En cours au Siège de l'ONU

DH/G/252

LA SOUS-COMMISSION ENTAME SON DEBAT SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE, L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE

06/08/03
Communiqué de presse
DH/G/252


                                                            DH/G/252

                                                            6 août 2003


LA SOUS-COMMISSION ENTAME SON DEBAT SUR L'ADMINISTRATION

DE LA JUSTICE, L'ETAT DE DROIT ET LA DEMOCRATIE


GENEVE, 6 août -- La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a entamé, ce matin, son débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie en entendant la présentation du rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires ainsi que les déclarations de plusieurs organisations non gouvernementales.  La Sous-Commission a auparavant clos son débat sur les «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme» par une discussion des documents de travail présentés par M. Vladimir Kartashkin sur la réglementation de la citoyenneté par les États successeurs et sur les droits des femmes mariées à un étranger.


M. Kartashkin a d'emblée émis de sérieux doutes quant à l'opportunité de préparer une étude sur la régulation de la citoyenneté par les États successeurs au sein de la Sous-Commission, dans la mesure où elle ferait double emploi avec les travaux qu'a déjà effectués la Commission du droit international sur cette question.  Plusieurs membres du Comité ont partagé cette analyse.


S'agissant de son document de travail sur les droits des femmes mariées à un étranger, M. Kartashkin a indiqué qu'il s'est concentré sur la question de la citoyenneté de ces femmes, soulignant que, dans nombre de pays du monde, persistent en effet de ce point de vue des discriminations à l'encontre des femmes mariées à un étranger, a-t-il insisté.  L'expert a attiré l'attention sur l'existence de la Convention relative à la citoyenneté des femmes mariées, entrée en vigueur il y a 45 ans et qui n'a encore été ratifiée que par moins de la moitié des États membres des Nations Unies.  M. Katashkin est d'avis qu'il serait bon que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes envisage l'élaboration d'une recommandation générale sur cette question. Certains membres de la Sous-Commission ont porté leur attention sur les problèmes qui se posent à travers le monde en matière de mariage avec un étranger, notamment au Danemark, en Israël (vis-à-vis des Palestiniens) et dans certains pays européens.


Le représentant du Soudan a exercé son droit de réponse s'agissant d'interventions faites au cours du débat sur les «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme».


Présentant son rapport mis à jour sur la question de l'administration de la justice par les tribunaux militaires, M. Emmanuel Decaux a rappelé qu'il était désormais bien établi que les militaires ne doivent pas juger les civils.  Il a par ailleurs estimé que certaines incriminations telles que l'objection de conscience devraient échapper aux juridictions militaires, sans quoi les tribunaux militaires seraient juges et parties en la matière.  Il a suggéré que la Sous-Commission pourrait envisager d'enrichir la préparation du rapport final par l'organisation d'un séminaire d'experts, y compris militaires, consacré aux évolutions constatées dans l'administration de la justice par les tribunaux militaires.


M. Soli Jehangir Sorabjee est intervenu dans le cadre du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie, ainsi que les représentants des organisations non gouvernementales suivantes : Dominicains pour justice et paix au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales; Association pour l'éducation d'un point de vue mondial; Comité consultatif mondial de la société des amis (Quakers); Organisation mondiale contre la torture (OMCT); Parti radical transnational; Congrès du monde islamique; Avocats de Minnesota pour les droits de l'homme; Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants; Centre Europe Tiers-monde (CETIM); Human Rights Advocates; et Association internationale des juristes démocrates.


La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à 15 heures, l'examen des questions relatives à l'administration de la justice, à l'état de droit et à la démocratie.


