LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SON DEBAT DE HAUT NIVEAU
Communiqué de presse CD/G/169 |
Commission des droits de l'homme DH/G/169
17 mars 2003
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SON DEBAT DE HAUT NIVEAU
Elle entend des représentants de haut niveau de la Colombie,
du Brésil, de la Lettonie, de la Grèce, de l'Ukraine, du Paraguay et de l'Autriche
GENEVE, le 17 mars -- la Commission des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, son débat de haut niveau en entendant des déclarations du Vice-Président de Colombie, du Secrétaire spécial aux droits de l'homme du Brésil, du Ministre de l'intégration de la Lettonie, du Ministre délégué aux affaires étrangères de la Grèce (au nom de l'Union européenne), du Secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'Ukraine, du Ministre des affaires étrangères du Paraguay et du Secrétaire général aux affaires étrangères de l'Autriche.
Le Vice-Président colombien, M. Francisco Santos Calderón, rappelant les exactions commises par les groupes armés illégaux dans son pays, a soulevé la question de la responsabilité des acteurs non étatiques dans les violations des droits de l'homme. Alors que le monde est témoin d'exécutions sommaires, de tortures, de séquestrations et d'atteintes à la liberté de mouvement, d'opinion, de résidence et d'organisation menées par des groupes subversifs, il a demandé si la position traditionnelle qui consiste à considérer que seuls les États peuvent être responsables de violations des droits de l'homme était toujours réaliste.
Rejetant la notion de «guerre juste», M. Nilmário Miranda, Secrétaire spécial aux droits de l'homme du Brésil, a affirmé que la seule guerre juste que reconnaissait son Gouvernement était la lutte contre la faim et la misère et que la seule «guerre préventive» qui méritait d'être déclarée était la guerre contre la propagation de la pandémie du VIH/sida sur le continent africain.
M. José Antonio Moreno Ruffinelli, Ministre des relations extérieures du Paraguay, a déclaré que les insuffisances en matière de droits de l'homme dans son pays, en particulier s'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, ne résultent pas d'une politique délibérée mais plutôt d'un manque d'infrastructures et de ressources financières ainsi que des effets des crises financières et du caractère inéquitable du commerce international. Il a néanmoins reconnu la nécessité pour l'État d'améliorer sa capacité de gestion ainsi que la lutte contre la corruption et l'impunité.
M. Nils Muiznieks, Ministre de l'intégration sociale de la Lettonie, a souligné les efforts menés par son pays pour réformer sa législation s'agissant de deux questions parmi les plus sensibles: à savoir la citoyenneté et la politique en matière de langue. Aujourd'hui, les organisations internationales des droits de l'homme reconnaissent que la législation lettone dans ces deux domaines est conforme aux normes internationales de droits de l'homme.
Le Ministre des affaires étrangères de l'Ukraine, M. Volodymyr Yelchenko, a regretté que les fonds alloués aux activités relatives aux droits de l'homme ne représentent que 1,54 % du budget ordinaire de l'ONU, ce qui ne couvre que 30 % des besoins du Haut Commissariat. Estimant que les contributions volontaires ne sauraient prendre en charge les 70 % restants, il a recommandé que les États Membres veillent à ce que la part du budget consacrée aux droits de l'homme soit augmentée en conséquence.
M. Anastasios Giannitsis, Ministre suppléant délégué aux affaires étrangères de la Grèce, intervenant au nom de l'Union européenne, a dénoncé le récent assassinat du Premier ministre de la Serbie, «acte de couardise qui montre le danger pour la démocratie que constituent l'extrémisme politique et la criminalité organisée». Il a aussi rappelé l'engagement et les efforts de l'Union européenne en faveur de la protection des droits de l'homme et des droits des minorités défavorisées.
