LA SOCIETE CIVILE INVITEE A REVITALISER LA FEUILLE DE ROUTE ET A SE MOBILISER CONTRE LA CONSTRUCTION DU MUR DE SEPARATION ENTRE ISRAEL ET LA CISJORDANIE
Communiqué de presse AG/PAL/829 |
Conférence internationale de la société
civile a l’appui du peuple palestinien
matin & après-midi
LA SOCIETE CIVILE INVITEE A REVITALISER LA FEUILLE DE ROUTE ET A SE MOBILISER CONTRE LA CONSTRUCTION DU MUR DE SEPARATION ENTRE ISRAEL ET LA CISJORDANIE
La Conférence internationale de la société
civile à l’appui du peuple palestinien ouvre ses travaux
Dans le cadre de la Conférence internationale de la société civile à l’appui du peuple palestinien dont les travaux s’ouvraient aujourd’hui, le Secrétaire général, M. Kofi Annan, dans un message lu par M. Kieran Prendergast, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a rappelé l’importance de la Feuille de route en vue d’un règlement permanent du conflit israélo-palestinien sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. A l’instar de nombreux intervenants, il a regretté que de nombreux obstacles demeurent sur la route vers la paix, au premier rang desquels figurent les colonies de peuplement, les attaques terroristes perpétrées contre les civils et, plus récemment, la construction d’un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. Dans ce contexte, il a rappelé l’importance du rôle de la société civile pour l’achèvement du processus de paix.
Organisée par le Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, cette Conférence s’inscrit dans la continuité du thème de l’année précédente, «Mettre un terme à l’occupation» et a pour objectif de permettre à la société civile de discuter de la situation dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem, de coordonner ses activités et de proposer des solutions. A cet égard, le Secrétaire général, dans son message, a invité la société civile à élever sa voix contre le terrorisme qui porte préjudice à la cause palestinienne. Il a au même titre encouragé les initiatives de coopération entre les Organisations non gouvernementales israéliennes et palestiniennes en ce qu’elles permettent de créer des ponts et favorisent la confiance et le respect mutuel des deux peuples.
Pour sa part, M. Papa Louis Fall, Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a attiré l’attention sur la cause profonde du conflit qui selon lui réside dans l’occupation israélienne du territoire palestinien. La complémentarité de l’engagement de la communauté internationale et des actions de la société civile a une nouvelle fois été présentée comme un élément crucial du processus de paix. En effet, si la supervision de l’application de la Feuille de route revient au Quatuor, la société civile doit de son côté organiser des campagnes d’information sur les causes profondes du conflit. La communauté internationale doit quant à elle mobiliser un soutien plus large en vue du déploiement d’observateurs internationaux, voire de l’envoi d’une force multinationale de stabilisation. Mme Naomie Chazan, ancienne membre de la Knesset, a également prôné la mise en place d’une tutelle internationale sur la bande de Gaza et la Cisjordanie, en vue d’accélérer le retrait israélien. Renvoyant la société civile à ses responsabilités face à la crise des leaderships israélien et palestinien ayant mené à la montée des extrémismes, elle l’a aussi invitée à revitaliser la Feuille de route.
Cependant, c’est la question de la construction du mur de séparation dont les parties pénètrent en territoire palestinien qui a été au cœur des interventions des représentants de la société civile qui se sont exprimés dans le cadre des deux séances plénières d’aujourd’hui consacrées aux thèmes «Situation sur le terrain» et «Société civile en état de siège». C’est ainsi que les dommages sur l’environnement de la construction du mur ont été qualifiés «d’arme de guerre» contre les Palestiniens. De l’avis de la grande majorité des intervenants, l’édification de ce mur représente un obstacle supplémentaire à la fourniture de l’aide humanitaire et rend d’autant plus difficile le travail de la société civile et de la communauté internationale sur le terrain. A cet égard, la question de la sécurité du personnel humanitaire et des civils qui se rendent sur le terrain pour venir en aide au peuple palestinien a été illustrée par le témoignage de Mme Cindy Corrie, mère de Rachel Corrie, ancien membre d’International Solidarity Movement (ISM), décédée sous un bulldozer israélien le 16 mars dernier.
La conférence reprendra ses travaux demain à 10 heures.
