EXAMEN DE RAPPORTS SUR L'ESCLAVAGE, LES ARMES LEGERES ET LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE
Communiqué de presse DH/G/248 |
DH/G/248
4 août 2003
EXAMEN DE RAPPORTS SUR L'ESCLAVAGE, LES ARMES LEGERES ET LES ARMES DE DESTRUCTION MASSIVE
GENEVE, le 4 août -- La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi, ce matin, l'examen de questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme en entendant les présentations des rapports sur les formes contemporaines d'esclavage et sur la prévention des violations des droits de l'homme imputables à la disponibilité et à l'utilisation abusive d'armes de petit calibre et d'armes légères. La Sous-Commission était également saisie d'un document de travail sur les droits de l'homme et les armes de destruction massive ou de nature à causer des blessures ou des maux superflus et frappant sans discrimination. Plusieurs membres de la Sous-Commission ont commenté ces rapports ou d'autres déjà présentés la semaine dernière au titre de ce même point de l'ordre du jour.
Présentant son rapport préliminaire sur les armes légères et de petit calibre, Mme Barbara Frey, Rapporteuse spéciale sur la question, a souligné que les armes légères sont devenues l'outil de prédilection pour perpétrer de graves violations des droits de l'homme. En dépit des embargos prononcés par le Conseil de sécurité et malgré plusieurs moratoires régionaux sur le transfert d'armes, des États continuent de vendre directement des armes aux gouvernements d'États tiers qui les utilisent pour commettre des violations des droits de l'homme, a-t-elle fait observer. Elle a indiqué qu'un groupe de militants des droits de l'homme, dans le cadre d'une initiative soutenue par dix-neuf lauréats du Prix Nobel de la paix, propose d'élaborer une convention-cadre sur les transferts internationaux d'armes, et a suggéré à la Sous-Commission de se tenir informée de cette initiative et d'y participer le cas échéant.
La Sous-Commission était également saisie du document de travail de M. Y K. J. Yeung Sik Yuen sur les droits de l'homme et les armes de destruction massive ou de nature à causer des blessures ou des maux superflus et frappant sans discrimination. L'ancien membre de la Sous-Commission estime notamment que les armes faisant l'objet d'un traité devraient être considérées comme interdites universellement pour tous les États, qu'ils soient signataires ou non, et que les États ayant utilisé une de ces armes devraient assumer leurs responsabilités en matière d'indemnisation, de nettoyage et d'alerte. Il souligne aussi l'urgente nécessité de savoir quelles armes ont été utilisées en Afghanistan, en Iraq et dans les autres zones de conflit, et en quel endroit précis. C'est pourquoi la Sous-Commission pourrait s'associer aux autres organismes des Nations Unies qui réclament la divulgation de ces renseignements.
Le Président du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage, M. Paulo Sérgio Pinheiro, a notamment indiqué que le Groupe de travail, au cours de sa dernière session, a invité les gouvernements à s'assurer que leurs politiques n'encouragent pas la légalisation de la prostitution et à faire en sorte que les personnes victimes de traite ne soient pas punies ou détenues pour des délits liés à leur traite dont elles sont victimes.
Les experts suivants ont fait des commentaires concernant ces rapports et celui de M. Emmanuel Decaux, présenté la semaine dernière, concernant les enjeux et les modalités d'une universalité effective de la ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme : Mme Iulia Antoanella Motoc, M. El Hadji Guissé, Mme Françoise Jane Hampson, M. Paulo Sérgio Pinheiro, Mme Florizelle O'Connor, M. Yozo Yokota, Mme Leila Zerrougui, M. Asbjørn Eide, Mme Christy Ezim Mbonu, M. Oleg S. Malguinov, M. Emmanuel Decaux, M. Chen Shiqiu, M. Soo Gil Park.
Dans le cadre du débat général sur les questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme, M. David Weissbrodt a fait une déclaration dans laquelle il a notamment attiré l'attention sur la situation des personnes infectées par le VIH/sida à travers le monde, en particulier les femmes, et sur la nécessité de réaffirmer, lors de la réunion ministérielle de Cancún du mois prochain, l'important objectif énoncé dans la Déclaration de Doha concernant l'accès aux traitements dans ce domaine.
M. El Hadji Guissé a pour sa part concentré son intervention sur la situation des femmes, de plus en plus nombreuses, confrontées à la pauvreté. Il a cité, parmi les voies possibles pour sortir de la pauvreté, l'annulation de la dette et la promotion de l'éducation et de la santé des femmes, et a recommandé que les femmes aient plein accès aux prises de décision concernant la gestion des ressources dégagées par l'annulation de la dette.
Une organisation non gouvernementale, l'Union nationale de la femme tunisienne, est également intervenue dans le cadre du débat général.
La Sous-Commission poursuivra, cet après-midi, l'examen des questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme en entendant notamment les présentations des rapports sur les droits de l'homme et la bioéthique; le terrorisme et les droits de l'homme; les réserves aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme; et les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des fillettes.
Présentation de rapports au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme»
M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, a présenté, en tant que Président-Rapporteur, le rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage sur les travaux de sa vingt-huitième session (E/CN.4/Sub.2/2003/31, à paraître en français) qui s'est tenue du 16 au 20 juin 2003 en soulignant que cette session s'est penchée en particulier sur la traite des êtres humains sous tous ses aspects et plus particulièrement sur la mise en œuvre des instruments et normes internationaux existants dans ce domaine. M. Pinheiro a par ailleurs indiqué qu'il est ressorti des travaux du Groupe de travail que l'absence de culture et d'éducation des filles est propice à la perpétuation du phénomène de la traite d'êtres humains. Il a en outre précisé que le Groupe de travail a entendu divers témoignages de femmes victimes de mariages forcés, pratique qui n'est pas sans engendrer d'importantes conséquences néfastes, y compris sur la santé des victimes. Il a notamment été proposé de dresser une liste des pays qui n'ont pas encore accédé aux conventions sur l'esclavage, a poursuivi M. Pinheiro. Il a également été proposé que le Groupe de travail se penche sur l'exploitation de la main-d'œuvre domestique par des diplomates, a ajouté le Président-Rapporteur du Groupe de travail. La question de l'adoption a en outre été abordée au sein du Groupe de travail, a-t-il précisé.