Présentation de documents de travail sur la régulation de la citoyenneté et les droits des femmes mariées à un étranger


Présentant son document de travail sur la régulation de la citoyenneté par les États successeurs (E/CN.4/Sub.2/2003/33, à paraître), M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a émis des doutes quant à l'opportunité de procéder à une telle étude au sein de la Sous-Commission et a rappelé que la Commission du droit international s'est déjà penchée sur cette question il y a à peine quelques années et a fait des recommandations à l'Assemblée générale afin que celle-ci les adoptent, ce qu'elle a fait par sa résolution 55/153 portant sur la citoyenneté des personnes physiques en liaison avec la succession d'État.  L'Assemblée générale a en effet pris acte, sous forme de déclaration, des articles préparés par la Commission du droit international.  Dans cette déclaration, figurent un certain nombre d'articles ayant trait à des questions telles que le droit à la citoyenneté, l'annulation de la citoyenneté, l'absence de citoyenneté, la présomption de citoyenneté et l'interdiction de la privation arbitraire de citoyenneté, a précisé M. Kartashkin.  L'expert s'est donc demandé s'il est opportun de préparer un document de travail spécial au sein de la Sous-Commission, dans la mesure où un tel document ne ferait que faire double emploi avec les travaux de la Commission du droit international.


Présentant par ailleurs son document de travail sur les droits des femmes mariées à un étranger (E/CN.4/Sub.2/2003/34), M. Kartashkin a souligné qu'il s'est concentré, dans le cadre de son étude, sur la question de la citoyenneté des femmes mariées à un étranger.  Dans nombre de pays du monde, persistent en effet de ce point de vue des discriminations à l'encontre de ces femmes, a-t-il rappelé.  Il a plaidé en faveur du respect des principes du droit international en la matière ainsi qu'en faveur de la conclusion d'accords bilatéraux sur la question.  M. Kartashkin a indiqué que dans le cadre de cette étude, il s'est heurté à un certain nombre de problèmes liés notamment à ce qu'il convient d'inclure et d'exclure de l'analyse.  L'expert a attiré l'attention sur l'existence de la Convention relative à la citoyenneté des femmes mariées, entrée en vigueur il y a 45 ans et qui n'a, à ce jour, été ratifiée que par moins de la moitié des États membres des Nations Unies.  Il reste encore à plus de cent États à faire connaître leur position vis-à-vis de cet instrument, ce qui est d'autant plus inquiétant que c'est le seul qui existe s'agissant de ces questions, a insisté M. Kartashkin.


Dans son document travail, M. Kartashkin observe que dans bien des pays du monde, il subsiste une discrimination à l'égard de la femme qui contracte mariage avec un étranger, dans la mesure où ce mariage entraîne pour elle la perte ou le changement de nationalité.  Or l'apatridie s'accompagne inévitablement d'une restriction des droits tant civils et politiques que sociaux, économiques et culturels.  M. Kartashkin rappelle que les questions relatives à la nationalité, réglementées par le droit interne, relèvent pour l'essentiel de la compétence des États.  Il a concentré son analyse sur les instruments internationaux universels qui, à des degrés divers, formulent des règles et des principes aussi bien généraux que concrets, concernant les questions que soulèvent la nationalité de la femme mariée à un étranger.  Il examine ainsi la réglementation internationale des questions se rapportant à la nationalité avant l'adoption de la Charte des Nations Unies et la création de l'ONU.  Il se penche ensuite sur l'adoption du principe de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes dans le cadre de l'ONU, puis sur les conventions des Nations Unies qui portent sur la question de la nationalité de la femme mariée.  La Convention sur la nationalité de la femme mariée est entrée en vigueur en 1958.


À titre de recommandations préliminaires, M. Katarshkin observe que les instances internationales n'accordent pas toujours l'attention voulue aux problèmes liés aux droits des femmes mariées à un étranger.  Il remarque qu'à l'heure de la mondialisation, les communications entre personnes par-delà les frontières se renforcent, tandis qu'augmente le nombre de mariages entre ressortissants de différents États.  Dans ces conditions, il importe d'adopter des règles particulières, concrètes, exhaustives et non discriminatoires, qui régissent les questions relatives à la nationalité de la femme mariée à un étranger et qui garantissent en même temps son égalité avec l'homme.


M. Katashkin est d'avis qu'il serait bon que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes demande aux États parties de fournir dans leurs rapports des renseignements sur les mesures qu'ils prennent pour garantir les droits des femmes mariées à un étranger, ainsi que sur les lois et règlements existants en la matière.  En même temps, il conviendrait que le Comité examine, en se fondant sur les renseignements reçus, la question de l'élaboration d'une recommandation d'ordre général sur cette question.