SEANCE INAUGURALE
M. Kieran Prendergast, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, donnant lecture d’un message du Secrétaire général, M. Kofi Annan, a rappelé que les Israéliens et les Palestiniens, avec l’aide du Quartet et de la communauté internationale, se sont engagés à l’égard de la Feuille de route dont les objectifs sont clairs: mettre fin au terrorisme et à la violence, mettre fin à l’occupation, assurer un règlement permanent du conflit sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, concrétiser la vision de deux Etats vivant côte à côte en paix dans des frontières sûres et reconnues. Si l’on veut que les Palestiniens aient une vie normale et que les Israéliens vivent en paix et en sécurité à l’abri de la peur, nous devons poursuivre nos efforts pour le respect de la Feuille de route. Cependant, la route vers la paix compte de nombreux obstacles, au premier rang desquels figure l’interruption du cessez-le–feu, l’accroissement du niveau de violence et les attaques suicide meurtrières. Des civils continuent d’être tués. C’est pourquoi nous lançons un appel pour que les parties fassent preuve de retenue et mettent fin au cycle de la violence. Les deux parties doivent coopérer pour faire évoluer le processus de sécurité. La Feuille de route offre la meilleure façon d’aboutir à la création d’un Etat palestinien. Les deux parties doivent donc suivre cette voie avec l’aide de la communauté internationale.
Les colonies de peuplement représentent un obstacle grave pour la mise en œuvre de la Feuille de route, de même que la construction du mur. Ces activités menacent la vision d’un Etat palestinien viable. De son côté, l’Autorité palestinienne doit agir de façon décisive pour qu’il soit mis fin aux attaques terroristes. La société civile doit élever sa voix contre le terrorisme qui porte préjudice à la cause palestinienne. Les Nations Unies et les donateurs internationaux s’engagent pour leur part à poursuivre le travail de développement sur le terrain. Le travail de la société civile en partenariat avec les Nations Unies contribue aux efforts de paix. Dans le même temps, il faut souligner que les initiatives de coopération entre les Organisations non gouvernementales israéliennes et palestiniennes revêtent une importance toute particulière en vue de créer des ponts et favoriser la confiance et le respect mutuel des deux peuples.
M. PAPA LOUIS FALL, Président du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien, a déclaré que la majorité des gouvernements et organisations de la société civile s’accordent à penser que pour apporter la paix à la région troublée du Moyen-Orient, il faut s’attaquer à la cause profonde du conflit, à savoir l’occupation israélienne du territoire palestinien. Le Président du Comité a décrit la situation sur le terrain comme étant sombre. En dépit des efforts des parties et de la communauté internationale, l’affrontement et la violence règnent sur le terrain et le processus politique relancé par la Feuille de route du Quatuor s’est encore une fois enrayé. Le coût humain de près de trois années de violence et de destruction est dévastateur, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens. Les privations économiques du peuple palestinien ont atteint un niveau de crise rarement égalée. Des milliers de familles n’ont plus de source de revenu et sont tributaires des secours d’urgence tandis que la crise humanitaire atteint des proportions catastrophiques.
Malgré les condamnations internationales, l’expansion israélienne des colonies de peuplement se poursuit sur le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem. Contrairement aux exigences de la Feuille de route, le Gouvernement israélien examine actuellement des plans d’expansion des colonies de peuplement à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Le Gouvernement a décidé d’intensifier sa politique du fait accompli et de construire un mur de séparation dont les parties pénètrent profondément en territoire palestinien.
La période de calme relatif qui a suivi la déclaration du cessez-le-feu par les factions palestiniennes en juin a pris fin avec la reprise du cycle de violence en août 2003 avec la poursuite des incursions israéliennes dans des villes palestiniennes et avec les trois attaques suicide à la bombe perpétrées par des Palestiniens déclarant venger des dirigeants tués par Israël. L’attaque du 19 août contre un bus à Jérusalem était la plus meurtrière causant la mort de 20 Israéliens dont six enfants et en blessant une centaine. Le Comité, une fois de plus, a condamné ces actes odieux qui frappent non seulement la sécurité personnelle des Israéliens et des Palestiniens et portent un coup sérieux aux efforts investis pour le règlement pacifique du conflit. Il est urgent que la communauté internationale convainque les parties à revenir à la table des négociations.