Parmi les recommandations du Groupe de travail, figure celle visant à ce que les gouvernements appliquent les recommandations générales du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. Le Groupe de travail a également invité les gouvernements à s'assurer que leurs politiques n'encouragent pas la légalisation de la prostitution. C'est en effet l'existence de la demande d'exploitation sexuelle des femmes et des enfants qui perpétue la traite. Le Groupe de travail a demandé aux États de faire en sorte que les personnes victimes de traite ne soient pas punies ou détenues pour des délits liés à leur exploitation. Les victimes doivent en outre pouvoir bénéficier d'une assistance et de conseils afin qu'elles puissent se remettre de leur expérience traumatisante.
Présentant son rapport préliminaire sur la prévention des violations des droits de l'homme imputables à la disponibilité et à l'utilisation abusive d'armes de petit calibre et d'armes légères (E/CN.4/Sub.2/2003/29), MME BARBARA FREY, Rapporteuse spéciale de la Sous-Commission sur cette question, a souligné que la disponibilité et l'utilisation abusive des armes légères dans nos communautés ont des conséquences dramatiques. Une seule arme, mal utilisée, peut changer le sort d'un individu, d'une famille voire d'une communauté entière, a-t-elle insisté. Elle a rappelé que l'on estime actuellement à 640 millions le nombre d’armes légères dans le monde, sans compter les 230 à 245 millions de mines antipersonnel stockées. Or, les armes légères sont devenues l'outil de prédilection pour perpétrer de graves violations des droits de l'homme, qu'il s'agisse d'assassinats arbitraires ou sommaires, de massacres, de viols, de disparitions forcées, de torture, de déplacements forcés ou de recrutement forcé d'enfants soldats, a souligné Mme Frey. Elle a expliqué que dans son rapport préliminaire, elle s'est concentrée sur trois catégories de violations, à savoir celles relevant d'une utilisation abusive des armes légères par des agents de l'État, celles relevant d'une mauvaise utilisation par des individus et des groupes armés, et celles relevant d'un transfert d'armes dont on sait qu'elles vont probablement servir à commettre des violations graves de droits de l'homme. On estime qu'entre 115 000 et 200 000 personnes meurent chaque année de suicides, d'homicides et d'accidents perpétrés par des individus armés. En dépit des embargos prononcés par le Conseil de sécurité et malgré plusieurs lois ou moratoires régionaux sur le transfert d'armes, des États continuent de vendre directement des armes aux gouvernements d'États tiers qui utilisent ces armes pour commettre des violations des droits de l'homme, a souligné Mme Frey. Elle a indiqué qu'un groupe de militants des droits de l'homme, dans le cadre d'une initiative soutenue par dix-neuf lauréats du Prix Nobel de la paix, propose d'élaborer une convention-cadre sur les transferts internationaux d'armes. La Sous-Commission devrait se tenir informée de cette initiative et y participer le cas échéant, a-t-elle affirmé.
Le rapport préliminaire sur la question de la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes de petits calibres ou d'armes légères (E/CN.4/Sub.2/2003/29), reprend la définition des armes de petits calibres et armes légères donnée par le Groupe d'experts gouvernementaux sur les armes légères et de petit calibre. Ce sont les armes individuelles et les armes légères, les armes collectives. Sont également englobées dans la définition les munitions, telles que les cartouches, les obus, les grenades et les mines terrestres. Mme Frey limite son propos à trois catégories de violations à analyser au regard du droit relatif aux droits de l'homme et du droit humanitaire : l'utilisation abusive par des agents de l'État, l'utilisation abusive par des individus et des groupes armés lorsque l'État ne fait pas preuve de la diligence voulue et les transferts d'armes auxquels on procède tout en sachant que ces armes risquent d'être utilisées pour commettre des violations graves du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire.
S'agissant de l'utilisation abusive des armes de petits calibres par les agents de l'État, soit la police ou l'armée, Mme Frey observe que rares sont les États qui ont incorporé dans leur législation ou leur réglementation les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu. Le droit à la vie est violé impunément dans de nombreux pays par des responsables de l'application des lois et autres agents de l'État qui n'ont pas reçu la formation nécessaire pour appliquer les principes relatifs aux droits de l'homme et commettent des violations qui ne font jamais l'objet d'enquêtes. La Rapporteuse spéciale propose d'élaborer un modèle de principes s'appliquant à la formation, à la planification opérationnelle et aux enquêtes concernant le recours à la force et l'utilisation d'armes de petit calibre par les autorités de police. Cet ensemble de principes viendrait renforcer l'appel lancé en faveur de l'adoption et de l'application de normes nationales efficaces pour prévenir les violations des droits de l'homme commises au moyen d'armes de petit calibre et d'armes légères.
