficie de l’égalité de droit et de fait, de l’égalité de la promotion et de rémunération alors que certaines de leurs sœurs ne disposent même pas de la capacité juridique. Le Gouvernement entend consolider progressivement ces acquis.
Questions supplémentaires des experts
Mme HUGUETTE BOKPE-GNACADJA, experte du Bénin, a voulu rassurer la délégation congolaise en lui affirmant que le défaut de convivialité, relevé par la Directrice de Cabinet, doit être mis à l’actif du devoir de vérité et de sincérité qui caractérise les relations entre le Comité et les Etats Parties. Pour sa part, Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, s’est interrogée sur la polygamie et ce sur ce qu’il faut entendre par la «liberté des femmes de choisir». A son tour, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, a voulu savoir si le Gouvernement met en œuvre les plates-formes régionales de Beijing+5. Mme VICTORIA POPESCU SANDRU, experte de la Roumanie, s’est, quant à elle, interrogée sur les différences entre les femmes et les hommes dans les régimes matrimoniaux.
Répondant à ces questions, la Directrice de Cabinet a d’abord expliqué que le constat du défaut de convivialité ne concerne pas le dialogue avec les experts mais la lecture de «certaines dépêches». Concernant le mariage polygamique, elle a expliqué qu’il ne concerne que les hommes étant donné que le Congo ne consacre pas la polyandrie. Pour la femme, la liberté consiste à choisir entre l’option polygamique ou monogamique et très souvent, a affirmé la Directrice de Cabinet, le couple choisit la deuxième option. Au cours du mariage, le mari ne peut changer d’avis sans le consentement de l’épouse. S’agissant de l’application des plates-formes régionales, elle a indiqué que son pays assure la présidence de la sixième conférence sur les femmes et qu’au niveau du continent africain, un processus de suivi et d’évaluation est mis en œuvre sous le contrôle du Centre africain pour la femme, basé à Addis-Abeba.
Pour ce qui est des régimes matrimoniaux, la Directrice de Cabinet a précisé qu’au titre du régime de la communauté des biens, l’ensemble des biens sont divisés par deux, lors du décès de l’époux; 50% revenant à l’épouse. L’autre moitié est répartie entre la famille et les enfants mais la femme garde l’usufruit. La loi prévoit, par exemple, qu’elle puisse continuer à occuper le domicile conjugal durant 300 jours. A l’issue de ce délai, la famille ne peut récupérer la maison que s’il existe les moyens de reloger l’épouse ailleurs. Au titre des autres régimes, la Directrice a cité le régime de la séparation des biens et celui de la communauté réduite aux acquêts. Pour la femme, le premier régime pose le problème de la liquidation judiciaire de la communauté qui ne peut se faire si la femme n’est pas informée de ces droits.
Concluant ce dialogue, la Vice-Présidente du Comité et experte de Cuba, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, s’est réjouie de la présence de la délégation congolaise et a souligné que l’intention du Comité était bel et bien de mener un dialogue aussi constructif que possible. Elle a précisé que toutes les observations du Comité s’inspirent de sa volonté de mieux connaître la situation actuelle de la femme au Congo et de prendre connaissance des mesures prises par le Gouvernement pour l’améliorer. Elle a d’ailleurs estimé que l’engagement de la délégation congolaise de présenter désormais les rapports dans les délais augure bien de la volonté du Gouvernement. La Vice-Présidente a surtout souligné l’importance de faire connaître la Convention aussi bien parmi les femmes du pays que parmi les personnes qui sont chargées de l’appliquer et de faire évoluer les mentalités. Le Comité, a-t-elle encore dit, a l’habitude d’insister sur le mécanisme national. Si chaque gouvernement est souverain en la matière, il n’en pas moins pas surprenant qu’un Ministère chargé de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche s’occupe de la promotion de la femme. L’explication donnée ne saurait apaiser les préoccupations, a-t-elle insisté en soulignant que la promotion de la femme comprend certes l’intégration des femmes au marché du travail mais concerne aussi beaucoup d’autres aspects de la Convention. La Vice-Présidente a conclu en se félicitant que le rapport reconnaisse avec franchise la persistance de pratiques nocives pour les femmes. Elle s’est donc déclarée encouragée que le programme de réformes mis en place en insistant sur le fait que l’égalité de jure ne saurait suffire sans une évolution des mentalités et la garantie d’une éducation non sexiste.
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