La mise en œuvre de la Feuille de route exige aujourd’hui plus que jamais l’appui international le plus large possible. Ce processus ne réussira que si les parties s’engagent à respecter le principe de l’échange de «la terre contre la paix». Si la supervision de l’application de la Feuille de route est confiée au Quatuor, nombre de représentants de la société civile jouent un rôle complémentaire des plus significatifs. Les organisations de la société civile doivent maintenir et intensifier leurs initiatives. Il est impérieux de lancer des campagnes d’information sur les causes profondes du conflit et sur les droits légitimes des parties palestiniennes et israéliennes. Apporter des secours d’urgence aux Palestiniens et restaurer leur économie doivent être des autres priorités de la société civile.
Compte tenu de la gravité de la situation actuelle, il faudrait tout particulièrement mobiliser un soutien plus large en vue du déploiement d’observateurs internationaux, voire de l’envoi d’une force multinationale de stabilisation. Il faut que les parlements, les ONG et l’opinion publique fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir l’application de la quatrième Convention de Genève et de la Déclaration relative au Territoire palestinien occupé. Pour sa part, le Comité est prêt à appuyer toute initiative visant à mobiliser et coordonner les actions orientées vers le règlement pacifique de la question de Palestine
M. Nasser Al-Kidwa, Observateur permanent de la Palestine auprès des Nations Unies, a regretté que la communauté internationale ne soit pas en mesure d’assurer la protection de tous ceux qui travaillent sur le terrain dans le Territoire occupé. Il faut garantir de meilleures conditions de travail pour ces agents, lesquelles représentent le prélude à une protection de tous les Palestiniens vivant sous occupation. La campagne meurtrière d’Israël s’est traduite par de nombreux crimes de guerre ainsi que par des exécutions arbitraires et extrajudiciaires. L’utilisation excessive et arbitraire de la force, la démolition injustifiée de maisons, la destruction d’infrastructures et de terres palestiniennes de même que les restrictions imposées aux déplacements des personnes et au mouvement des marchandises constituent une politique visant à détruire toutes les suites du processus d’Oslo pour revenir à la situation qui prévalait avant ce processus et empêcher la création d’un Etat palestinien souverain. Certains ont qualifié M. Sharon d’homme de paix alors que le Président Arafat était considéré comme un obstacle à la paix. Cette logique a mené certains à considérer que le conflit israélo-palestinien est une question de terrorisme alors qu’il s’agit d’occupation et de peuplement.
Nous nous opposons au terrorisme et aux attentats à la bombe qui prennent pour cible les civils israéliens en Israël car ils desservent la cause palestinienne et sont en contravention avec le droit international. Cependant, il faut aussi rappeler que le premier de ces attentats est survenu 27 ans après le début de l’occupation et l’implantation de 350 000 colons au sein des territoires occupés. La violence pour se défendre soi-même n’est pas du terrorisme mais une réaction contre les crimes odieux d’Israël. Nous ne pouvons pas accepter de donner une légitimité aux colonies de peuplement. Les choses achoppent car la partie israélienne refuse de se retirer des territoires. Les deux parties doivent accepter leurs droits respectifs. La Feuille de route représente une option raisonnable mais les problèmes sont survenus dès les premiers instants de son adoption par l’acceptation des réserves israéliennes qui ont sapé la quasi-totalité de son contenu. Dans le même temps, le mur expansionniste continue d’être construit et des milliers de domaines sont confisqués. La situation de fait est que ces territoires sont annexés. Il faut à présent revitaliser la Feuille de route sur la base d’un engagement réel et sérieux de la part des deux parties. Ce qui est également exigé est de préserver la légitimité internationale et le travail mené par l’ONU et ses agences. La mission palestinienne va tenter d’obtenir une position claire sur le mur expansionniste. Enfin, nous estimons que le travail des Nations Unies restera déterminant pour soutenir le peuple palestinien et sa lutte et permettre le retour à la table de négociations.
M. FINN MARTÍN VALLERSNES, Président du Comité sur la question du Moyen-Orient de l’Union interparlementaire et membre du Parlement norvégien, a évoqué les travaux récents du Comité pour relancer la confiance et la coopération entre les législateurs palestiniens et israéliens. Le Comité a toujours demandé aux deux parties de prendre des mesures de nature à mener à la fin du conflit, à savoir, faire cesser les attaques terroristes et le développement des colonies de peuplement. Un groupe de travail associant Israéliens et Palestiniens sera créé prochainement et sa première réunion est prévue fin septembre à Genève, donnant ainsi un exemple de coopération entre les parties et la société civile. Nous savons qu’il est quasiment impossible de s’entendre quand la confiance n’existe pas.