La Rapporteuse spéciale rappelle que les États peuvent être tenus pour responsables du tort causé par des individus et des groupes armés s'ils n'ont pas fait preuve de la diligence voulue pour protéger les droits de l'homme. Elle réitère le principe de la diligence voulue, en vertu duquel l'État doit prendre des mesures positives pour s'acquitter des obligations qui lui incombent aux termes du droit international. Pour satisfaire à la norme de diligence voulue, les États peuvent se laisser guider par diverses déclarations émanant d'organes internationaux. Il en ressort que les procédures suivantes doivent être respectées : imposer la délivrance de permis pour empêcher les personnes qui risquent de faire une utilisation abusive d'armes de petit calibre d'en posséder; exiger que les armes soient tenues dans un endroit sûr; obliger les fabricants à localiser les armes; mener des enquêtes sur les personnes qui font un usage abusif de telles armes et les poursuivre; et accorder périodiquement des amnisties pour retirer de la circulation les armes non souhaitées. La communauté des défenseurs des droits de l'homme pourrait très utilement élaborer un modèle de principes concernant la responsabilité des États dans la prévention des violations des droits de l'homme causées par des individus et des groupes armés et relatifs à l'organisation d'enquêtes en la matière.
S'agissant du transfert d'armes de petit calibre, sachant qu'elles risquent d'être utilisées pour commettre des violations graves du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit humanitaire, Mme Frey explique que l'expression «transfert d'armes» se réfère à toutes les armes qui sont transférées sans que l'État où elles ont été fabriquées exerce de contrôle sur cette opération. Elle englobe aussi tous les échanges d'armes effectués dans le cadre de programmes d'assistance et d'alliance militaires, les échanges entre particuliers et tous autres arrangements non monétaires. La Rapporteuse spéciale appelle l'attention sur les normes internationale tendant à empêcher les transferts illicites d'armes de petits calibres, notamment sur le Programme d'action issue de la Conférence sur le commerce illicite d'armes légères sous tous ses aspects (New York, juillet 2001), qui prévoit que les États s'engagent à exercer un contrôle efficace sur l'exportation et le transit des armes légères et de mettre en place des mesures pour contrôler l'activité des courtiers. À cette fin, un vaste éventail de défenseurs des droits de l'homme propose de mettre au point une Convention-cadre sur les transferts d'armes internationaux, ou Traité sur le commerce des armes, qui définirait les normes internationales minimales concernant les transferts d'armes et interdirait les transferts dans des situations où les armes risquent de servir à commettre des violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire. La Convention-cadre (le Traité sur le commerce des armes) ferait obligation aux États, avant qu'ils n'autorisent un transfert d'armes quelles qu'elles soient, y compris des armes de petit calibre et des armes légères, d'établir dans quelle mesure les principes fondamentaux du droit international sont respectés dans le pays destinataire. La Rapporteuse spéciale précise que dix-neuf récipiendaires du prix Nobel de la paix ont souscrit à cette initiative. Elle souligne l'importance de cette proposition d'élaborer un traité sur le commerce des armes. En dernier lieu la Rapporteuse spéciale formule une série de recommandations estimant que la communauté internationale des défenseurs des droits de l'homme doit exiger que les États continuent de s'attaquer aux causes premières de la violence en leur sein, qu'ils assurent à leurs agents porteurs de telles armes une formation aux normes fondamentales en réglementant l'usage et œuvrent avec les groupes qui, dans les communautés, cherchent à trouver d'autres moyens pratiques d'intervenir. Les organes de protection des droits de l'homme de l'ONU devraient encourager les États à adopter des lois nationales portant sur les armes de petit calibre de façon à se conformer aux normes internationales en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire.
Tous les États devraient incorporer dans leur législation les Principes de base sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois. Pour ce faire, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, en coopération avec la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, devrait apporter une assistance technique aux États qui le souhaitent. Pour empêcher l'utilisation abusive par les États d'armes de petit calibre, la communauté internationale devrait élaborer un projet de principes types en matière de droits de l'homme concernant la formation, la planification opérationnelle et l'organisation d'enquêtes concernant l'emploi de la force et l'utilisation d'armes de petit calibre par les responsables de l'application des lois.
Le document de travail de M. Y K. J. Yeung Sik Yuen, ancien membre de la Sous-Commission, sur les droits de l'homme et les armes de destruction massive ou de nature à causer des blessures ou des maux superflus et frappant sans discrimination (E/CN.4/sub.2/2003/35) rappelle les quatre principes du droit humanitaire en vertu desquels des armes doivent être considérées comme interdites si elles frappent sans discrimination (en n'opérant aucune distinction entre civils et belligérants), si leur emploi est disproportionné par rapport à la poursuite d'objectifs militaires légitimes, si elles causent des dommages étendus, durables et graves à l'environnement, et elles causent des maux superflus ou des souffrances inutiles. Le rapport traite des renseignements et faits nouveaux concernant les armes à l'uranium appauvri et met l'accent sur le rôle essentiel joué par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) dans les recherches sur la présence d'uranium appauvri dans les Balkans et sur l'appel urgent lancé par le PNUE, le 27 avril 2003, en vue d'obtenir un accès immédiat aux sites où des armes à l'uranium appauvri ont été utilisées en Iraq.
La nouvelle la plus alarmante en ce qui concerne les armes nucléaires est que le Gouvernement des États-Unis cherche à lever l'interdiction de 1993 concernant la mise au point d'armes nucléaires de faible puissance (loi Spratt-Furse). Le 9 mai 2003, un comité du Sénat a adopté un projet de loi qui prévoit la mise au point d'une bombe appelée «Robust Nuclear Earth Penetrator», conçue pour détruire des abris fortifiés en perçant les roches les plus dures. Cette arme devrait provoquer des ondes de choc capables d'anéantir une cible jusqu'à 300 mètres de profondeur. Le projet de loi autorise également la mise au point d'autres armes nucléaires dont la charge explosive équivaudrait à moins de 5 000 tonnes de TNT. Le rapport ne peut s'empêcher de faire observer qu'il est à la fois choquant et dangereux de prendre des dispositions en vue de l'utilisation tactique de bombes de ce type en dépit des efforts déployés depuis 1945 pour bannir les armes nucléaires.