Examen des rapports sur les questions de citoyenneté


MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, s'est accordée à reconnaître que la question de la régulation de la citoyenneté par les successeurs devrait être abandonnée à la Commission de droit international.  S'agissant des droits des femmes mariées à un étranger, l'experte a cité trois exemples de difficultés actuelles fondées sur des législations récentes.  Ainsi, au Danemark, lorsqu'un homme se marie avec une ressortissante qui n'est pas de l'Union européenne, l'épouse n'a aucune garantie juridique.  Dans les faits, ces couples s'installent en Suède jusqu'à ce que le conjoint étranger puisse acquérir la nationalité suédoise avec laquelle les époux pourront retourner au Danemark.  Son deuxième exemple mettait en lumière le cas des personnes qui vivent en Israël et qui ont des conjoints palestiniens.  Elle a dénoncé ici des mesures racistes et discriminatoires à l'égard des ressortissants des territoires occupés.  Le troisième exemple touchait les militaires et les diplomates, qui se voient souvent refuser le droit d'épouser un étranger.  Elle a jugé cette dernière restriction particulièrement absurde dans une population qui, par définition, a le plus de chance de d'épouser un étranger.


Mme Hampson a ensuite appelé l'attention sur la difficulté des États à s'acquitter de leurs obligations concernant la soumission de rapports et proposé que, suite à la présentation des documents de base qui rend compte de l'application article par article, les rapports suivants devraient se limiter à la mise en œuvre des recommandations émises par le mécanisme des droits de l'homme à l'issue de la présentation du rapport initial.  En dernier lieu, elle a soulevé certaines difficultés pour aborder la question de l'apatridie et du retour prématuré et contre leur gré des réfugiés.  Elle a déclaré que certains États semblent vouloir se débarrasser au plus vite des réfugiés et a jugé cette pratique délétère, car les conditions de sécurité nécessaires au rapatriement doivent être réunies.  S'agissant des restrictions au statut de réfugié imposées au motif d'activités contraires aux buts et objectifs des Nations Unies ou soupçonnées de liens avec des groupes terroristes, Mme Hampson s'est inquiétée de restrictions imposées à des groupes entiers et a considéré que la Sous-Commission devrait veiller à ce que situations soient examinées au cas par cas.


M. EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a estimé, pour sa part, que la question de la succession d'État que M. Katarshkin suggère d'abandonner à la Commission de droit international, habilitée à élaborer des normes juridiques, revêtait une importance particulière pour les peuples qui ont accédé à la souveraineté depuis les années 1960.  Il a déclaré que cette question avait également des implications politiques et non seulement juridiques.  Il ne s'est toutefois pas opposé à ce que la Sous-Commission abandonne cette question.


S'agissant des femmes mariées à un étranger, M. Guissé a rappelé que la gestion de la famille était traditionnellement une question de droit interne et a estimé que l'importance de la question voulait que la Sous-Commission examine les textes adoptés par la Commission de la condition de la femme. 


M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a insisté sur les obstacles pratiques qui existent en ce qui concerne la question des mariages avec un étranger.  Il a précisé avoir à l'esprit la situation des pays européens où un soupçon de fraude pèse sur les mariages avec des étrangers que l'on soupçonne souvent d'être de pure complaisance.  Il a également évoqué le cas du Turkménistan où des taxes énormes et dissuasives sont imposées au mariage avec des étrangers, non sans une certaine connotation xénophobe.


En ce qui concerne la question de la réglementation de la citoyenneté par les États successeurs, M. ABSJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a estimé qu'il aurait été intéressant que la Sous-Commission examine la mise en œuvre concrète des lois relatives à la citoyenneté par les différents États.  S'agissant des femmes mariées à un étranger, M. Eide a corroboré l'exemple pris par Mme Hampson sur la situation au Danemark, qu'il a jugé consternante sur ce plan.  Il a lui aussi noté la récente législation adoptée par Israël.  Il a estimé que les recommandations préliminaires de M. Katarshkin étaient faibles et s'est dit favorable à l'élaboration d'un deuxième document de travail sur cette question avant d'engager réellement l'étude.