Il s’agit donc dans un premier temps de créer la confiance et de créer une brèche dans le mur de méfiance qui sera plus difficile à démolire que le mur de séparation israélien. Ce processus ne pourra progresser de manière durable que si les parties concernées avancent dans la même direction. Tous les éléments du processus de paix sont interdépendants et doivent être étudiés et mis en œuvre simultanément. Ces deux derniers mois ont prouvé que les parties doivent œuvrer à la mise en œuvre de leurs propres engagements et la communauté internationale de son côté doit mettre en place un mécanisme de vérification et de suivi plus robuste si l’on veut faire avancer la Feuille de route.
M. Thomas Neu, Président de l’Association des organismes internationaux pour le développement (AIDA) et représentant au Moyen-Orient pour l’aide américaine aux réfugiés du Moyen-Orient (ANERA), et représentant dans le territoire palestinien occupé, a précisé que les Organisations non gouvernementales (ONG) se heurtent à des difficultés énormes sur le terrain. Le taux de chômage dans le territoire dépasse les 40%, le revenu par habitant est de 46% de moins qu’au début de l’Intifada et 65% de la population dépend d’une aide extérieure. 150 villages ne sont pas raccordés à l’eau et dépendent du ravitaillement de camions citernes qui ont des difficultés à se déplacer. Les difficultés de transport d’eau entraînent une augmentation du prix du mètre cube. La malnutrition chez les enfants demeure également une question préoccupante et l’économie connaît un marasme profond. Les réunions entre les ONG se concentrent sur des questions telles que le contournement des barrages et les moyens pour les travailleurs humanitaires de rester en vie. Les ONG se heurtent à des difficultés opérationnelles graves sur le terrain. Certaines ONG, internationales et locales, doivent voyager le long de routes dangereuses en se procurant des permis de courte durée qui sont parfois annulés sans préavis. Il faut reconstruire le territoire palestinien en mettant fin à l’occupation pour que la société puisse vivre normalement.
la situation sur le terrain: obstacles à la paix
Exposés
M. JAMAL JUMA, Coordonnateur du Réseau des ONG palestiniennes pour l’environnement, Jérusalem, a dénoncé la construction du mur de séparation qui, depuis un an, constitue un désastre et apporte l’isolement dans la région de Qalkilya où un deuxième mur est en construction pour protéger le premier. Entre Rafah et Gaza, la deuxième partie du mur fait huit kilomètres, constitué de tranchées, de barrières électriques, et a isolé près de 11 500 personnes qui se retrouvent sans services de santé, sans écoles, sans commerces. Des arbres centenaires ont été déracinés par Israël, des centaines de maisons ont été détruites, une cinquantaine de villages se retrouvent séparés ou annexés, a-t-il poursuivi, tandis que près de 36 puits ont été coupés des habitants des villages qui ainsi ne peuvent plus s’approvisionner en eau potable. Les populations ne sont plus enregistrées dans les villages, ce qui constitue une première étape vers l’expulsion, tandis que des terres ont été détruites, le travail des producteurs agricoles a été anéanti. Falamieh, qui était la première région productrice d’agrumes, se retrouve désormais isolée, les plantations ont été détruites, les habitants ont tout perdu. Le sort des Palestiniens est tragique, toutes les personnes qui tentent de franchir la zone interdite sont abattues, a-t-il déploré, l’économie palestinienne a été anéantie, et les infrastructures sont démolies systématiquement et les conséquences sont graves dans la région de Falamieh: 700 familles de maraîchers se retrouvent sans-abri.
Annexions et conquêtes se poursuivent, un deuxième mur est en construction le long de la ligne verte, a dit M. Juma, avant d’expliquer que cette séparation n’a pas de motivations sécuritaires mais vise à poser un fait accompli dans des zones qui, selon les accords d’Oslo, revenaient à l’Autorité palestinienne. Avec ce mur, les Palestiniens ne pourront pas développer leurs infrastructures, les zones industrielles prévues dans les accords d’Oslo seront situées en zone contrôlée par Israël et des portes seront prévues pour que les Palestiniens puissent sortit des enclaves pour aller travailler. D’autre part, a poursuivi M. Juma, l’objectif d’Israël est également de contrôler l’accès aux ressources en eau et aux terres fertiles, et il importe de mettre fin à ces plans si l’on ne veut pas rendre caduque la «Feuille de route».