Par ailleurs le rapport fait état de ses préoccupations concernant la crise entre la République populaire démocratique de Corée et les États-Unis, qui a éclaté en octobre 2002 lorsque le Gouvernement nord-coréen a reconnu qu'il poursuivait un programme secret de production d'uranium enrichi pour la fabrication d'armes nucléaires et avait redémarré un programme de production de plutonium qui avait été gelé en vertu d'un accord conclu en 1994 entre les deux pays. Le rapport rappelle ici ses préoccupations en ce qui concerne la nouvelle doctrine des États-Unis en matière d'armes nucléaires (Nuclear Posture Review), en vertu de laquelle le Pentagone aurait reçu pour instruction d'établir des plans de guerre permettant le recours à une première frappe nucléaire contre les pays de «l'axe du mal», parmi lesquels la République populaire démocratique de Corée.
S'agissant des nouveaux éléments d'information concernant les bombes à dispersion, le rapport signale que ce type de bombes a été utilisé en Iraq, mais qu'il dispose de peu d'informations concernant les quantités utilisées et les sites visés. Ceci est dû principalement au contrôle exercé par la Coalition sur les médias et au filtrage de l'information par les journalistes «embarqués». Il mentionne toutefois un rapport de l'ONG Iraq Peace Team sur les victimes et les dommages matériels causés par les attaques menées sur Bagdad en mars-avril 2003 tend néanmoins à confirmer l'utilisation de bombes à dispersion. On dispose de peu d'informations concernant l'utilisation éventuelle de bombes à dépression contre l'Iraq, là encore en raison du contrôle exercé par la Coalition sur les médias. Dans son rapport, l'Iraq Peace Team mentionnait toutefois un incident ayant eu lieu dans le quartier d'Al Qadisiyeh, à Bagdad, qui tendait à confirmer l'utilisation de bombes de ce type.
La principale conclusion de M. Yeung Sik Yuen sur le plan juridique est que toutes les armes examinées dans ses deux documents de travail devraient être considérées comme interdites, qu'il existe ou non un traité spécifique les interdisant. Les armes faisant l'objet d'un traité devraient en outre être considérées comme interdites universellement pour tous les États, qu'ils soient signataires ou non. Les États ayant utilisé une de ces armes devraient assumer leurs responsabilités en matière d'indemnisation, de nettoyage et d'alerte. Une deuxième conclusion importante concerne l'urgente nécessité de savoir lesquelles de ces armes ont été utilisées en Afghanistan, en Iraq et dans les autres zones de conflit, et en quel endroit précis. C'est pourquoi la Sous-Commission pourrait s'associer aux autres organismes des Nations Unies qui réclament la divulgation de ces renseignements. Compte tenu des allégations de violations du droit à un environnement sain, la Sous-Commission pourrait également demander une nouvelle évaluation de l'environnement en Afghanistan, qui viserait à examiner de plus près les effets de l'armement utilisé après le 11 septembre 2001. Elle pourrait être entreprise par l'OMS et d'autres équipes impartiales de spécialistes de la santé.
Débat au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme»
S'exprimant à propos du rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'universalité des traités, MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, s'est félicitée de la qualité de ses travaux et a estimé que M. Decaux pourrait se concentrer sur les raisons, internes ou internationales, pour lesquelles les États n'ont pas ratifié les traités. Elle s'est félicitée de l'approche moderne de la question adoptée par M. Decaux, notamment en ce qui concerne l'effectivité des traités relatifs aux droits de l'homme. Cette approche, qui se fonde sur la sociologie du droit, mériterait d'être explorée plus avant, a-t-elle observé. Il importe de comprendre que les États sont amenés à ratifier les traités pour des questions stratégiques de visibilité sur la scène internationale, mais que cela n'atteste pas toujours de la volonté de les appliquer, a-t-elle regretté. Mme Motoc a également recommandé que l'on s'intéresse plus particulièrement aux droits indérogeables qui sont réaffirmés dans les six principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. En outre, il faudrait s'intéresser plus avant à la question des réserves aux traités relatifs aux droits de l'homme. Elle a estimé qu'il y avait là matière suffisante pour élaborer un rapport à l'intention de la Sous-Commission.
M. DAVID WEISSBRODT, expert de la Sous-Commission, s'est exprimé sur les questions relatives au VIH/sida dans le cadre des droits de l'homme et a rappelé que les estimations du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) prévoyaient quelque 68 millions de morts d'ici à 2020 si les efforts de prévention et de traitements n'étaient pas décuplés rapidement. Il a observé que la plupart des nouvelles infections touchaient principalement les jeunes femmes. Il a rappelé que l'accès libre à des traitements abordables est un droit fondamental et a regretté que le Fonds mondial pour lutter contre le sida, la tuberculose et le paludisme n'ait pas reçu suffisamment de contributions pour atteindre l'objectif des 10 milliards de dollars annuels qu'il s'était fixé. Les contributions s'élevaient à 483 millions de dollars en 2002. Il a rappelé le mot d'ordre de Doha sur l'accès aux médicaments et a jugé regrettable que les recommandations contenues dans la Déclaration de Doha n'aient pas été réalisées, du fait de l'opposition de l'Europe et des États-Unis, et a suggéré qu'elles soient réaffirmées lors de la Conférence ministérielle de Cancún.
