LA CONFERENCE DU DESARMEMENT ENTEND DES DECLARATIONS DE CUBA ET DU JAPON
Communiqué de presse CD/G/577 |
CD/G/577
20 février 2003
LA CONFERENCE DU DESARMEMENT ENTEND DES DECLARATIONS DE CUBA ET DU JAPON
Le Président informe la Conférence quel'Iraq renonce
à assumer la prochaine présidence de la Conférence du désarmement
Genève, le 20 février -- La Conférence du désarmement a entendu, ce matin, les interventions de Cuba et du Japon, qui ont exposé leurs positions concernant la situation internationale dans le domaine de la paix et de la sécurité internationale et les travaux de la Conférence. La Fédération de Russie et le Sénégal sont également intervenus.
Cuba a regretté que la situation mondiale actuelle ne soit pas encourageante pour le désarmement. La lutte contre le terrorisme est un nouveau prétexte pour imposer des politiques unilatérales et des doctrines de guerre, notamment le droit de lancer des attaques qualifiées de préventives - y compris nucléaires - contre de prétendus «États voyous». Certains États se sentent autorisés à dresser des listes de bons et mauvais États, de les juger et de distribuer les châtiments. Cuba rejette les allégations sans fondement de non-respect des instruments internationaux sur les armes de destruction massive et souligne que des preuves doivent être présentées pour étayer de telles accusations. Dans la situation internationale actuelle, tous les États ont la responsabilité de préserver le système juridique international dans le domaine du désarmement et de la limitation des armements.
Le Japon a pour sa part estimé qu'il est urgent de contrôler et gérer les matières fissiles nucléaires pour préserver la paix et la sécurité internationale, alors que le monde est confronté à la menace croissante que représente la prolifération nucléaire. Il appelle à entamer immédiatement des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires. Selon le Japon, la communauté internationale ne saurait se permettre de perdre encore une année alors que les armes de destruction massive, y compris des armes nucléaires, continuent de se propager vers des États et des terroristes.
La Fédération de Russie a invité les membres et observateurs de la Conférence à participer à une rencontre officieuse, le 25 février, destinée à examiner un document de travail portant sur la prévention de la course aux armements dans l'extra-atmosphérique. Le Sénégal a exprimé son appui aux propositions et initiatives qui ont été faites pour sortir la Conférence de l'impasse et souhaite apporter tout son soutien au processus qui va s'engager.
En début de séance, le Président de la Conférence du désarmement a exprimé les condoléances et l'expression des profonds regrets de la Conférence aux peuples et aux gouvernements du Pakistan, de la République islamique d'Iran et de la République de Corée, ainsi qu'aux familles des victimes, pour la perte tragique de nombreuses vies humaines dans des accidents survenus dans ces pays hier et avant-hier. Les représentants de ces trois pays ont exprimé leurs remerciements à la Conférence du désarmement pour les condoléances qui leur ont été adressés.
Le Président a par ailleurs informé la Conférence que, vendredi 13 février, le secrétariat a reçu une note verbale de la part du chargé d'affaires de l'Iraq l'informant que l'Iraq n'assurerait pas la prochaine présidence de la Conférence du désarmement. Des exemplaires de cette note verbale ont été adressés aux coordonnateurs de groupes le lundi 17 février 2003. En conséquence, après la présidence exercée par l'Indonésie, la Conférence sera présidée par l'Irlande.
Le Président de la Conférence, l'Ambassadeur Djismun Kasri d'Indonésie, assumant la présidence pour une période de quatre semaines, a déploré qu'un accord sur le programme de travail continue d'échapper à la Conférence. Il a invité les délégations à utiliser pleinement le mécanisme des réunions informelles, avec ou sans experts, qui peut être le plus important dont dispose la Conférence actuellement et qu'elle pourrait utiliser immédiatement pour examiner les questions quant au fond. Il faudrait redoubler d'efforts pour sortir de l'impasse et trouver une solution de compromis qui permettrait de se remettre au travail.
La Conférence du désarmement a décidé d'accepter les demandes de Madagascar et de la Slovénie de participer aux travaux de la Conférence à titre d'observateurs.
La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra le jeudi 27 février, à 10 heures.
Déclarations
M. DJISMUN KASRI (Indonésie), assumant la présidence de la Conférence pour une période de quatre semaines, a salué les efforts inlassables du Président sortant, l'Ambassadeur Rakeesh Sood d'Inde, pour permettre à la Conférence d'entamer ses travaux de fond. M. Kasri a indiqué son intention de poursuivre ces efforts en prenant les constatations qu'il a formulées la semaine dernière comme point de départ pour les consultations qu'il tiendra lui-même avec les membres de la Conférence. À cette occasion il tiendra compte également des analyses, conclusions et recommandations des précédents présidents, ainsi que de toutes les propositions présentées par les délégations et groupes de délégations.