M. John REESE, Coordonnateur de la campagne américaine pour arrêter la construction du mur, Seattle, a rappelé que le Gouvernement israélien se sert de l’environnement en tant qu’arme de guerre contre les Palestiniens. De grandes quantités de terre ne peuvent plus être utilisées à des fins agricoles. Quelque deux cents industries déchargent leurs déchets la nuit en Cisjordanie ou les libèrent dans l’atmosphère. La construction du mur entraîne des dommages importants sur l’environnement: 100 000 arbres ont été déracinés et des centaines de serres ne sont plus utilisables. La construction du mur provoque également l’érosion des sols et la sédimentation des rivières. Israël cherche également à mieux contrôler l’eau par la construction du mur.
Mme NAOMIE CHAZAN, ancienne membre de la Knesset, Jérusalem, a jugé que la situation actuelle était la plus grave depuis trois ans et invité la société civile à tout mettre en œuvre pour contribuer à relancer la Feuille de route. Selon elle, le plus important consiste à convaincre les sceptiques de son caractère crucial. Le mur de séparation a des conséquences politiques graves et inadmissibles, a-t-elle dit, d’autant que pour ce qui est de Jérusalem, ce nouveau «tracé de frontière» s’est fait unilatéralement, en dehors de toute négociation. Par ailleurs, la poursuite des bouclages, des colonies de peuplement, des exécutions extra-judiciaires ne peuvent durer, a-t-elle dit, d’autant qu’Israël n’a pas mis fin aux colonies de peuplement depuis la réunion d’Aqaba. Il faudrait créer un fonds de compensation pour dédommager les colons que l’on relocaliserait en dehors de ces zones, car ils sont avant tout des colons économiques.
Un des obstacles les plus sérieux à la mise en œuvre de la Feuille de route est la crise de leadership des deux côtés, israélien et palestinien. Le Gouvernement Sharon est le plus conservateur de l’histoire d’Israël, a-t-elle dit, tandis que du côté palestinien, le conflit de leadership est inquiétant. Mais en cela, nous, société civile, avons une responsabilité: celle d’avoir laissé les groupes extrémistes définir l’agenda politique, tant en Israël que du côté palestinien où les groupes armés, Hamas, Djihad et Fatah combattent ouvertement le processus de paix. De son côté, la communauté internationale n’a pas pris ses responsabilités, ni au sein des Nations Unies, ni au sein du Quartet, a déploré Mme Chazan, avant d’encourager la reprise de négociations dès maintenant sur le statut final et permanent sur la base des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, le règlement devant intégrer une solution au statut de Jérusalem. L’intervenante a prôné enfin la mise en place d’une tutelle internationale sur la bande de Gaza et la Cisjordanie, à l’instar de ce qui s’est fait au Timor Oriental, pour accélérer le retrait israélien.
Mme Claudette Habesh, Secrétaire générale de Caritas Jérusalem, a estimé que la situation actuelle montre que la violence n’est pas un moyen de résoudre les problèmes. Face à l’appauvrissement de la population palestinienne, l’aide est importante mais nous estimons que ce n’est pas une solution viable. Les extrémistes des deux côtés sont devenus plus puissants. Les Palestiniens ne sont plus en sécurité, les Israéliens non plus. Les bouclages israéliens ont des conséquences lourdes sur l’économie palestinienne. Le chômage frappe plus de 50% des Palestiniens. Des millions de dollars investis dans l’infrastructure touristique ont été improductifs. La malnutrition augmente. L’accès aux traitements médicaux est très difficile. Parfois, des femmes ont dû accoucher sur le bord de la route, le taux de mortalité infantile a augmenté. L’éducation aussi a été touchée. Plus de 835 jours ont été perdus en trois ans à cause des bouclages et des incursions. Il ne faut pas rester passif mais faire entendre la voix de la morale. Combien d’autres morts innocentes sont-elles encore nécessaires pour réveiller le monde?