M. Weissbrodt a rappelé que le VIH/sida portait non seulement atteinte à la santé publique, mais à l'éducation, à l'emploi, à l'investissement et à la stabilité sociale. Ainsi, 48 % des orphelins du sida en âge d'être scolarisés abandonnent l'école, a-t-il relevé. Il a mis en lumière la conjonction dramatique du VIH/sida et de la pauvreté et a, d'autre part, dénoncé les discriminations dont souffrent les malades du sida, notamment les femmes. Il a dénoncé les nombreux viols commis dans les conflits armés, qui contribuent à propager la maladie. Il a également regretté que les États n'accordent pas l'attention et les ressources nécessaires à une véritable politique de prévention et d'information. Il a observé que les femmes n'ayant que peu de contrôle sur leur sexualité et sur l'économie sont plus facilement victimes de la pandémie. Il importe donc d'assurer aux femmes la liberté de choisir d'avoir ou non des relations sexuelles, sans subir de discrimination. En effet, a-t-il précisé, il apparaît que 71 % des jeunes femmes interrogées dans un sondage en Afrique du Sud auraient eu des relations sexuelles contre leur gré. Dans ces conditions, l'expert a recommandé que l'on s'applique tout particulièrement à endiguer la violence contre les femmes. Il importe aussi d'aider les femmes à développer une meilleure estime de soi et une plus grande autonomie. En parallèle, il convient aussi de former les hommes et de les éduquer de sorte qu'ils respectent l'intégrité et l'autonomie des femmes. Dans un tel contexte, les organisations non gouvernementales et les gouvernements devraient donner la priorité aux programmes d'éducation tant des femmes que des hommes. Les gouvernements devraient aussi s'attacher à renforcer la participation des femmes aux prises de décision concernant les programmes de lutte contre le VIH/sida. L'expert a recommandé que soient élaborés des indicateurs qui permettent, entre autres, de mesurer la vulnérabilité des femmes et de tenir dûment compte des besoins des femmes dans les programmes de lutte contre le VIH/sida.
MME Aziza HTIRA(Union nationale de la femme tunisienne) s'est dite convaincue que la réalisation du principe d'égalité des droits de l'homme passe par l'égalité entre les sexes. À cet égard, il convient de rappeler qu'en Tunisie, le Code du statut personnel de 1956, unique dans le monde musulman, annonçait la fin de la répudiation et l'instauration du divorce devant la justice ainsi que la fin de la polygamie. La Constitution tunisienne interdit toute discrimination et garantit la participation des femmes à tous les niveaux de la société et du processus de prise de décision politique ainsi que leur contribution aux efforts de développement. De plus, la violence contre les femmes est sévèrement punie par les tribunaux tunisiens, a poursuivi la représentante. Elle a souligné que son organisation œuvre à l'élimination de toute forme de discrimination et de certaines pratiques à l'origine de violences à l'égard des femmes en misant sur les changements de comportement et en élaborant des programmes adéquats de sensibilisation et d'information. Il est temps de remédier aux causes profondes de la violence, notamment la médiocrité des conditions économiques, sociales et politiques des femmes qui les empêchent de connaître leurs droits et d'exploiter les possibilités qui s'offrent à elles. Au vu de la situation internationale actuelle, il convient en outre d'insister sur l'importance de la protection des droits des femmes en période de guerre et de conflits, a ajouté la représentante.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a mis en évidence l'aggravation de la pauvreté chez les femmes, notamment du fait des discriminations dont elles sont victimes. Il a déclaré que les femmes africaines exigeaient désormais de nouvelles stratégies de réduction de la pauvreté et d'annulation de la dette qui tiennent compte de leurs besoins spécifiques. Il a rappelé que, sous prétexte de rétablir la stabilité macroéconomique et de stimuler la croissance, le véritable objectif des programmes d'ajustement structurel était d'assurer que la dette serait effectivement remboursée. Sinon, a-t-il remarqué, comment expliqué que ces programmes aient porté atteinte aux services publics et sociaux des pays, mettant véritablement en danger le développement social de ces pays. Il a constaté que ces réformes avaient échoué à faire sortir les pays en développement de la pauvreté et n'avaient réussi qu'à peser plus lourdement sur les plus démunis, dont 70 % sont des femmes. Les femmes, a-t-il poursuivi, supportent plus lourdement la perte d'emploi de leur mari, le manque d'éducation de leurs enfants et la paupérisation croissante de leurs foyers. L'expert a demandé s'il fallait accepter ces politiques qui aggravaient les disparités entre les hommes et les femmes, les disparités dans l'accès à l'éducation et les soins de santé. L'expert a expliqué que tout système qui avait pour conséquence d'accroître les inégalités pèserait toujours plus lourdement sur les femmes, déjà limitées dans leur accès aux ressources par une idéologie patriarcale. Il a cité en exemple l'augmentation des denrées de base qui touchent plus fortement les femmes chargées de la survie des foyers. En outre, il faut savoir qu'un système d'éducation réduit à sa plus simple expression et plus inégal pénalisera d'abord les filles.