M. Johannes Kyrle, Secrétaire-général du Ministère des affaires étrangères de l'Autriche, a notamment présenté les activités du Réseau pour la sécurité humaine qu'il préside. Le Réseau part du principe que la sécurité globale ne peut advenir sans volonté politique forte de combattre la pauvreté, et que droits de l'homme et sécurité ne peuvent que se renforcer mutuellement. M. Kyrle a aussi dénoncé le sort terrible fait aux enfants-soldats du nord de l'Ouganda, appelant à la désignation d'un envoyé spécial pour traiter ce cas. L'Ouganda a fait usage de son droit de réponse à ce sujet.
La Palestine s'est exprimée concernant la déclaration faite ce matin par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, s'agissant des efforts qu'il déploie face à la situation au Proche Orient.
La Commission reprendra son débat de haut niveau demain matin, dès 10 heures, afin d'entendre, notamment, la Ministre des affaires étrangères de la Suisse, les Vice-Premiers Ministres du Gabon et de la Croatie, le Ministre des affaires étrangères de la Serbie-et-Monténégro, les Vice-Ministres des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, de la Bulgarie et de l'Italie, le Ministre de la justice du Zimbabwe, le Directeur adjoint de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation et la science et la culture, le Secrétaire général de l'Organisation de la Conférence islamique, et le Secrétaire général de l'Union interparlementaire.
Débat de haut niveau
M. NILMÁRIO MIRANDA, Secrétaire spécial aux droits de l'homme avec rang ministériel du Brésil, s'est félicité de l'élection de la juge brésilienne Sylvia Steiner à la Cour pénale internationale, rappelant que le Brésil peut s'enorgueillir de compter parmi les fondateurs de la Cour. Il s'est également félicité de l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et de leur famille et de l'adoption d'un Protocole facultatif à la Convention contre la torture, deux instruments qui renforceront le cadre international de protection des droits de l'homme. À l'occasion du dixième anniversaire de la Conférence de Vienne, il s'est félicité des progrès accomplis au cours de cette décennie, regrettant toutefois que les recommandations de la Conférence de Durban contre le racisme (31 août-8 septembre 2001) n'aient pas encore été mis en pratique. Il a estimé qu'il était urgent de veiller à leur application et a regretté que la lutte contre le terrorisme ait conduit certains États à prendre des mesures contraires aux garanties judiciaires internationales. Il a souligné l'importance d'assujettir la lutte contre le terrorisme au respect des droits de l'homme. S'agissant de la situation au Moyen-Orient, M. Miranda a enjoint l'État d'Israël et l'Autorité palestinienne à reprendre le processus de paix. Dans ce contexte, il a estimé qu'il importait de mettre fin à la politique de châtiment collectif de la population civile des territoires occupés.
M. Miranda s'est inquiété de ce que l'imminence d'une guerre au Moyen-Orient augmente les conséquences de la crise humanitaire en Iraq et occulte l'examen des questions relatives aux droits de l'homme auquel doit se livrer la Commission. Il s'est également déclaré préoccupé par les suites des attentats du 11 septembre 2001 qui ont créé un terrain fertile au développement de positions racistes et xénophobes. Attirant l'attention sur la composition multiethnique de son pays et le fonctionnement harmonieux de la «mosaïque brésilienne», il a attiré l'attention sur le succès de son Gouvernement à démonter les thèses selon lesquelles le monde vit actuellement un «conflit de civilisations». Répudiant toute notion de «guerre juste», M. Miranda a affirmé que la seule guerre juste que reconnaissait le Gouvernement brésilien était la lutte contre la faim et la misère et que la seule «guerre préventive» qui méritait d'être déclarée était la guerre contre la propagation de la pandémie du VIH/sida sur le continent africain.
