ECOSOC : REUNION SUR LES MESURES POUR FAIRE FACE AUX EFFETS DU SIDA ET AUTRES EPIDEMIES SUR LES INTERVENTIONS HUMANITAIRES
Communiqué de presse ECOSOC/6066 |
Conseil économique et social
ECOSOC : REUNION SUR LES MESURES POUR FAIRE FACE AUX EFFETS DUSIDA ET AUTRES EPIDEMIES SUR LES INTERVENTIONS HUMANITAIRES
Genève, 14 juillet -- Le Conseil économique et social a tenu cet après-midi, dans le cadre des questions relatives à l'assistance économique spéciale, à l'aide humanitaire et aux secours en cas de catastrophes, inscrites au titre du segment humanitaire de la session de fond de l'ECOSOC, une réunion-débat sur les mesures prises pour faire face aux répercussions du VIH/sida et d'autres maladies épidémiques sur les interventions humanitaires. La réunion était animée par Mme Carolyn McAskie, Coordonnatrice adjointe pour les secours d'urgence.
M. David Nabarro, Directeur exécutif chargé du développement durable et des milieux favorables à la santé à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a souligné que les maladies transmissibles causent quelque 70% des décès dans les situations d'urgence complexe et que les populations réfugiées et déplacées constituent des groupes particulièrement vulnérables dans ce contexte.
M. Michel Sidibé, Directeur du Département d'appui aux pays et régions au Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), a souligné que la pandémie du VIH/sida constitue en fait une crise majeure de développement et a fait part de son inquiétude face aux centaines de milliers de nouveaux cas de cette maladie en République démocratique du Congo.
M. Massimo Barra, Président du réseau européen de la Croix-Rouge sur le sida, a souligné «la catastrophe qui se déroule sous nos yeux», à savoir la lente destruction du tissu social de l'Afrique australe du fait du VIH/sida. Il a par ailleurs souligné que si l'on veut atteindre les Objectifs de développement du millénaire, il faut absolument que les stratégies d'intervention tiennent compte de la pandémie du VIH/sida, faute de quoi cette maladie maintiendra les pauvres, et en particulier les pauvres ruraux, dans un cercle vicieux de pauvreté et de maladie.
M. Jean-Jacques Graisse, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), a affirmé que la crise qui sévit actuellement en Afrique australe constitue un nouveau type d'urgence humanitaire dans laquelle se combinent la pandémie du VIH/sida, la pauvreté chronique, un mauvais environnement politique et les pénuries alimentaires. D'une sérieuse menace à la santé publique, la pandémie du VIH/sida est devenue une crise humanitaire complexe et massive forçant les institutions agissant dans le domaine humanitaire ou du développement à réviser leurs politiques pour répondre à l'urgence de la situation et mettre en place des programmes à long terme.
Dans le cadre de l'échange de vues avec les délégations qui a suivi, les représentants des pays suivants ont pris la parole : Royaume-Uni, Afrique du Sud, États-Unis, Ukraine, Botswana. Un représentant du Haut Commissariat pour les réfugiés est également intervenu. Nombre d'intervenants ont mis l'accent sur le caractère transversal de la problématique du VIH/sida et sur la nécessité de promouvoir la coordination interinstitutions afin d'y faire face. Plusieurs d'entre eux se sont interrogés sur la mesure dans laquelle les conflits influent sur la propagation du VIH/sida.
Demain matin, à 10 heures, le Conseil poursuivra son débat général au titre du segment humanitaire.
Déclarations liminaires
Mme CAROLYN MCASKIE, Coordonnatrice adjointe des Nations Unies pour les secours d'urgence et modératrice de cette réunion-débat, a déclaré que les leçons qui ont pu être tirées de la situation en Afrique australe ont démontré que le sida associé à une situation de sécheresse, par exemple, engendre une situation de catastrophe humanitaire. Les violations de droits de l'homme, tels que les viols et agressions sexuelles, accompagnent souvent les mouvements de population et comportent de ce fait un risque important de propagation du VIH/sida, a-t-elle souligné. La coordination de l'action relative au VIH/sida doit tenir compte d'une approche à long terme de la maladie, ce qui va bien au-delà des capacités de l'action humanitaire.