Mme MAHA ABU DAYYEH SHAMAS, Directrice du Centre d’aide et de conseils juridiques pour les femmes, Jérusalem, a insisté sur le respect des droits de la personne en rappelant que la guerre en Iraq, au printemps 2003, avait sapé encore davantage le principe de la primauté du droit au Moyen-Orient. Le droit humanitaire international a été élaboré pour défendre les populations, la paix et la sécurité internationales, mais il se trouve détourné à d’autres fins. Tous les Etats Membres des Nations Unies sont censés défendre les principes du droit humanitaire international, a poursuivi l’intervenante, notamment la Quatrième Convention de Genève. Israël est responsable de la protection de la population palestinienne, a-t-elle ajouté, déplorant que l’occupation, les exécutions, les destructions perpétrées par Israël n’aient jamais été condamnées. Tout cela a contribué à renforcer la machine puissante d’oppression israélienne au fil des années, a-t-elle dit, avant d’inviter la communauté internationale à tout faire pour contraindre Israël à respecter les droits des Palestiniens et à garantir leur protection.
Dans le contexte actuel de brutalité et de mépris de la société palestinienne, il semble impossible de parvenir à un accord durable sans intervention de partie tierce, et c’est là que le rôle de la société civile est important. Les négociations de paix, depuis 1993, ont été utilisées par Israël comme un outil supplémentaire pour déposséder les Palestiniens, car, pendant que l’on négociait, les colonies de peuplement étaient implantées, au vu et au su de la communauté internationale qui n’a jamais tenté de stopper ce processus.
Faute d’interprétation, la couverture de l’échange de vues n’a pu être assurée.
LA SOCIETE CIVILE EN ETAT DE SIEGE
Exposés
M. THOMAS NEU, Président de l’Association des organismes internationaux pour le développement (AIDA) et représentant au Moyen-Orient pour l’aide américaine aux réfugiés du Moyen-Orient (ANERA), a mis l’accent sur la diversité des activités de la société civile qui couvrent notamment la santé et l’éducation, la question des réparations, le lobbying. Aucune ONG ne peut régler les problèmes à elle seule. Une des caractéristiques des ONG dont les actions ont été couronnées de succès est le respect des priorités des uns et des autres. AIDA a été créée en 1967 et nous nous sommes concentrés sur le développement alors que d’autres se consacraient à des activités d’activisme ou de secours individuels. L’année dernière, AIDA a lancé une initiative hors du commun qui s’est traduite par une conférence conjointe qui a porté ses fruits. Les ONG ont pris des mesures importantes, notamment l’organisation de manifestations contre l’édification du mur de séparation.
Le représentant a rappelé que tous les jours, des délais excessifs sont imposés aux points de contrôle, le personnel local est harcelé, ce qui fait obstacle à l’action des organisations humanitaires sur le terrain. Nous demandons au Gouvernement israélien de garantir un accès sans entrave au personnel humanitaire. Nous avons lancé un appel à la communauté internationale lui demandant d’intervenir en ce sens mais depuis, rien n’a changé. Aurions-nous pu être plus efficaces, devrions-nous nous organiser différemment, s’est demandé le représentant?
La société civile travaille avec le peuple ordinaire qui malheureusement est directement affecté par cet état de siège. Nous comprenons les besoins en matière de sécurité de la part des Israéliens mais qui ne peuvent en aucun cas justifier les violations des droits de la personne humaine. Les agriculteurs ne peuvent plus travailler dans leurs champs sans autorisation préalable, les Arabes de Cisjordanie mariés aux Arabes d’Israël n’ont pas le droit de vivre ensemble. Ces exemples ne font qu’illustrer le fait que le domaine privé se rétrécit et que les libertés individuelles sont absorbées et deviennent otages du conflit politique. C’est donc dans le cadre de la sphère privée que la société civile est en crise. La seule voie vers une solution véritablement durable passe par l’autodétermination qui appartient au domaine public et par l’octroi de davantage de liberté individuelle dans le domaine privé.
Mme Cindy Corrie, Membre de l’Association des études sur la paix et la justice, Olympia, Washington, a rappelé que sa fille était membre d’un groupe de militants partis de leurs foyers pour se rendre dans les territoires par solidarité avec le peuple palestinien dans le cadre d’International Solidarity Movement (ISM), organisation formée pour fournir une protection internationale et tracer la voie de la résistance à une force d’occupation militaire surpuissante. Trois militants de cette organisation ont été tués cette année. Rachel Corrie est morte le 16 mars à l’âge de 23 ans écrasée sous les bulldozers israéliens. Le 5 avril, un autre citoyen américain a été victime des tirs du personnel de l’armée à Djénine et, le 11 avril, un citoyen britannique a aussi été tué. Ces trois militants n’étaient pas armés. Comme dans d’autres cas d’assassinats, les militaires israéliens n’ont assumé aucune responsabilité. Rachel portait une veste fluorescente et a crié mais le bulldozer a décidé de ne pas s’arrêter. Le Département d’Etat américain a fait savoir que la police venait de finaliser son enquête et qu’aucune accusation ne serait prononcée. Le dossier est clos. Les militaires ont conclu que le conducteur n’avait pas vu Rachel. Il faut faire en sorte que ces histoires ne soient pas oubliées. Le monde doit entendre ces tragédies et comprendre l’ampleur de la violence et de l’oppression dans lesquelles vit le peuple palestinien depuis trop longtemps.