M. Miranda a ensuite présenté la politique de son gouvernement visant, entre autres, à assurer le droit à l'alimentation des 20 millions de brésiliens indigents. Il a insisté sur la volonté du Gouvernement brésilien d'assurer également le droit au logement et à la santé des groupes les plus vulnérables de la population brésilienne. En outre, il a fait part de l'adoption d'un Plan national pour l'éradication de l'esclavage, une réalité dont souffre encore 25 000 Brésiliens des zones rurales. Reprenant les propos du Directeur de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), selon lequel la communauté internationale a les moyens de remédier à la faim dans le monde, mais qu'il lui manque la volonté politique, il a fait part de la volonté du Brésil de se mobiliser dans ce sens. À cet égard, il a rappelé la proposition faite par le Président Lula au G-7 lors du sommet de Davos en faveur de la création d'un fonds international pour combattre la faim dans le monde en développement. Comme l'a suggéré le Président brésilien au Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, ce fonds pourrait fonctionner sur le modèle du Fonds mondial contre le paludisme. Dans la même optique, il a enjoint les Institutions de Bretton Woods à s'employer d'urgence à la mise en oeuvre des résultats de la Conférence de Monterrey (Mexique) sur le financement du développement et à réformer l'architecture financière internationale afin d'éviter les crises à répétition.
M. NILS MUIZNIEKS, Ministre de l'intégration sociale de la Lettonie, a déclaré qu'au fil des ans, la Commission des droits de l'homme des Nations Unies s'est avérée être l'un des plus importants forums où sont débattues les normes des droits de l'homme et où est contrôlé le respect de ces normes à travers le monde. Il a néanmoins estimé qu'il fallait reconnaître que la Commission n'est pas le seul acteur sur la scène des droits de l'homme et qu'une coopération plus étroite des États et des diverses organisations internationales est essentielle pour atteindre les objectifs communs avec les ressources limitées disponibles. Étant donné le nombre des acteurs impliqués dans la promotion et la protection des droits de l'homme, la coordination et une certaine division du travail sont essentielles, a déclaré le Ministre. Aussi, la Lettonie appuie fermement l'organisation, au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), d'une conférence sur l'antisémitisme en tant que menace pour la sécurité, dans la mesure où une telle conférence constituerait une contribution de grande valeur au débat global sur la prévention de la discrimination raciale et la promotion de la tolérance institué au sein des Nations Unies. S'il est vrai que le chevauchement des mandats peut renforcer le respect, il peut également entraîner une certaine confusion, a poursuivi M. Muiznieks. À titre d'exemple, il a fait observer que récemment, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, la Cour européenne des droits de l'homme et l'OSCE ont tous trois donné une évaluation différente d'une question de droits de l'homme particulière en Lettonie. Si cela a permis à chacun de crier victoire, cela n'a pas manqué de déboussoler le public, a-t-il souligné.
S'agissant du manquement de nombreux États à honorer leur obligation de faire rapport aux divers comités de l'ONU, M. Muiznieks s'est dit favorable à l'instauration d'un dialogue continu avec ces États en vue d'identifier les obstacles existants et les moyens de les surmonter. Le Haut Commissariat aux droits de l'homme devrait envisager d'apporter une assistance technique aux pays qui ne font pas rapport du fait d'un manque de capacité institutionnelle en la matière, a-t-il estimé. Il a par ailleurs indiqué que la Lettonie estime que d'autres propositions, tout aussi bienvenues, telles que la possibilité de présenter des rapports périodiques ciblés ou la possibilité de présenter des rapports consolidés, méritent d'être discutées plus avant. Pour sa part, a-t-il indiqué, le Gouvernement letton a pris plusieurs mesures afin de renforcer la capacité du pays à présenter ses rapports.