M. Guissé a déclaré qu'il existait pourtant des voies possibles pour sortir de la pauvreté et a cité, entre autres, l'annulation de la dette, la promotion de l'éducation et de la santé des femmes. Il a recommandé que les femmes aient plein accès aux prises de décision concernant la gestion des ressources dégagées par l'annulation de la dette, ce qui garantirait qu'elles soient effectivement allouées aux services sociaux de base. L'expert s'est aussi fait l'avocat de la revitalisation des cultures vivrières qui permettront d'améliorer la suffisance alimentaire. Il a aussi recommandé un meilleur contrôle des investissements afin d'imposer la fourniture de services sociaux de base, l'abolition des programmes d'ajustement structure et une véritable politique destinée à lutter contre les disparités entre les hommes et les femmes.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a remercié le Haut Commissariat aux droits de l'homme pour le rapport sur le viol systématique et l'esclavage sexuel en temps de guerre et a rappelé que le Groupe de travail sur l'administration de la justice va désormais se pencher sur cette question. La question des directives à appliquer en la matière sera notamment traitée par le Groupe de travail, a-t-elle souligné.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, a évoqué le grave problème de conscience que devrait connaître aujourd'hui M. Kalachnikov, responsable de tant de morts dans les pays du Sud. Il a regretté que l'on se soit mis à rechercher la responsabilité des transferts d'armes vers le Sud, alors qu'il est évident que cette responsabilité incombe aux fabricants d'armes dont toute la production est écoulée et permet de faire des bénéfices. Il a rappelé que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sont aussi les plus gros fabricants d'armes au monde. En tant que militant des droits de l'homme, il s'est posé la question de savoir pourquoi l'opinion publique mondiale, qui se mobilise à chaque réunion de l'Organisation mondiale du commerce, ne s'inquiétait guère de ces ventes d'armes. En effet, a-t-il regretté, pour plusieurs de ces militants, il s'agit de leur niveau de vie, d'un confort qu'ils ne sont pas prêts à sacrifier.
M. Guissé s'est inquiété du fait que les enfants africains savent mieux manier aujourd'hui le fusil que le stylo. Il s'est indigné que les armes du Nord continuent d'abreuver le Sud alors que le système éducatif se délite et en a cité pour preuve les charniers que l'on retrouve partout en Afrique que ce soit en RDC ou au Libéria. Il a demandé comment le Sud pourrait prendre les assurances du Nord au sérieux.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a affirmé que l'idée de diligence appropriée évoquée dans le contexte du rapport de Mme Frey sur les armes légères doit être étayée. Deux notions sont à prendre en compte lorsque l'on aborde cette idée, a précisé Mme Hampson: la première est l'obligation d'enquêter (afin, d'une certaine façon, de jouer un rôle de dissuasion); la seconde est l'obligation de protéger. Quoi qu'il en soit, la solution, pour remédier à l'utilisation abusive d'armes légères par des agents de l'État, par exemple, ne relève pas de l'élaboration d'un principe juridique de droits de l'homme; ce qu'il faut c'est une formation réelle afin que ces personnes comprennent qu'elles ne doivent pas ouvrir le feu, sauf en cas de force majeure, c'est-à-dire en dernier recours.
S'exprimant sur la question des armes légères, M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a pour sa part estimé qu'il était difficile d'attribuer toute la responsabilité des transferts d'armes légères aux pays du Nord. Se gardant de faire référence à aucun pays particulier, M. Pinheiro a fait observer que les armes légères qui circulent en Amérique latine ne proviennent pas de pays du Nord mais sont fabriquées localement. Il a estimé en revanche qu'il fallait faire porter cette responsabilité sur les élites locales. Il a souligné que ces élites n'avaient pas manifesté la volonté d'endiguer ce flot et que, dans certains pays, les élites étaient associées aux groupes criminels responsables de ce trafic. Dans ce cas, la responsabilité est endogène, a-t-il insisté.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a appuyé les propos de M. Guissé qui lui paraissent particulièrement judicieux en ce qui concerne les petits Etats insulaires. Elle a rappelé que, pendant la Guerre froide, il n'était pas rare que des armes soient données aux populations pour des raisons politiques et que ces armes avaient depuis été détournées vers des circuits criminels. Elle a insisté sur la responsabilité des fabricants d'armes dans les pays du Nord. Mme O'Connor a par ailleurs demandé que le rapport sur les armes légères explore aussi les débordements tels que les événements qui se sont produits au collège de Columbine, aux États-Unis. Elle a par ailleurs demandé que l'on s'interroge sur la divulgation d'une culture dans laquelle l'arme à feu est la seule source de pouvoir. Elle a estimé que la population sans emploi des pays du Sud, bombardée de séries télévisées, était particulièrement vulnérable à une telle idéologie. Elle s'est inquiétée de l'afflux d'armes dans les populations civiles et a constaté que, dans certains cas, les civils étaient mieux équipés que les forces de police.
Reconnaissant l'importance de renforcer la formation des forces de police, Mme O'Connor a estimé que le cadre juridique visant à protéger les civils était suffisant, mais que le problème restait son application. Elle a expliqué qu'il était grand temps de transformer tous ces principes en actions réelles. Par ailleurs, elle a mis en lumière le lien qui existait entre le sous-emploi et une culture de la violence et a mis l'accent sur la responsabilité de ceux qui entravaient le développement.
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, a commenté le rapport de Mme Frey sur les armes de petit calibre en soulignant que le fait que ces armes soient aisément disponibles contribue à faire que des petits litiges deviennent de grands conflits. M. Yokota a souligné que son pays, le Japon, est connu pour son faible taux de criminalité, qu'il s'agisse de crimes de sang ou de vols à main armée. Malheureusement, ces dernières années, l'image d'un Japon sûr se détériore et la police a de plus en plus de mal à contrôler les armes. M. Yokota a donc exprimé l'espoir que le Japon et le monde entier deviennent plus sûrs.