M. ALLAM JARRAR, Membre du Comité directeur du Réseau des organisations non gouvernementales palestiniennes, a rendu hommage aux jeunes activistes pacifiques qui ont donné leur vie à une cause juste, celle des Palestiniens. Ces jeunes constituent l’autre face de la communauté internationale, une face qui respecte la dignité humaine. Nous nous trouvons à un moment critique. L’Intifada a commencé il y a trois ans comme une réaction à l’impasse dans laquelle se trouvait le dossier palestinien à la suite des Accords d’Oslo. Les causes profondes de l’Intifada sont doubles; à savoir la grave injustice envers les Palestiniens commise par le Gouvernement israélien et l’échec du processus d’Oslo à créer un climat politique propice à la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la résolution 242. Les Accords d’Oslo ont au contraire gravement endommagé l’intégrité territoriale de la Palestine avec la création de zones A, B et C. Le Gouvernement Sharon, se servant des attentats du 11 septembre, a lancé une offensive envers les Palestiniens en vue de présenter leur combat comme des attentats de nature terroriste dans le but de saper toute possibilité de créer un Etat palestinien viable.
Les efforts du Quartet ont abouti à l’acceptation par les deux parties de la Feuille de route. Malheureusement, ce processus politique n’a pas donné lieu à l’amélioration de la situation sur le terrain pour les Palestiniens. Les caractéristiques sur le terrain peuvent être décrites comme suit: violations quotidiennes des droits des civils palestiniens; 2 millions de personnes sur les 3 millions d’habitants de Gaza et de Cisjordanie vivent en deçà du seuil de pauvreté, absence d’accès des organismes humanitaires aux populations dans le besoin; entraves à la liberté de mouvement des personnes et des biens; construction du mur de séparation; poursuite des expropriations, incursions militaires, gel du processus politique et mise en œuvre de mesures coercitives. La meilleure solution pour prévenir une catastrophe humanitaire en Palestine passe par une participation directe de la communauté internationale. J’impute la responsabilité de la situation actuelle aux Nations Unies qui font partie du Quartet.
Il faut que les ONG mettent en œuvre les stratégies suivantes: œuvrer à montrer que l’occupation israélienne est au cœur du problème israélo-palestinien, militer contre l’édification du mur de séparation, continuer à mobiliser l’opinion en faveur de la protection du peuple palestinien, appuyer les travaux des organismes internationaux en Palestine, renforcer les contacts entre ONG et groupes de solidarité au niveau national et régional, appuyer les initiatives de paix en Israël, et planifier une action commune sur le terrain.
Mme Avia Pasternak, Représentante de Ta’ayush (Vivre ensemble), Tel-Aviv, a rappelé que le but principal de son organisation consiste à faire comprendre aux Israéliens que leur gouvernement s’efforce par sa politique de saper les infrastructures palestiniennes et de créer des conditions de vie insupportables pour les Palestiniens. L’organisation Ta’ayush œuvre pour que les Palestiniens puissent conserver leurs terres. Elle a été créée en 2000 après la deuxième Intifada en vue de présenter un modèle différent de coexistence. Nous établissons des partenariats entre communautés juives et palestiniennes en mettant l’accent sur l’action au niveau pratique et moins théorique. Nous protestons en particulier contre la construction du mur de séparation. Cependant, au cours des six derniers mois, Ta’ayush a du faire face à une nouvelle situation imposée par l’armée israélienne qui nous interdit l’accès aux territoires occupés. Les initiatives de la société civile ne sont pas suffisantes. Nos efforts doivent être relayés par ceux de la communauté internationale, laquelle devrait en particulier travailler à la sensibilisation de l’opinion publique israélienne.