Depuis 1994-1995 le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a apporté une assistance technique à la Lettonie et a contribué à mobiliser les ressources des donateurs afin de mettre en place un programme national à long terme de formation à langue lettone, a rappelé le Ministre letton. Ce programme entendait aider les russophones établis dans le pays à acquérir la langue lettone et à s'intégrer dans la société lettone, a précisé M. Muiznieks. Ce programme a été un très grand succès et est désormais financé en premier lieu par des fonds nationaux et européens, a-t-il fait valoir. Tout au long des années 1990, l'OSCE, le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont apporté à la Lettonie une aide pour qu'elle réforme sa législation s'agissant de deux questions parmi les plus sensibles: à savoir la citoyenneté et la politique en matière de langue. Aujourd'hui, les organisations internationales de droits de l'homme reconnaissent que la législation lettone dans ces deux domaines est conforme aux normes internationales de droits de l'homme, a fait valoir le Ministre de l'intégration sociale. Il a par ailleurs indiqué que le bureau de son Ministère travaille en étroite collaboration avec un organe gouvernemental autonome, la Fondation d'intégration sociale, qui va débourser environ 2,35 millions d'euros provenant du budget gouvernemental et de fonds européens en faveur de projets visant le renforcement de la société civile et la promotion de la cohésion sociale. Le Ministre a en outre rappelé que son mandat inclut la coordination du soutien apporté aux activités culturelles des minorités et de la population autochtone du pays, en renforçant le dialogue du Gouvernement avec les minorités et en mettant en œuvre une politique de lutte contre toutes les formes de discrimination raciale. À cet égard, M. Muiznieks a précisé qu'il organisait le 4 avril prochain une grande conférence sur le racisme et l'intolérance en Lettonie, en coopération avec le Conseil de l'Europe. Cette conférence sera la première étape d'un processus de dialogue qui aboutira à un plan national d'action contre le racisme et l'intolérance, a-t-il précisé.
M. ANASTASSIOS GIANNITSIS, Ministre suppléant aux affaires étrangères de la Grèce, au nom de l'Union européenne et des pays candidats à l'adhésion, a tout d'abord évoqué pour le condamner l'assassinat du Premier ministre de la Serbie Zoran Djindjic. Cet acte souligne les dangers que constituent pour la démocratie et les droits de l'homme l'extrémisme politique et la criminalité organisée. L'Union européenne assure les forces réformatrices de la Serbie-et-Monténégro de son soutien et les encourage à poursuivre leurs objectifs.
M. Giannitsis a rappelé l'engagement constant de la Communauté européenne pour le renforcement du système des droits de l'homme des Nations Unies, et souligné l'importance de l'amélioration de la coopération des États avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme ainsi que des activités des rapporteurs spéciaux de la Commission. Dans le même ordre d'idées, la contribution des organisations non-gouvernementales aux travaux de la Commission est également très importante, par le lien qu'elles permettent de maintenir avec les aspirations de la société civile.
L'Union européenne a toujours eu à cœur d'intégrer pleinement les droits de l'homme dans la construction même de l'unité politique du continent; mais la protection de ces droits implique également que, quand ils sont bafoués, les responsables en soient punis, l'impunité ne pouvant engendrer que d'autres abus; d'où l'importance de la Cour internationale de justice, récemment inaugurée.
La promotion des droits de l'homme doit être orientée de façon toute particulière vers les groupes les plus défavorisés, victimes de la discrimination sous toutes ses formes. Cette situation doit cesser, l'égalité entre les sexes doit être garantie et appliquée à l'échelle mondiale, les enfants doivent être correctement traités, le racisme combattu et les droits des personnes souffrant de handicap garantis. D'autre part, la lutte contre la peine de mort et la pratique de la torture doit continuer, elle constitue d'ailleurs une priorité pour la Communauté européenne, qui salue ici l'adoption en décembre dernier du Protocole facultatif de la Convention contre la torture par l'assemblée générale des Nations Unies et appelle à sa ratification par tous les États.
M. VOLODYMYR YECHENKO, Secrétaire d'État aux affaires étrangères de l'Ukraine, a rappelé, à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la famine qui, à l'instigation du régime soviétique, a frappé son pays en 1932-1933 et qui a coûté la vie à quelque sept millions d'Ukrainiens, que la communauté internationale n'avait pas répondu à cette situation. Il a souligné l'importance du devoir de mémoire afin d'éviter que ne se reproduisent de tels crimes à l'avenir. Dans un tel contexte, il s'est félicité de l'entrée en fonction de la Cour pénale internationale en vue de mettre fin à l'impunité.