Revenant sur les préoccupations exprimées par Mme Hampson à l'égard des droits des personnes migrantes, il a estimé que la Sous-Commission pourrait peut-être organiser un séminaire intersessions afin d'envisager les moyens dont la Sous-Commission pourrait se saisir de cette question.


M. DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, s'est associé à la conclusion de M. Kartashkin selon laquelle, du fait que la Commission du droit international se penche déjà sur la question de la citoyenneté dans le cadre des États successeurs, il faut attendre les résultats de ses travaux.  Mais il restera à savoir comment les principes énoncés dans ce domaine sont appliqués de façon concrète.  Il est en effet indispensable d'empêcher toute apatridie, notamment en appliquant le principe du jus soli (droit du sol) dans les cas où il existe un risque d'apatridie.  Pour ce qui est du document sur les femmes mariées à un étranger, M. Weissbrodt a jugé correctes les conclusions de ce document.  Comme l'a très bien exposé Mme Hampson, il existe effectivement des situations préoccupantes dans le monde actuel du point de vue du mariage avec un étranger, notamment au Danemark ou en Israël vis-à-vis des Palestiniens, a poursuivi M. Weissbrodt.  Il a suggéré à la Sous-Commission d'envisager de désigner un rapporteur qui disposerait de pouvoirs étendus pour se saisir de situations précises s'agissant de cette question.


M. VLADIMIR KATARSHKIN, expert de la Sous-Commission, s'est félicité que la majorité des experts de la Sous-Commission estiment que la Sous-Commission doit attendre l'adoption de la décision de l'Assemblée générale concernant la réglementation de la citoyenneté qui n'auraient pas encore été traitées par la Commission du droit international ou la Commission juridique de l'Assemblée générale.


S'agissant des femmes mariées à un étranger, il a de nouveau souligné les conflits qui subsistent entre le droit interne et l'interdiction internationale de la discrimination à l'égard des femmes.  Il s'est dit d'avis que ce problème venait du fait que les instruments internationaux n'étaient pas ratifiés et de ce fait, le droit interne n'était pas révisé de façon à introduire les dispositions du droit international.  Il a également mis en lumière la pratique qui consiste à ratifier les instruments internationaux sans pour autant mettre la législation interne en conformité avec la convention en question.  Dans ce cas, la source du problème vient du fait que le droit international ne prévoit pas de calendrier pour la mise en conformité du droit interne avec les normes et les conventions internationales.  Dans ce contexte, il a jugé particulièrement important que le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes examine cette question et formule des recommandations concrètes aux États afin qu'ils mettent leur législation en conformité avec les obligations internationales auxquelles ils ont souscrit.  Le Comité devrait également examiner le suivi de ces recommandations à ce titre.


Droit de réponse


Le représentant du Soudan a commenté ce qui a été dit hier concernant «le prétendu esclavage au Soudan» en indiquant que ces propos ne méritent même pas qu'on y réagisse.


Présentation de rapports au titre de l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie


Présentant le rapport qu'il a mis à jour sur la question de la l'administration de la justice par les tribunaux militaires (E/CN.4/Sub.2/2003/4), M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a rendu un vibrant hommage à Louis Joinet, ancien membre de la Sous-Commission qui était chargé les deux années précédentes de cette question, soulignant qu'il a su garder le même engagement pour la cause des droits de l'homme, en dehors de toute démagogie et de toute résignation.  Il a rappelé que les deux rapports présentés en 2001 et 2002 par Louis Joinet ont permis de cerner les bases méthodologiques du travail à effectuer.  M. Decaux a indiqué que son propre rapport présentait une analyse des compétences d'attribution des juridictions militaires et des garanties judiciaires inhérentes à la notion de tribunal indépendant et impartial.  Il a rappelé les principes généraux de la bonne administration de la justice, qui ont une portée générale.  C'est-à-dire que la justice militaire doit faire «partie intégrante de l'appareil judiciaire normal» selon les termes de la Commission des droits de l'homme.  Ainsi, la justice militaire n'est pas un monde à part, à l'écart du droit commun, et les tribunaux militaires «font partie intégrante de l'appareil judiciaire normal».