Intervenant par ailleurs au sujet des nouvelles priorités, M. Yokota a rappelé qu'au dernier jour de la précédente session de la Sous-Commission, il avait fait référence à des articles publiés dans les journaux japonais qui affirmaient que la Sous-Commission avait adopté une résolution visant, sans le nommer, un pays précis. Le Président de la Sous-Commission d'alors, M. Pinheiro, avait indiqué que ce n'était pas le cas et avait donc envoyé des lettres aux journaux concernés, aucun ne lui ayant jamais répondu. C'est une question importante car un article de journal peut diffuser des informations induisant en erreur, a insisté M. Yokota. Il a donc proposé que la Sous-Commission examine le rôle des médias dans le domaine des droits de l'homme et ce, au titre des nouvelles priorités traitées dans le cadre des questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, répondant à l'intervention de M. Pinheiro, a précisé qu'il n'avait mentionné aucun pays et que son intervention rendait compte de la situation en Afrique. Il a réfuté l'idée selon laquelle la responsabilité première des transferts d'armes légères incomberait aux États du Sud. Il s'est dit d'avis que les États du Sud ne sauraient avoir qu'une responsabilité subséquente et conséquente dans ce domaine.
MME LEÏLA ZERROUGUI, experte de la Sous-Commission, réagissant à l'intervention de M. Decaux sur l'universalité des traités, a estimé que l'importance de la question justifiait la nomination d'un rapporteur spécial, particulièrement à l'heure où l'on voit certains États dénoncer des traités. Elle a aussi souligné l'importance de la question des réserves aux traités.
En ce qui concerne le rapport de Mme Frey concernant les armes légères et les droits de l'homme, Mme Zerrougui a appuyé les suggestions de Mme O'Connor afin que l'on mette en évidence la responsabilité des États fabricants d'armes qui transfèrent ces armes vers des pays qui commettent des violations des droits de l'homme. Elle a aussi mis en lumière la responsabilité des États tiers qui se doivent de saisir les instances compétentes, ainsi que la responsabilité des acteurs non étatiques dans ce domaine. Elle a souhaité que l'étude sur les armes légères permette de préciser la réglementation de façon à ce que chacun assume ses responsabilités.
M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, s'est réjoui que le Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage ait mis l'accent sur la question de la traite des êtres humains. Il a affirmé que nombre de gouvernements n'ont qu'une seule volonté, à savoir se maintenir au pouvoir, et n'ont donc pas la volonté de mettre en œuvre toutes les règles et réglementation existantes.
Commentant par ailleurs le rapport de Mme Frey sur les armes de petit calibre, M. Eide a souligné que le problème n'est pas seulement celui du transfert, car chacun sait qu'il existe une gigantesque circulation d'armes légères et de petit calibre aux États-Unis, par exemple. La distribution de ces armes est également importante au Brésil et ailleurs en Amérique latine, ainsi qu'en Afrique du Sud, pays qui possède également une importante capacité de production dans ce domaine. Le véritable problème est celui de la surveillance effective, a souligné M. Eide.
MME CHRISTY EZIM MBONU, experte de la Sous-Commission, s'adressant à M. Guissé, a déclaré que dans certains pays développés, les enfants amenaient des armes à l'école et tiraient sur leurs camarades à l'heure du déjeuner. Elle a par ailleurs demandé comment il serait possible de décider d'un moratoire sur la fabrication d'armes légères alors que ces armes sont nécessaires aux forces de police. S'agissant du principe de la diligence des États, elle a demandé comment ce principe pouvait s'appliquer lorsque les violations étaient commises par des groupes non étatiques, échappant au contrôle de l'État. Mme Mbonu a estimé qu'il fallait se préoccuper davantage des questions liées à la fabrication et aux conditions de transferts des armes légères. Elle s'est félicitée que le rapport appelle l'attention sur l'argent qui sert à la fabrication et à l'acquisition d'armes alors qu'il pourrait être mieux utilisé.
M. OLEG S.MALGUINOV, expert de la Sous-Commission, a affirmé que l'un des aspects du problème des armes légères et de petit calibre est important et n'a pas encore été examiné à fond au sein des Nations Unies. Il s'agit du lien entre l'utilisation des armes légères et les violations des droits de l'homme. Ça n'est pas l'existence même des armes légères qui pose problème mais plutôt leur utilisation abusive, a souligné M. Malguinov. Ce qui est en cause, c'est le lien entre la force de la loi et l'utilisation abusive de la force. C'est la force de la loi qui fait défaut lorsqu'une arme de petit calibre est utilisée abusivement, a-t-il expliqué. M. Malguinov a par ailleurs souligné que la responsabilité de l'État, particulièrement étudiée dans le rapport de Mme Frey, est également engagée lorsqu'il s'agit de lutter contre la criminalité organisée.
Réagissant par ailleurs au rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage, M. Malguinov a affirmé que lorsqu'on parle de trafic d'êtres humains, la question du contrôle et de la surveillance est particulièrement importante. À cet égard, un certain nombre de mécanismes régionaux sont en place, a-t-il ajouté.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, s'exprimant au sujet de l'étude sur les armes de destruction massive et les droits de l'homme, rédigée par M. Yeung Sik Yuen, a souligné l'importance de cette question au regard des droits de l'homme et a mis l'accent sur l'importance de l'exactitude dans ce domaine. Elle a regretté que le rapport ne présente pas de point de vue opposé aux thèses qu'il avance. Ainsi, a-t-elle observé, il existe des avis contraires concernant l'utilisation d'uranium appauvri. Pour sa part, elle a estimé que ces diverses positions avaient été élaborées avant qu'un temps suffisant se soit écoulé pour que les conséquences de l'utilisation de ces armes à l'uranium appauvri aient pu être étudiées. Par ailleurs, elle a regretté que le rapport ne contienne aucune information sur l'utilisation du titane qui tend maintenant à remplacer l'uranium appauvri. Elle a aussi regretté que le rapport ne contienne aucune information sur la Conférence d'examen de la Convention pour l'interdiction des armes chimiques ou sur le protocole facultatif concernant les munitions non explosées. En outre, elle a appelé l'attention sur toute une gamme d'armes, notamment les nouveaux modèles de balles en caoutchouc, qui ne sont pas étudiées dans le rapport, qui ne mentionne pas non plus les armes génétiques.