Soulignant l'importance du rôle des institutions nationales dans la promotion et la protection des droits de l'homme, il a estimé que la création de mécanismes nationaux de protection des droits de l'homme devrait figurer parmi les objectifs prioritaires des Nations Unies. Dans cette perspective, il s'est félicité du travail accompli par le Haut Commissaire aux droits de l'homme et des propositions du Secrétaire général des Nations Unies dans ce sens. Toutefois, il a attiré l'attention sur le fait que le succès de cette politique dépendrait, en grande partie, de la réussite de la restructuration du Haut Commissariat. À cet égard, il a regretté que les fonds alloués aux activités relatives aux droits de l'homme ne représentent que 1,54 % du budget ordinaire de l'ONU, ce qui ne couvre que 30 % des besoins du Haut Commissariat. Estimant que les contributions volontaires ne sauraient prendre en charge les 70 % restant, il a recommandé que les États Membres veillent à ce que la part du budget consacrée aux droits de l'homme soit augmentée en conséquence.
M. JOSÉ ANTONIO MORENO RUFFINELLI, Ministre des relations extérieures du Paraguay, a souligné que son pays participe aux travaux de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies avec la conviction d'avoir, au cours de la décennie écoulée, déployé d'importants efforts et réalisé d'importantes contributions dans ce domaine. Relevant que la les affrontements et menaces de conflits qui mettent en péril la paix et la sécurité internationale dans diverses régions du monde, le Ministre a souligné que son pays soutient toujours la résolution pacifique des différends à travers le dialogue, la compréhension mutuelle, le droit international et la protection des droits de l'homme. Le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le crime organisé transnational et la corruption portent atteinte aux droits de l'homme, sapent les fondements mêmes des démocraties, et exigent des États et des sociétés qu'ils agissent avec détermination, en faisant preuve de solidarité et de coopération et en maintenant un dialogue permanent pour surmonter ces problèmes. Rappelant que son pays s'est associé énergiquement à la lutte frontale contre le terrorisme international, il a tenu à signaler qu'en mettant en œuvre les actions préventives antiterroristes, les organes de sécurité de l'État et les organes juridictionnels ont scrupuleusement respecté les normes de droit international en matière de droits de l'homme et ont appliqué strictement les règles du droit à un procès équitable et les garanties judiciaires.
M. Moreno Ruffinelli a toutefois souligné que d'autres menaces pèsent sur la stabilité démocratique et sur le développement et requièrent une cohésion semblable voire supérieure des États et des organismes internationaux pour être surmontées.. Il a rappelé l'augmentation de l'extrême pauvreté, les immenses fractures sociales, ainsi que le manque de justice sociale qui alimentent les sentiments de discrimination et d'intolérance. D'autre part, le protectionnisme et les inégalités qui freinent les nations en développement constituent autant de facteurs limitant et affaiblissant sensiblement la pleine réalisation du droit au développement, a souligné le Ministre. Il a indiqué que son pays considère l'incorporation d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels pourrait doter le système d'un mécanisme effectif pour assurer la réalisation de ces droits.
M. Moreno Ruffinelli a rappelé que le 27 avril prochain, le Paraguay connaîtra sa cinquième élection depuis l'ouverture démocratique de 1989. Le processus électoral se met en place normalement sous la supervision d'un tribunal supérieur de justice électorale, organe indépendant, et fera l'objet de la présence d'observateurs internationaux, a-t-il souligné. Il a par ailleurs estimé que l'une des exigences fondamentales présidant au bon fonctionnement de la Cour pénale internationale, récemment installée, réside dans sa compétence universelle. Aussi, a-t-il lancé un appel à tous les pays qui ne l'ont pas encore fait afin qu'ils acceptent sans réserve la compétence obligatoire, en particulier, de la Cour pénale internationale et de la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Se disant conscient que des défaillances subsistent en matière de droits de l'homme dans son pays, en particulier s'agissant des droits économiques, sociaux et culturels, le Ministre a assuré que cet état de fait ne résulte pas d'une politique délibérée du Paraguay mais plutôt d'un manque d'infrastructures et de ressources financières ainsi que des effets des crises financières régionales et du caractère inéquitable du commerce international. Il a néanmoins reconnu que pour répondre effectivement à ces problèmes, l'État se doit d'améliorer sa capacité de gestion ainsi que la lutte contre la corruption et l'impunité (en renforçant le système judiciaire). Le Ministre paraguayen des affaires extérieures a indiqué que le mercredi 19 mars prochain, il signerait avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme un accord de coopération technique.