M. DAVID NABARRO, Directeur exécutif en charge du Développement durable et des milieux favorables à la santé à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a souligné que les maladies transmissibles (paludisme, diarrhée, tuberculose…) causent quelque 70% des décès dans les situations d'urgence complexe. Il a mis l'accent sur le développement rapide de la résistance aux antibiotiques observée en plusieurs endroits dans le monde. Des maladies telles que la fièvre hémorragique causée par le virus ebola se répandent dans des pays affectés par des situations de crise ou d'urgence, a-t-il ajouté. Entre la moitié et les trois quarts des consultations médicales dans la région africaine des Grands Lacs concernent des cas suspectés de paludisme et l'on relève à cet égard que les populations réfugiées et déplacées constituent des groupes particulièrement vulnérables aux maladies transmissibles, a souligné M. Nabarro. Il a relevé que les capacités nationales de faire face à ces maladies sont souvent réduites et a mis l'accent sur le retard dont pâtit généralement la détection des cas.
M. Nabarro a par ailleurs rappelé que la santé est une passerelle vers la paix. Il a assuré que les mesures prises par les différentes organisations peuvent avoir une incidence majeure sur le VIH/sida. Aussi, l'OMS préside-t-elle une équipe interinstitutions qui fournit des orientations aux différentes organisations intervenant face à cette maladie.
M. MICHEL SIDIBÉ, Directeur du Département de l'appui aux pays et aux régions du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), a présenté le VIH/sida comme l'une des plus grandes crises de développement et exprimé son inquiétude face aux centaines de milliers de cas nouveaux en République démocratique du Congo, par exemple. Il importe de prendre conscience que le VIH/sida constitue une véritable urgence à laquelle doivent répondre tous les acteurs humanitaires, a-t-il déclaré. Il convient aussi de garder à l'esprit les défis que la pandémie pose à long terme et d'en tenir compte dans les stratégies de développement, a-t-il précisé. Dans ce contexte, il a mis l'accent sur le renforcement des capacités des États de sorte qu'ils disposent des mêmes moyens d'information, de prévention, de traitement et de soins. Il a rendu compte de la participation d'ONUSIDA aux travaux des institutions spécialisées sur le terrain et à la planification des actions conjointes. Parmi les défis à relever dans ce domaine, il a estimé qu'il convenait de combler le fossé entre les secours d'urgence et l'aide au développement, de garantir les droits des femmes, de protéger les droits de l'homme en général et d'assurer un meilleur contrôle de l'exécution des programmes afin d'évaluer constamment l'évolution des besoins des groupes vulnérables.
M. MASSIMO BARRA, Président du réseau européen de la Croix-Rouge sur le sida, a souligné qu'aucune organisation ne peut seule venir à bout de l'épidémie de VIH/sida. Si le risque d'une hécatombe a été écarté l'an dernier en Afrique australe grâce à une intervention ayant permis de prévenir une famine qui menaçait 14 millions de personnes, rien en revanche ne vient enrayer la catastrophe qui se déroule sous nos yeux, à savoir la lente destruction du tissu social dans cette région du fait du VIH/sida. Ce qui se passe aujourd'hui en Afrique australe relève d'un nouveau type d'urgence complexe dont on commence à peine à comprendre le processus.
M. Barra a souligné que lorsque quelque chose va mal dans un domaine, le sida ne fait qu'aggraver la situation. Ainsi, a-t-il mis l'accent sur les facteurs aggravants que constituent généralement le manque d'accès aux soins de santé, la propagation croissante de la tuberculose, de la malaria et d'autres maladies, ainsi que l'absence d'eau potable et de sanitaires. Si l'on veut atteindre les objectifs de développement du Millénaire, il faut absolument que les stratégies d'intervention tiennent compte de la pandémie du VIH/sida, faute de quoi cette maladie maintiendra les pauvres, et en particulier les pauvres ruraux, dans un cercle vicieux de pauvreté et de maladie.