S'agissant du cadre juridique examiné par M. Yeung Sik Yuen, Mme Hampson a regretté l'absence de référence à l'Observation de la Cour internationale de justice sur les armes nucléaires, à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme ou aux travaux académiques sur le recours à la force. Elle a appelé l'attention sur le fait que l'auteur du rapport semble confondre les règles qui régissent le recours à la force (Article 2 de la Charte) et les règles qui régissent la conduite des hostilités. Elle est également revenue sur la définition retenue pour les armes de destruction massive et a signalé des imprécisions concernant les catégories d'armes mentionnées dans le rapport, notamment en ce qui concerne les bombes à fragmentation et les bombes-grappes. En effet, a-t-elle fait observer, ce sont les munitions non explosées des bombes à fragmentation qui posent le plus grave problème au regard des droits de l'homme. Toutefois, Mme Hampson a suggéré que la Sous-Commission poursuive ses recherches et les confie à l'un de ses membres.
M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a déclaré que par principe, il ne faudrait pas confier de travaux à des personnes qui ne sont pas ou plus membres de la Sous-Commission, comme l'a recommandé la Commission elle-même. Or, M. Sik Yuen n'est plus membre de la Sous-Commission et se retrouve donc en porte-à-faux; s'il était venu présenter son document, c'eût été à ses propres frais. En outre, ce document est trop ambitieux car il entend traiter d'un trop grand nombre d'armes. Il n'en demeure pas moins que c'est là l'occasion de rappeler qu'il existe un lien entre les questions d'armement et les droits de l'homme. Mais ce lien doit être abordé sous l'angle juridique. Pour ce qui est par exemple des armes nucléaires, il ne saurait être question d'aller plus loin que l'avis de la Cour internationale de 1996. M. Decaux a mis en garde contre le risque d'amalgame dont témoigne notamment un passage du document de M. Sik Yuen (page 3) qui affirme que les États qui utilisent les armes de destruction massive ont le devoir d'indemniser, de nettoyer et d'avertir. L'alternative qui s'offre donc à la Sous-Commission est soit d'arrêter cette étude, soit d'en confier la tâche à un membre actif de la Sous-Commission originaire du même groupe régional que M. Sik Yuen mais en la recadrant de manière plus rigoureuse.
M. SHIQUIU CHEN, expert de la Sous-Commission, a pour sa part estimé que le rapport sur les armes massives rendait compte de l'évolution dans ce domaine et contenait des propositions intéressantes. Il a souligné l'accroissement constant du pouvoir de destruction de ces armes. Il a reconnu l'existence des quatre principes qui régissent l'utilisation de ces armes et a estimé que les bombes à fragmentation et les armes chimiques devraient être incluses dans la catégorie des armes à interdire. Il a estimé que les armes de destruction massive devraient être tout bonnement interdites, par traité ou non. Il a rappelé que le plus important reste le droit à la vie des êtres humains et que la science et la technologie devraient être mises au service des droits de l'homme et non au service de la destruction. Il a partagé l'avis de M. Yeung Sik Yuen, selon lequel des enquêtes devraient être menées sur les conséquences de l'utilisation d'armes à l'uranium appauvri et les armes employées dans les récents conflits en Afghanistan et en Iraq.
M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a affirmé que la question qui fait l'objet de l'étude engagée par M. Sik Yuen sur les armes de destruction massive est importante du point de vue droits de l'homme pour autant que l'on aborde la question sous l'angle du droit. L'analyse factuelle contenue dans ce document n'est pas entièrement exacte, a néanmoins estimé M. Eide. Il a déclaré que c'est désormais à un membre actif de la Sous-Commission qu'il incombera de poursuivre ce travail en identifiant plus précisément les questions de droits de l'homme soulevées dans le cadre de cette étude.
M. SOO GIL PARK, expert de la Sous-Commission, a regretté que M. Sik Yuen ne soit pas ici aujourd'hui car il aurait eu beaucoup de questions à lui poser. M. Park a fait part de sa préoccupation face au manque d'analyse dont pâtit le document de M. Sik Yuen sur les armes de destruction massive pour ce qui est de l'utilisation de ces armes par des acteurs non étatiques tels que les terroristes. Il est un fait que M. Sik Yuen s'est convaincu de l'effet néfaste des armes de destruction massive en se fondant sur les travaux du PNUD et sur des sources indirectes, a affirmé M. Park.
Quant au rapport de Mme Frey sur les armes légères et de petit calibre, il constitue un excellent suivi du travail de l'an dernier, a poursuivi M. Park. Il a émis des doutes quant à l'action de la Sous-Commission pour empêcher la prolifération de ce type d'armes. Il s'est néanmoins dit disposé à soutenir la plupart des recommandations figurant dans le rapport de Mme Frey.
MME BARBARA FREY, experte de la Sous-Commission, a souligné l'ampleur de son sujet d'étude sur les armes légères et leurs transferts et la variété de situations dans lesquelles elles sont utilisées pour violer les droits de l'homme. Elle a noté que les membres de la Sous-Commission avaient exprimé la volonté d'obtenir des précisions sur le concept de la «diligence voulue» et a déclaré qu'elle s'y emploierait. S'agissant de la disparité des États dans leur capacité à juguler la violence, elle a demandé à ses collègues du Sud de ne pas mal interpréter ses propos. Elle a déclaré qu'il n'était pas son intention d'attribuer une plus grande responsabilité aux États du Sud qu'aux fabricants et aux trafiquants d'armes légères.
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