Évoquant ensuite les enjeux de cette étude et notamment de la compétence personnelle, M. Decaux a rappelé qu'il était désormais bien établi que les militaires ne doivent pas juger les civils, au nom même de l'exigence d'un tribunal impartial et indépendant.  Il en outre appelé l'attention sur le fait que le jugement de militaires par des tribunaux militaires peut viser à les faire échapper au droit commun, notamment lorsque les victimes sont civiles comme dans le cas de violations des droits de l'homme.  La compétence de la justice militaire serait alors réduite pour connaître des affaires concernant les militaires entre eux ou les relations des militaires avec les pouvoirs publics, mais là encore des limites s'imposent selon les matières concernées.  M. Decaux s'est penché ensuite sur la compétence temporelle qui reste fondamentale car la plupart des pays qui ont aboli leurs juridictions militaires en temps de paix les ont maintenues en temps de guerre.  À cet égard, il a rappelé que la Convention de Genève relative aux traitements des prisonniers de guerre dispose que seuls les tribunaux militaires pourront juger un prisonnier de guerre.  S'agissant de la question de la définition des infractions pénales par nature, M. Decaux a estimé que certaines incriminations telles que l'objection de conscience devraient échapper aux juridictions militaires, car, par définition, les tribunaux militaires seraient juges et parties en la matière.  Les objecteurs de conscience sont des civils qui doivent relever d'instances civiles, a insisté l'expert.


M. Decaux a ensuite indiqué qu'il rappelle, dans son document de travail, la recommandation selon laquelle la Sous-Commission pourrait envisager d'enrichir la préparation du rapport final par l'organisation d'un séminaire d'experts, y compris militaires, consacré aux évolutions constatées dans l'administration de la justice par les tribunaux militaires.  Il s'est félicité que la Commission internationale de juristes envisage d'organiser une telle rencontre d'ici la fin de l'année à Genève.


Débat au titre de l'administration de la justice, de l'état de droit et de la démocratie


M. Philippe LEBLANC, (Dominicains pour justice et paix au nom également de plusieurs organisations non gouvernementales*) a attiré l'attention de la Sous-Commission sur la discrimination constante qui existe en matière d'imposition de la peine de mort.  Il a souligné qu'un certain nombre de congrégations dominicaines aux États-Unis plaident en faveur de l'abolition de la peine capitale.  Il a fait part de sa préoccupation face à l'application injuste et inéquitable de la peine de mort, qui - à travers le monde - est plus susceptible d'être appliquée de manière raciste et d'être prononcée à l'encontre des minorités et des membres des classes inférieures.  Il a notamment évoqué le cas du jeune mexicain Javier Suárez Medina qui a été exécuté le 14 août 2002 au Texas alors que des questions très troublantes se posaient quant à l'équité de son procès.  Dans cette affaire, en effet, les autorités des États-Unis n'ont pas respecté leurs obligations en vertu de l'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires qui garantit une assistance consulaire aux détenus étrangers.  En outre, si Javier Suárez Medina avait bien été reconnu coupable de meurtre, les circonstances de ce meurtre n'étaient pas passibles de la peine de mort en vertu de la loi texane et l'accusation a eu recours à des preuves non fondées et non pertinentes pour le procès afin d'assurer qu'il serait condamné à mort.  Le représentant a rappelé que la Sous-Commission avait adopté une déclaration du Président demandant que le cas de Javier soit réexaminé afin, notamment, que le droit à un procès équitable lui soit garanti.  La Haut-Commissaire aux droits de l'homme d'alors, Mme Mary Robinson, avait appuyé cette démarche, suivie par le Président du Mexique, par onze pays latino-américains et par deux pays européens.  Mais la Cour suprême des États-Unis a rejeté l'appel interjeté par le Gouvernement du Mexique.  Le représentant a encouragé tous les gouvernements à abolir la peine de mort.