M. Barra a par ailleurs dénoncé le traitement souvent inhumain infligé aux consommateurs de drogue par injection dans de nombreux pays européens. Souvent, ces personnes, qui auraient besoin de traitement, sont marginalisées par les politiques gouvernementales et contraintes de vivre dans des conditions plus propices à la propagation du VIH/sida. L'intérêt de l'État serait pourtant de se mettre en contact avec tous les toxicomanes car un toxicomane que l'on ne connaît pas est deux fois plus dangereux pour la communauté.
M. Barra a d'autre part souligné que les gouvernements qui siègent au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (malaria) et le financent ne respectent par leurs engagements. En particulier, ils s'écartent du principe de participation de la société civile qui faisait de ce Fonds un instrument si novateur.
M. JEAN-JACQUES GRAISSE, Directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial (PAM), a estimé que la crise qui sévit actuellement en Afrique australe constitue un nouveau type d'urgence humanitaire dans laquelle se combinent la pandémie du VIH/sida, la pauvreté chronique, un mauvais environnement politique et les pénuries alimentaires. Il a montré que le VIH/sida était à la fois cause et conséquence de l'insécurité alimentaire, puisque les familles touchées par le VIH/sida deviennent plus pauvres et, par conséquent, plus vulnérables aux infections annexes et plus susceptibles d'avoir des comportements à risque. La nutrition des familles pauvres touchées par le VIH/sida revêt une importance particulière, a-t-il poursuivi, car allonger la durée de vie des personnes vivant avec le sida peut leur permettre de rester productives plus longtemps ou de transférer leurs compétences aux jeunes. De surcroît, les effets de la gestion de calories dans le traitement des maladies annexes, notamment la tuberculose, ne sont plus à démontrer.
D'une sérieuse menace à la santé publique, la pandémie du VIH/sida est devenue une crise humanitaire complexe et massive forçant les institutions agissant dans le domaine humanitaire ou dans le développement à réviser leurs politiques pour répondre à l'urgence de la situation et mettre en place des programmes à long terme. Il a toutefois estimé que l'aide alimentaire devait s'accompagner d'une fourniture de services sociaux de base et s'est fait l'avocat d'une bonne coordination entre les divers organismes sur le terrain. Il a recommandé une approche qui tienne dûment compte des besoins des groupes les plus vulnérables, qui doivent être identifiés avec précision. Il a illustré son propos en prenant l'exemple de la coordination régionale mise en place en Afrique australe et s'est félicité de l'action du Bureau d'appui pour la coordination régionale interinstitutions (RIASCO). Ce Bureau regroupe diverses institutions et appuie le coordonnateur-résident, a-t-il fait savoir, précisant que la crise qui sévit actuellement en Afrique était la première de cette importance, mais ne serait malheureusement pas la dernière. S'agissant de la crise alimentaire actuelle en Afrique australe, il a estimé que les divers intervenants humanitaires devaient prendre en considération l'impact du VIH/sida dans leurs réponses à court et long terme. C'est d'autant plus important que l'impact du VIH/sida n'épargne personne dans la région et qu'il est difficile de savoir qui est séropositif et qui ne l'est pas. Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, le PAM a adapté sa réponse et modifié ses rations alimentaires de façon à ce que les personnes touchées reçoivent une alimentation appropriée à leurs besoins. Face à une telle situation, le défi est de convaincre les donateurs de maintenir un niveau d'aide élevé pour faire face à cette crise qui est en grande partie provoquée par le VIH/sida, a-t-il conclu.
Aperçu de l'échange de vues
La représentante du Royaume-Uni a souligné que la coordination est un véritable défi dans les situations d'urgence complexes ou ordinaires. Elle a admis que certains se sont réveillés un peu tard face aux problèmes du VIH/sida en Afrique australe et a mis l'accent sur l'importance de disposer de principes directeurs pour faire face à cette pandémie.
Le représentant de l'Afrique du Sud a souligné que la lutte contre le VIH/sida relève non seulement du domaine de la santé mais aussi d'autres secteurs tels que les communications, les transports, le secteur social ou encore la justice lorsque surgissent des problèmes de stigmatisation des personnes infectées par le VIH/sida.