Bien qu'au fil des années la Conférence ait accumulé un grand nombre de propositions et d'idées sur la façon de faire progresser son travail quant aux fond, un accord sur le programme de travail continue de lui échapper, a regretté le Président. Il a souscrit à l'évaluation de ses prédécesseurs selon laquelle les principaux problèmes que rencontre la Conférence sont d'ordre politique. Il a exprimé l'espoir que la Conférence examinerait avec attention les diverses propositions et suggestions et qu'elle recherchera des solutions de compromis.
La Conférence ne s'est pas encore mise d'accord sur son programme de travail, cependant, il est essentiel qu'elle conserve sa capacité de négociation et procède à un débat quant au fond. Après tout la Conférence a adopté son ordre du jour et, comme le stipule l'article 19 de son règlement intérieur, les travaux de la Conférence se déroulent en séance plénière ainsi que dans le cadre de divers arrangements supplémentaires agréés par la Conférence notamment des réunions informelles avec ou sans experts. En conséquence, il a invité les délégations à utiliser pleinement ce mécanisme qui peut être le plus important dont dispose la Conférence actuellement et qu'elle pourrait utiliser immédiatement pour examiner les questions quant au fond.
L'impasse dans laquelle se trouve actuellement la Conférence préoccupe toutes les délégations, a souligné le Président. Il faudrait donc redoubler d'efforts pour en sortir et trouver une solution de compromis qui permettrait de se remettre au travail. Le Président a exprimé l'espoir que la Conférence saisira cette occasion de réaffirmer son rôle en tant que seule instance multilatérale de négociation sur le désarmement en mesure d'offrir de nouveaux instruments juridiques dans le domaine de la limitation des armements et du désarmement dans l'intérêt de l'humanité entière.
M. IVÁN MORA GODOY (Cuba) a rappelé à la Conférence du désarmement que son pays a ratifié, en octobre 2002, le Traité de Tlatelolco sur l'interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes, faisant de la région la première région habitée du monde exempte d'armes nucléaires. Cuba est en outre devenu, le 4 novembre, le 188ème État partie au Traité de non-prolifération nucléaire. M. Mora Godoy a souligné que la communauté internationale a salué ces mesures, en particulier du fait qu'elles interviennent dans une conjoncture internationale complexe dans le domaine du désarmement et de la limitation des armements, alors que le multilatéralisme, le droit international et les Nations Unies dans leur ensemble doivent plus que jamais recevoir l'appui de la communauté internationale. Ces décisions de Cuba sont d'autant plus importantes qu'elles sont intervenues sous le poids de l'hostilité permanente de la principale puissance nucléaire - la seule de l'hémisphère - contre le pays. M. Mora Godoy a ajouté que Cuba compte collaborer activement, dans le cadre du processus préparatoire de la prochaine Conférence d'examen du TNP, avec les États parties qui partagent ses préoccupations concernant les lacunes de ce traité et le non respect de leurs engagements par les puissances nucléaires.
Le représentant cubain a regretté que la situation actuelle ne soit pas encourageante pour la réalisation des objectifs pour lesquels la Conférence du désarmement a été créée. À la suite des événements tragiques du 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme, au lieu de favoriser une réponse concertée de la communauté internationale fondée sur le droit international et les principes de la Charte des Nations Unies, a servi encore une fois de prétexte pour imposer des politiques unilatérales et des doctrines de guerre, notamment le droit de lancer des attaques qualifiées de préventives - y compris nucléaires - contre de prétendus «États voyous». Certains États, enivrés par leur puissance, se sentent autorisés à dresser des listes de bons et mauvais États, de les juger et de distribuer les châtiments. Cuba partage le rejet, par le Mouvement des pays non alignés, des allégations sans fondement de non-respect des instruments internationaux sur les armes de destruction massive et la position selon laquelle les États parties doivent présenter des preuves pour étayer de telles accusations. La lutte contre le terrorisme ne doit pas représenter une menace contre la paix et la sécurité internationale plus grave encore que ce fléau. La délégation cubaine s'exprime ici en connaissance de cause, le peuple cubain ayant subi les atrocités du terrorisme du fait des politiques hostiles des États-Unis contre Cuba, a déclaré M. Mora Godoy. Il a ajouté que son pays lutte pour la libération de cinq jeunes cubains emprisonnés aux États-Unis pour leur lutte contre le terrorisme.
Cuba partage les préoccupations de ceux qui considèrent l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence comme une occasion manquée de renforcer le multilatéralisme et de traiter les problèmes de sécurité auxquels le monde est actuellement confronté. Il faut sans relâche rechercher une issue à une situation qui est le résultat d'une absence de volonté politique et d'engagement de la part de certains États, a déclaré le représentant cubain. Dans le nouveau contexte international, l'approche multilatérale apparaît de plus en plus comme la seule option viable pour résoudre les problèmes de paix et de sécurité internationale. M. Mora Godoy a souligné la responsabilité collective des États pour prévenir la consolidation d'un unilatéralisme susceptible de porter atteinte au rôle des Nations Unies. Cuba juge injurieux de parler de multilatéralisme lorsqu'on fait fi des buts et principes de la Charte des Nations Unies, que l'on bloque les négociations sur un protocole à la Convention sur les armes biologiques, que l'on menace d'un recours unilatéral aux armes nucléaires contre des pays dépourvus d'armes nucléaires, et que l'on refuse de traiter la question du désarmement nucléaire et la course aux armements dans l'espace sur une base multilatérale. Dans la situation internationale actuelle, a conclu le représentant cubain, tous les États ont la responsabilité de ne pas faiblir dans leurs efforts pour préserver le système juridique international dans le domaine du désarmement et de la limitation des armements. Le renforcement et l'élargissement de ce système doit être l'objectif constant de la communauté internationale, et la Conférence du désarmement joue le rôle principal à cet égard.