M. JOHANNES KYRLE, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères de l'Autriche, a présenté le Réseau pour la sécurité humaine, auquel participent, outre l'Autriche, le Canada, le Chili, la Grèce, l'Irlande, la Jordanie, le Mali, les Pays-Bas, la Norvège, la Slovénie, la Suisse, la Thaïlande. Ces pays s'efforcent de promouvoir un monde où règneraient la sécurité et la dignité de chacun. Le Réseau pour la sécurité humaine a choisi une action centrée sur l'être humain pris individuellement et dans le cadre de sa communauté, ce qui le distingue d'autres approches plus traditionnelles; il accorde une grande importance à la collaboration avec les organisations non-gouvernementales. Le Réseau part du principe qu'il ne peut y avoir de sécurité globale sans volonté politique de combattre la pauvreté, et que droits de l'homme et sécurité ne peuvent que se renforcer mutuellement.
M. Kyrle a par ailleurs présenté deux grandes préoccupations humanitaires de l'Autriche : formation aux droits de l'homme pour encourager leur respect universel; et protection des droits des enfants. Dans le cadre de la formation aux droits de l'homme, outre une activité législative importante, l'Autriche a publié un manuel pratique. Ces mesures permettront la création d'un véritable cadre d'action pour tous les partenaires du Réseau pour la sécurité humaine, et sera aussi utile aux travaux du Haut-Commissaire aux droits de l'homme dans ses propres efforts en matière de formation aux droits de l'homme. S'agissant de la protection des droits des enfants en général et des fillettes en particulier, une stratégie d'action a été mise au point par le Gouvernement autrichien. L'Autriche est très préoccupée également par le sort des enfants-soldats embrigadés de force. Le Ministre a ici dénoncé le cas tragique des enfants enlevés, au nord de l'Ouganda, par une milice qui les envoie au combat ou les réduit à l'état d'esclaves sexuels. La Commission des droits de l'homme devrait mandater un envoyé spécial dans cette région pour enquêter sur ces abus et proposer des mesures pratiques de rétablissement des droits des enfants.
M. Kyrle a conclu son intervention en rappelant le rôle central des droits de l'homme dans la résolution des conflits et, partant, l'importance de l'action de la Commission des droits de l'homme, parallèlement aux efforts que déploie le Conseil de sécurité des Nations Unies.
M. FRANCISCO SANTOS CALDERÓN, Vice-Président de Colombie, a insisté sur la nécessité de poursuivre le débat sur la question de savoir qui sont les responsables des violations des droits de l'homme. Il a demandé si l'on pouvait toujours affirmer que seuls les États sont responsables de ces violations et a affirmé que l'expérience colombienne mettait à mal cette position traditionnelle. Il a rappelé que le monde était témoin des pratiques d'exécutions sommaires, de tortures, de séquestration et d'atteintes à la liberté de mouvement, d'opinion, de résidence et d'organisation, menées par des groupes subversifs. Il a rappelé que les débats de la Sous-Commission pour la promotion et la protection des droits de l'homme en août dernier ont montré le caractère d'urgence de cette question. Il a également rappelé les conclusions du Rapporteur spécial sur l'utilisation des mercenaires, présentées à la session de 2001 de la Commission, qui attirait l'attention sur les activités de groupes armés agissant en cheville avec les narcotrafiquants. Il apparaît donc évident que ces groupes armés et ces mercenaires agissent en contradiction avec le droit international autant que national. Il a demandé s'il était toujours possible de continuer d'ignorer les agissements de ces groupes et de conserver une approche strictement juridique des droits de l'homme. M. Calderón s'est déclaré d'avis que les victimes de ces groupes espéraient que la Commission des droits de l'homme progresserait dans l'élaboration d'un mécanisme de dissuasion des auteurs de ces exactions.