Le représentant du Haut Commissariat pour les réfugiés a indiqué que le HCR a appliqué ces dernières années un plan stratégique qui a permis d'observer que la guerre n'accroît pas nécessairement la propagation du sida et que les réfugiés n'amènent pas nécessairement le sida dans les pays d'accueil vers lesquels ils fuient.
Le représentant des États-Unis a encouragé le Bureau des affaires humanitaires et le Comité permanent interinstitutions à poursuivre leurs travaux sur le VIH/sida. Le plan d'urgence contre le sida adopté par les États-Unis sera le programme de médecine rétrovirale le plus important jamais appliqué à ce jour et devrait permettre d'apporter des soins à une dizaine de millions de personnes, a indiqué le représentant des États-Unis. Il a invité chacun à accroître sa participation au Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA).
La représentante de l'Ukraine a souligné que le VIH/sida est devenu un problème de grande ampleur dans son pays. Elle a attiré l'attention sur les problèmes d'infection par le VIH/sida dans des situations de conflit. Peu de données fiables existent quant à l'incidence de la propagation du sida dans de telles situations, a-t-elle rappelé. Les informations en la matière sont même souvent contradictoires, a-t-elle ajouté.
M. SIDIBÉ a reconnu que, d'une manière générale, il existe effectivement de grands problèmes de coordination pour ce qui est de la lutte contre le VIH/sida. Il convient de se doter d'un plan d'action global des Nations Unies venant renforcer les plans d'action élaborés au niveau national, a-t-il estimé.
M. GRAISSE a notamment assuré que toutes les institutions intervenant dans la lutte contre le VIH/sida se sont efforcées de développer des synergies entre elles, comme en témoigne la collaboration qu'ont nouée le PAM/ONUSIDA.
M. BARRA a rappelé que 42 millions de personnes vivent avec le sida et que toute situation de crise est un bouillon de culture non seulement pour le VIH/sida mais aussi pour d'autres maladies et souffrances. Il a souligné que la thérapie fait partie de la prévention et qu'on ne saurait ignorer cet aspect des choses. La thérapie est dispensée à 500 000 personnes alors que 5,5 millions en auraient actuellement besoin, a-t-il précisé.
M. NABARRO a souligné qu'en Afrique australe, on a pris conscience de l'importance des données mesurant la vulnérabilité ainsi que d'un bon diagnostic. Il a par ailleurs rappelé que le financement de la lutte contre le VIH/sida est nettement insuffisant. La réaction face au VIH/sida est à la fois insuffisante et mal adaptée.
Le Vice-Président du Conseil, M. VALERY P. KUCHINSKY, a souligné que l'Ukraine est le pays d'Europe orientale le plus touché par le VIH/sida. Officiellement, plus de 41 000 personnes souffrent de cette maladie en Ukraine, mais ce chiffre ne représente probablement que la partie émergée de l'iceberg, a-t-il précisé.
Le représentant du Botswana a expliqué que son pays était gravement touché par le VIH/sida alors qu'il n'avait souffert d'aucun conflit et s'est inquiété que l'accent mis sur les conséquences du VIH/sida dans les crises humanitaires détournent l'attention des aspects spécifiques de la maladie.
MME McASKIE a présenté quelques propositions relatives à la coordination des actions dans les crises humanitaire et souligné l'importance du partage des connaissances et des bonnes pratiques dans la gestion des crises. Face à la terrible pandémie du VIH/sida dont le bilan est plus lourd que celui des conflits, elle a insisté sur la nécessité d'inclure les gouvernements concernés dans la mise en œuvre des stratégies destinées à lutter contre ce terrible fléau. En effet, sans engagement fort des autorités nationales et locales, les efforts seront vains, a-t-elle mis en garde. Par ailleurs, elle a recommandé que des mécanismes soient mis au point de façon à coordonner la gestion des dons affectés à la lutte contre le VIH/sida. Du point de vue des institutions humanitaires, elle a estimé qu'il fallait placer l'action dans une stratégie à plus long terme. Les conséquences dévastatrices de la pandémie sur les femmes rendent d'autant plus importante les stratégies d'émancipation des femmes, qui doivent pouvoir se protéger et accéder aux moyens de production.
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