M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a fait quelques suggestions à Mme Zerrougui concernant les discriminations dans le système de justice pénale.  Il lui a demandé d'examiner un cas de discrimination fondée sur la religion en Iran, notamment le procès Shiraz, dans lequel la loi islamique, la charia, a été invoquée pour juger des non-musulmans, ce qui est également le cas en Arabie saoudite.  Il a également appelé l'attention sur le cas de jeunes enfants enlevés aux États-Unis par leurs pères saoudiens.  Il a ensuite cité plusieurs exemples de discriminations dans l'administration de la justice en Égypte et qui ont frappé, entre autres, le directeur de l'hôpital psychiatrique El Khanka du Caire.  M. Littman a indiqué que cette affaire avait été portée à la connaissance du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Param Cumaraswamy.


MME Rachel BRETT (Comité consultatif mondial de la société des amis - Quakers) a encouragé la Sous-Commission à envisager d'entreprendre une étude sur la question, souvent négligée, des femmes en prison.  Elle a par ailleurs plaidé en faveur d'une démarche qui consisterait à assurer que toute requête d'objection de conscience au service militaire soit examinée par un organe civil indépendant et impartial.  Une telle requête devrait pouvoir être déposée tant durant la période de l'appel sous les drapeaux que durant le service dans les forces armées lui-même ou durant le l'appel aux réservistes.  Le rapport de la Sous-Commission sur la question de l'administration de la justice par les tribunaux militaires devrait donc indiquer clairement que les demandes d'objection de conscience au service militaire ne doivent pas être traitées par des tribunaux militaires.


M. SYLVAIN DE PURY (Organisation mondiale contre la torture - OMCT) a observé que les tribunaux militaires sont fréquemment utilisés pour protéger les militaires responsables de graves violations des droits de l'homme.  Il est regrettable que ces tribunaux fonctionnent en dehors de l'appareil judiciaire normal, a-t-il déclaré.  Il a estimé que l'adoption de normes internationales en la matière est plus urgente que jamais.  Il en a cité pour preuve l'exemple de la juridiction militaire récemment abolie en République démocratique du Congo, qui avait prononcé de nombreux jugements contre des civils et même condamné des enfants à la peine capitale.  Il a ensuite dénoncé l'établissement de commissions militaires spéciales aux États-Unis, chargées de juger les personnes soupçonnées de terrorisme.  À cet égard, il s'est déclaré préoccupé par le fait que ces commissions auront compétence pour juger des civils qui n'ont pas pris part au conflit armé.  Il s'est inquiété du fait que les règles de procédure ne prévoient pas de possibilité d'appel devant une cour indépendante et qui imposent des restrictions strictes à la défense.  En conclusion, il a déclaré que l'OMCT est d'avis que tous les tribunaux militaires devraient être abolis.  L'OMCT insiste sur le fait que les tribunaux militaires ne sont pas compétents pour juger des civils, ni des militaires accusés de sérieuses violations des droits de l'homme.  L'OMCT demande à la Sous-Commission de prendre les mesures nécessaires pour assurer que des principes directeurs ou un code de conduite sur le fonctionnement des tribunaux militaires soient rapidement élaborés et adoptés.


M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a déclaré que les tribunaux militaires sont par nature mal équipés pour traiter de l'objection de conscience.  Il a souligné que l'une des questions essentielles qui se pose dans le contexte de l'objection de conscience consiste à déterminer si l'objection de conscience fait authentiquement partie de la religion de celui qui revendique le droit à cette objection.  Tout en soulignant qu'il n'est pas favorable à l'abolition des tribunaux militaires, M. Sorabjee a estimé qu'il faudrait que ces tribunaux garantissent le droit au recours, soit par le biais d'un appel, soit par le biais d'un examen judiciaire.