Le Vice-Président colombien a estimé que le caractère transnational de ces groupes criminels et de leur financement amenait une autre question concernant les obligations de la communauté internationale puisqu'il est notoire que les capitaux qui servent à financer le terrorisme proviennent du trafic de stupéfiants et transitent par les grandes banques internationales. S'appuyant sur l'exemple de la Colombie, il a attiré l'attention sur le fait que les actions menées par ces groupes armés illégaux visaient à créer un climat de chaos, à détruire l'infrastructure économique du pays, à porter atteinte à ses institutions et à saper la volonté démocratique de sa population. Ces groupes sont responsables de nombreuses exécutions de civils, du déplacement de populations et du trafic de stupéfiants qui leur fournit quelque 800 millions de dollars de revenus annuels. Face au coût élevé payé par la société et la population colombienne aux activités de ces groupes, M. Calderón a exhorté la communauté internationale à prendre dûment en considération les exactions commises par les groupes armés illégaux, car il est criminel de prétendre que ce sont des combattants politiques. Dans ce contexte, il a demandé à la communauté internationale s'il suffisait de condamner le terrorisme et d'exiger des seules institutions colombiennes qu'elle oblige ces groupes armés à respecter le droit international humanitaire. Il a déclaré que son pays attendait des réponses novatrices de la Commission et a appelé à une plus grande solidarité internationale dans ce domaine.
M. Calderón a enfin rendu compte des mesures et des politiques adoptées par son Gouvernement en vue de renforcer la sécurité démocratique et de s'acquitter des obligations qu'il a souscrit au regard des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Il a donné les détails des mesures prises par son Gouvernement en vue d'empêcher que les déplacements de populations et de protéger tous les Colombiens des exactions commises par des groupes armés illégaux. Il a réitéré l'invitation du Gouvernement colombien au Haut Commissaire aux droits de l'homme.
Droit de réponse
L'Ouganda a répondu à l'intervention, cet après-midi, du Secrétaire général aux affaires étrangères de l'Autriche, qui, en tant que Président du Réseau pour la sécurité humaine, a demandé à la Commission de recommander l'envoi d'une personnalité en Ouganda. L'Ouganda souligne que, pour lui, le mandat du Réseau pour la sécurité humaine n'est pas encore clair. Cette entité est entrée en contact avec le Gouvernement ougandais et lui a proposé son appui dans le cadre des efforts du Gouvernement pour mettre un terme aux enlèvements d'enfants perpétrés par l'Armée de résistance du seigneur (LRA). Le Gouvernement ougandais cherche actuellement à voir comment cette aide peut lui être apportée. À plusieurs reprises ces dernières années, la Commission a adopté des résolutions dénonçant les activités de la LRA et demandant la cessation des activités de ce groupe rebelle. La Commission est restée saisie de cette question et l'Ouganda est satisfait de la façon dont elle l'a traitée. Le Gouvernement ougandais ne pense pas que la situation s'améliorera par une accumulation de rapports. Il faut chercher une solution sur la base des rapports existants. C'est pourquoi le Gouvernement ougandais n'est pas favorable à une décision qui demanderait d'envoyer dans le pays une personnalité qui serait chargée de rédiger un nouveau rapport.
Autre déclaration
La Palestine a déclaré que le désir exprimé par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme de visiter la Palestine au terme des travaux de la présente session de la Commission n'est certes pas fortuit : il fait écho à la gravité des menaces contre les droits de l'homme du peuple palestinien. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme recevra un accueil chaleureux en Palestine lors de son déplacement, a assuré l'observateur de la Palestine.
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