MME KUNIKO INOGUCHI (Japon) a souligné que le rapport du Forum de Tokyo sur la non-prolifération nucléaire et le désarmement indique qu'il existe dans le monde environ 3000 tonnes de plutonium et d'uranium fortement enrichi, dont moins d'un pour cent s'inscrit dans le cadre des garanties de sécurité de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Les deux-tiers du plutonium dans le monde et de l'uranium fortement enrichi a été produit spécifiquement pour des buts militaires. Il est donc urgent de contrôler et gérer ces matières fissiles nucléaires pour préserver la paix et la sécurité internationale, alors que le monde est confronté à la menace croissante que représente la prolifération nucléaire.
Mme Inoguchi a déclaré que l'appel à entamer immédiatement des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires trouve sa légitimité dans de nombreux instruments multilatéraux, notamment les Principes et Objectifs pour la non-prolifération nucléaire adoptés par la Conférence d'examen de 1995 du Traité de non-prolifération nucléaire, qui a appelé au commencement immédiat et à la conclusion rapide de négociations sur un traité sur les matières fissiles. Cet accord faisait partie d'un processus de négociation politique entre les États nucléaires et les États non dotés d'armes nucléaires. La raison principale de l'impasse de la Conférence semble être le résultat de positions divergentes entre les États nucléaires; cependant, il est essentiel de confirmer à nouveau que les États nucléaires ont pris un engagement à l'égard des États non dotés d'armes nucléaires pour le commencement immédiat de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles.
Selon le Japon, la communauté internationale ne saurait se permettre de perdre encore une année alors que les armes de destruction massive, y compris des armes nucléaires, continuent de se propager vers des États et des terroristes. En outre, un traité interdisant la production de matières fissiles est important en tant que mesure de désarmement nucléaire multilatéral qui serait mutuellement complémentaire avec les importantes mesures unilatérales et bilatérales qui ont été prises au cours des dernières années. Il est à craindre que l'inactivité de la Conférence depuis aussi longtemps risque de compromettre la capacité de négociation à Genève. La Conférence doit démontrer sa viabilité en tant qu'unique instance de négociation multilatérale dans le domaine du désarmement en recommandant immédiatement de négocier l'instrument le plus approprié en matière de sécurité internationale : le traité sur les matières fissiles.
Le Japon appuie la proposition Amorim (CD/1664) et la proposition des cinq Ambassadeurs (CD/1693), qui prévoient toutes deux la négociation du traité sur la base du rapport Shannon (CD/1299). Les deux propositions représentent l'option la plus réaliste pour un cadre à même de permettre à la Conférence de s'engager dans l'examen des questions qui sont prioritaires pour les pays. Alors que le Japon accorde le rang de priorité le plus élevé à la négociation d'un tel traité, il est disposé à accepter un programme de travail complet approprié en vertu duquel l'examen d'autres questions serait mené en parallèle avec des négociations sur les matières fissiles. En même temps, un argument unique ne devrait pas compromettre des progrès importants sur le plan multilatéral. Aucun lien tactique n'est viable à moins de représenter une partie substantielle des divers intérêts de la communauté internationale en matière de sécurité.
M. ANTON VASILIEV (Fédération de Russie) a rappelé que, le 25 février, la Russie organisera une rencontre officieuse destinée à examiner un document de travail (CD/1679) portant sur la prévention de la course aux armements dans l'extra-atmosphérique ainsi que des questions concernant la prévention de la course aux armements. Tous les chefs de délégations membres de la Conférence du désarmement sont invités à participer, ainsi que les États qui ont le statut d'observateur auprès de la Conférence. La Russie compte sur la participation active des délégations à l'occasion de cette rencontre officieuse qui aura lieu le mardi 25 février à 15h30 au Palais des Nations, en salle XI.
M. OUSMAN CAMARA (Sénégal) a assuré toutes les délégations de la totale collaboration de la délégation du Sénégal dans le travail important à accomplir pour aboutir à un consensus permettant la Conférence de s'engager dans son travail de fond. Le représentant a exprimé l'appui du Sénégal aux propositions et initiatives qui ont déjà été faites pour sortir la Conférence de l'impasse. Il a salué en particulier l'initiative de l'ambassadeur Amorim et celle des «cinq ambassadeurs» à cet égard. Le Sénégal pense que la Conférence doit à présent entamer le travail de fond qui est le sien. Le Sénégal souhaite apporter tout son appui au processus qui va s'engager.
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