MME ANGELICA RUSSOMANDO (Parti radical transnational) a dénoncé l'érosion lente et constante de la démocratie depuis la fin de la guerre froide et a déclaré que l'intervention unilatérale pour rétablir la démocratie n'était pas acceptable.  Elle s'est déclarée plutôt favorable à l'établissement d'une organisation mondiale de la démocratie, qui aurait compétence pour assurer l'application des dispositions internationales relatives aux droits de l'homme.  Elle s'est félicitée du fait que la Commission des droits de l'homme adopte depuis plusieurs sessions des résolutions soulignant les liens entre droits de l'homme et démocratie.  Elle a réaffirmé que la démocratie, le développement, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales se renforcent mutuellement.  Elle a ensuite appelé l'attention de la Sous-Commission sur la crise des mécanismes des droits de l'homme et a dénoncé la surcharge de travail de ces mécanismes et le non-respect par les États des règles de soumission des rapports périodiques.  Dans de telles conditions, elle a recommandé une réforme du système de protection des droits de l'homme et de renforcement de la démocratie, processus dans lequel devrait s'engager la Sous-Commission. 


M. RAJA  IMTIAZ AHMED KHAN (Congrès du monde islamique) a souligné que l'état de droit, l'administration de la justice et la démocratie sont interdépendants et se renforcent mutuellement.  Si le maintien de la loi et de l'ordre constituent l'un des devoirs fondamentaux de l'appareil d'État, les États doivent, dans cette entreprise, respecter les traités internationaux.  Aucun État ne peut prétendre être au-dessus de la loi, a insisté le représentant.  Il a fait remarquer que la sécurité et la protection des citoyens ont probablement été les motifs les plus invoqués, abusivement, pour promulguer des lois restreignant gravement les libertés fondamentales des citoyens.  Ce sont les minorités et les peuples luttant pour leurs droits fondamentaux, y compris leur droit à l'autodétermination, qui sont le plus souvent confrontés aux mesures répressives.  Des pays comme l'Inde ont adopté des lois spécifiques, comme la loi sur la prévention du terrorisme, pour restreindre encore davantage les libertés fondamentales dans le pays.  C'est ainsi que le peuple du Cachemire a été laissé sans aucune protection de la loi.


M. MANPREET SINGH DHANJAL (Avocats de Minnesota pour les droits de l'homme)

a appelé l'attention sur le processus de réconciliation nationale en cours au Pérou et a rendu compte de la mission de son organisation qui s'est rendue sur place.  Il a estimé que la Commission de vérité et de réconciliation au Pérou avait travaillé avec diligence.  Il a toutefois recommandé une plus grande participation de la société civile aux travaux de cette commission, qui a déjà entendu de nombreuses personnes, rassemblé des informations, lancé une campagne nationale.  Il a suggéré que la Commission péruvienne recommande au Gouvernement péruvien de nommer une commission d'enquête indépendante sur les charniers qui ont été découverts afin de pouvoir procéder aux exhumations et qu'il crée également un organisme chargé de veiller à l'application et au suivi des recommandations formulées par la commission de réconciliation et vérité.  Il a recommandé aussi que les forces de police reçoivent une formation spéciale pour gérer ces sites.  Il a par ailleurs formulé diverses recommandations concernant la sélection du personnel judiciaire et les règles de procédure pénale.  Il a demandé au Gouvernement péruvien de respecter les normes internationales.  Il a insisté sur le fait que les personnes qui ont bénéficié d'une grâce devraient voir effectivement leur peine commuée.


MME YOUSRA Y. FAZILI (Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants) a souligné que, dans de nombreux pays, les principes démocratiques ne sont pas respectés et les élections ne sont pas libres ni équitables.  À cet égard, elle a cité l'exemple des dernières élections au Jammu-et-Cachemire.  Elle a instamment prié la Sous-Commission de se pencher sur l'administration de la justice dans les territoires disputés et occupés d'Asie du Sud et a encouragé les Nations Unies à agir en tant que contrôleur d'élections afin de garantir que les élections soient libres, justes et démocratiques.  Elle a en outre plaidé en faveur d'une plus grande transparence des tribunaux judiciaires en Asie du Sud.