M. AHMED BOUZID, Fondateur de Palestine Media Watch, Philadelphie, a déclaré que l’histoire du conflit israélo-palestinien telle que racontée dans les médias américains et britanniques est une «véritable farce». Au Royaume Uni, 95% des personnes ne savent pas qu’une occupation est en cours en Palestine et ce chiffre passe à 97% aux Etats-Unis. Le militantisme médiatique est nécessaire dans la mesure où les médias jouent un rôle crucial dans la formation de l’opinion publique. Si on peut influencer la couverture médiatique, alors l’opinion publique sera véritablement informée et la politique américaine à la longue sera modifiée. Le représentant a proposé des pistes d’action, parmi lesquelles la revitalisation du journalisme d’investigation. Les médias ont peur en réalité d’être accusés d’antisémitisme et de défendre les terroristes.
Discussion
Au cours de la discussion qui a suivi les exposés, un participant a rappelé la nécessité de condamner la politique d’Israël mais également celle du gouvernement américain qui prolonge l’occupation. Il faut aussi aborder la question des Palestiniens qui vivent en Israël. La question de savoir si une journée ou une semaine de réflexion pourraient être consacrées à la question de l’édification du mur a aussi été soulevée. Il a également été demandé que des enquêtes sur les crimes de guerre perpétrés par l’armée israélienne soient menées. La possibilité de reconnaître le Mouvement international de solidarité (ISM) comme étant une organisation de défense des droits de l’homme qui agit sans recourir à la violence permettrait de faciliter ses actions, a estimé un intervenant. Une intervenante a pour sa part demandé que l’on envisage la possibilité de boycotter les multinationales investissant en Israël. Il a été regretté que le combat des Palestiniens dans son ensemble soit souvent considéré comme une activité terroriste.
Une ancienne membre du congrès américain a souhaité que des intervenants de la Conférence internationale de cette année fassent part de leur expérience au Congrès américain car, a-t-elle insisté, il est important d’entendre ceux qui ne font pas partie des groupes de lobbying.
Le représentant du mouvement orthodoxe Neturei Karta International a expliqué que le judaïsme depuis des millénaires représente la foi en un Dieu alors que le sionisme, qui existe depuis 100 ans uniquement, repose sur des aspirations militaires d’occupation ce qui est contraire au Judaïsme. Il s’agit d’une falsification. Nous devons également faire comprendre aux Chrétiens que les Juifs qui suivent la foi juive ne veulent pas cette terre. S’agissant des médias, il faut être prudent et faire comprendre que ce ne sont pas les Juifs mais le sionisme, qui est un mouvement politique, qui est au centre de ce conflit. L’histoire montre que nous avons tous pu vivre ensemble au fil de l’histoire et que nous continuerons de le faire. Les Juifs doivent cesser de s’accaparer la terre des musulmans.
Un autre représentant a expliqué qu’Israël est un pays constitué de réfugiés provenant non seulement d’Europe à la suite de l’Holocauste mais également du monde entier fuyant les persécutions. Les Juifs ont connu un véritable traumatisme faisant dire un jour à un psychiatre palestinien que les Palestiniens tout comme les Israéliens étaient blessés et avaient besoin des uns et des autres pour guérir. Le sionisme, a précisé ce même représentant, n’est pas un mouvement raciste mais un mouvement qui croit en une société idéale. Le mouvement Neturei Karta International, qui s’érige contre le sionisme, ne constitue qu’une minorité au sein de la communauté juive et ne peut pas prétendre en être représentatif. Quant à ceux qui pensent que la puissance militaire d’Israël permettra de se débarrasser des Palestiniens et à ceux qui pensent que le terrorisme permettra de se débarrasser des Israéliens, ils se trompent. La plupart des Israéliens ont peur tout simplement. Il est par ailleurs faux de dire que les mois ayant suivi l’Intifada ont été dénués de violence envers les Israéliens. L’élection de Sharon six mois après le début de l’Intifada n’a été qu’une réaction à la violence envers les Israéliens. Il est essentiel de travailler sur la base de la vérité.
M. ALLAM JARRAR a convenu que la question de l’environnement et des ressources hydriques constituait une dimension importante du débat. Il a également convenu de la nécessité de faire pression sur le Congrès américain. Cindy Corrie a rappelé que si une force d’interposition avait été déployée dans les territoires, sa fille, Rachel serait encore en vie tout comme le serait d’autres militants de la paix. Nous avons eu l’impression par ailleurs que les Membres du Congrès ne sont pas informés de la situation sur le terrain. Il est donc extrêmement important de faire pression sur ses membres.
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