M. MALIK ÖZDEN (Centre Europe Tiers-Monde) a appelé l'attention sur la situation des droits de l'homme en Turquie, en particulier celle du peuple kurde.  Il a observé que les récentes modifications législatives participant de la démocratisation du pays restent inapplicables en raison de la rigidité des circulaires ministérielles censées définir le cadre de leur mise en œuvre.  Il a notamment indiqué que, le 13 mars 2003, la Cour constitutionnelle turque a interdit le Parti de la démocratie du peuple (Hadep, pro-kurde) sous prétexte d'avoir «aidé et encouragé une organisation terroriste».  Après avoir cité divers exemples, le représentant a fait part des vives préoccupations du CETIM concernant une nouvelle loi dite «loi de repentance», récemment adoptée par le parlement.  Ce texte, loin de contribuer à la réconciliation avec le peuple kurde, semble vouloir maintenir la négation de la réalité kurde, la division, l'incompréhension et la confrontation entre les peuples kurde et turc.  Il a exhorté le Gouvernement turc à proclamer une amnistie générale pour tous les prisonniers politiques.


MME CECILIA HAN (Human Rights Advocates) a rappelé qu'après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont capturé plus de 615 présumés terroristes, dont trois ont moins de 15 ans, et les maintiennent depuis, sans qu'ils aient eu accès à des avocats, sur la base de Guantanamo.  La représentante a demandé que les conventions de Genève soient respectées dans cette affaire.  Elle a souligné que les conditions de captivité de ces détenus sont particulièrement difficiles et même pires, en fait, que celles qui prévalent dans la plupart des prisons des États-Unis.  Depuis le 11 septembre, il y a eu 28 tentatives de suicide parmi ces détenus et un prisonnier se trouve actuellement dans un état végétatif et doit être nourri par sonde stomacale.  La moitié des détenus ingurgitent des substances psychotropes, a ajouté la représentante.  Elle a rappelé qu'une cour des États-Unis a décidé que le droit de recours en habeas corpus ne saurait être invoqué dans le cas de ces détenus de Guantanamo.  Aussi, la représentante a-t-elle demandé aux États-Unis de reconnaître les droits de ces détenus et de déterminer leur statut juridique par le biais d'une autorité compétente.  La Sous-Commission ou la Commission devrait mettre en place un mécanisme qui serait chargé de veiller au respect des principes des droits de l'homme dans le cadre des mesures antiterroristes, a-t-elle ajouté.


MME YUOMI JEONG, (Association internationale des juristes démocrates) a appelé l'attention sur les victimes oubliées de la guerre de Corée, qui ont souffert de l'utilisation par les États-Unis d'armes de destruction massive, telles que les armes chimiques et biologiques, sous les auspices des forces spéciales des Nations Unies.  Elle a expliqué qu'après la guerre, l'équilibre des relations entre la Corée du Sud et les États-Unis a porté atteinte à la souveraineté de la Corée du fait de la présence de 37 000 militaires américains.  Mme Jeong a rendu compte de l'ouverture démocratique en Corée grâce à laquelle les victimes de ces crimes se sentent plus libres d'en parler et de demander réparation.  Ainsi, les États-Unis et la République de Corée ont été amenés à lancer une enquête sur les massacres du village de No Gun Ri en juillet 1950, a-t-elle poursuivi, regrettant qu'elle ait conclu à «des actes isolés de soldats manquant d'expérience».  Elle a précisé que le Président Clinton avait offert ses regrets à cette occasion, mais n'avait pas présenté d'excuses de la part des États-Unis, et que les États-Unis avaient choisi d'ignorer la question des réparations.  La représentante a ensuite informé la Sous-Commission de l'établissement, en mai 2000, d'une commission de la vérité en Corée et a déclaré qu'elle serait heureuse de lui faire part des résultats des enquêtes menées sur le terrain.  Elle a recommandé, pour éviter que de telles situations se reproduisent, que la Sous-Commission demande aux États-Unis de présenter des excuses et d'accorder une compensation aux victimes.  Elle a précisé que l'un des survivants à ces exactions se trouvait dans la salle aujourd'hui.


* Déclaration conjointe: Pax Christi International; Mouvement international catholique pour la paix; Dominican Leadership Conference; et Congrégations de St. Joseph.


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